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Publication à venir dans : Bull. Acad. Natle Méd., 2016, 200, n°6, ---, séance du 7 juin 2016
Georges Guillain (1876-1961) avait connu très jeune une carrière brillante. Nommé major de
l'Internat à 22 ans qu'il termina avec P. Marie, il en devint le chef de clinique. Il poursuivit ses
recherches anato-cliniques avec la même rigoureuse discipline que lui avait enseignée son maître.
Médecin des Hôpitaux à 30 ans, Agrégé à 34 ans, il devint pendant la guerre Médecin Chef du
Centre Neurologique de la 6 ème Armée, où il retrouva comme adjoint son collègue et ami Jean
Alexandre Barré. Celui-ci, après des études de Médecine à Nantes, fut pendant son internat à Paris
élève de Babinski et P. Marie. Après sa thèse en 1912 sur les arthropathies tabétiques, il fut
rapidement mobilisé: d'abord médecin d'ambulance en 1ère ligne, il devint ensuite l'adjoint de G.
Guillain en 1916. André Strohl, troisième signataire de l'article original, était avant tout un
électrophysiologiste et à ce titre responsable de l'enregistrement de la composante musculaire et
réflexe. La disparition de son nom dans les publications ultérieures concernant le GBS est dû non à
une injustice particulière, mais au fait que de par son orientation très neurophysiologique, il
s'éloigna progressivement de la clinique. Nommé Agrégé de Physique médicale, il en occupa la
chaire à Paris en 1925.
Parmi les travaux de G. Guillain, le syndrome de GBS ne fut cependant pas mis immédiatement au
premier plan : il ne constitua par exemple qu'un chapitre dans les varias inclus dans les travaux
neurologiques de Guerre, publiés en 1920. Ce n'est qu'en 1936, à la suite de la remise en cause de la
bénignité du syndrome et de son inclusion dans divers tableaux de polynévrite infectieuse que
Guillain reprécise les limites nosographiques de leur syndrome, insistant en particulier sur l'absence
de fièvre et la dissociation albumino-cytologique dans le LCR [6].
Le dernier écrit publié dans les Annales de Médecine en 1953 [7] reprenait en détail ce qui n'avait
été qu'esquissé dans les années précédentes, et en complétait certains aspects ; décrivant en
particulier un certain nombre de formes cliniques : formes spinales, mésocéphalique, mixte, avec
troubles mentaux. Il y ajoutait également des formes ataxiques [2]. Il rejetait par contre la paralysie
ascendante de Landry par l'absence de contrôle du LCR ou la polynévrite aigue fébrile décrite par
Osler en 1892 en raison de l'existence d'emblée d'une fièvre importante. La notion de bénignité
considérée à l'origine comme faisant partie des critères diagnostiques fut déjà remise en doute par G.
Guillain qui mentionna quelques cas mortels par atteint des nerfs bulbaires. Depuis le milieu du
XX
e
siècle, l'évolution favorable n'est plus un critère diagnostic. Cependant du fait de difficultés
diagnostiques dans certains cas et afin d'éviter une définition trop large du SGB, des critères précis
furent proposés sur le plan international permettant des études cliniques et épidémiologiques
rigoureuses : une première proposition fut faite en 1960 par Osler et Sidell [9], mais c'est en 1976, à
la suite d'une série de cas liée à une vaccination contre une menace de grippe porcine aux USA que
ces critères ont fait l'objet d'une normalisation internationale [1].
Le rappel historique pourrait s'arrêter là, car en dehors de l'étiopathogénie, peu de nouveautés
cliniques mériteraient d'être citées ; mais il restait cependant une surprise de taille : le syndrome de
GBS serait resté méconnu chez un patient pour le moins célèbre en Médecine : ce n'est qu'en 1987,
qu'un historien américain souleva l'hypothèse que Harvey Cushing, fondateur de la neurochirurgie
américaine présenta au cours de la 1ère Guerre Mondiale des symptômes remarquablement décrit
dans ses mémoires de Guerre : en Aout 1918, après un épisode de « grippe », il se plaignit d'une
diminution progressive de la force musculaire des membres inférieurs, accompagnée de paresthésies.
Quelqes semaines plus tard, les mains étaient également atteintes avec sensation d'engourdissement
et de maladresse, si bien que le rasage devenait dangereux et l'action de se boutonner laborieuse .A
la fin de la guerre, après son retour à Boston, il reprit son activité opératoire, mais il demeurait
épuisé après ses opérations L'évolution en trois phases, installation rapidement progressive, stabilité
transitoire puis lente récupération quoique incomplète semble tout à fait caractéristique [11] Le
dernier paradoxe est que G. Guillain et H. Cushing ont assisté l'un et l'autre au Congrès Interarmées
en 1919, mais sans se rencontrer directement, ce qui aurait sans doute permis un diagnostic plus