OUVERTURE COMMERCIALE A L’INTERNATIONAL ET DEVELOPPEMENT
Introduction
Les débats sur le lien existant entre ouverture commerciale et développement sont apparus lors de la
Révolution Industrielle avec, par exemple, les revendications autour de l’abolition des corn laws en Angle-
terre et l’imposition du traité de libre échange franco-anglais par Napoléon III.
Lorsque la thématique du développement s’est généralisée, aux lendemains de la deuxième guerre mon-
diale, la question de l’ouverture commerciale s’est relativement effacée au profit du rôle de l’État mais les
années 80 ont vu son retour en force. Retour justifié à la fois par des constats empiriques et l’évolution de
la réflexion théorique. Ainsi la question de l’ouverture commerciale a été placée au centre du « Consensus
de Washington ».
Il convient donc d’interroger la nature des liens entre l’ouverture commerciale, c’est-à-dire une insertion
plus poussée d’une économie dans les flux d’échanges de biens et services internationaux, et le dévelop-
pement, ensemble de transformations qui rendent aptes une économie à faire croître son produit global.
Peut-on identifier un lien positif entre ouverture commerciale et développement ? quelle place joue la
dynamique de la croissance dans ce processus ? quelle est la nature exacte de ce lien : mécanisme automa-
tique ou nécessité de conditions particulières, voire risque d’effets pervers ?
Nous analyserons dans un premier temps les arguments empiriques et théoriques qui permettent de con-
clure à la nécessité de l’ouverture commerciale pour permettre le développement puis nous montrerons
que l’ouverture commerciale peut avoir des effets contrastés.
A- Si des arguments empiriques et théoriques permettent de mettre en évidence
l’efficacité de l’ouverture commerciale pour le développement
1- Des expériences de développement qui justifient le lien ouverture commerciale crois-
sance et développement
constat d’un demi siècle de développement économique : pays qui enclenchent un processus de déve-
loppement et de rattrapage économique sont caractérisés par une insertion accrue dans le commerce
mondial
pays marginalisés dans le commerce mondial (PMA, en particulier africains) apparaissent marqués
par des difficultés économiques structurelles
expériences de développement autocentré conduisent à des échecs ou à un faible taux de croissance
réorientation de la politique en matière d’ouverture commerciale de la Chine (1979) et de l’Inde (dé-
but des années 90) est marquée par une forte accélération des taux de croissance
article de synthèse (Sachs et Warner 1995) conclue à l’efficacité de l’ouverture commerciale en ma-
tière de croissance
2- Les conclusions empiriques sont renforcées par des analyses théoriques qui explici-
tent le lien ouverture commerciale croissance
analyses des économistes classiques (Smith 1776, Ricardo 1817) : ouverture permet un gain
d’efficacité (division du travail, économie de facteurs de production)
analyses modernes mettent l’accent sur des facteurs dynamiques liés à l’ouverture : diffusion des
innovations (en particulier via les importations de biens d’équipement), économies d’échelle grâce au
développement des exportations, diffusion des gains de productivité réalisés dans les secteurs mo-
dernes dans l’ensemble de l’économie, accès au stock mondial de connaissances (perspective de la
croissance endogène)
ouverture apparaît également comme facteur de rationalisation des économies : incitations microé-
conomiques (impact de la concurrence), rigueur macroéconomique (en particulier dans le domaine
monétaire)
3- La croissance et l’ouverture se combinent pour favoriser le développement
croissance apparaît comme une condition du développement : permet de dégager des moyens finan-
ciers et génère des gains de productivité pour permettre les investissements dans le domaine social
ouverture commerciale peut également être accompagnée et relayée par des investissements étran-
gers qui font évoluer les marchés du travail et les conditions sociales
ouverture commerciale entraîne une pression pour l’évolution des institutions
B- … La nature exacte du lien entre commerce et développement apparaît difficile à
cerner
1- L’identification de limites à la relation ouverture commerciale – développe-
ment
Double remise en cause des conclusions empiriques favorables au lien ouverture commerciale dé-
veloppement : interrogation sur la pertinence des études économétriques ( Rodrik Rodrigues
1999 : difficulté pour construire un indicateur satisfaisant de l’ouverture d’une économie et de son
évolution), constat de situations où la faible ouverture peut être favorable (CNUCED 2004 : parmi
les PMA « ce sont les pays qui se sont ouvert le plus modérément qui ont connu les meilleures per-
formances)
Complexité de la référence à l’ouverture : représente à la fois un état (mesure par des flux commer-
ciaux) et le résultat d’actions politiques (mise en œuvre d’instruments de politique commerciale)
Degré d’ouverture d’une économie apparaît également mécaniquement relié de manière inverse à la
taille du pays + question de la position géographique face aux principaux flux mondiaux (Sachs)
Libéralisation de l’économie liée à l’ouverture commerciale peut également générer des conséquences
sociales négatives (« émeutes de la faim ») coûteuses en terme de développement
2- Justifie une réflexion sur les conditions favorables pour l’impact de
l’ouverture…
Interrogation sur d’éventuelles conséquences négatives de la spécialisation (spécialisation régressive
Graham - 1923, croissance appauvrissante - Baghwati 1963)
Risques de processus de dépendance, d’extraversion et de désarticulation d’économies avec une in-
sertion déséquilibrée dans l’économie mondiale (+ risque d’une ouverture élargie à des flux de capi-
taux déstabilisants) : échange inégal (A. Emmanuel)
Importance du contrôle des conditions d’ouverture (politique commerciale, articulation libre échange
protectionnisme) selon le modèle des pays d’Asie du Sud-Est et aujourd’hui de la Chine et de l’Inde
Dynamique de croissance suppose également une volonté politique pour assurer le développement
(investissement dans la « couverture des coûts de l’homme)
3- Et amène à réfléchir sur d’éventuelles rétroactions entre les deux principes
Degré d’ouverture d’une économie est également lié au niveau du revenu par tête (demandes de diffé-
renciation de la part de la population)
Dynamique de croissance et de développement favorise l’insertion de le commerce mondial à travers
des gains d’efficacité et de compétitivité mais peut aussi amener l’économie considérée à faire évoluer
sa spécialisation (question de la hausse du coût de la main d’œuvre en Chine à l’heure actuelle)
Conclusion
Si l’ouverture commerciale à l’international peut apparaître globalement favorable au développement en
favorisant la croissance des économies émergentes grâce aux effets positifs de leur insertion dans
l’économie mondiale, la relation apparaît difficile à cerner précisément et n’apparaît pas automatique :
une ouverture mal maîtrisée, une spécialisation centrée uniquement sur des produits bruts peuvent géné-
rer des conséquences négatives.
On peut alors retrouver une double interrogation actuelle à propos des conséquences du commerce inter-
national et plus largement de la mondialisation : celle de l’impact global du processus et de l’existence de
gains collectifs et celle de la répartition des gains et des pertes du processus. L’enlisement des négocia-
tions commerciales internationales et l’ampleur des débats sur les politiques commerciales adaptées sou-
lignent aujourd’hui la complexité de ces questions.
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