THEATRE ET ARTS DE LA SCENE
La Nuit juste avant les forêts
Délégation Académique à l’Action Culturelle de Caen 4
Chercher la clef du titre
Le titre La Nuit juste avant les Forêts recèle un double paradoxe, sémantique et syntaxique. Il place un cadre spatio-
temporel aux contours peu distincts, voire illimités.
Des hésitations
La correspondance de B-M Koltès révèle les hésitations engendrées par le titre. Dans une lettre à sa mère, datée du
14 juin 1977, Koltès avoue "le titre sera soit La Nuit juste avant les forêts du Nicaragua, ou bien : La dernière nuit
avant la forêt ; on [Ferry et lui] n'a pas choisi encore".
Activité
1. On pourra réfléchir à ce qu'induit le fait de renoncer à cette précision géographique: impliquer davantage le
spectateur…les références peuvent limiter le texte…
2. On pourra proposer aux élèves d'imaginer un court texte commençant par le titre ou se terminant par le titre.
3. L'opposition singulier (la nuit)-pluriel(les forêts): que suggère-t-elle?
Eléments de réponse: On pourra souligner que Koltès voulait raconter le temps d'une nuit (la nuit) mais qu'il a
longtemps hésité entre plusieurs fins (les forêts): une histoire qui s'engage dans toutes les directions, mais aussi dans
toutes les représentations mentales.
«On peut faire des tas de choses pour la fin de mon texte, y compris le changer en cours de répétition, si le souffle de
ton génie dépasse, emporte, transfigure le mien.» (Koltès, Lettres, Editions de Minuit, p.249)
Un paradoxe
Le titre renferme la dialectique de l'espace et du temps qui traverse le texte.
Le groupe les forêts se réfère à un lieu, tandis que la nuit, au-delà de la période qu'elle désigne, suggère également
un espace, perceptible dans l'expression: « marcher dans la nuit » (on ne marche pas « dans le jour »)
De plus, dans leur emploi adverbial, les termes juste et avant peuvent s'appliquer aussi bien dans un contexte
temporel que spatial.
Leur combinaison induit une notion d'instantané (juste) et d'ordre prioritaire (avant).
L'opposition singulier / pluriel installe également une forme de tension que l'on retrouvera sur un plan dramatique: le
singulier côtoie le pluriel, métaphore du « solitaire » et « des autres », dans un lien de communication complexe.
Si La nuit reste le noyau du titre, sa durée doit s'inscrire dans l'espace ténu qui la sépare des « forêts », dans l'espace
investi par le texte, par la langue, alors la nuit devient « longue comme une respiration arrachée au silence » (Arnaud
Maïsetti, Seul, comme on ne peut pas le dire, publie.net).
Une symbolique
Activité
On pourra travailler sur les représentations des élèves construites à partir des contes et de leur symbolique :
1. Que suscitent la forêt et la nuit comme significations, que peuvent-elle connoter, symboliser ?
2. Histoire des arts : Koltès appréciait la démarche surréaliste. On pourra proposer aux élèves des œuvres de Magritte
(la forêt est le lieu où se cache la femme) et de la série des Forêts de Max Ernst, ainsi que son texte Mystères de la
forêt (1934, in Ecritures) où il note : « Qu’est-ce qu’une forêt ? Un insecte merveilleux, une planche à dessin ».
3. Au terme de ces travaux, on invitera les élèves à dégager les horizons d’attente nés du titre, et s’interroger sur la
représentation : que doit-on représenter et comment au théâtre ? la nuit ? la forêt ? les forêts ? la pluie, la nuit ? la
ville, la nuit ? La Nuit juste avant les Forêts ?