LE PORT DE DUNKERQUE (SUITE)
Après avoir racheté Dunkerque
aux Anglais, Louis XIV s’empres-
se de confirmer tous les anciens
droits et privilèges de la ville et
accorde l’entière franchise de
son port, mesure qui permet de
concurrencer le port d’Amster-
dam. De plus, pour réglemen-
ter notamment la guerre de
course, un édit royal institue en
1700 une Chambre de com-
merce ayant pour mission « de
faire fleurir le commerce de la
ville, de maintenir le crédit des
marchands et négociants,
d’empêcher toutes espèces
d’abus, de prévenir les désor-
dres qui pourraient se commet-
tre et généralement de veiller
sur tout ce qui est capable de
bonifier et d’augmenter le com-
merce ». À ces dispositions
d’ordre économique, s’ajoute
la volonté royale de transfor-
mer Dunkerque en place forte
de premier ordre et en havre
militaire. L’intervention de Vau-
ban est alors décisive, tant pour
la ville, dotée d’une enceinte
bastionnée, que pour le port.
Commence alors une période
de grands travaux: L’écluse de
Bergues est restaurée, le canal
de Bourbourg est creusé en
1670 et son écluse rétablie
en 1704. Après le percement
du banc Schurken le chenal
est prolongé par des jetées de
1200 mètres de longueur, pro-
tégées par des forts maritimes.
De plus, le bassin de l’actuel
bassin de la Marine permet
d’accueillir, à flot, dès 1685,
une escadre de frégates tan-
dis que l’arrière-port est ap-
profondi et aménagé pour la
construction et le lancement
de navires de guerre. Une ci-
tadelle est érigée afin de pro-
téger l'ensemble.
Après avoir pris part, avec des
armements considérables, aux
guerres de la fin du règne de
Louis XIV qui firent les beaux
jours des corsaires et immorta-
lisèrent l’épopée de Jean Bart,
Dunkerque est contraint de se
soumettre à la ruine que lui im-
pose le traité d’Utrecht (1713).
Ses fortifications doivent être
rasées et son port comblé.
Par la suite, Louis XIV auto-
rise le creusement du canal
de Mardyck destiné à deve-
nir un port de substitution
relié à la mer.
Mais ces efforts de redresse-
ment sont très rapidement s'avè-
rent vite inutiles: En janvier
1717, le traité d’union de La
Haye consacrant une alliance
de la France avec la Hollande
et l’Angleterre contre le royau-
me d’Espagne, sacrifie Dunker-
que sur l’autel de la diploma-
tie. Les Anglais exigent et ob-
tiennent la démolition de la plus
grande des deux nouvelles éclu-
ses de Mardyck.
Le 31 décembre 1720, une vio-
lente tempête rompt le batar-
deau, édifié en travers du che-
nal six ans plus tôt sur ordre
des Anglais. Profitant de cette
aubaine, les Dunkerquois
agrandissent immédiatement les
brèches et les bateaux peuvent
de nouveau entrer dans le port.
Le commerce reprend sous sur-
veillance anglaise, avec les
ports du Nord, Londres, Ams-
terdam… mais aussi avec les
Antilles, Dunkerque ayant reçu
de Louis XV le privilège de fai-
re le commerce avec les Iles
d’Amérique. En 1730, trois
corvettes sont armées pour la
pêche à la morue marquant le
début d’une autre grande épo-
pée de l’activité portuaire. La
guerre de succession d’Autriche
épargne Dunkerque qui protè-
ge son port par des batteries.
Quand, en mars 1744, la guer-
re est déclarée à l’Angleterre,
les corsaires repartent en mer
et compensent, le commerce en
déclin. La paix, signée à Aix-
la-Chapelle, en 1748, con-
traint Dunkerque à détruire ses
défenses mais son chenal d’ac-
cès est préservé. S’ouvre alors
une courte période de prospé-
rité. Mais une nouvelle guerre,
celle dite de Sept ans qui écla-
te en 1756, ralentit les transac-
tions et relance la course. Pour
finir, le traité de Paris signé en
1763 entérine une nouvelle rui-
ne du port : le bassin de la
Marine et son écluse doivent
être détruits.
Les Dunkerquois l’ont bien com-
pris : le relèvement du port pas-
se par l’industrie et, dès la fin
du règne de Louis XV, s’établis-
sent successivement une manu-
facture de toiles à carreaux,
une verrerie, une fabrique de
pipes, des raffineries de sel, une
distillerie, deux tanneries. Com-
mence aussi à se développer
la fabrication des tabacs. Les
affaires reprennent, soutenues
par diverses libéralités royales.
Louis XVI encourage en effet,
par des primes, la pêche de la
morue et du hareng et favorise
la création de nouvelles fabri-
ques. Cependant, le commer-
ce maritime, redevenu floris-
sant, ne tarde pas à subir le
contre-coup de la guerre de l’In-
dépendance américaine au
cours de laquelle la France
s’oppose à l’Angleterre. Les
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