Progrès en Urologie (2007), 17 285-286 Deux innovations diagnostiques majeures dans la prise en charge du cancer de la prostate Jean-Dominique DOUBLET, Jean-Nicolas CORNU, Morgan ROUPRÊT Au-delà de l’examen clinique, limité pendant des millénaires au seul toucher rectal , deux innovations majeures ont radicalement modifié la prise en charge diagnostique du cancer de la prostate et ont dicté les stratégies codifiées que la plupart des urologues appliquent dorénavant. L’innovation diagnostique majeure dans le cadre du diagnostic histologique est apportée par l’échographie, mise à profit pour guider les biopsies prostatiques. Depuis son invention en 1958, l’échographie a d’abord été utilisée dans les explorations abdominales [4]. Il faudra attendre 1974, pour que l’échographie transrectale soit décrite et utilisée dans l’étude spécifique de la glande prostatique [5]. L’analyse morphologique de la prostate s’avèrera a posteriori peu rentable pour le diagnostic. Le couplage simultané de l’échographie et des biopsies systématisées des zones suspectes à l’image, met en lumière la sensibilité médiocre de l’échographie pour le diagnostic [6]. Elle sera donc finalement utilisée pour le repérage des zones de biopsies, afin de les systématiser dans l’espace pour effectuer une étude cartographique plus rigoureuse de la glande [7]. D’un point de vue strictement anatomopathologique, l’innovation majeure provient des travaux de Gleason, dont le score histo-pronostique, rapporté en 1966, est devenu un facteur pronostique incontournable [8-10]. BIOPSIES PROSTATIQUES Initiées en 1951, les biopsies périnéales de la prostate, puis transrectales deux ans plus tard, ont permis de poser formellement le diagnostic de cancer [1, 2]. Leur mode de réalisation était alors rudimentaire, basé sur la clinique, et utilisait l’archaïque repérage au doigt avec biopsie à l’aiguille (Figure 1). Le rendement diagnostique était alors faible puisqu’il s’agissait seulement de confirmer histologiquement des tumeurs cliniquement évidentes. Les inconvénients étaient nombreux, avec notamment le spectre de l’infection iatrogène, toujours grave avant l’ère des antibiotiques. La technique a ensuite évolué avec l’introduction progressive de la cytoponction prostatique en 1960 [3]. ANTIGÈNE PROSTATIQUE SPÉCIFIQUE (PSA) La recherche dans le domaine biologique a mené à la découverte du PSA, un marqueur incontournable aujourd’hui dans le prise en charge du cancer de la prostate. Découverte en 1950, cette protéine de la famille des kallicréines spécifique de l’organe prostatique connaît un regain d’intérêt en 1969, lorsque sont mis en évidence des anticorps dirigés spécifiquement contre le “Prostate Specific Antigen ou PSA” dans le sérum des patients [11, 12]. L’existence de ces anticorps a également été prouvé dans le sperme, avant de devenir un dosage sanguin en pratique courante [13, 14]. L’identification de cette glycoprotéine de 240 acides aminés, ayant un rôle dans la liquéfaction du sperme, a fait couler beaucoup d’encre avant de devenir un outil diagnostique essentiel [15]. Le PSA intégre le bilan systématique du cancer de la prostate après la conférence de consensus sur la stratégie de prise en charge proposée en 1992 [16, 17]. Depuis, le dosage du PSA est devenu l’élément central du bilan du cancer de la prostate tant dans le bilan d’extension initial que dans le suivi thérapeutique [18-21]. Son utilisation s’est encore accrue avec l’utilisation du ratio PSA libre/PSA total, et, plus récemment de la « densité » ou de la « vélocité » du PSA (accroissement annuel) [22-24]. In fine, le PSA permet de déterminer le risque de cancer de la prostate, en fonction d’un seuil international retenu à 4 ng/ml, mais dont la valeur fait toujours l’objet de discussion d’experts [21, 25, 26]. Figure 1. Biopsie prostatique par voie transrectale 285 L’association systématique du couple “dosage sérique du PSA et biopsies de la prostate” a conduit progressivement à élaborer une stratégie de diagnostic et de suivi consensuelle telle que nous la connaissons aujourd’hui. Dans un second temps, les travaux de Partin ont aidé à la stadification des cancers de la prostate, associant les paramètres de ces nouveaux outils pour affiner l’évaluation de la pathologie [27]. L’utilité des tables de Partin est désormais reconnue par la communauté et peut conforter le clinicien dans son évaluation pronostique. La définition des caractéristiques évolutives des tumeurs en fonction de multiples paramètres (stade clinique, PSA, différenciation tumorale) permet d’identifier, au sein de cette maladie très hétérogène, des sous-groupes de tumeurs de pronostics différents, permettant de porter des indications thérapeutiques appropriées au profil moléculaire de chaque individu. 14. 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