
 
Ce qui dure, à travers les générations, les formes sociales, les structures étatiques, 
qui lui  donnent  des sens  variés et successifs où  son sens ultime ne s’épuise  pas, 
devrait être le premier objet d’une action de l’Etat. Il en découle qu’il a le devoir de 
faire que ce qui dura jusqu’à lui dure encore après lui. 
 
En matière de diffusion, l’Etat devrait borner son rôle à supprimer les obstacles de 
toute sorte à la diffusion de l’art. 
 
L’éducation artistique est le volet le plus important. L’accès aux œuvres du passé et 
du présent nécessite d’abord d’offrir les outils de compréhension et de réception qui 
conditionnent cet accès, qui n’est jamais immédiat. 
 
La  culture  n’est  que  la  fréquentation  lettrée  de  l’art.  La  formation  est  le  premier 
moyen  et  le  seul,  d’une  vraie  politique  de  réduction  des  inégalités  d’accès  à  la 
culture.  Elle  est  également  la  condition  nécessaire,  quoique  non  suffisante,  du 
développement des institutions culturelles existantes. 
 
L’Etat doit enfin, en fixant les règles, permettre le libre jeu des forces de la création. 
 
Si l’on refuse le principe d’interventions sur la création elle-même, et la subvention 
directe d’artistes ou de pans entiers de la vie artistique comme le spectacle vivant, 
l’expression  même  d’aides  à  la  création  apparaît  en  elle-même  comme  une 
contradiction.  
 
Les Etats modernes subventionneurs se posent en véritables mécènes collectifs. 
 
Il  faut  distinguer  la  réception  des  œuvres  du  passé,  objet  légitime  d’un  devoir  de 
démocratisation,  car  là  le  choix  artistique  n’est  plus  à  faire,  et  la  création 
d’aujourd’hui, relevant essentiellement du risque individuel. 
 
Chacun ses goûts, c’est aussi cela la démocratie ; et l’Etat ne devrait pas afficher les 
siens, car il n’en a pas et ne doit d’ailleurs pas en avoir. 
 
A l’inverse, les mécènes des peintres de la Renaissance, les princes musiciens du 
XVIIIème siècle , les bourgeois collectionneurs du XIXème siècle étaient des sujets. 
Animés d’un désir, ils risquaient, avec leur fortune, leur subjectivité, dans leurs choix 
esthétiques. 
 
On devrait par principe préférer la défiscalisation à la subvention. 
 
L’Etat n’a pas à administrer la culture, n’a pas à faire de choix artistiques, et doit s’en 
tenir aux trois missions qui n’en impliquent aucun : préservation du patrimoine, accès 
démocratique  aux  œuvres,  notamment  par  les  enseignements  artistiques  et  le 
soutien à la pratique d’amateurs, réglementation. 
 
La plus importante question est celle-ci : peut il y avoir un Etat culturel sans culture 
d’Etat ? On ne peut parler de culture d’Etat que lorsque existe la volonté de façonner 
les sensibilités pour forger une mentalité collective totale et unifier la société dans 
l’identification au chef ou au parti.