Enfin, la problématique néologique nous donnera l’occasion de rappeler que la perception
linguistique ne concerne pas seulement la constitution de formes mais aussi, en même temps,
l’évaluation des formes constituées. Tout néologisme, en tant que signe perçu, fait en effet l’objet
d’une appréhension globale qui certes évalue l’innovation par rapport à sa conformité aux règles et
autres normes de formation des mots mais aussi par rapport à sa/ses fonction(s) textuelle(s). On
indiquera ici les pistes de recherche lancées par la germanistique allemande, notamment en ce qui
concerne l’influence des traditions discursives sur la création lexicale (Peschel 2002).
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Pluriel continu et perception sémantique
Philippe Gréa
Université de Paris X, MoDyCo
Il existe un certain nombre de substantifs qui remettent en cause l’opposition flexionnelle du
nombre. L’exemple classiquement avancé concerne les pluralia tantum tels que alentours, ténèbres,
fiançailles qui n’ont pas de forme singulière possible. D’autres noms, singuliers cette fois, expriment
quant à eux une pluralité lexicale qui ne dépend pas non plus de la flexion du nombre. Ce sont les
noms collectifs tels que comité, essaim, forêt qui dénotent une pluralité d’éléments (membres du
comité, abeilles et arbres), et qui peuvent être eux-mêmes mis au pluriel, de telle sorte qu’on parle
alors de pluriel à la « puissance deux » (comités, essaims, forêts).
Ces différents cas de figure (et plusieurs autres dont nous parlerons en détails), en tant qu’ils
interrogent la notion grammaticale de pluralité, s’insèrent dans une problématique philosophique plus
générale qui met en scène le couple unité/pluralité. Ce couple fort ancien appartient à une tradition
qu’on peut au moins faire remonter à Zénon, et qui traverse toute l’histoire de la philosophie.