chouf-minorities.org
4
Objet d’étude
Il existe plusieurs régimes juridiques concernant la prostitution de par le monde. Du
prohibitionnisme à l’abolitionnisme en passant par le réglementarisme, les différentes
approches se confondent parfois. A cet égard, la Tunisie fait figure d’exception. La
prostitution y est étatisée depuis l’indépendance. Elle est sous la coupe de l’Etat, et plus
particulièrement du Ministère l’Intérieur.
Le Ministère de l’intérieur qui, encore aujourd’hui, plus de deux ans après le départ de
Zine el-Abidine Ben Ali joui d’une autonomie extraordinaire dans la configuration politique
actuelle. La nomination le 22 février 2013 d’Ali Laaraiedh, jusque-là Ministre de l’Intérieur,
à la tête du Premier Ministère est un indice de cette prépondérance. La réputation du
Ministère de l’Intérieur et de son organe d’expression majeure, la police, a peu évolué depuis
que le régime précédent est tombé. Lors du soulèvement populaire qui est né dans le sud de la
Tunisie dès 2008, dans le bassin minier de Gafsa, puis qui a repris de plus belle, à la fin de
l’année 2010 pour aboutir au départ du président-dictateur Ben Ali et d’une partie du clan
Trabelsi le 14 janvier 2011, la police, institution majeure sur laquelle s’appuyait le régime en
place, s’est illustrée par de nombreuses exactions allant du viol, à la torture, en passant par les
humiliations et les violences les plus diverses.
Suite au 14 janvier 2011, la prostitution en Tunisie, à travers sa représentation physique
des bordels étatiques est pour la première fois réellement critiquée et remise en question.
Jusqu’ici elle n’avait jamais fait objet de débat dans la société tunisienne. C’était un fait
social, inhérent au quotidien d’une ville tunisienne. Allant dans ce sens d’élément faisant
« partie du décor », les critiques dont les bordels étatiques ont été la cible n’ont pas soulevé
les foules pour les contredire. Les attaques – au sens propre comme au figuré – qu’ont subi les
lieux de prostitutions légaux ont provoqué très peu d’indignation, quelles que soient les
sphères sociales. Le laisser faire des premiers gouvernements temporaires s’est déroulé dans
un silence quasi-général. En témoigne la difficulté à trouver des articles concernant la
question tant dans la presse écrite que sur internet, dans une période où les supports
d’informations de toutes sortes fleurissaient de toute part.