INTRODUCTION
Le muscle soleus fait partie intégrante du systè-
me suro-achiléo-plantaire, permettant la propul-
sion de l’homme en position debout.
On connaît bien la pathologie des muscles gas-
trocnémiens (GN) notamment celle du gastrocné-
mien médial (GNM). La pathologie de la loge pro-
fonde est peu fréquente. La pathologie du muscle
soleus (S) a été longtemps sous estimée à la fois
cliniquement et par l’imagerie notamment écho-
graphique. Une mise au point s’impose à l’heure
actuelle.
ANATOMIE
Le triceps sural est formé de deux groupes mus-
culaires (1): la couche superficielle composée des
muscles gastrocnémiens latéral et médial, la
couche plus profonde correspondant au muscle
soleus. Entre les deux chemine le plantaire grèle.
Sur le plan anatomique, des différences
majeures séparent en fait les muscles GN du
muscle Soleus (fig. 1)
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Titre de l’article
LES LÉSIONS MUSCULAIRES DU SOLEUS
D. FOLINAIS, P. THELEN, C. DELIN
Fig 1 : Schéma du soleus et du gastrocnémien (G. Morvan. In Journal de Radiologie, FMC, Imagerie en pathologie du sport
2007 ; 88 : 143-55).
A) Muscle et squelette fibreux du soleus.
B) Regroupement du soléaire et des gastrocnémiens.
AB
Le muscle soleus est un muscle uni arti-
culaire et non bi articulaire comme les GN Cette
distinction explique des mécanismes lésionnels
différents, indépendants donc de la flexion ou de
l’extension du genou pour le soleus. Les deux
muscles sont sollicités par contre dans la flexion
plantaire de la cheville.
La structure morphologique du squelette
aponévrotique des deux muscles est également
bien différente [1, 2]
Le muscle soleus s’insère en haut sur l’extré -
mi té supérieure de la face postérieure du tibia et
de la fibula par deux courtes lames planes. Ces
lames se poursuivent immédiatement dans la
masse musculaire et sont donc intramusculaires.
Elles vont progressivement s’effiler de haut en bas
avant de disparaître au tiers inférieur du muscle.
Sur la portion basse du muscle soleus, la struc-
ture aponévrotique est différente.
A partir de la jonction tiers supérieur – tiers
moyen, va apparaître à sa superficie une aponé-
vrose postérieure qui va devenir l’aponévrose
principale. Elle va mouler toute la face postérieu-
re du muscle et se poursuivre jusqu’à la jonction
musculo tendineuse pour se terminer et former le
tendon d’Achille [1-3]. Cette lame postérieure
superficielle va être renforcée sur sa portion infé-
rieure, par une lame intramusculaire perpendicu-
laire ou légèrement oblique par rapport à cette
aponévrose superficielle. Cette aponévrose sagit-
tale démarre en dessous de la terminaison du
GNM pour se poursuivre jusqu’à la partie toute
inférieure du muscle Soleus en diminuant pro-
gressivement de taille : à sa partie moyenne, elle
occupe les 2/3 de l’épaisseur du muscle. Elle
réduira de taille avec la réduction globale de
l’épaisseur du muscle.
Au sein des masses musculaires, il existe égale-
ment des cloisons secondaires situées dans un
plan frontal à légèrement oblique par rapport à la
superficie du muscle. Elles correspondent au
squelette aponévrotique secondaire. Ces cloisons
aponévrotiques sont plus fines, plus difficiles à
visualiser.
Les muscles GN vont par contre s’insérer sur
les coques condyliennes [1]
Cette insertion va se poursuivre par une lame
aponévrotique superficielle postérieure, relative-
ment épaisse, moulant la partie toute supérieure
du muscle, puis progressivement s’effilant, dimi-
nuant d’épaisseur, s’amincissant pour ne laisser
qu’une fine lame à la jonction du tiers moyen et
du tiers inférieur de ce muscle. Par contre, au
niveau de la moitié inférieure notamment du
GNM, c’est l’aponévrose profonde antérieure qui
prend de l’importance. Elle devient distinguable
dès la jonction entre le quart supérieur et les 3/4
inférieurs des muscles. Elle devient de plus en
plus épaisse, s’étale sur quasiment toute la face
profonde des muscles gastrocnémiens médial
comme latéral.
Une fois les fibres musculaires disparues, cette
aponévrose va persister et elle reste présente, en
fait dédoublant superficiellement l’aponévrose
superficielle du muscle soleus.
A la face postérieure du muscle soleus, en des-
sous de la portion inférieure de la masse muscu-
laire des gastrocnémiens, il existe donc deux apo-
névroses principales, superposées, celle du
muscle soleus à la face profonde et sur laquelle
s’insèrent ses propres fibres musculaires, et
l’expansion aponévrotique issue des muscles GN.
Ces deux aponévroses sont séparées par une
interface de glissement sur 50 % de leur hauteur.
Globalement, il existe une portion supérieure où
2
L’imagerie en traumatologie du sport
la lame du GM est libre, c’est-à-dire sans accole-
ment au soleus, et une portion inférieure où les
deux lames aponévrotiques sont directement
accolées l’une à l’autre tout en restant distinctes.
Blitz [4] a retenu trois types d’insertion :
- Une attache directe du GM au soleus, sans apo-
névrose libre aussi bien médiale que latérale.
- Une attache par une courte aponévrose indé-
pendante de moins de 10 mm (12 % des cas).
- Une insertion par une longue aponévrose indé-
pendante (52 % des cas).
L’aponévrose libre est toujours plus longue sur
le versant latéral que sur le versant médial. En
dessous de cette portion libre de l’expansion du
GM, l’union des deux aponévroses se fait par
l’intermédiaire de lames conjonctives transverses.
Cette structure commune va progressivement
diminuer de taille transversalement, s’épaissir,
puis donner la jonction musculo tendineuse et le
tendon d’Achille. Bien que fusionnées, on peut
distinguer les deux lames aponévrotiques l’une
par rapport à l’autre. Il est reconnu, que dans la
constitution même du tendon d’Achille, on dis-
tingue toujours les deux contingents distincts cor-
respondant l’un au GM, l’autre au Soleus. Le
contingent des fibres du GM est situé en superfi-
cie donc postérieur, et le contingent du soleus en
avant. Les fibres du tendon d’Achille vrillent
ensuite et le contingent postérieur va devenir plus
ou moins postérieur et latéral, le contingent anté-
rieur va devenir antérieur et médial [1].
L’orientation des fibres musculaires est
différente entre les deux muscles
Le muscle GNM montre des fibres muscu-
laires obliques de la superficie vers la profondeur,
du haut vers le bas. Cet aspect fibrillaire des
fibres est parfaitement bien repérable en échogra-
phie. On les retrouvera se raccordant avec
l’aponévrose profonde du muscle par un angle
aigu dit “angle de pénnation”. Cet angle de pén-
nation peut se modifier lors de la contraction
comme en témoigne l’étude dynamique en écho-
graphie [5, 6]. Compte tenu de la morphologie
aponévrotique du muscle GNM, composée essen-
tiellement que de fibres aponévrotiques superfi-
cielles et surtout profondes, l’aspect unipenné est
le seul rencontré dans le muscle GNM.
Le muscle soleus va montrer une structure
plus complexe. Par rapport à l’aponévrose princi-
pale superficielle, l’aspect oblique des fibres est
beaucoup moins marqué que sur le GNM. Par
ailleurs, les autres cloisons vont entraîner un rac-
cordement des fibres musculaires différents. La
cloison sagittale moyenne et inférieure va favori-
ser une insertion des fibres musculaires de type
radiaire, centrée autour de cette cloison sagittale.
Les cloisons intramusculaires favorisent des
insertions musculaires de type bipenné.
Sur le plan biomécanique, les deux
muscles du triceps sural sont sollicités de façon
différente [1-2]
Lors de la marche à vitesse normale, en
terrain plat, on met en jeu le Soleus surtout lors
de la phase de propulsion. Ce muscle est considé-
ré comme étant un muscle plutôt statique, plus
lent mais à fatigabilité moindre que le GNM.
Le GNM est un muscle rapide et à contraction
explosive. Le GNM est pour des raisons anato-
miques et du fait de son rôle accessoire rotateur
interne, le siège de contraintes mécaniques beau-
coup plus intenses que le gastrocnémien latéral
ou le soleus ce qui explique la fréquence des
lésions sur ce muscle GNM.
3
© Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit.
Les lésions musculaires du soleus
SUR LE PLAN CLINIQUE
Sur le plan clinique les lésions musculaires des
2 muscles n’ont pas de spécificité par rapport aux
lésions classiques des autres muscles. Le trauma-
tisme par choc direct est exceptionnel. On retrou-
ve essentiellement des mécanismes indirects, lors
de la mise en tension du muscle. Le tableau peut
aller d’une impotence fonctionnelle complète à
partielle ou à des douleurs mal systématisées.
Compte tenu de l’étendue du muscle soléaire,
les lésions peuvent avoir des localisations
diverses. Il est difficile cliniquement de distinguer
une pathologie liée à une lésion des GN ou du
soleus sur des douleurs intéressant la partie
moyenne du mollet. Certaines localisations dou-
loureuses sont cependant plus évocatrices de
lésions du soleus notamment lorsque la douleur
siège en dessous du relief des GN, ou quand elle
survient sur la partie haute du mollet, peu fré-
quemment en rapport avec les anomalies des
muscles GN.
Les circonstances de survenue de douleurs sont
souvent différentes. Si l’accident musculaire
bruyant, aigu, est possible sur le Soleus, c’est pro-
bablement le moins fréquent. Il touchera dans ce
contexte plus souvent la portion basse du soleus,
pouvant être confondue avec les pathologies du
tendon d’Achille. La majorité des lésions du
soleus se fait de façon subaiguë. Le fait caracté-
ristique est que la douleur est souvent relative-
ment modérée, de même que la gêne fonctionnel-
le. Ces lésions sont considérées classiquement
comme des lésions mineures, amenant souvent à
la reprise des activités sportives dès la 2eou 3e
semaine. Elles ont malheureusement la particula-
rité d’être très souvent récidivantes, dès la reprise
des activités, en fait trop précoce du fait de la
sous-estimation lésionnelle.
ETIOPATHOGÉNIE
L’habitude est de décrire les lésions musculaires
intrinsèques comme étant des pathologies muscu-
laires initiales. La notion de désinsertion musculo
aponévrotique est bien acceptée actuellement du
fait de la cohabitation de lésions musculaires au
contact des aponévroses. L’aponévrose n’est pas,
classiquement, retenue comme un élément patho-
logique : elle est en fait peu souvent décrite, ou
considérée, tout au plus, comme la conséquence
de la désinsertion musculo aponévrotique. On la
signalera parfois comme étant rompue [3].
A l’inverse, on ne se pose aucune question sur
certaines pathologies qui sont reconnues comme
étant de vraies lésions aponévrotiques alors que
ces aponévroses sont des structures recouvrant la
superficie de certains muscles et qu’elle leur sert
de mode d’insertion.
* L’APS : l’aponévrose plantaire recouvre le
court fléchisseur du pied. Elle est considérée
cependant comme étant une lésion aponévrotique
propre avec des lésions intéressant soit l’enthèse
soit le corps de l’aponévrose, lésions qui vont de
la simple aponévrosite à une rupture partielle
voire totale. Le plus souvent on oublie de considé-
rer les lésions musculaires associées qui se tra-
duisent souvent par des zones inflammatoires
intramusculaires, rarement par des zones de
décollement associées si ce n’est dans le cas de
ruptures complet.
* La mise en évidence de lésions récentes de
l’insertion haute du TFL ou plutôt du moyen glu-
téal [7-8] montre là encore qu’il s’agit, comme sur
l’APS, de pathologie de l’aponévrose superficielle
qui adhère directement à la crête iliaque. Elle
recouvre la structure musculaire du moyen glu-
téal et on retrouvera dans certaines lésions un
œdème réactionnel intramusculaire associé.
4
L’imagerie en traumatologie du sport
* Il a été décrit des lésions aponévrotiques
intramusculaires au niveau des muscles de la coif-
fe, dans la fosse supra épineuse ou infra-épineu-
se, soit dans le prolongement de tendinopathie
plus distale, soit isolée [9, 21]. La réaction inflam-
matoire intramusculaire est le plus souvent modé-
rée, parfois plus importante à majeure, difficile à
étiqueter.
* Une lésion intramusculaire caractéristique
est la pathologie de l’aponévrose sagittale du
muscle droit antérieur [10]. L’importance des
lésions musculaires adjacentes est variable, mon-
trant des zones de décollement modéré voire un
hématome, le plus souvent limité. Cette patholo-
gie est toujours centrée sur la cloison sagittale,
aponévrose siège de lésions allant de
l’épaississement jusqu’à la rupture complète.
Le fait caractéristique est que toutes ces patho-
logies sont centrées sur une aponévrose même, y
compris lorsqu’elles présentent un stade chro-
nique un aspect fibro-cicatriciel pseudo-tumoral.
L’utilisation de l’IRM à la recherche d’autre
pathologie que la classique désinsertion du
muscle GNM, au niveau du mollet, met bien en
évidence le fait que les lésions du mollet et en par-
ticuliers celles du Soleus sont toujours centrées
autour d’une aponévrose, que se soit les cloisons
sagittales principales superficielles ou profondes,
ou les cloisons intramusculaires.
Il est remarquable de noter que, quel que soit le
muscle, les pathologies intrinsèques peuvent se
répartir sur plusieurs sites, sites qui sont cepen-
dant toujours les mêmes, comme s’il existait des
points de faiblesse électifs pour chaque muscle. Il
est remarquable dans une pathologie musculo
aponévrotique, notamment du muscle GM, de
noter que ce muscle peut se rétracter et favoriser
la survenue d’une zone de décollement parfois
très importante tout en gardant des fibres muscu-
laires quasi indemnes.
La théorie lésionnelle que nous défendons est
que le point faible d’une structure musculaire,
c’est bien le squelette aponévrotique [17]. A
l’inverse de la fibre musculaire, les structures
aponévrotiques, comme tendineuses, ont une
élasticité limitée, identique sur toute son étendue
[10]. Son élongation est possible dans des propor-
tions allant de 1 à 15 % [11]. L’élément le plus rigi-
de dans un muscle n’est donc pas la fibre muscu-
laire mais l’aponévrose : le coefficient d’élasticité
des aponévroses musculaires du soleus est globa-
lement le même que celui du tendon d’Achille,
évalué à 5 % [12]. Une mise en tension brutale de
ces aponévroses, ou des sollicitations répétitives
vont entraîner des lésions plus ou moins impor-
tantes, de même type que les lésions tendineuses.
Il peut s’agir soit des lésions bénignes intra-apo-
névrotiques telles qu’on les décrit dans les aponé-
vrosites classiques sous forme d’épaississement,
tout au plus des zones de micro-rupture, soit de
lésions partielles à type de dilacération avec des
modifications structurelles plus importantes. A un
stade de plus, il s’agit d’une dilacération quasi
complète de cette structure aponévrotique voire
d’une rupture complète avec rétraction des frag-
ments proximaux et distaux.
L’atteinte d’une aponévrose va entraîner des
conséquences directes sur la structure musculaire :
elles seront cependant secondaires, proportion-
nelles à l’importance de la lésion aponévrotique.
* En cas de simple aponévrosite, l’insertion des
fibres musculaires est respectée et on ne retrouve
alors aucune lésion macroscopique ou, tout au
plus, une infiltration œdémateuse intramusculaire,
interfasciculaire, le long de l’aponévrose épaissie.
* Lorsque l’aponévrose est le siège de rupture
partielle ou de dilacération, les fibres musculaires
peuvent commencer à se décrocher de l’aponévrose
lésée. Apparaissent entre muscle et aponévrose des
réactions œdémateuses, voire une amorce de décol-
lement du muscle par rapport à l’aponévrose, décol-
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© Sauramps Médical. La photocopie non autorisée est un délit.
Les lésions musculaires du soleus
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