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RAPPEL DU SUJET
SUJET 1 : QUE GAGNE-T-ON EN TRAVAILLANT ?
LE CORRIGÉ
text pour voir apres
L’analyse du sujet
Ce sujet est assez classique, il correspond à une problématique fréquemment rencontrée sur la notion de travail. La
difficulté consistera essentiellement à sortir de la seule évidence : on gagne son salaire ! Pour y parvenir il faut prendre
la notion de travail au sens large, et ne pas la confondre avec l’exercice d’un métier. Ce sujet exige donc une maîtrise
minimum d’un cours sur le travail, mais il peut être ensuite abordé avec de multiples entrées et références.
En effet, travailler c’est transformer l’état initial des choses, et dans ce sens très général la plupart des activités
humaines, même non salariées, peuvent être considérées comme des « travaux » (travaux manuels, travaux ménagers,
travaux scolaires, travaux pratiques, etc.) Cela implique que non seulement on travaille quand on exerce un métier, et
qu’on touche un salaire, mais encore on travaille quand on fait le ménage, ou la cuisine chez soi, ou quand on s’exerce
au piano ou à l’endurance.
Cependant il faut bien opposer travail et repos d’une part, travail et jeu d’autre part, et enfin travail et loisir (temps libre).
Ces oppositions permettent de relever deux caractéristiques importantes du travail, la souffrance et la contrainte :
La notion de travail comporte une idée de souffrance, de pénibilité comme on dit aujourd’hui. Cette idée est
contenue dans la racine étymologique du terme (tripalium, ancien instrument de torture). Dans ce sens, on peut
penser qu’il « en coûte » de travailler, et que si l’homme pouvait échapper au travail il le ferait. La souffrance est
liée à la force dépensée dans le travail, qu’il s’agit aussi de reconstituer par le repos.
La notion de travail comporte une idée de contrainte : on ne travaille pas en général sans être soumis, soit à un
chef/ à un client, soit à des impératifs de divers ordres (objectifs à atteindre en un temps donné, contraintes
matérielles ou techniques, etc.) Donc travailler ce n’est pas faire ce que l’on a envie de faire comme on a envie de
le faire, et on ressent souvent le travail comme un obstacle à la liberté (les vacances / les loisirs sont considérées
comme des périodes de liberté).
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On voit que la notion de gain (ce qu’on gagne) et celle de travail sont finalement liées : gagner c’est acquérir un bien
matériel ou symbolique (gagner de l’argent, mais aussi gagner la confiance ou l’admiration de quelqu’un par exemple).
On peut aussi gagner contre quelqu’un, remporter une victoire : il faudra se demander si, quand l’homme travaille, il ne
mène pas une sorte de combat qu’il pourrait perdre, par exemple contre la nature, ou contre une autre force (sociale par
exemple, selon le modèle de la « lutte » des classes) qui s’oppose à lui.
Il y a une relation complexe entre le gain et l’échange : quand j’échange quelque chose, je « gagne » l’équivalent de ce
que je perds, ce gain existe (si je n’y avais aucun avantage, je n’échangerais pas, donc j’y gagne quelque chose) mais il
est contrebalancé par la perte. Quand je gagne au loto, il n’y a que du gain : je n’ai rien perdu, pas même ce que j’ai
misé !
Ce qu’on gagne à agir, ou à ne pas agir, cela permet de déterminer l’intérêt d’un acte, et de mesurer cet intérêt. Le sujet
de ce point de vue nous invite à interroger l’intérêt du travail pour l’homme.
La question « que gagne-t-on en travaillant ? » suppose qu’on gagne quelque chose, la question porte plutôt sur : quoi ?
Peut-être qu’on ne gagne pas seulement ce qu’on croit (le salaire). Il s’agit alors de mettre en question cette idée
commune selon laquelle, si on pouvait vivre sans travailler, on ne travaillerait pas, pour envisager la possibilité que le
travail nous apporte autre chose, et comporte un autre intérêt.
Mais on peut aussi remettre en question le présupposé du sujet, et s’interroger, à un moment de la réflexion : il se
pourrait qu’on ne gagne rien à travailler !
La problématique
Idée la plus commune : on « gagne sa vie » ! Si on travaille c’est d’ailleurs pour cela, c’est-à-dire qu’on travaille en
échange du salaire qui nous permet de nous procurer de quoi vivre plus ou moins confortablement (et au delà du salaire,
c’est bien le but de tout travail : se procurer la nourriture et le logis). Ce qui implique que sans la nécessité de gagner sa
vie on ne travaillerait pas, on serait oisif.
Or cette idée rencontre une objection évidente : il arrive qu’on travaille sans salaire, bénévolement, et ceux qui vivent
sans exercer un métier ne travaillent-ils pas toujours, finalement ? Dans des œuvres, par exemple. Enfin comment
expliquer le travail acharné des amateurs de sport ou d’art, qui peuvent passer des heures à s’entraîner ou à apprendre
à maîtriser des techniques picturales ? Qu’y gagnent-ils ? D’autres préfèrent travailler même si ça leur rapporte moins
que de rester chômeurs. Pourquoi ? Ils y trouvent manifestement un intérêt qui est souvent ramené au besoin de
reconnaissance sociale, d’insertion, de donner du sens à sa vie, etc. Le salaire n’est donc pas la seule chose qu’on
gagne à travailler, et peut-être pas ce qui a le plus de valeur…
Il faut donc se demander où est l’intérêt véritable du travail, quel en est le gain, et pour qui c’est un gain. Car en effet, si
le travailleur donne un sens à sa vie en se rendant utile aux autres, et à la société, n’est-ce pas la société qui y gagne ?
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La boite à outils
Si ce qu’on gagne en travaillant, c’est le salaire, alors très rapidement on voit que ça n’a pas de sens. En effet on
entre dans un cycle absurde qui consiste à travailler pour renouveler sa force de travail. Cela est montré par Marx
quand il analyse le mécanisme de l’exploitation des ouvriers : le salaire recouvre strictement ce qui est nécessaire à
renouveler la force de travail, c’est-à-dire à rendre l’ouvrier capable de reprendre le travail le lendemain, car il aura
assouvi ses besoins élémentaires, et ceux de sa famille. Cela conduit à passer sa vie à travailler, pour vivre !
Autrement dit on ne travaille plus pour vivre, mais on vit pour travailler. Le travailleur dans ce cas ne gagne rien (en
revanche, le capitaliste, lui, gagne beaucoup). On peut donc évacuer ce gain (le salaire) qui d’ailleurs n’est pas un
gain, puisque c’est une contrepartie (dans un échange marchand : salaire contre force de travail). Cet échange
n’apporte aucun bénéfice réel au travailleur.
A moins que par le travail on gagne autre chose ? Mais quoi ? Peut-être un gain « symbolique » : la
reconnaissance de sa propre valeur au sein de la société. Mais alors, il faudrait interroger cette société dans
laquelle la valeur des individus passe par leur utilité et leur travail ! En effet, si la société accorde de la valeur à
ceux qui travaillent, parce qu’ils sont utiles, cela ne revient-il pas à dire que c’est la société qui gagne quelque
chose au travail des individus, et non l’inverse ? L’ordre des valeurs est ici à interroger, et Nietzsche peut y aider
quand il critique la « valeur travail », par laquelle les hommes sont abrutis et qui est soutenue par l’impératif
religieux.
Selon la religion, le travail est une punition. Il faut alors remarquer que par le travail, on paie (versus « on gagne » !)
dans l’espoir de se racheter. Il s’agit alors de regagner ce qu’on a perdu avec le péché originel. A chaque fois on
retrouve la même impasse : quand on croit gagner quelque chose au travail, soit on ne gagne que ce qu’on avait
déjà (« je ne veux pas gagner ma vie je l’ai déjà ! » écrivait Boris Vian), soit on s’aperçoit que celui qui gagne le
plus n’est pas celui qui travaille, mais celui qui profite du travail !
Ne peut-on pas alors se demander ce que gagne le travailleur à son propre travail ? Il faut alors considérer le travail
non pas comme un phénomène social, mais plutôt comme rapport de l’homme à la nature et à lui-même.
Le mythe de Prométhée, pour se situer clairement sur un plan « anthropologique » : la nature de l’homme et sa
place dans la nature passent par le travail et la maîtrise de la technique. L’homme ne travaille pas parce qu’il y
gagne quelque chose mais parce que c’est sa condition originelle et une absolue nécessité pour lui.
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Marx analyse le travail comme rapport originel de l’homme à la nature et il constate que, s’il est nécessaire pour
l’homme de travailler, le travail a pour conséquence le développement des facultés humaines, et une certaine
libération de l’homme par rapport à la nécessité naturelle, ainsi que par rapport à lui-même, il apprend par le travail
à discipliner sa volonté, à perfectionner ses outils, et ses propres capacités. Enfin, il s’humanise.
Stuart Mill permettait aussi de défendre cette idée différemment, en montrant comment par le travail (et la
technique) l’homme gagne son combat contre la nature.
Les analyses de Hannah Arendt sur l’esclavage chez les Grecs, pour qui le travail était avilissant (non seulement
on n’y gagne rien, mais on y perd, car l’humanité elle-même est niée par l’exigence de travailler) pouvaient aussi
être utiles. Il s’agissait alors d’opposer deux formes de travail : celui qui ne sert qu’à « gagner sa vie » et réduit
l’homme à un animal soumis aux nécessités naturelles, travail qui ne « rapporte » rien et, celui qui au contraire
permet de développer ses facultés proprement humaines, intellectuelles et artistiques par exemple, délivré de la
nécessité naturelle.
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