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Nous percevons également derrière l’histoire naïve une autre dimension, une ironie
certaine et une critique marquée de la société américaine de l’époque. Assurément, le
public francophone a été trompé sur Mark Twain, du moins avec la traduction
estampillée « jeunesse » que nous avions lue avec Nicolas. Cela explique d’ailleurs
certainement le fait que cet auteur, un classique, soit si méconnu sous nos latitudes.
Après quelques recherches, nous découvrons qu’un certain Bernard Hoepffner a
récemment retraduit deux de ses livres majeurs, avec les éloges, s’il vous plaît. Nous
nous procurons « son » Tom Sawyer au plus vite et ne pouvons que constater l’écart
édifiant qui le sépare de celui que nous avions tenté de lire un an auparavant, et qui nous
tombait des mains.
C’est { dessein que nous avons choisi Tom Sawyer, qui ne constitue certes pas l’œuvre
révolutionnaire qui la suivra quelques années plus tard, Adventures of Huckleberry Finn.
D’une part, cette dernière faisait justement l’objet, nous l’apprenons plus tard, d’un
mémoire en cours { l’ETI. D’autre part, nous nous intéressons davantage { la littérature
enfantine « pure », notamment en raison de notre réaction et de celle de notre élève face
{ l’une des traductions françaises jusqu’ici proposées. En effet, s’il existe un domaine
dans lequel le lecteur ne doit aucunement sentir l’intervention du traducteur, c’est bien
celui-l{. L’enfant, lecteur exigeant, abandonne très vite sa lecture s’il ne s’identifie pas au
héros ou ne comprend pas le langage utilisé. Nous voyons ici toute la problématique de
la retraduction régulière, « au goût du jour », des œuvres classiques. Or, si l’adulte tique,
il a potentiellement la possibilité de se rendre compte de la qualité de l’original dès
l’instant où il possède quelques bases de la langue de départ. Cette option demeure la
plupart du temps close pour l’enfant, qui, de toute façon, ne s’embarrasse pas de ce
genre de détails. Nous avons également réfléchi à notre réaction de lectrice, qui
percevait dans Tom Sawyer un livre enfantin, certes, mais aussi l’une de ces histoires
satiriques qui poussent à la réflexion, dimension totalement gommée dans la traduction
parcourue.
Dans cette optique, nous avons cherché la toute première traduction française de The
Adventures of Tom Sawyer (par William-Little Hughes, en 1884), qui a assurément joué
un rôle décisif dans la réception mi-figue, mi-raisin de l’œuvre de Twain auprès du
public francophone. À ce jour, les deux principales études menées sur les traductions
françaises de Tom Sawyer (par Ronald Jenn, en 2004 et en 2006) s’arrêtent { une version
de 1963. Dans ce mémoire, nous confronterons la première traduction à celle de