
ransmettre ses gènes. Ces trois
mots résument nos existences.
Tout ce que chaque être vivant
fait pour se nourrir, échapper
aux prédateurs ou combattre les
maladies converge vers une seule obses -
sion : survivre assez longtemps pour se re-
produire.
Bien que peu romantique et légèrement
réductrice, cette théorie évolutionniste
prévaut toujours. Et pourtant, elle se heurte
à un obstacle de taille. Elle n’explique pas
l’existence du sexe, car n’en déplaise aux
amoureux transis, la reproduction n’a nul-
lement besoin du sexe.
«Le sexe est un paradoxe. On se de -
mande pourquoi l’évolution n’a pas éliminé
d’emblée la reproduction sexuée», résume
Luc-Alain Giraldeau, vice-doyen à la re-
cherche et professeur au département des
sciences biologiques de l’Université du
Québec à Montréal. Surtout que la sexua -
lité coûte cher à ceux qui s’y adonnent.
En se reproduisant, un individu sexué trans-
met seulement 50% de son génome à son
descendant. Du point de vue évolutif, ce
sacrifice, appelé le «coût du sexe», est
énorme. «Le but de la reproduction est
de trans-
mettre ses gènes. Renon-
cer à la moitié d’entre eux n’a pas
de sens», ajoute le biologiste.
Déjà, au XIXesiècle, Darwin fronçait
les sourcils en pensant au sexe. «Il n’y a
pas de plus grand mystère au monde, me
semble-t-il, que l’existence des sexes, par-
ticulièrement depuis la découverte de la
parthénogénèse», écrivait-il à l’un de ses
amis botanistes.
Son interrogation demeure. Pourquoi,
en effet, se reproduire à deux quand on
pourrait très bien y arriver tout seul?
Cette parthénogénèse dont parle Darwin
est une forme de clonage que pratiquent
de nombreux insectes comme les fourmis
ou les pucerons, mais aussi des reptiles et
des amphibiens. Les lézards à queue de fouet,
découverts dans les années 1960 au sud
des États-Unis, en sont l’exemple le plus
célèbre. Tous les individus sont sans ex-
ception des femelles. Nul besoin de mâles,
puisqu’elles se reproduisent en pondant
des œufs non fécondés, qui sont en fait
des copies d’elles-mêmes. Cette reproduc-
tion est extrê mement efficace. Non seu-
lement l’individu transmet l’intégralité de
Août ~ Septembre 2013 |Québec Science 17
EN S’ACCOUPLANT, LES ÊTRES VIVANTS ACCEP TENT
DE TRANSMETTRE À LEURS REJETONS SEULEMENT
LA MOITIÉ DE LEURS GÈNES. MAIS POUR QUOI LA
NATURE N’A-T-ELLE PAS OPTÉ POUR LA REPRO -
DUCTION EN SOLO, PLUS SIMPLE ET DOUBLEMENT
EFFICACE? LE MYSTÈRE INTRIGUAIT DÉJÀ DARWIN.
Par Marine Corniou
T
E S DU MONDE
T-IL APPARU? COMMENT EXPLIQUER L’ÉTONNANTE DIVERSITÉ DE SES
ANS PLUSIEURS SOCIÉTÉS ANIMALES?
TONY BRAIN/SPL
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