Sur le plateau, une balançoire est accrochée, côté jardin. Un homme apparaît. Le
tapis qui était roulé à cour est déroulé, la femme et l'homme, dont on comprend
qu'il est le mari, installent des sièges. Bientôt surgissent les autres. Les amis, les
proches. Des hommes, des femmes. Jeunes. Heureux et volubiles apparemment.
C'est qu'il s'agit d'une fête. La femme qui dansait (Mathilde Lefèvre) réunit ceux
qu'elle aime parce que son livre Les Origines du totalitarisme vient d'être publié.
Aux premières représentations d'Amor mundi, aucune indication ne permettait au
public (sauf à connaître avec exactitude les étapes du chemin d'Arendt) de situer
cette scène de groupe. Quelques mots projetés seraient bienvenus: New York 1951.
Les exilés ont affronté le pire
Ces jeunes hommes, ces jeunes femmes qui se retrouvent, ces amis amoureux,
bavards, joueurs, entreprenants, rêveurs, ce bouquet chatoyant est un fragment de
la vieille Europe dans l'Amérique de l'après-guerre.
Ce sont des exilés: Hannah, son époux d'alors, Heinrich Blücher, le spartakiste,
philosophe autodidacte, qui a fui comme elle l'Allemagne nazie en 1933 (Jérôme de
Falloise), Hans Jonas (Soufian El Boubsi), l'ami d'une vie qui, lui aussi, a quitté son
pays et qui a retrouvé sa condisciple des cours de Heidegger à New York. Il est là
avec sa femme Eleanore Weiner (Ariane Rousseau), rencontrée quelques années
auparavant à Jérusalem.
Invités aussi, le proche de Blücher, le compositeur et poète Robert David
Winterfeld (Romain David), connu sous le nom de Robert Gilbert pour ses
chansons militantes (La Chanson des chômeurs, 1929) ou de divertissement. Un
groupe d'Allemands loin de leur pays, loin de leur vieille Europe qui vient de
traverser le cauchemar de la Seconde Guerre mondiale. Une Américaine est là
aussi. Brillante romancière et journaliste, très séductrice et engagée de toutes ses
fibres. C'est Mary McCarthy (Aline Mahaux) qui deviendra l'exécutrice
testamentaire de Hannah Arendt.
Ils sont là. Réunis pour le meilleur, eux qui ont affronté le pire. Myriam Saduis et
Valérie Battaglia nous montrent la pensée, la vie. Et les fantômes. Comme un ange
aux ailes duveuteuses paraît Walter Benjamin
(http://www.lefigaro.fr/livres/2007/05/03/03005-20070503ARTFIG90237-
walter_benjamin_l_incompris_capital.php?redirect_premium), qui s'est suicidé