Implants inter-épineux et canal lombaire rétréci : faisabilité en radiologie interventionnelle Auteurs : O. Andreani (1), N. Amoretti (1), C. Ibba (1), E. Cervantes (1) L. Huwart (2) (1) Nice – France, (2) Paris – France • La sténose canalaire lombaire est une cause fréquente de rachialgie et de claudication des membres inférieurs chez la personne âgée pouvant être invalidante. • Son incidence est estimée entre 1,7 et 8% • Ses causes sont multiples et souvent associées : – Débord discal postérieur – Hypertrophie du ligament jaune – Arthrose inter apophysaire postérieure – Spondylolisthesis • Le traitement standard inclut : – Analgésiques – Infiltrations cortisonées – Kinésitherapie – Disectomie (disectomie percutanée ou chirurgicale) En cas de résistance au traitement, l'alternative est le recalibrage canalaire par laminectomie. Cette intervention invasive est réalisée sous anesthésie générale chez une population souvent âgée et fragile. La laminectomie augmente le risque d'instabilité sagittale. • Les implants inter épineux ont été développés afin d’offrir une alternative au traitement chirurgical conventionnel avec : – Une invasivité minimale – Une moindre détérioration des segments vertébraux contigus – Un temps de procédure raccourci – Moins de complications perprocédures • « Un système qui permettrait de modifier favorablement le mouvement et la transmission de la charge lors de la mobilisation d'un segment rachidien, sans intention de fusion de ce segment » Sengupta DK, Orthop Clin North Am 2004 • Ces implants peuvent être posés à 1 ou 2 étages de L1 à L5 • Les indications reconnues sont : Sténose canalaire lombaire centrale, latérale ou foraminale symptomatique Protusion discale modérée avec douleurs lombaires discogéniques « Facet syndrom » Spondylolisthesis dégératif de grade I avec hyperlordose Dégénérescence discale avec rétrolisthesis Syndrome de Baastrup ("kissing spines") • Ces dispositifs inter épineux (spacers, implants) réalisent une distraction des processus inter épineux. • Ainsi ils réduisent l'extension de la colonne vertébrale sans limitation de la flexion, de la rotation axiale et des inflexions latérales. Le degré de bombement du ligament jaune à l’intérieur du canal est le seul paramètre pouvant être modifié par distraction. Principes de la distension ligamentaire • Distraction de l'espace interépineux. • Augmentation par contiguité du calibre foraminal. • Tension du ligament jaune diminuant son volume intracanalaire: effet accordéon. • La distension des structures ligamentaires (ligamentotaxie) permet de réduire la pression et le volume intra-canalaire. • Cette limitation d'extension diminue l'impaction du sac dural sur le ligament jaune. Christie et al, Spine 2005 • Des études in vitro ont montré que les implants inter épineux diminuent la pression intra discale au niveau où l'implant est posé. Swanson et al, Spine 2003 • Ces implants ont par ailleurs la particularité de ne pas modifier la répartition des pressions aux étages adjacents. Swanson et al, Spine 2002 Richards et al, Spine 2005 • Ces implants réduiraient aussi la charge supportée par les articulation inter apophysaires postérieures en agissant comme un « amortisseur de chocs ». Wiseman et al, Spine 2005 Procédure • Elle est réalisée par l’équipe de radiologie interventionnelle. • Les conditions d’asepsie sont celles d’un bloc opératoire. • La procédure peut être réalisée sous anesthésie locale ou générale. • La procédure se déroule sous double guidage TDM et scopique. • Le patient est positionné en décubitus ventral. • Des antalgiques lui sont administrés 1h avant le geste par voie IV afin d'améliorer la tolérance de la procédure. Une hélice tomodensitométrique pré-interventionnelle sur le rachis lombaire permet de planifier la voie d’abord. Un double guidage par fluroroscopie et fluoroTDM est utilisé tout au long de la procédure. La voie d’abord est latérale. Différents calibres de distracteurs et de canules d’insertion sont disponibles en fonction du diamètre de l’implant inséré. Un trocard à biopsie est utilisé pour préparer le trajet d’introduction des instruments et pour réaliser une anesthésie locale au contact du ligament inter épineux. Insertion d'une broche guide au niveau du tiers moyen de l'espace inter-épineux. Incision millimétrique. Mise en place de la canule d'insertion sur la broche guide. Insertion d’ un fantôme et ajustement au niveau de la portion médiane de l’intersection inter-épineuse. Mise en place de l'implant avec déploiement des ailettes sous contrôle scopique. Bon positionnement de l’implant sur l’IRM de contrôle à 1 mois. Cohorte • 12 patients présentant un canal lombaire rétréci (CLR) symptomatique ont été prospectivement traités par la pose d’un implant interépineux (In-Space Interspinous Implants, Synthes) de septembre 2011 à mars 2013. Caractéristiques patients • N = 12 • Sexe : 10 H / 2 F • Etage : – L2L3 : 2 – L3L4 : 3 – L4L5 : 7 • Anesthésie : 10 AL / 2 AG • Age moyen: 78,5 ans (60 - 86) Résultats clinicoradiologiques • Diminution Echelle Numérique de douleur (EN) –Evaluation initiale et à 1 mois post interventionnel • Augmentation de la surface canalaire –Mesures pré et post interventionnelles sur IRM Echelle numérique de douleur Echelle numérique de douleur Augmentation de la surface canalaire Médiane Discussion • Notre étude montre un effet sur la douleur des patients à 1 mois post interventionnel, avec une diminution moyenne de l’Echelle Numérique de douleur d’environ 25%. • Cependant les résultats sont très disparates, d’une absence de réduction jusqu’à une réduction maximale de 6 points chez un patient. • L’échelle numérique de douleur apparaît cependant comme un paramètre d’évaluation insuffisant chez des patients dont les plaintes fonctionnelles sont polyfactorielles. • Se pose la nécessité d’utiliser les échelles de fonctionnalité pour les évaluations futures. • Cependant aucun de nos patients n’a à ce jour eu recours à une chirurgie de décompression canalaire, ce qui laisse présager que l’intervention a au moins eu l’effet de ralentir l’évolution du syndrome. • De plus, le ratio bénéfice / risque est largement en faveur de cette procédure : • Absence de perte sanguine per interventionnelle. • Absence de laminectomie, de flavectomie ou de résection musculaire et donc pas d’instabilité occasionnée par la procédure. • Un des patients traités a bénéficié en plus d’un temps interventionnel discal avec réalisation d’une herniectomie percutanée associée à la pose de l’implant. • Des études récentes ont démontré que la pose chirurgicale d'implants interépineux pour la prise en charge des sténoses canalaires lombaires symptomatiques donne de meilleurs résultats cliniques que le traitement conservateur. Zucherman et al, Eur Spine J 2004 Zucherman et al, Spine 2005 • Actuellement une étude néerlandaise multicentrique randomisée en aveugle est en cours (FELIX trial) comparant la pose chirurgicale d'implant inter épineux à la chirurgie de décompression dans la prise en charge des sténoses canalaires lombaires symptomatiques. Moojen et al, BMC Musculoskeletal Disorders 2010 • Dans notre cohorte nous retrouvons sur les IRM pré et post interventionnelles une augmentation d’environ 20% de la surface canalaire, avec cependant des résultats tout aussi disparates (-9% à +60%). • Ces résultats sont cohérents avec ceux publiés par l’équipe de Masala et al. (Cardiovasc Intervent Radiol, 2010) avec une IRM 0,5 T orthostatique, qui met en évidence des modifications structurales après la pose d'implant inter épineux. • Cependant certaines études sont en contradiction, ne mettant pas en évidence de modification structurales clinostatiques. H.Brat, Journées Françaises de Radiologies 2011 • Des études ont d'ailleurs rapporté une faible corrélation entre le degré de sténose sur les examens radiologiques et les manifestations cliniques. Herno et al, Spine 1994 et 1999 • Sobottke et al. (Eur Spine J, 2009) ont démontré l’absence de corrélation entre les résultats cliniques et l’imagerie clinostatique post interventionnelle. • A ce jour, nous ne reportons pas de complications liées à la pose de l’implant (2 ans de recul maximum). • Pas de complications hémorragiques, infectieuses ou neurologiques. • Pas de luxation ou subluxation de l’implant à court, moyen et long terme. • Cependant des complications ont été reportées dans la littérature avec d’autres modèles d’implants : • Fractures de processus épineux Kim et al, Spine 2011 • Fractures articulaires postéro-inférieures bilatérales Chung et al, Spine 2009 • Enfin, la pose d'implant inter épineux par voie radiologique ne contre indique pas d'autres interventions, chirurgicale ou de radiologie interventionnelle, sur le rachis du patient. Conclusion • L’utilisation de l’implant In-Space® (Synthes) permet la réalisation de cette procédure sous contrôle TDM et scopique par un radiologue interventionnel entraîné. • Cette procédure est réalisable sous anesthésie locale chez des patients fragiles. • Bons résultats préliminaires sur EN, sans complications ni délabrement musculo-squelettique. Conclusion • Ces éléments sont encourageants pour proposer cette solution thérapeutique dans le traitement du canal lombaire rétréci symptomatique chez des patients ayant un segment rachidien responsable identifiable. • Pour plus d’informations : – Imagerie des implants inter-épineux du rachis JFR 2012 – www.info-radiology.com Merci pour votre attention !