L’intoxication par le plomb concerne environ 85 000 enfants de moins de 6 ans en France.
Une maladie grave qui nécessite prévention et traitement curatif. Au-delà de l’information
des populations touchées et de l’amélioration du dépistage, la lutte contre le satur-
nisme passe par la suppression des habitations insalubres.
Le saturnisme, ou intoxication par
le plomb, est considéré par les profes-
sionnels de santé publique comme un
problème grave, endémique, ancien
certes, mais récemment redécouvert.
Ces médecins ou chercheurs rappellent
que c’est aux États-Unis, à la fin des
années soixante-dix, que cette intoxi-
cation s’est posée dans toute son
ampleur. The Agency for Toxic Sub-
stances and Disease Registry estimait, en
1984, que 17 % des enfants américains
de moins de 6 ans avaient des plom-
bémies supérieures à 150 microgram-
mes par litre de sang. Rappelons qu’à
partir de 100 microgrammes par litre on
parle de plombémie « anormale ».
En France, le saturnisme semblait
avoir disparu ou considérablement
régressé jusqu’en 1985, où, à la suite de
la découverte fortuite de plusieurs cas
groupés d’enfants intoxiqués par le
plomb en région parisienne, une pre-
mière enquête fut réalisée de janvier
1987 à décembre 1990 par les centres de
Protection maternelle et infantile (PMI)
et les Hôpitaux de Paris. Elle révéla que
près des deux tiers des enfants dépis-
tés (1497 sur environ 2000) présentaient
une plombémie supérieure à 150 micro-
grammes par litre.
L’alerte donnée, elle ne cessera jus-
qu’à aujourd’hui d’alimenter actions de
prévention, travaux de recherche et col-
loques divers. C’est ainsi que s’est tenue
à Lille, les 5 et 6 novembre 2003, sous
l’égide de la Société française de santé
publique, une conférence de consensus
sur le saturnisme. Son objectif ? « Adap-
ter les pratiques des professionnels et
des institutions de santé à l’évolution
récente des connaissances scientifiques
et du contexte socioprofessionnel. » Sa
principale conclusion : « Les profession-
nels de santé proposent d’inscrire le
saturnisme sur la liste des affections de
longue durée » car « l’intoxication par
le plomb demeure un problème de santé
publique majeur. »1
Des dépistages insuffisants
Les connaissances actuelles sur l’im-
prégnation par le plomb de la popula-
tion française, données relevées par
l’Institut national de la santé et de la
recherche médicale (Inserm), le Réseau
national de santé publique, les Direc-
tions départementales des affaires sani-
taires et sociales (Ddass), ou quelques
travaux de portée locale (Rhône-Alpes,
Lorraine), indiquent que le taux de pré-
valence du saturnisme (plombémie
supérieure à 100 microgrammes par
litre) est de 2,1 % dans la classe d’âge
des enfants de 1 à 6 ans, ce qui cor-
respond à 84000 enfants sur l’ensemble
du territoire, selon une estimation de
l’Inserm effectuée en 1999.
Toutefois, les actions de dépistage
du saturnisme infantile mises en œuvre
depuis une quinzaine d’années n’ont
permis d’identifier qu’une très faible
partie des 84 000 enfants attendus.
Deux chiffres illustrent ce décalage,
selon la direction générale de la Santé
(DGS) : d’une part, le nombre de cas de
saturnisme déclarés aux Ddass sur l’en-
semble de la France s’élevait seulement
à 423 en 2001 et à 492 en 2002, et, d’au-
tre part, en Ile-de-France, région où l’ac-
tivité de dépistage est de loin la plus
forte, le taux moyen d’incidence
annuelle des cas de saturnisme entre
1992 et 2001 était de 71,3 pour 100 000
enfants de moins de 6 ans. L’activité de
dépistage est donc clairement insuffi-
sante pour identifier une part impor-
tante des enfants à plombémie élevée.
L’intoxication au plomb – même à de
faibles niveaux d’exposition – a des
répercussions sur le développement
psychomoteur de l’enfant.
Un environnement stabilisé
Il semble aussi que la prévalence de
l’intoxication ait baissé au cours des
années. Selon le bureau Plomb et
Saturnisme de la DGS, on observe une
baisse des résultats du dépistage. C’est
vrai en Ile-de-France, où le nombre
d’enfants à plombémie supérieure à
100microgrammes par litres enregistrés
par le système de surveillance du satur-
nisme infantile était de 1 248 en 1992.
À activité de dépistage globalement
constante, on enregistre 336 enfants en
2001. C’est vrai également en Rhône-
Alpes.
Les raisons de cette baisse sont sans
doute à chercher dans les évolutions
intervenues depuis 1996 en matière
d’exposition au plomb de la popula-
tion. En vrac, réhabilitation ou démoli-
tion de logements anciens revêtus de
peintures au plomb, traitement des
eaux afin de réduire l’incidence du
plomb dans les canalisations, dispari-
tion du plomb tétraéthyle des essences,
diminution probable de la charge ali-
mentaire en plomb... Ces évolutions
laissent penser que l’imprégnation de la
population, notamment des enfants, a
diminué.
En matière de prévention, un tour-
nant a été pris en 1995 avec la mise en
place d’un système de surveillance, puis
en 1998 avec la loi contre les exclu-
Renforcer la prévention
du saturnisme
LA SANTÉ DE L’HOMME - N° 369 - JANVIER-FÉVRIER 2004 5
qualité de vie