Jour 4: Le commerce international: théorie, structures et développements S. Kjeldsen-Kragh KVL : The Royal Veterinary and Agricultural University, Copenhague Table des matières Ce chapitre traite de la théorie économique liée au commerce international. L’objectif principal est d’essayer de répondre à quelques questions cruciales, à savoir: 1. Que nous dit la théorie économique à propos du libre-échange et du protectionnisme? 2. Quelles sont les sources de gains du commerce international? 3. Quelles sont les implications politiques de la théorie du commerce international? 71 1. Que peut nous apprendre la théorie économique sur le libre échange et le protectionnisme? 1.1 Une illustration géométrique des gains des échanges La manière traditionnelle d’illustrer les gains des échanges est d’utiliser les outils géométriques de la courbe des possibilités de production, montrant les conditions de l’offre, et la courbe d’indifférence collective, montrant les conditions de la demande. La figure 1 illustre les conditions de l’offre et de la demande dans une économie (pays Z), où deux biens sont produits et consommés, à savoir un produit agricole (a) et un produit industriel (i). Figure 1 [figure 1 p.111] La courbe qq est la courbe des possibilités de production et les courbes cic sont les différentes courbes d’indifférence collectives. S’il n’y a pas d’échange, la combinaison optimale des deux biens dans la production et la consommation peut être décrite par le point Q1. On fait l’hypothèse que les marchés sont en concurrence parfaite. Dans le cas d’autocratie (point Q1), le taux marginal domestique de transformation dans la production (TMTd) est égal au taux marginal domestique de substitution dans la consommation (TMSd). TMSd et TMTd sont égaux au prix relatif Pi /Pa , qui à son tour est égal à la pente de la tangente PP à la courbe de transformation. S’il y a commerce international, le prix relatif du marché mondial peut être décrit par la pente des lignes droites indiquées par W. C’est le taux marginal étranger de transformation (TMTe). Sur le marché mondial, le produit industriel est relativement plus cher que dans le pays dont nous traitons, quand ce pays ne participe pas au commerce mondial. Quand le pays participe aux échanges mondiaux, les producteurs et les consommateurs sont confrontés aux prix relatifs du marché mondial. Dans le cas du marché libre, la production s’établit au point Q2 et la consommation au point C2. C2 se trouve sur une cic plus “haute” que Q1, ce qui indique un gain provenant de l’échange. Les gains provenant de l’échange peuvent être divisés en deux parties, à savoir un gain de “consommation” et un gain de “production”. Le premier est associé au mouvement de c1 à c2. La composition du produit dans la production est inchangée, mais il y a un effet d’amélioration du bien-être associé avec la possibilité de vendre les biens produits sur le plan international à d’autres termes de l’échange que dans le cas de l’autarcie. Le TMSd de la consommation dans le pays Z est maintenant égal au TMTe. La seconde partie est associée au mouvement de c2 à c3 , qui est dû au déplacement de la production de Q1 à Q2. Le pays Z gagne à spécialiser sa production, de sorte que le TMTd dans le pays Z soit égal au TMTe. 72 Faisons l’hypothèse que l’autarcie était due à un droit de douane prohibitif sur le bien a. Si ce droit est graduellement levé, de sorte que le pays Z évolue de l’autarcie vers le libre échange, le bien-être dans le pays Z va augmenter progressivement. Par cette illustration simple nous avons “prouvé” que le libre échange est meilleurs que le commerce réduit par des intervention de protection, qui de nouveaux est préférable à l’absence totale d’échange. Malheureusement l’histoire n’est pas si simple. 1.2 L’hypothèse à la base du modèle Le modèle de la figure 1 est basé sur plusieurs hypothèses. Nous nous demander ici si l’abandon d’une de ces hypothèses va résulter à d’autres conclusions. Les différentes hypothèses sont liées: − − − − au côté de la demande au côté de l’offre au fonctionnement des marchés à la méthode analytique utilisée 1.2.1 Le côté de la demande Le problème de la distribution des revenus Il est fait l’hypothèse que la demande pour les deux produits dans le pays peut être décrite par un ensemble de courbes d’indifférences collectives. Il n’est possible de construire ces courbes d’indifférences que si nous avons seulement un consommateur, ou si nous avons des consommateurs avec des préférences identiques. Si nous avons plus d’un consommateur, nous avons un problème de distribution des revenus, sans tenir compte de l’hypothèse de préférences identiques ou non entre les consommateurs. Pour illustrer cela, introduisons le concept le frontière des possibilités d’utilité. Nous avons deux consommateurs, chacun avec un ensemble pertinent de courbes d’indifférence. Dans la figure 2, nous avons l’utilité des deux ménages UA et UB sur les axes. Figure 2 [figure 2 p.113] S’il y a autarcie, et le pays produit et consomme le panier de biens Q1 sur la figure 1, le panier peut être divisé entre les deux ménages, de sorte que la combinaison maximale accessible des utilités puisse être tracée dans le diagramme (figure 2). Si une autre politique interne des prix, avec une autre relation interne des prix est suivie, le point de production sera à un autre point de la courbe qq sur la figure 1. Ce panier de produits peut de nouveau être divisé entre les deux 73 ménages, et la combinaison maximale accessible des utilités peut de nouveau être déterminée dans le diagramme. Toutes les combinaisons maximales des utilités forment la frontière des possibilités d’utilité. La courbe 1 de la figure 2 montre la frontière des possibilités d’utilité dans le cas de l’autarcie. Quand nous nous déplaçons le long de la courbe, les paniers des deux biens sont différents et la distribution de revenu entre les ménages change. Les courbes 2 et 3 sont les frontières des possibilités d’utilité quand nous avons respectivement échange avec une certaine protection et libre échange. Les prix internationaux sont supposés constants. Initialement, il y a autarcie et il existe une certaine structure de production et une distribution de revenu dans la société, ce qui signifie que la combinaison des utilités est en A. Maintenant le libre-échange est introduit et la combinaison des utilités est en B. Dans ce cas, le ménage B a amélioré son bien-être, mais le ménage A en obtient un plus faible. Est-il impossible dans ce cas d’établir que la situation de libre échange est préférable à l’autarcie, en se souvenant du critère de Pareto pour un bien-être amélioré? Si la distribution des revenus dans le cas du libre échange est changée, il est possible de se déplacer de B à B1. Il ne peut donc être mis en doute que le libre échange est potentiellement meilleur que l’autarcie. La discussion ici n’est pas une discussion académique sans implications pratiques. Selon le modèle de Heckscher - Olin (voir plus loin), l’ouverture des échanges va améliorer le revenu du facteur de production relativement abondant, et diminuer le revenu du facteur relativement rare. L’objection au libre-échange basée sur la distribution des revenus est donc balayée, si nous disons qu’un changement dans le régime des échanges est meilleur quand le bien-être de tous les citoyens peut potentiellement être augmenté. La variété des produits Les produits a et i (voir figure 1) sont souvent considérés comme des produits standardisés. Ce n’est évidemment plus le cas des biens industriels. Nous traitons ici des produits différenciés pour lesquels le niveau de qualité peut être différent, et le mix de qualités suivant différentes caractéristiques pour différents biens, à un niveau moyen donné de qualité, peut varier. Des consommateurs différents ont des préférences différentes sur i pour le niveau de qualité et le mix de qualités. Quand il y a commerce international, les chances de trouver la variété idéale est plus grande que s’il n’y avait pas d’échange. Différentes marques de voiture ont des qualités différentes et des caractéristiques différentes. Au plus la variété de marques est grande, au plus la chance de trouver le produit que vous préférez est grande. En achetant des biens d’un certain type, le consommateur veut couvrir un ensemble de besoins. Quand les personnes achètent des vêtements, ils ne le font pas seulement pour se couvrir, mais aussi parce que le vêtement peut être plus ou moins agréable à porter en différentes occasions sociales. Une variété de produits différenciés est plus apte à satisfaire un tel ensemble complexe 74 de besoins. Si le commerce international permet l’accès à une variété plus large, qui satisfait mieux des différents besoins, le bien-être des consommateurs augmente. 75 1.2.2 Le côté de l’offre L’hypothèse à la base de la courbe des possibilités de production Dans la figure 1, la courbe qq est concave. Elle pourrait cependant être droite ou convexe. La forme de qq dépend des hypothèses sur les conditions de production. Même sans tenir compte de la forme de qq, nous allons toujours obtenir un gain des échanges. La forme influence seulement la grandeur des gains et influence aussi la structure de production. Les différentes formes de la courbe des possibilités de production, et les hypothèses induites, sont intéressantes quand nous discutons les raisons et la structure du commerce international. Ce n’est cependant pas très intéressant pour discuter de l’existence de gains provenant des échanges. Dans tous les cas, nous allons gagner à échanger, même si la grandeur des gains que nous allons en tirer variera selon les conditions spécifiques. Les produits intermédiaires Le modèle de la figure 1 fait l’hypothèse implicite que nous avons deux produits finis. Les échanges entraînent alors une spécialisation entre les deux industries, chacune produisant un produit fini. Cependant, il est bien connu que ceci est une mauvaise description du processus de production. Les matières premières sont tirées des ressources naturelles en utilisant des inputs. Les matières premières sont ensuite transformées en produits intermédiaires. Différents produits intermédiaires de différentes industries, combinés au travail et au capital, sont nécessaires pour produire le produit fini. Plutôt que de parler de spécialisation entre produits, on devrait plutôt parler de spécialisation entre processus. Les échanges ont lieu à tous les niveaux entre matières premières, biens intermédiaire et produits finis. Quand on se penche sur la structure de spécialisation entre produits finis, cette structure est très dépendante du fait qu’il y ait ou non des barrières aux échanges pour les matières premières et les biens intermédiaires. Nous avons deux pays Z et Y, et nous avons deux produits finis, A et B. La production de A et de B nécessite à la fois du capital et du travail, mais de plus la production de chaque bien nécessite un produit intermédiaire spécifique, respectivement a et b. Pour donner un exemple, A est la production de vêtements et a est la matière première, le coton. B est l’ameublement et b le bois. La production de vêtements (A) est la production intensive en capital et Z est le pays où le capital est relativement abondant, avec seulement une petite production de coton mais une production élevée de bois, qui est intensive en travail. S’il n’y a pas d’échange de biens intermédiaires, nous avons une courbe de possibilité de production qq1 pour le pays Z, comme nous le voyons dans la figure 3. Le pays Z produit en P1 et consomme en C1. Il exporte des meubles (B) dont la production est intensive en travail, bien que le pays Z soit le pays riche en capital. 76 S’il y a échange entre produits intermédiaires, le pays Z va importer du coton et exporter du bois. La courbe des possibilités de production va maintenant être qq2. Le pays Z va maintenant produire en P2 et consommer en C2, ce qui signifie que le pays Z exporte le produit intensif en capital A (vêtements), parce que la pays est doté en capital et a la possibilité d’importer le produit intermédiaire nécessaire, le coton. En introduisant les échanges dans les produits intermédiaires, la structures des échanges a changé. En même temps, le pays Z obtient un plus haut niveau de bien-être. L’introduction des échanges dans les produits intermédiaires ne viole pas la conclusion sur les gains des échanges. Elle souligne au contraire les gains potentiels. Figure 3 [figure 3 p.116] 1.2.3 Le fonctionnement du marché La concurrence parfaite L’existence de la concurrence parfaite est normalement supposée dans le cas des marchés restreints et des marchés libres. Il est bien connu que cette hypothèse n’est plus valide, particulièrement sur les marchés industriels. S’il l’on observe les petites économies fermées, il est certain que la plupart des marchés sont dominés par des monopoles, des oligopoles ou autres structures de marché de concurrence imparfaite. En s’ouvrant au commerce international, on aura une plus forte concurrence sur ces marchés. La modification de la structure de marché va d’elle-même améliorer le bien-être. Ceci est illustré à la figure 4. Avant d’avoir des échanges, nous avions un monopole dans la production du bien A. Nous produisions et consommions en P1, et nous avons un niveau de bien-être décrit par c1. Si nous avons toujours une économie fermée en concurrence parfaite, nous nous déplaçons vers P2 , ou nous avons un niveau de bien-être supérieur, décrit par c2. Figure 4 [figure 4 p.116] La modification de la structure de marché vers plus de concurrence, entraînée par le commerce international, a un effet d’amélioration du bien-être, qui est négligé dans notre modèle original de la figure 1. La pleine utilisation de toutes les ressources Dans la figure 1, on fait l’hypothèse que toutes les ressources sont toujours utilisées. Nous opérons sur la courbe des possibilités de production qq. Si toutes les ressources ne sont pas utilisées, nous opérons à l’intérieur de la ligne en pointillés de la figure 5. 77 S’il y a plein emploi sans échanges, nous produisons et consommons en P1. C’est alors que nous ouvrons aux échanges, et si nous sommes en sous-emploi, nous produisons en P2 et consommons en C2, avec un niveau de bien-être inférieur. On pourrait alors affirmer que le protectionnisme est préférable aux échanges. Dans un monde néoclassique, avec substituabilité entre capital et travail, et avec flexibilité des prix sur le marché des facteurs, les prix relatifs entre le capital et le travail vont s’ajuster et assurer le plein emploi et la pleine utilisation des capacités de production. Si B est le produit intensif en capital, alors son prix va augmenter et le prix du produit intensif en travail va chuter dans les termes de l’échange internationaux, comme on le voit dans la figure 5 (la pente de la droite en pointillés). Pour avoir le plein emploi, le taux de salaire doit diminuer, et le taux de rendement du capital doit augmenter. Si les prix des facteurs ne sont pas flexibles, c’est-à-dire si le taux de salaire n’est pas flexible, il y aura sous-emploi. S’il y a concurrence sur le marché du travail, il y aura tôt ou tard plein emploi. Le problème est de savoir si l’ajustement prend place et à quelle vitesse. Un alternative à la baisse des salaires nominaux est une dévaluation, à travers laquelle les travailleurs acceptent une baisse des salaires réels. Figure 5 [figure 5 p.117] Dans le cas d’une rigidité du taux de salaire, il y a une distorsion sur le marché du travail parce que les coûts privés sont supérieurs aux coûts sociaux. La question est si la politique des échanges sous forme de protection est un instrument adéquat pour obtenir le plein emploi. A travers le protectionnisme, le pays essaie de résoudre le problème de l’emploi, tout en créant des problèmes similaires pour les voisins. Le résultat pourrait facilement être que les voisins protègent aussi leurs industries concurrentes aux importations, et le bien-être global décroît. En particulier, si la demande mondiale en général est apathique, il est risqué d’utiliser les instruments de la politique des échanges. Une dévaluation est préférable, si elle est capable de modifier les prix relatifs des facteurs dans le long terme. Même dans le cas d’une dépression mondiale, un ajustement du taux de change avec l’étranger peut être remis en question, parce que les autres pays peuvent avoir recours aux mêmes politiques. De là, le problème de l’emploi devrait être résolu par une coordination des politiques macroéconomiques, et non par l’utilisation d’instruments de la politique des échanges. Les coûts d’ajustement Dans le modèle présenté à la figure 1, on a fait l’hypothèse que la production pouvait s’ajuster sans difficultés au nouveau rapport des prix. On peut étendre l’activité d’un secteur et la restreindre dans un autre sans problèmes. Le modèle ne prend pas en considération le fait que l’ajustement soulève nécessairement des coûts. La force de travail ne peut pas non plus se déplacer géographiquement sans coûts. La force de travail ne peut pas s’adonner à de nouvelles activités sans formation. A court terme, il n’y a pas de substitution parfaite entre une force de travail donnée ayant différentes occupations. 78 De la même manière, il n’y a pas substitution parfaite dans l’utilisation du stock de capital existant. L’hypothèse néoclassique sur la substitution entre le capital et le travail n’est pas valide à court terme. Dans le très court terme, on est limité dans l’utilisation du capital et du travail. Ce n’est qu’en rapport avec de nouveaux investissements dans de nouvelles technologies que nous avons des possibilités de substitution. Le point principal est qu’un marché plus libre a besoin d’un ajustement des ressources dans les pays participants. Au plus vite il prend place, au plus vite le pays ressentira les bénéfices des échanges. Nous ne devons pas oublier que dans tous les cas le processus d’ajustement est coûteux. Pour tout changement, nous avons un stock de capital donné, qui ne peut être utilisé que dans une production spécifique. Nous n’avons pas substitution parfaite dans l’utilisation du capital entre différents secteurs à court terme. De là, l’annonce d’un programme graduel de libéralisation va faciliter le processus d’ajustement, parce que le stock de capital existant devient graduellement obsolète et les nouveaux investissements peuvent prendre place dans les nouvelles productions plus prometteuses. La concurrence avec des conditions changeantes nécessite toujours des ajustements de l’économie si nous voulons obtenir des gains de l’échange. Le libre-échange accroît la concurrence et un ajustement de la production est nécessaire. Dans le court terme, il y a des coûts associés avec l’ajustement, mais ce n’est pas une raison pour éviter l’ajustement, mais au contraire un argument pour le faciliter, afin de minimiser les coûts totaux. Chaque pays devrait payer sa part des coûts d’ajustement, en prenant en considération que dans certains pays il est plus facile de s’ajuster que dans d’autres. Typiquement, les pays industrialisés ont des possibilités plus larges que les pays en voie de développement, parce que les possibilité de production alternatives sont variées. En même temps le système de sécurité sociale est meilleur. Dans les deux cas, le déplacement de la protection vers le libre échange, et le libre échange, les ajustements sont nécessaires. Dans le court terme, ils peuvent entraîner un chômage plus élevé et des problèmes de balance des paiements. Ceci fait partie intégrante du processus d’ajustement ,et ce n’est pas un argument pour le protectionnisme. Uniquement dans certains cas de dumping ou de subside, il est acceptable d’utiliser des tarifs antidumping et des droits compensatoires pour éviter de subir les coûts d’ajustement sans profiter des gains des échanges. Les distorsions Jusqu’à maintenant, nous avons fait l’hypothèse que les prix étaient “corrects”. Les prix reflètent les coûts privés de production et l’utilité privée, si nous avons des conditions de marché “parfaites”. Cela signifie que des gains excessifs pour les différents facteurs de production ne sont pas possibles dans le plus long terme. La question est de savoir si nous avons pleine correspondance entre les coûts privés et sociaux, ou pleine correspondance entre utilité privée et sociale. 79 Nous avons déjà mentionné les problèmes à propos du niveau de salaire et du taux de change avec l’étranger. Le taux de salaire devrait être si élevé qu’il est impossible d’avoir le plein emploi et une balance des paiements équilibrée. Le taux de change réel devrait être surévalué ou sousévalué. Les instruments de la politique des échanges ne sont pas adéquats pour corriger ces déséquilibres macro-économiques. La question reste de savoir si les instruments de politique des échanges sont adéquats pour corriger les imperfections micro-économiques. En connexion avec une production spécifique, nous avons souvent des externalités, la taille desquelles peut varier selon le produit. En lançant une nouvelle production, une firme doit subir des coûts additionnels pour former la force de travail. Cette formation est utile à la société, qui obtient une force de travail avec des capacités améliorées. Mais la firme ne profite pas de cette amélioration si la force de travail la quitte pour travailler dans une autre firme après avoir été formée. Nous avons des économies et des déséconomies internes et externes. La pollution causée par la production ou la consommation est un exemple bien connu d’externalité. On soutient parfois que le régionalisme est préférable au multilatéralisme du point de vue de l’environnement. Cela diminue le besoin de transport, qui pollue. C’est une manière dangereuse de penser, parce qu’elle laisse la porte ouverte à toutes les initiatives protectrices. Au lieu de cela, on peut argumenter pour une taxe sur les différentes productions polluantes et les processus de consommations polluants. Si les pays étrangers n’introduisent pas une telle taxe, est-il permis de restreindre les importations de l’étranger? Si la pollution étrangère a des conséquences sur le plan mondial, la réponse devrait en principe être oui, bien qu’il y ait de grandes difficultés à déterminer et à tomber d’accord sur ce que devrait être un tarif raisonnable. Si les externalités sont limitées à la nation où a lieu la production, il ne devrait pas être permis de renforcer les barrières aux échanges. La forêt vierge d’Amazonie est un bien commun de l’humanité, dans le sens que son existence est très importante pour le climat mondial. Les Brésiliens détruisent la forêt et exportent du bois et des biens agricoles cultivés sur la terre ainsi récupérée. Devrait-il être permis de renforcer les barrières aux échanges sur les produits forestiers et agricoles provenant du Brésil? En ne détruisant pas la forêt vierge, le gouvernement du Brésil préserve un bien public mondial. Devrait-il être payé pour cela, et si oui, combien? Les hormones artificielles sont acceptées dans la production de nourriture animale aux USA. Elles ne le sont pas dans l’UE. Est-ce que l’UE peut interdire l’importation de nourriture animale provenant des USA, et produite en utilisant des hormones? Quand le mécanisme de marché ne fonctionne pas parfaitement à cause des externalités, la question se pose de savoir si on va permettre l’introduction de barrières aux échanges d’une sorte ou l’autre. Il est raisonnable d’intervenir, mais il faut analyser en détail si les barrières aux échanges sont l’instrument adéquat. Pour éviter des distorsions liées aux produits, l’intervention doit prendre place le plus près possible du problème réel. 80 81 Le cas du grand pays Jusqu’à maintenant on a fait hypothèse implicite que le pays en cause était un petit pays, qui n’était pas capable d’influencer les termes de l’échange. Cette hypothèse n’est pas toujours valide. Les USA et l’UE sont deux grands exportateurs et importateurs pour de nombreux produits. Des accords formels ou des collusions parmi les producteurs de produits spécifiques peuvent influencer les prix du marché mondial, par exemple l’OPEP et autres accords sur le commerce d’un bien. Un certain pouvoir de monopsone signifie que le pays ou le groupe de pays peut obtenir un prix à l’importation plus bas en réduisant ses importations. Ceci embrasse la discussion du tarif optimal. Un certain pouvoir de monopole rend possible l’amélioration des revenus des exportations, soit par des quotas de production, soit par des taxes aux exportations. S’il y a deux pays qui prennent part aux échanges et deux produits, un produit exporté et un produit importé, la structure de l’échange sera la même que les nouveaux termes de l’échanges soient établis soit par un tarif sur les importations, soit par une taxe sur les exportations. La distribution du revenu entre les deux pays sera cependant différente. Le pays “imposeur de taxe” va toujours gagner. D’un point de vue purement national, il y a un argument pour l’introduction d’un tarif à l’importation si le pays a un pouvoir de monopsone, ou d’une taxe à l’exportation si le pays a un pouvoir de monopole. Le bien-être dans le pays qui impose la taxe va augmenter, mais ce sera toujours aux dépends de l’autre pays. Le bien-être total dans le monde va diminuer. Plutôt que d’introduire des taxes, il serait préférable de transférer directement du revenu. De plus il ne faut pas oublier que chaque pays imposant un tarif optimal peut causer des répercussions au niveau international. S’il y a deux grands pays avec un pouvoir de monopsone, agissant indépendamment, nous allons terminer avec une situation d’autarcie. En regardant la situation réelle dans le monde, il est évident que l’hypothèse du petit pays n’est pas adéquate. En relation avec les négociations du GATT, les USA et l’UE jouent des rôles majeurs. Des groupes de pays tels que le Groupe de Cairns peuvent aussi être un agent important. Quelques producteurs (l’accaparement de la rente - “rent snatching”) Le cas “d'accaparement de la rente” est associé à des produits techniquement avancés, avec des coûts fixes de développement élevés. Dans certaines parties du secteur manufacturier, il y a de larges économies d’échelle. L’industrie aéronautique est un bon exemple. Si Boeing identifie d’abord les opportunités du marché et puis lance la production, il fera des profits élevés et dissuadera le compétiteur potentiel, l’Airbus européen, d’entrer dans la production. Supposons qu’il n’y ait la place que pour une firme profitable dans une gamme particulière de produits de l’industrie aéronautique. Si les gouvernements européens répugnent à accepter l’avantage de Boeing et s’engagent eux-mêmes à subventionner une production d’Airbus, alors la production d’Airbus sera profitable de manière privée, que Boeing produise ou non. Sans support réciproque aux USA, Boeing ne va pas produire sachant qu’Airbus va le faire. Tous les profits 82 de monopole vont terminer chez Airbus et l’Europe s’en porte mieux. Les gouvernements européens peuvent récupérer leurs subsides en taxant les profits du monopole d’Airbus. Ce modèle “d’accaparement de rente” n’est pas un argument très convainquant pour l’intervention dans les échanges. Premièrement, le monde ne s’en porte pas mieux. Deuxièmement, il y a un risque de représailles si un pays commence à intervenir. Troisièmement, les conditions derrière le modèle sont de grandes économies d’échelle, créant une solide position dans le marché pour la première firme entrante. Le nombre de secteurs où il n’y a de la place que pour un ou deux producteurs est très restreint. Quatrièmement, le modèle est un modèle à un secteur, ne prenant pas en considération le fait que les ressources utilisées dans le développement d’un produit ne peuvent pas être utilisées dans d’autres productions. L’existence d’économies d’échelle importantes est ici utilisée comme argument pour l’intervention. Les bénéfices des échanges sont même supérieurs que quand nous avons des économies d’échelle dans le cas traditionnel des rendements constants. C’est un nouvel argument pour le libre échange. 1.2.4 La méthode analytique Les avantages comparatifs statiques et dynamiques Le modèle de la figure 1 est un modèle statique. Il y a une dotation donnée des facteurs dans le pays. Il y a des termes de l’échange internationaux donnés. Les résultats du libre échange sont comparés avec une situation d’autarcie ou une situation avec des barrières tarifaires. Il n’y a ni croissance ni développement dans le modèle1. La croissance et le développement sont en rapport avec le montant et la qualité des facteurs de production. La croissance démographique élargit la force de travail. L’accumulation élargit le stock physique de capital. L’éducation améliore le capital humain sous forme d’une force de travail mieux qualifiée. Le capital intangible augmente quand le progrès technologique prend place. Une augmentation du stock des différents facteurs de production et une amélioration de la qualité de ces facteurs peuvent être introduites dans l’analyse par un glissement vers l’extérieur de la courbe des possibilités de production. Dans la théorie néoclassique des échanges, on fait l’hypothèse que les facteurs de production sont totalement mobiles entre secteurs et entre régions dans chaque pays, mais ils sont totalement immobiles sur le plan international. Un flux de ressources de l’étranger va augmenter le stock des facteurs de production. Cependant, il est bien connu que la migration a historiquement eu lieu, et existe encore aujourd’hui. Le capital et le savoir faire se déplacent également à travers les frontières. La mobilité internationales des facteurs de production introduit également un déplacement de qq. 1 Quelle est la différence entre croissance et développement? Normalement, la croissance est mesurée par le taux de croissance du produit national brut (PNB). Le développement est mesuré non seulement par le PNB, mais aussi par un ensemble d’autres indicateurs importants de bien-être. 83 La courbe qq se déplace vers la droite de différentes manières, dépendantes des modifications dans la dotation des facteurs. La force de travail ou le stock de capital peuvent s’accroître. Il va y avoir des progrès technologiques, et ils peuvent être de type différent, selon qu’ils soient économes en capital, en travail, ou neutres. En introduisant des glissements de la courbe des possibilités de production, l’analyse devient de statique comparative. Chaque pays dans le monde doit décider quel type de politique économique il veut poursuivre. Une question très importante est si le pays doit s’intégrer dans l’économie mondiale sur une base de libre échange, ou s’il doit de se protéger. Chaque pays a le choix entre une stratégie tournée vers l’extérieur et une stratégie tournée vers l’intérieur. Chaque pays doit aussi décider quelle sera son attitude envers l’ensemble des règles régissant le commerce international. Chaque pays veut élargir ses possibilités de production pas seulement maintenant, mais aussi dans le futur. En exploitant ses avantages comparatifs, il pourrait obtenir un niveau de bien-être supérieur maintenant, mais ce n’est pas toujours conforme avec le plus haut bien-être accessible à plus long terme. Les avantages de la statique comparative ne correspondent pas nécessairement aux avantages de la dynamique comparative. Si les avantages de la dynamique comparative ne correspondent pas à ceux de la statique comparative, la question est comment le gouvernement doit intervenir pour obtenir les avantages dynamiques. Il est très important de réaliser que les avantages de la dynamique comparative dépendent très fort de la situation économique globale et du comportement des autres pays. Une stratégie de libre échange est-elle plus favorable à l’obtention des avantages dynamiques? Ou la protection est-elle une stratégie plus prometteuse? Il est difficile de trouver une stratégie générale qui soit optimale pour tous les pays. Les conditions sont très différentes pour les différents pays. A un moment donné, les pays sont à des stades différents du processus de développement. La base des ressources naturelles est différente, le montant et la qualité des stocks de facteurs faits par l’homme sont différents, la taille de l’économie est différente, les institutions sont différentes. Comme les conditions sont changeantes, il est très important que chaque pays soit capable de s’ajuster. La possibilité de s’ajuster n’est pas la même partout. Cela devrait se passer de sorte que les pays capables de s’ajuster à des coûts plus bas supportent cette responsabilité plus que les pays plus pauvres ayant de grandes difficultés à s’ajuster. Quand le sujet de discussion est le libre échange ou le protectionnisme, il est important d’analyser comment chacune de ces stratégies va influencer la dotation des facteurs et comment les modifications dans les dotations de facteurs vont influencer le bien-être. De ce point de vue, une analyse des liens au sein de l’économie est très importante. 84 L’argument de l’industrie dans l’enfance L’attaque la plus sérieuse contre la pensée du libre échange a été l’argument économique classique pour la protection, à savoir l’argument de l’industrie dans l’enfance. Son plus célèbre adepte a été l’économiste allemand Frederich List. L’idée de base est qu’il est difficile pour une industrie dans un pays sous développé de s’établir, quand elle est exposée à la libre concurrence des industries bien établies dans les autres pays. Même si la production domestique peut être relativement inefficace dans le court terme, on argumente qu’il y a un avantage national à long terme à établir ou étendre la base industrielle, comme condition nécessaire au développement économique. Il existe certaines économies externes qui vont graduellement apparaître quand l’industrie aura été établie. De là, la protection est nécessaire au début, mais devrait plus tard être levée quand les économies externes seront obtenues. L’argument de l’industrie dans l’enfance est basé sur des imperfections situées quelque part dans le mécanisme du marché. Les imperfections peuvent être de différentes sortes. Même s’il est raisonnable d’essayer de remédier aux imperfections par l’intervention, il n’est pas du tout certain que les barrières aux échanges soient le meilleur instrument. Si l’imperfection est due à un niveau de salaire trop élevé, parce que les travailleurs n’ont pas les capacités nécessaires, alors un subside des salaires serait un instrument adéquat. Si l’imperfection est due à un marché du capital imparfait, il est raisonnable soit d’essayer de créer un marché du capital plus parfait, soit d’allouer des subsides compensatoires. Il n’est pas du tout établi qu’un tarif protecteur soit le meilleur instrument. Bien que l’argument de l’industrie dans l’enfance puisse être valide, il y a deux grands problèmes en pratique. Il peut être difficile d’identifier les industries qui seront compétitives sans support dans le long terme. Quand la protection est établie, elle va mener à une production inefficace, de sorte que le support ne sera jamais supprimé. S’il n’y a pas une pression accrue pour augmenter la protection. L’argument de l’industrie dans l’enfance est l’argument sous-jacent au développement de la stratégie de l’import-substitution. Avant de choisir une telle stratégie, il faut aussi considérer les possibilités alternatives. La clé de la croissance est l’accumulation des facteurs. Ce n’est pas seulement l’accumulation de capital physique, mais aussi de capital humain, de savoir-faire et de progrès technologique. Croissance “immiserizing” Le problème est que l’accumulation des facteurs va “immiserize” l’économie et résulter dans des gains inférieurs à ceux escomptés du commerce international. Le libre échange L’accumulation des facteurs va influencer négativement les termes de l’échange. Dans la figure 6, qq1 est la courbe des possibilités de production originale. La production s’établit en P1 et la consommation en C1. Le pays se spécialise en A, qui est exporté, et il importe B. Quand l’accumulation des facteurs est concentrée dans le secteur A, la courbe des possibilités de production se déplace vers qq2. A termes de l’échange inchangés, il y a une forte augmentation 85 de l’offre du bien exportable. La production sera P3, où la production du bien importable va décroître. L’accumulation dans le secteur de l’exportation, par exemple des matières premières, évince le secteur de l’importation, par exemple le secteur manufacturier. S’il n’y a pas une demande internationale “suffisante” pour l’offre supplémentaire du bien exporté, les termes de l’échange vont se détériorer. Si le pays fini par produire P2 et consommer C2, alors le bien-être est plus bas après l’accumulation qu’avant. L’alternative est de protéger le secteur de l’importation. Dans un monde dans lequel nous avons seulement deux pays et deux biens, le résultat économique est indifférent entre une taxe à l’exportation et un tarif à l’importation. Quand nous abandonnons ces simples hypothèses, les choses sont différentes. Figure 6 [figure 6 p.124] L’import substitution Une stratégie de substitution aux importations peut aussi résulter en un bien-être inférieur, même dans le long terme. Il est généralement accepté que ce type de stratégie va diminuer le bien-être dans le court terme. L’idée sous-jacente à la stratégie est que l’import substitution va étendre les possibilités de production d’une telle manière que les pertes initiales vont être plus que compensées par les gains à long terme. Dans la figure 7, un tarif à l’importation est initialement imposé. Le pays produit en P1. La pente de la tangente en P1 indique la relation interne des prix, quand un tarif à l’importation est imposé. La consommation s’établit en C1. A cause de la protection de l’industrie concurrente aux importations, supposée intensive en capital, la capacité de production va être élargie dans ce secteur. Elle s’établit soit par le progrès technique, soit par l’accumulation de capital. La courbe des possibilités de production se déplace alors vers l’extérieur. La production sous la relation des prix domestique va s’établir en P2. Quand les termes de l’échange internationaux sont inchangés, il est clair que le montant de biens à la consommation est plus bas qu’avant le déplacement de la courbe des possibilités de production. Figure 7 [figure 7 p.125] Le fait que P2 soit à gauche ou à droite de la ligne droite P1C1 est décisif. Si P2 est à gauche, c’est un cas de croissance “immiserizing”. Si P2 est à droite de P1C1, il y a une hausse de bienêtre, par rapport à la situation initiale, quand le tarif a été introduit. Au plus la courbe des possibilités de production s’est déplacée sur la droite, au plus P2 a de chance de se trouver à la droite de P1C1 (production en P1 et consommation en C1). Nous avons montré qu’il y a un risque que la stratégie d’import substitution diminue le bien-être non seulement à court terme, mais aussi à long terme. Dans la figure 7, la courbe des possibilités 86 de production s’est déplacée vers l’extérieur, de telle sorte que le bien-être a baissé non seulement à court terme, quand le tarif est imposé, mais aussi à long terme, où il baissera encore. De là, cette stratégie sera considérée comme un échec si les ressources employées dans l’industrie concurrente aux importations auraient pu être employées d’une manière plus profitable dans l’autre secteur, dans le cas d’une autre structure. Conclusions Dans un monde parfait ou le mécanisme du marché fonctionne, et ou le système de prix reflète non seulement les coûts et valeurs privés, mais aussi les coûts et valeurs sociaux, le libre échange est la stratégie optimale si aucun des pays n’a de pouvoir de marché. Si un pays a un pouvoir de marché, ou si un certain nombre de pays coopèrent afin d’avoir ensemble un certain pouvoir de marché, alors il est possible pour le pays ou pour le groupe d’obtenir un gain de bien-être national en introduisant un tarif à l’importation ou une taxe à l’exportation. D’un point de vue global, le bien-être est plus bas. Le modèle fait aussi l’hypothèse qu’aucune représailles n’a lieu. Si un pays essaie d’obtenir de meilleurs termes de l’échange, et les autres pays réagissent aussi en imposant des tarifs, cela va se terminer en une situation dans laquelle tout le monde est moins bien nanti. Cependant, il est bien connu que le mécanisme du marché est loin d’être parfait, et les prix établis ne reflètent pas toujours les coûts et valeurs sociaux ni à présent, ni dans le futur. Il n’y a pas mobilité parfaite sur le marché du travail, même pas dans le cas où la force de travail est homogène. De plus, le marché du travail n’est pas homogène mais consiste en plusieurs marchés séparés où chaque groupe de travail a certaines aptitudes. L’acquisition de nouvelles capacités est un investissement en capital humain, qui prend du temps et exige des ressources. Il n’y a pas mobilité parfaite sur le marché du capital physique. Il faut du temps avant que le stock de capital existant soit usé et puisse être remplacé par un nouveau capital avec la qualité désirée. A cause de l’immobilité, l’ajustement à de nouvelles conditions prend du temps et est exigeant en ressources. Dans un monde avec des conditions variables, l’ajustement est nécessaire. Il est coûteux. On peut éviter le processus d’ajustement à travers le protectionnisme, mais le résultat à plus long terme sera un niveau de vie inférieur si la protection n’est pas limitée à une certaine période de temps. Les coûts d’ajustement varient selon les cas. Il est raisonnable de supposer que la réallocation à l’intérieur de l’industrie est moins coûteuse qu’entre les industries. Entre pays industrialisés, la plupart de la spécialisation se fait à l’intérieur de l’industrie, alors que la plupart des échanges entre pays développés et pays en voie de développement se font entre industries, et la réallocation est donc plus coûteuse. Cela peut expliquer l’émergence du régionalisme. On veut accepter le libre échange, où les problèmes d’ajustement sont moins nombreux que dans le cas de la production agricole et textile, où les ressources peuvent être déplacées vers de nouvelles industries. 87 A cause des imperfections du marché et des externalités, il peut être raisonnable d’intervenir pour corriger les distorsions. De telles corrections peuvent être mises en oeuvre de différentes manières, par différents instruments. En analysant les différents instruments, on peut aussi montrer que l’imposition de tarifs est très rarement la meilleure solution. Très souvent, les subsides sont une meilleure solution. L’intervention doit prendre place aussi près possible du problème réel. Bien que les subsides soient souvent préférables aux tarifs et taxes, les deux ensembles d’instruments ont différentes conséquences budgétaires. Les tarifs et les taxes rapportent des revenus à l’état, alors que les subsides nécessitent un financement par la collecte de taxes quelque part dans le système. Dans les pays en voie de développement, les systèmes de collecte de taxes ne sont pas aussi élaborés que dans les pays développés. Sous ces circonstances, il serait raisonnable pour les pays en voie de développement de préférer les tarifs aux subsides. Les interventions peuvent être soit sélectives, soit générales. Ce n’est pas un argument en faveur de la protection tarifaire, à moins qu’il y ait un problème général d’emploi ou de la balance des paiements. Un déséquilibre macro-économique peut être résolu par d’autres instruments politiques généraux tels que des politiques du taux de change. Les instruments généraux ne déforment pas l’allocation des ressources de la même manière que des instruments sélectifs. Une protection tarifaire générale, par exemple un tarif de 10% sur tous les biens entraîne une moindre distorsion qu’un tarif spécifique, qui diffère d’un bien à l’autre. 2. Quelles sont les sources de gains des échanges? Pourquoi le commerce international est-il bénéfique? Quelles sont les forces qui le soutiennent? Ce sont des questions pertinentes auxquelles il faut répondre quand on veut avoir une compréhension claire des sources à la base des gains provenant des échanges. Aujourd’hui nous avons toute une série de théories qui tentent d’expliquer la structure du commerce international. Ces théories sont positives. La tendance da la théorie du commerce international est la même que dans d’autres domaines économiques. Nous avons observé la tendance d’un paradigme principal, à savoir la théorie de la proportionnalité des facteurs, pour une multitude de théories essayant chacune d’expliquer seulement une partie du commerce international. Dans le paragraphe suivant, une brève description de chaque théorie des échange va être présentée. 2.1 La théorie des avantages absolus C’est la théorie d’Adam Smith. On fait l’hypothèse que la fonction de production pour un bien donné est différente dans les deux pays considérés. Il n’y a qu’un facteur de production et un rendement d’échelle constant. 88 Dans le pays A, la productivité du travail dans la production des biens x et y sont respectivement PmxA > PmyA. Dans le pays B, les productivités du travail pour les deux biens sont PmxB et PmyB. Quand PmxA > PmxB et PmyA < PmyB, le pays A a un avantage absolu dans la production de x et le pays B a un avantage absolu dans la production de y. Le pays A exporte du bien x et le pays B exporte du bien y. On peut se demander si cette théorie simple des avantages absolus est la contribution principale d’Adam Smith à la théorie du commerce international. Adam Smith est très intéressé par l’importance de la taille du marché. Il y a deux idées principales dans ses écrits sur le commerce international. Tout d’abord, le commerce international dépasse l’étroitesse du marché domestique et fournit un débouché pour le surplus de production au-dessus des besoins locaux. Ceci se développe dans ce qui est appelé la théorie “vent for surplus”.(débouché pour le surplus). En termes modernes, on peut dire qu’avant les échanges le pays n’est pas sur sa courbe de possibilité de production. Ensuite, en élargissant l’étendue du commerce international, les échanges améliorent aussi la division du travail et augmentent le niveau général de productivité à l’intérieur du pays. Ceci est développé dans ce qu’on peut appeler la théorie de la productivité. 2.2 La théorie des avantages relatifs Ricardo a établi une condition plus faible pour les échanges. Même si le pays avait un avantage absolu dans toutes les industries, il y a toujours une place pour le commerce international s’il y a des différences dans les avantages relatifs dans la production de deux biens dans deux pays. Si [équation p.127] alors le pays A va exporter le bien x et le pays B le bien y. La source des échanges est en rapport avec les différences techniques. Les différences techniques dans les deux pays , qui résultent de différences dans les productivités relatives du travail dans différentes industries, provoquent le commerce international. La théorie est basée sur l’hypothèse d’un facteur de production unique (le travail), de rendements d’échelle constants et de fonctions de production différentes pour une industrie donnée dans les deux pays. Les coefficients techniques (les coefficients input - output) sont fixés et ils sont différents pour des industries différentes. La théorie est souvent appelée la théorie classique des échanges. La théorie de Ricardo peut être considérée comme une théorie des avantages comparatifs, où les avantages sont liés aux différences techniques. 2.3 La théorie de la dotation des facteurs C’est la théorie de la proportionnalité des facteurs, ou la théorie de Heckscher - Ohlin, ou la théorie néoclassique des échanges. 89 La théorie est basée sur une série d’hypothèses en relation avec la production, la consommation et les marchés. La fonction de production est la même pour une industrie donnée dans tous les pays. Il y a un rendement d’échelle constant. Il y a substitution entre les facteurs dans la fonction de production. Il n’y a pas de renversement des facteurs, ce qui signifie qu’à tout prix relatif des facteurs, un bien est toujours plus intensif en travail que l’autre. Il y a deux facteurs homogènes de production, le travail et le capital. Les fonctions de consommation sont de telle sorte que les courbes d’indifférence sont homothétiques. Les fonctions de consommation sont les mêmes dans les deux pays. Les marchés des biens sont des marchés en concurrence parfaite. Sur le marché des facteurs, le marché du travail et le marché du capital, il y a également concurrence parfaite. Cela signifie l’entière mobilité entre les industries du pays. Un ajustement instantané aux nouveaux prix relatifs sans coûts d’ajustement. Les facteurs de production sont totalement immobiles entre les pays. Il n’y a pas de coûts de transport. En se basant sur ces hypothèses, il est possible d’obtenir quelques conclusions pertinentes à propos du commerce international. [schéma p.128] 2.3.1 La structure des échanges Tout d’abord, la structure des échanges est déterminée par la dotation des facteurs dans les différents pays. Le montant relatif de capital et de travail est le facteur crucial. On fait l’hypothèse que le pays A est le pays avec un stock de capital relativement grand, en comparaison avec le pays B qui est le pays où le travail est abondant. Les proportions des facteurs déterminent les prix relatifs des facteurs. Dans le pays A le prix du capital est relativement bas, et dans le pays B le travail est relativement bon marché. Si le bien x est le produit relativement intensif en capital, alors le prix de x avant l’échange est relativement bas. Par opposition, dans le pays B, le produit intensif en travail, y est relativement bon marché. De là, le pays où le capital est abondant se spécialise dans le produit intensif en capital, qui est exporté. Le pays doté en travail se spécialise dans la production du produit intensif en travail, qui est exporté. 2.3.2 Les prix Ensuite, après l’échange, il y aura une modification de la distribution du revenu. Le facteur de production relativement rare dans chaque pays va perdre en termes absolus, et le facteur relativement abondant va gagner. 90 La conclusion est que la dotation différente des facteurs est la force motrice du commerce international. C’est aussi la sources des gains des échanges. Au plus les dotations de facteurs sont différentes entre les pays, au plus les pays vont échanger. La théorie de proportionnalité des facteurs a été la théorie dominante après guerre. C’est probablement dû au fait que c’est une théorie très précise et intellectuellement attirante. Cependant, il est étonnant que le paradigme de proportionnalité des facteurs ait eu un tel statut dominant. En effet, les résultats empiriques ne soutiennent pas la théorie. Déjà au début des années cinquante, Leontief a mené son enquête, montrant que les USA- à cette époque supposées être le pays le plus riche en capital du monde - importaient des biens intensifs en capital et exportaient des biens intensifs en travail. La structure générale des échanges dans la période de d’après la guerre a aussi montré que les échanges entre pays industrialisés - avec les mêmes proportions de facteurs - ont crû plus qu’entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement. Si la théorie de proportionnalité des facteurs est utilisée pour expliquer les mouvements des facteurs, certains prédiront que l’investissement direct étranger ira tout d’abord des pays industrialisés vers les pays en voie de développement. Mais nous savons que c’est essentiellement l’investissement direct entre pays industrialisés qui s’est répandu. La théorie de la proportionnalité des facteurs est une théorie des avantages comparatifs où les avantages sont liés à la dotation relative des facteurs. Toute une littérature s’est développée à propos de l’hypothèse sous-jacente à la théorie de la proportionnalité des facteurs. Seulement une hypothèse doit être mentionnée ici , celle des facteurs homogènes de production. C’est une erreur de prendre un travailleur pour un travailleur. La force de travail est toujours associée avec le capital humain, compris comme des aptitudes humaines obtenues par l’éducation et la formation. Il est donc raisonnable de diviser la force de travail en catégories différentes, par exemple les scientifiques, le travail à très haute formation, le travail qualifié et le travail non qualifié. Le besoin de catégories différentes varie entre secteurs de production. Une théorie modifiée de la proportionnalité des facteurs dit qu’un pays exporte les biens pour lesquels l’intensité en facteur est élevée pour le facteur de production (le type de travail) pour lequel le pays est bien doté. 2.4 Les avantages comparatifs liés au processus de production. La théorie de la proportionnalité des facteurs prend la technologie comme exogène et fixée. La meilleure technologie est gratuitement disponible pour tous les pays. C’est une caricature des conditions technologiques dans des industries telles que la chimie ou l’électronique. Des 91 différences de technologies interviennent dans une grande partie des échanges pour de tels produits. Il est raisonnable de classer sous cette introduction la théorie de l’écart technologique et la théorie du cycle du produit. 2.4.1 La théorie de l’écart technologique . Selon cette théorie, des différences temporaires dans les connaissances spécifiques à l’industrie déterminent les échanges. Un pays va exporter les biens dans l’industrie desquels il a un avantage technologique sur les autres pays. 92 La théorie est basée sur deux hypothèses importantes. Premièrement, il y a des facteurs systématiques et endogènes qui influencent la localisation initiale de l’avance technologique et de la production de biens techniquement avancés. Les innovations et la production vont d’abord prendre place dans les pays techniquement avancés. Ensuite, la technologie n’est pas un input libre et n’est pas transférée instantanément d’un pays à l’autre. Il y a un écart de la demande avant que les consommateurs des autres pays connaissent le nouveau produit et ses possibilités. Du côté de la production, il y a un écart d’imitation. Il faut du temps avant que d’autres pays puissent produire les nouveaux produits. Au plus la période de temps entre la matérialisation de la demande et le lancement de la production des nouveaux produits à l’étranger est longue, au plus le pays innovateur va exporter. 2.4.2 La théorie du cycle du produit Cette théorie combine différents éléments. Elle incorpore un principe d’écart technologique, ainsi que des différences de dotations en facteurs entre pays, et les investissements directs étrangers. On suppose qu’un produit a un cycle de vie. D’abord, il y a le stade de l’innovation, ensuite le stade de la croissance, et enfin le stade de la maturité. Les conditions de la demande varient dans les différentes phases, et il en est de même pour les conditions de production. Le produit change de caractéristiques de phase en phase, et donc le processus de production est tout à fait différent d’une phase à l’autre. L’importance des différents facteurs de production diffère de phase en phase, et quand différents pays ont différentes dotations de facteurs, il devient rationnel de déplacer le lieu de production quand le produit se déplace d’un stade à l’autre du cycle. L’innovation va avoir lieu dans les pays les plus avancés techniquement. Au stade de la croissance, la production va se déplacer vers d’autres pays industrialisés, et enfin, au stade de la maturité, la production va s’établir dans les pays en voie de développement, souvent à travers des compagnies possédées par des étrangers. 2.5 Economies d’échelle et spécialisation 2.5.1 Economies d’échelle Faisons l’hypothèse que nous avons deux pays identiques. Les deux biens sont des produits standard et la structure de la demande est identique pour chaque produit dans les deux pays. La dotation en facteurs est la même. La fonction de production de chaque produit est la même dans les deux pays. L’hypothèse de l’absence de rendements d’échelle est maintenant remplacée par l’existence d’économies d’échelle. Cela signifie que la courbe des possibilités de production est convexe par rapport à l’origine. Sans échange, le point de production et de consommation est S dans les deux pays. Quand un échange s’établit, il est possible pour les deux pays d’exploiter les économies d’échelle. Un pays va produire en P et consommer en U, tandis que l’autre pays va produire en Q et consommer en T. 93 Les deux pays se portent mieux grâce à l’ouverture des échanges, qui élargi les marchés de sorte que chaque pays puisse bénéficier des économies d’échelle. 2.5.2 La spécialisation des variétés Pour éviter toute confusion, il est sage de distinguer entre économies d’échelle et économies de spécialisation. Les économies d’échelle sont en rapport avec l’élargissement de la taille de l’usine. Si l’utilisation du travail et du capital est doublée - cela signifie que la taille de l’usine est doublée - alors la production est plus que doublée. Quand nous parlons de spécialisation des variétés, nous traitons de bien différentiés. Dans les pays de l’UE, par exemple, il y a une usine chimique dans chaque pays, qui produisent chacune douze variétés qui sont toutes demandées dans chaque pays. Quand les barrières à l’échange sont supprimées, une spécialisation s’établit. Maintenant chaque usine dans chaque pays se spécialise dans une variété. La taille de l’usine en tant que telle est inchangée dans chaque pays. Les gains de production sont liés à une baisse des assortiments de production dans chaque fabrique. La figure 8, interprétée de la nouvelle manière, illustre ce qui se passe. Figure 8 [figure 8 p.132] Cette théorie de spécialisation dans la variété est un élément important pour expliquer les échanges au sein de l’industrie. 2.6 Les théories des échanges orientées vers la demande Les théories citées plus haut expliquent les échanges du côté de l’offre. Le côté de la demande ne joue aucun rôle dans la localisation internationale de la production, bien qu’il joue un rôle important dans la détermination des termes de l’échange. Il y a une exception quand nous traitons de la théorie de l’écart technologique et celle du cycle du produit. La théorie du l’écart technologique se sert aussi du côté de la demande pour expliquer où les innovations prennent place, et quand débutent les échanges dans le cas de l’écart technologique. Dans la théorie du cycle du produit, une importance encore plus grande est attachée au côté de la demande. Les conditions de la demande sont tout à fait différentes aux différents stades du produit. Même les conditions du marché sont différentes. Dans les deux théories, à la fois les côtés de l’offre et de la demande sont importants. Tournons-nous maintenant vers des théories où le côté de la demande est le seul facteur, ou le facteur prédominant, qui explique les échanges. 2.6.1 Différentes structures de demande à travers les pays 94 Il y a deux produits standardisés, et la structure de la demande est différente dans les deux pays. Les deux pays ont des courbes de possibilité de production identiques et elles sont concaves par rapport à l’origine. Avant qu’il n’y ait des échanges, il y a une spécialisation dans le produit entre les deux pays. Le pays avec une demande plus forte pour un bien donné va produire plus de ce bien. Après l’échange, la structure de production est la même dans les deux pays et les échanges vont “prendre soin” des différences de consommation. 2.6.2 La théorie du marché domestique Dans chaque pays, il y a une certaine structure de demande déterminée par le revenu par tête. Il y a de larges catégories de biens demandés comme la nourriture, le textile et l’habillement, les produits chimiques, les moyens de transport et les machines. Pour chaque catégorie de produits, il y a une grande variété de produits différentiés. Ils varient en qualité. Faisons l’hypothèse que pour chaque groupe de produit, il est possible de classer les différentes variétés selon la qualité. Certains des biens ne sont pas transformés, d’autres le sont plus ou moins. Dans la figure 9, nous trouvons une illustration stylisée. Sur l’axe vertical, le revenu par tête est indiqué. Les pays les plus pauvres sont à l’extrémité la plus basse de l’échelle, les pays les plus riches sont en haut. Sur l’axe horizontal, quelques exemples de différentes catégories de produits sont divisés entre biens non transformés (plus simples) et biens plus transformés (biens plus sophistiqués). Les lignes verticales indiquent dans quelle catégorie de revenu par tête le groupe de biens spécifique est demandé. Figure 9 [figure 9 p.134] La théorie du marché domestique contient deux éléments centraux. Tout d’abord, la structure de la demande est différente dans des pays différents, selon le revenu par tête. Ensuite, la structure de production est déterminée par la structure de la demande. Un pays ne produit un bien que s’il est demandé dans le pays. Cela ne signifie pas que tous les biens demandés vont être produits. Au plus la demande est “représentative”, au plus les chances d’avoir une production nationale du bien sont grandes. En résultat, les possibilités d’échange augmentent avec des structures de demandes similaires entre les pays, même si les possibilités de production sont très semblables. C’est juste la conclusion opposée de la théorie de proportionnalité des facteurs. Dans la figure 9, deux lignes horizontales sont tirées pour un pays pauvre, A et pour un pays riche, B. Leurs structures de consommation ne se ressemblent pas, et il n’y a donc pas de place pour les échanges. Si les deux pays ont plutôt un revenu par tête proche de C, alors il y a une structure de production semblable, et il y a des possibilités d’échange. C’est le même cas quand il y a deux 95 pays pauvres autour du niveau de revenu A, ou deux pays riches avec un niveau de revenu proche de B. On peut aussi conclure que les arrangements régionaux entre pays de même niveau de revenu - toute chose étant égale par ailleurs - vont générer plus d’échanges que des arrangement régionaux entre partenaires inégaux. Mais la structure de production n’est pas la même quand le revenu par tête est le même. Quand ce revenu est le même, la structure de consommation est la même et on pourrait penser que ce sera le cas de la structure de production. La réponse est non, mais elle nécessite une explication. La raison est que pour chaque groupe de biens sur l’axe horizontal de la figure 9, il y a une grande variété de biens pour chaque catégorie. Prenons par exemple les voitures. Une BMW, une Toyota et une Lada sont des voitures de qualité différentes. On suppose qu’il est possible de faire un classement de toutes les voitures selon la qualité. Dans la figure 10, le classement des voitures selon la qualité est sur l’axe vertical et le revenu par tête sur l’axe horizontal. Il y a deux pays, A et B, qui ont des revenus par tête légèrement différents. La qualité la plus demandée (la demande représentative) en A est C3 et en B, C4. Cependant, il y a dans chaque pays une demande qui se recoupe pour les différentes qualités, entre C1 et C5 dans le pays A, et entre C2 et C6 pour le pays B. La raison en est que dans chaque société, il existe toujours des consommateurs qui préfèrent une autre qualité de voiture que le consommateur “représentatif”. Les demandes représentatives dans les pays A et B sont, comme nous l’avons déjà dit, C3 et C4. Ces deux qualités vont être produites dans chacun des deux pays. Il y a un type de demande similaire, C2 - C5. Parce que les productions des deux pays sont situées dans cette série, il y aura des échanges entre les deux pays. Figure 10 [figure 10 p.136] Même si les deux pays ont le même revenu par tête, la demande représentative n’est pas nécessairement la même. La distribution de revenu devrait être différente. Dans le pays avec plus de gens riches, il y aurait une demande plus forte pour des voitures de meilleure qualité que dans les pays où il y a plus de personnes plus pauvres, avec une demande pour les voitures de moins bonne qualité. Il reste une question à laquelle nous devons répondre. Pourquoi le type de production de voitures est déterminé par la structure de consommation nationale? Tout d’abord, les producteurs de voitures potentiels sont plus familiers avec la demande de leur propre pays qu’avec la demande des autres pays. Ensuite, même si la demande étrangère est correctement perçue par les entrepreneurs, le manque de familiarité va rendre plus difficile le développement d’un produit avec les bonnes caractéristiques, satisfaisant les besoins étrangers. Troisièmement, l’éloignement des marchés étrangers rend plus difficile et coûteux de d’adapter continuellement le produit à la demande changeante. De là, la plupart de la production est basée sur le marché 96 domestique. Il se peut que la théorie du marché domestique soit plus valide quand l’internationalisation des économies n’est pas si dominante. Le système international de communication et les contacts étrangers se sont considérablement développés ces dernières décennies. Finalement, on peut se demander pourquoi une firme ne produit pas toute une série de voitures de différentes qualités. La réponse peut être trouvée quand nous ajoutons la théorie des économies de la spécialisation des variétés. On peut distinguer entre différenciation verticale des biens et différenciation horizontale. Quand on se penche sur la spécialisation du produit BMW, Toyota et Lada, elle peut être caractérisée comme une spécialisation verticale du produit, parce que tout le monde a le même classement de qualité. La détermination totale de la qualité contient plusieurs éléments. Pour une voiture, c’est une question de vitesse, de confort, d’économie (kilométrage par litre), de design, de sécurité, de pollution, etc. Si une Volvo et une BMW sont généralement considérées comme des voitures de même qualité, il y a un cas de différentiation du produit. S’il est possible d’avoir une mesure commune de qualité, la qualité totale sera considérée comme la même, mais si on se penche sur les éléments partiels de qualité, les deux produits seront différents. 2.6.3 L’approche de la variété idéale La variété idéale de biens demandés va être différente dans chaque pays, selon les différences de revenu et de goûts parmi les citoyens. Si le niveau moyen de revenu diffère entre deux pays, et si la distribution des revenus diffère, il va y avoir une demande pour des produits différenciés verticalement. Si les habitudes et les goûts diffèrent dans chaque société, il y aura aussi une demande pour des produits différentiés horizontalement. Même si les conditions économiques sont exactement les mêmes dans les deux pays, nous allons constater une demande pour des produits différentiés verticalement et horizontalement. A cause de la structure de la demande richement différentiée dans chaque pays, il y a de la place pour plusieurs produits différentiés verticalement et horizontalement, qui seront situés dans différents pays parce que les conditions de production sont les mêmes. L’approche de la variété Cette approche postule que toutes les variétés sont introduites dans la fonction d’utilité individuelle d’une manière symétrique. Les individus gagnent de l’utilité d’une plus grande variété, c’est-à-dire quand ils sont capables de consommer plus de variétés, plutôt que capables de consommer une variété préférable. Cette approche peut être basée sur le fait qu’un groupe donné de biens, comme par exemple les produits alimentaires, satisfait tout un ensemble complexe de besoins. L’alimentation peut satisfaire le besoin d’avoir suffisamment de calories, protéines, vitamines, etc. pour être en bonne santé. Elle peut aussi satisfaire le besoin d’expériences gustatives et esthétiques. L’alimentation sert aussi à l’occasion les besoins sociaux. La nourriture est un bien presque indispensable aux rassemblements sociaux, et elle peut donner aux hôtes un prestige social. L’habillement est un 97 autre groupe de biens servant un ensemble complexe de besoins. Quand les gens s’enrichissent, ils ont plus de possibilités de satisfaire leurs besoins en achetant plus de biens et plus de services. Quand le niveau de vie s’accroît, il est évident que la diversification des produits va s’étendre. Les biens en capital deviennent de plus en plus complexes avec le progrès technologique. Il y a de plus en plus de place pour la production de différents produits intermédiaires. La même tendance s’installe dans la production de biens de consommation. La structure de la demande se développe d’une telle manière qu’il est clair que plus de produits plus différentiés sont nécessaires. Si on combine ce fait avec les économies de spécialisation des variétés, alors il est facilement explicable que la production prenne place dans différentes usines qui sont situées dans différents pays, avec les mêmes possibilités de production. Il n’est souvent pas facile d’expliquer pourquoi un pays produit une variété du produit et l’autre pays une autre variété. Parfois, la force de la “demande représentative” donne une explication. Parfois différentes possibilités de production, à un niveau vraiment spécifique de savoir faire et d’aptitudes, peuvent expliquer la structure. 2.6.4 Conclusion Quand nous nous penchons sur le développement de la théorie des échanges, nous voyons qu’à l’origine les facteurs de l’offre étaient les facteurs explicatifs dominants. Depuis, les facteurs de la demande ont été introduits comme facteurs importants. Aujourd’hui nous sommes dans une situation où une sorte de synthèse a été obtenue, dans le sens que la combinaison des variations de produit et des économies de spécialisation des variétés peut expliquer la plupart des échanges prenant place entre pays avec des conditions similaires. 2.7 La structure du marché Les théories des échanges basées sur les facteurs de l’offre font l’hypothèse de la concurrence parfaite. Quand les théories orientées vers la demande ont été introduites, il a fallu remplacer la concurrence parfaite par la concurrence monopolistique. C’est une conséquence de l’introduction d’une différentiation verticale et horizontale du produit. Cependant, il est important de remarquer que l’introduction d’une nouvelle structure de marché a été nécessaire quand les biens différenciés ont été introduits, mais la nouvelle structure de marché en tant que telle n’était pas la force motrice du commerce international. Si nous avions eu autarcie, il y aurait eu un grand risque de terminer avec une situation où la concurrence monopolistique aurait été plus caractérisée par les monopoles que par la concurrence. Cependant, il est possible de construire des modèles où la structure de marché en tant que telle explique le commerce international. En d’autres mots, la structure de marché en tant que telle peut être une source indépendante de commerce international. Prenons un exemple. Nous avons deux pays identiques du point de vue des conditions de la demande et de la production. Dans chaque pays, nous avons un producteur d’un produit homogène. Quand on vend sur le marché domestique, il n’y a pas de coûts de transport, alors que l’exportation vers les autres pays en impose. 98 La structure de marché est un oligopole, plus exactement un duopole. Dans un tel marché, les interdépendances stratégiques entre les firmes sont très importantes. Chaque firme devrait réagir de manière autonome dans le sens qu’elle pense qu’un changement de sa politique ne va pas influencer la politique de l’autre firme. L’alternatives est que les firmes réagissent d’une manière conjoncturelle, de sorte que chaque firme prenne en considération la réaction de l’autre firme. Si les firmes réagissent de manière autonome, on peut montrer qu’il est profitable pour chaque firme d’exporter une certaine quantité vers l’autre pays, en dépit du fait que la rentabilité des exportations est plus basse à cause des coûts de transport. Même s’il y a une certaine sorte de comportement conjoncturel, on peut montrer que l’échange entre pays du même produit homogène est profitable. Il est clair cependant qu’une alliance stratégique entre les deux firmes, dans laquelle elles se mettent d’accord de ne pas exporter, serait pour chacune une meilleure solution. Il n’est pas certain que ce soit préférable pour la société, parce qu’un tel accord va entraîner moins de concurrence et donc une production moins efficace et des prix à la consommation plus élevés. 2.8 Résumé La théorie du commerce international a suivi le chemin d’autres branches de la théorie économique. Nous n’avons plus une seule théorie expliquant le phénomène. Au contraire, il existe toute une série de théories, chacune expliquant une partie du problème. Il est crucial de distinguer entre différents pays, s’ils sont semblables ou non du point de vue des possibilités de production et de la structure de la demande. Il est aussi important de distinguer entre les produits standardisés et les produits différentiés. Dans le tableau 1, les différentes théories des échanges discutées dans ce chapitre sont rassemblées dans une structure qui comporte différents pays et différents produits. Tableau 1 [tableau 138] 3. Quelles sont les implications politiques de la théorie du commerce international? On ne peut pas dire que le libre échange soit dans tous les cas préférable à un certain type de protectionnisme. Il y a deux cas où les barrières à l’échange, ou autres types d’interventions, peuvent donner un bien-être plus élevé que le libre échange. 99 Premièrement, il y a le cas du grand pays. Si un pays a un certain pouvoir de monopole ou de monopsone, il peut obtenir de meilleurs termes de l’échange qui vont accroître le bien-être national. Cependant, la hausse de bien-être national va toujours être aux dépends du reste du monde. Globalement, la situation du tarif optimal est pire que la situation sans tarif. Deuxièmement, il y a des imperfections du marché. Les corriger peut entraîner un bien-être supérieur. Certaines de ces imperfections sont en rapport avec les externalités. 3.1 Les pays industrialisés La production de biens techniquement avancés peut donner de meilleurs termes de l’échange, en relation avec des produits plus standardisés. Un pays capable d’innover va avoir un avantage. Les inventions techniques, cependant, nécessitent un environnement industriel. S’il y a déjà une industrie à haute technologie, les chances de provoquer de nouvelles inventions sont plus grandes. Cela peut être une raison pour supporter le développement d’industries à haute technologie. La question se pose immédiatement de savoir si le support doit être sélectif ou général. Un support sélectif est donné à des industries ou des projets spécifiques, tandis qu’un support général est donné à l’établissement d’une “infrastructure” qui peut être utilisée par les firmes. La question est qui est le mieux placé pour sélectionner les bénéficiaires dans le secteur public ou privé. L’approche sélective peut être considérée comme une intervention plus directe alors que l’approche générale est une intervention plus préparatoire. Etre le premier producteur ou être le seul procure un avantage. Non seulement il est possible d’accaparer la rente, mais il est aussi possible de stimuler un développement industriel qui aboutit à d’autres productions lucratives. Si un pays est leader dans les produits à haute technologie, les autres pays peuvent protéger leurs marchés pour tenter d’établir leur propre production. C’est l’argument de l’industrie dans l’enfance. Un certain type d’intervention, en allouant des subsides à la production, peut être raisonnable si une production compétitive peut être établie à long terme. Les tarifs ou autres interventions sur les échanges ne sont pas les, meilleures solutions. Une politique publique d’achat peut être un support indirect. Si le secteur public achète le produit national à un prix supérieur que pour les produits étrangers, la politique publique d’achat fonctionne comme un tarif. Dans les pays industrialisés, les marchés existent et, normalement, ils fonctionnent parfaitement bien. Mais, comme nous l’avons illustré plus haut, il y a aussi des externalités dans les pays industrialisés. Il y a des externalités positives, comme nous l’avons illustré pour le progrès technologique. Cependant, il y a aussi des externalités négatives, dans le sens que la ressource est épuisée ou endommagée. La production crée des problèmes de pollution. 3.2 Les pays en voie de développement Dans les pays en voie de développement, les marchés sont normalement encore plus imparfaits. Dans certains cas où le système de transport n’est pas suffisamment développé, les marchés à l’échelle de la nation peuvent être inexistants. L’argument de l’industrie dans l’enfance est bien 100 sûr valide pour ces pays. Cependant, le problème n’est pas seulement d’accaparer les externalités liées à la production. Le problème est aussi de créer de l’emploi et du revenu, de créer des marchés qui fonctionnent bien, et de générer une épargne et des ressources de change suffisantes pour un développement ultérieur. Tous ces éléments doivent être considérés dans leur ensemble quand un pays en voie de développement doit choisir entre une stratégie tournée vers l’intérieur ou orientée vers l’extérieur. Une stratégie tournée vers l’intérieur se repose sur une pure stratégie d’autosuffisance, d’après la philosophie de Nurkse sur la croissance équilibrée. Cette stratégie implique tant de problèmes qu’elle n’est pas vraiment populaire. Une stratégie d’import substitution dans une forme plus ou moins rigide, a été utilisée dans plusieurs pays en voie de développement après la seconde guerre mondiale. Une stratégie orientée vers l’extérieur se concentre sur l’exportation de matières premières ou de biens transformés basés sur des matières premières. Elle peut aussi être basée sur une stratégie plus générale de développement orienté vers les exportations. La théorie du commerce international peut être un guide pour les décisions sur la formation du système de commerce international. Comment doivent être les règles du GATT pour obtenir suffisamment de discipline parmi les pays membres. Certaines interventions affectant les échanges peuvent être décidées par des pays industrialisés et des pays en voie de développement. Ici aussi la théorie du commerce international peut donner certaines lignes de conduites, sur s’il est raisonnable d’intervenir et quels instruments doivent être utilisés. 3.3 GATT Quand le GATT s’en tient à un principe multilatéral de non-discrimination, le grand pays ne peut plus exploiter son pouvoir de monopole ou de monopsone. Après la seconde guerre mondiale, les USA étaient la grande puissance. Si les USA exploitent leur pouvoir dans la question des échanges, d’autres pays pourraient former une union douanière pour obtenir un pouvoir similaire, par exemple l’UE. Cette tendance à établir des accords régionaux d’échange peut s’étendre aux pays industrialisés et aux nouveaux pays industrialisés. Un tel développement peut renforcer le risque d’une guerre des échanges entre les blocs, et dans tous les cas les pays en voie de développement, et particulièrement les moins développés parmi eux, vont souffrir. Le principe multilatéral limite la possibilité des grands pays ou des groupes de pays d’exploiter leur pouvoir, qui diminuera globalement le bien-être comparé à une diminution multilatérale de la protection. Il y a un risque que les pays industrialisés soient plus intéressés par la libéralisation des échanges internes de produits différenciés, pour lesquels les coûts d’ajustement sont bas, et négligent la libéralisation des échanges où les pays en voie de développement ont des intérêts et où les coûts d’ajustement sont supérieurs. On peut distinguer entre des instruments qui déforment directement le marché comme les tarifs, barrières non tarifaires, subsides aux exportations, et des instruments qui déforment indirectement le marché, comme les subsides à la production. Il est clair que le GATT doit essentiellement se concentrer sur les instruments qui déforment directement le marché. Tournons-nous maintenant vers les exceptions à la non intervention dans les échanges. Quand on regarde les pays industrialisés, les nouvelles théories des échanges ont donné plusieurs exemples 101 montrant que l’intervention dans les échanges va accroître le bien-être. Cependant, il faut être très prudent en tirant la conclusion que plus d’intervention dans les échanges devrait être permise. On peut se demander dans quelle mesure les conclusions tirée de la nouvelle théorie du marché sont robustes, en relation avec les hypothèses changeantes sous lesquelles les conclusions sont déduites. Dans quelle mesure les exemples spécifiques d’interventions améliorant le bien-être sont importants ou généraux? Quels sont les risques de représailles de la part des partenaires des échanges? La question est quel degré de discipline internationale il devrait exister en rapport avec la politique industrielle. Les politiques industrielles ont certaines conséquences budgétaires, et il a donc un élément national de correction si les dépenses montent en flèche. Au plus le support est général, au moins il risque de provoquer des inquiétudes à propos de distorsions des échanges. L’argument de l’industrie dans l’enfance est un argument pour l’intervention. Cet argument, cependant, ne peut donner aucune indication sur la question de savoir si un pays doit choisir une stratégie de développement basée sur l’exportation de produits primaires, ou une stratégie d’import substitution, ou une stratégie générale orientée vers les exportations. La situation à un moment donné est tellement différente d’un pays en voie de développement à un autre, que la stratégie optimale de développement peut varier. A travers le temps, les conditions dans un pays en voie de développement donné peuvent tellement changer qu’il serait également raisonnable de modifier la stratégie de développement. Dans la plupart des pays les plus pauvres, il est nécessaire de se baser sûr un stratégie primaire d’exportation ou une stratégie d’import substitution. Une stratégie d’import substitution cependant est très dangereuse à long terme, particulièrement si elle est poussée trop loin. L’expérience nous montre que l’on peut facilement se retrouver avec l’inefficacité dans des économies fortement déformées. Une stratégie orientée vers les exportations n’est pas nécessairement caractérisée par la non intervention, mais elle est caractérisée par une politique évitant les distorsions entre les différents secteurs. 102