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Dans un arrêt de la chambre criminelle du 25 juin 1996, la Cour de cassation a
précisé les éléments constitutifs de l’infraction de racolage actif. Elle a ainsi estimé
qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre une prostituée dont la tenue vestimentaire
apparaît, au vu de la date des faits, normale et dont les agents verbalisateurs n’ont
retenu aucune parole de nature à inciter quiconque à des relations sexuelles. Le seul
fait de déambuler sur la chaussée et de s’adresser à des automobilistes ou à des
piétons, qui se sont arrêtés spontanément à sa hauteur sans y être invités, ne peut
constituer à lui seul l’infraction de racolage actif, définie par l’article R. 625-8 du code
pénal.
3. Il résulte de ces jurisprudences du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation et des
dispositions pénales précédemment citées que la prostitution sur la voie publique ne
peut, sauf en cas de racolage actif, constituer en elle-même un trouble à l'ordre public
pouvant justifier une mesure de police administrative.
Néanmoins, si la prostitution sur la voie publique n’est pas, en elle-même, une infraction
pénale, ni ne constitue en elle-même un trouble à l’ordre public, elle peut avoir des
caractéristiques et/ou être accompagnée de comportements et d’agissements des
prostituées ou de leurs clients qui, en raison des circonstances locales, font que cette
activité trouble l’ordre public.
Il est ainsi nécessaire que la référence à la moralité publique soit suffisamment
circonstanciée et que soit précisé, dans les considérants des arrêtés, en quoi les
circonstances locales font que l’ordre public est troublé.
a. Ces circonstances locales peuvent tenir aux lieux d’exercice de la prostitution : la
proximité d’établissements d’enseignement, d’un lieu de culte, d’un monument
aux morts, d’un parc fréquenté habituellement par les familles, de nombreuses
résidences, la nouveauté du phénomène de la prostitution dans les rues
concernées.
b. De même, certains éléments peuvent être de nature à provoquer, chez les
riverains et les passants, un sentiment marqué d’atteinte à la moralité publique. Il
peut s’agir du caractère excessivement provocant des tenues vestimentaires des
prostituées ou de la concentration de celles-ci et de leurs clients en un lieu précis.
4. Les mesures de police administrative prises par les maires doivent être nécessaires et
proportionnées aux risques de trouble à l’ordre public. Les dispositions des arrêtés
doivent notamment être limitées dans l’espace. La nature et l’étendue des secteurs
concernés doivent être précisées et justifiées par la réalité de l’activité de prostitution et
la présence de risques particuliers qu’elle entraîne pour l’ordre public.
a. Dans l’arrêt « Sieur JAUFFRET » précité, le Conseil d'Etat précise que « l’autorité
de police ne saurait prendre que les mesures strictement nécessaires à la
suppression du trouble causé à l’ordre public, à l’exclusion de toute mesure ayant
le caractère d’une sanction ou pouvant se prolonger au-delà de la disparition de
ce trouble ».
Autrement dit, il n’est pas envisageable que les maires puissent interdire de
manière générale et absolue l’activité de prostitution.