Service Educatif – Les Abattoirs - 2010
Stéphane Thidet est un artiste qui crée des univers convoquant la fiction, des mises en
scène rejouant des moments filmiques "inversés" par rapport à l'ordre de la réalité.
Avant toute reconnaissance ou intelligence du regard, les dispositifs de l'artiste sont des «
pièges à raison » qui fonctionnent à partir du jeu et du rite, de la frustration et du doute. La
question de l’échelle, l’inquiétante familiarité et le renversement des données temporelles et
spatiales constituent les éléments d’un scénario qu'il nous invite à expérimenter.
L’enjeu réside dans l’impossibilité de voir se concrétiser le dispositif dans le réel. En cela,
l’échelle 1 détient les qualités requises : dimensions et matériaux d'une fabrication " grandeur
nature ".
Ce n’est pas un jouet, ce n’est pas non plus un modèle réduit, ni une maquette, c’est un vrai
cabanon, re-visité par un artiste, où intérieur et extérieur se voient inversés.
Il pleut dans l'abri. Bien que tout soit largement ouvert - porte et fenêtres -, on ne peut y
pénétrer ! Cet espace est impraticable.
On se trouve hors d'un lieu où tout est possible, dans un éternel présent pluvieux qui étire le
temps.
Suspendue entre deux moments, entre deux états, cette oeuvre fait le choix de l’indécision
pour poser les limites ouvertes de son territoire. Ce paradoxal "refuge", que l’artiste avait
initialement montré dans le cadre du Printemps de Septembre, use de l’inachevé, le
mouvement y est sans fin. Cette pluie torrentielle incessante dénie la fonction première de
toute architecture : abriter. Elle a des incidences sur l'état général de la structure en bois qui
évolue au fil du temps (couleur, consistance, odeur). Quand cette pluie a-t-elle commencé à
tomber avec cette violence tropicale ? Ce déluge prendra-t-il fin un jour ? Doit-on s'attendre à
la destruction irrémédiable de cette construction sommaire ?
L'intérieur ne dénote aucune possibilité de séjour : il y fait froid, humide et sombre. L'unique
ampoule ne déverse qu'une lumière blafarde, la pénombre y règne ; malgré ces conditions
inhospitalières, le passage d'occupants se donne à voir : la présence de livres et d'objets
usuels assez désuets prouve que ce lieu fût investi. Mais il semble bien que ces êtres aient
été contraints de fuir rapidement, la clé laissée sur la porte grande ouverte en constitue un
indice.
A partir de là, l'imaginaire du public entre en action, chacun étant conduit à se raconter une
histoire…
Rencontre fortuite entre une forme archaïque d’architecture (la cabane) et une forme
primaire d’événement (la pluie), cette pièce compose le tableau délicat d’une lente
destruction à venir. L’installation se donne à voir comme un lieu poétique livré aux caprices
du temps – dans tous les sens du terme (météorologie et durée).
Nos sens sont assaillis par le bruit, les reflets, la température, les odeurs et la texture du
bois…
Mots clés : Œuvre multi sensorielle, architecture, abri, étrangeté, narration, fiction, rêve,
conte, surréalisme, temporalité, mise en abyme (une boîte dans une boîte – le musée),
œuvre évolutive