UN HOMME DEBOUT 1ère création théâtrale de la Compagnie Cyparis Circus d’après Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire au Théâtre T/50 11 bis ruelle du Couchant 1207 Genève du 27 novembre au 20 décembre 2009 vendredi, samedi et mardi à 20h30, dimanche à 18h00 et lundi à 19h00 relâches mercredi et jeudi réservations 079 325 00 32 ou [email protected] Adaptation et conception : David Valère et Stéphane Michaud Mise en scène : Stéphane Michaud Jeu : David Valère Son : Graham Broomfield Lumière : Danielle Milovic Conseils musique : Elisabeth Ossola et Stéphane Parini Conseils danse : Olivia Cupelin Costumes et accessoires : Céline Nidegger Régie : Stéphane Michaud Administration : Coré Cathoud www.cypariscircus.com [email protected] Renseignements : David Valère au 079 634 53 54 « La Martinique paraît belle, sereine, même joyeuse… mais il y a, au fond, une inquiétude, une douleur, que pour ma part je considère comme la nostalgie de quelque chose. J’ai voulu trouver la nature de cette nostalgie, et tout mon effort politique a été de prendre ça en compte. Autrement dit, j’ai toujours été hanté par l’idée d’une identité antillaise… Il y a une civilisation française autour de laquelle nous ne nous retrouvons pas pleinement. Elle n’a pas été faite pour nous. Liberté ? Oui. Egalité ? A peu près. Fraternité ? Difficile à réaliser. Mais il y a un mot qui est oublié : le mot identité. » Aimé Césaire, interview télévision S.A.T Martinique Pourquoi Cahier d’un retour au pays natal et Aimé Césaire Il faut parler Césaire, l’avoir en bouche et en poitrine, accueillir dans les os de son crâne l’activité tellurique de son verbe, même en murmure il peut propager un écho dans ce qui souffre d’une anémie d’exaltation.1 Aimé Césaire, le Nègre fondamental a posé sa plume le 17 avril 2008 à l’âge de 94 ans après avoir officié comme maire de Fort-de-France pendant cinquante-six ans. Il laisse une œuvre littéraire et une vision du monde qui ont marqué la culture francophone et mondiale. Il était l’un des derniers fondateurs de la négritude vivants. Ce mouvement a aujourd’hui évolué vers le métissage universel. Même la jeune génération d'écrivains martiniquais, qui ont pris leur distance par rapport à la négritude pour se définir comme métis et créoles, reconnaissent volontiers ce qu'ils doivent à ce père spirituel dont découle la liberté antillaise présente et à venir : C'est la négritude césairienne qui nous a ouvert le passage vers l'ici d'une Antillanité désormais postulable, et elle-même en marche vers un autre degré d'authenticité qui restait à nommer, écrivent le trio Chamoiseau, Confiant et Bernabé. Cahier d’un retour au pays natal est considéré comme l’hymne des Noirs du monde entier. C’est un pamphlet en forme de long poème écrit au vitriol, un cri de révolte et de désespoir, un texte qui va accélérer la prise de conscience et les luttes pour les indépendances en Afrique. Césaire a été la voix de la conscience nègre, de ses souffrances et de ses exigences sans omettre toutefois qu’il a toujours refusé d’évincer les intellectuels blancs du combat identitaire des Noirs des Antilles ou d’Afrique. Pour lui, cette identité noire était universelle et non synonyme de clivage entre les Hommes. Son combat peut se résumer dans une de ses propres phrases: Je suis un Martiniquais, un Africain transporté, mais je suis avant tout un homme, et un homme qui veut l’accomplissement de l’humanité de l’homme. La victoire inattendue et prometteuse de Barack Obama est le fruit de combats livrés par de grandes figures noires telles que Marcus Garvey, Malcom X, Angela Davis, Mohamed Ali, Martin Luther King et Aimé Césaire. Ils ont rêvé et combattu pour un monde plus juste pour l’homme noir et tous les hommes. La lecture du Cahier d’un retour au pays natal m’a donné l’envie d’en faire un monologue théâtral car son écriture appelle à l’oralité. Ce texte qui combat âprement le racisme et le colonialisme nous offre une poésie lyrique qui égale les plus grands poètes de langue française. C’est une œuvre de refondation qui repose sur une question fondamentale : Qui et quels nous sommes ? David Valère Le Cahier, après une descente orgueilleuse dans l’enfer colonial, s’achève en une assomption grandiose où le poète proclame sa négritude-humanité, avec une force incantatoire qui ébranlera les assises du monde. Un souffle de baptême pour les colonisés du monde, battus et opprimés et pour les nègres bien sûr.1 1 Patrick Chamoiseau, Ecrire en Pays dominé, Paris, 1997. Extraits de Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire Au bout du petit matin… Va-t-en, lui disais-je, gueule de flic, gueule de vache, va-t-en je déteste les larbins de l’ordre et les hannetons de l’espérance. Va-t-en mauvais gris-gris, punaise de moinillon. (…) (…) Au bout du petit matin bourgeonnant d’anses frêles les Antilles qui ont faim, les Antilles grêlées de petite vérole, les Antilles dynamitées d’alcool, échouées dans la boue de cette baie, dans la poussière de cette ville sinistrement échouées. (...) (…) Au bout du petit matin, la grande nuit immobile, les étoiles plus mortes qu’un balafon crevé, le bulbe tératique de la nuit, germé de nos bassesses et de nos renoncements. ( …) (…) J’arriverais lisse et jeune dans ce pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : « j’ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies ». Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : « Embrassez-moi sans crainte… et si je ne sais que parler c’est pour vous que je parlerai ». Et je lui dirais encore : « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. » (…) (…) nous sommes des marmonneurs de mots. Des mots ? quand nous manions des quartiers de monde, quand nous épousons des continents en délire, quand nous forçons de fumantes portes, des mots, ah oui, des mots ! mais des mots de sang frais, des mots qui sont des raz-de-marée et des érésipèles et des paludismes et des laves et feux de brousse, et des flambées de chair, et des flambées de villes (…) (…) donnez-moi la foi sauvage du sorcier donnez à mes mains puissance de modeler donnez à mon âme la trempe de l’épée je ne me dérobe point. (…) Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite dans son poing énorme et la force n’est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l’audience comme la pénétrance d’une guêpe apocalyptique. (…) Biographie d’Aimé Césaire Aimé Césaire, poète et homme politique français, né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe (Martinique) et mort le 17 avril 2008 à Fort-de-France, est l'un des fondateurs du mouvement littéraire de la négritude et un anticolonialiste résolu. De 1919 à 1924, Aimé Césaire fréquente l'école primaire de Basse-Pointe, puis obtient une bourse pour le lycée Victor Schoelcher à Fort-de-France. En 1931, il arrive à Paris en tant que boursier pour entrer au lycée Louis-le-Grand où, dès le premier jour, il rencontre Léopold Sédar Senghor avec qui il noue une amitié qui durera jusqu'à la mort de ce dernier. Au contact des jeunes Africains étudiant à Paris, Aimé Césaire et son ami guyanais Léon Gontran Damas, qu’il connaît depuis la Martinique, découvrent progressivement une part refoulée de leur identité, la composante africaine, victime de l'aliénation culturelle caractérisant les sociétés coloniales de Martinique et de Guyane. En 1934, il fonde, avec Léon Gontran Damas, le Guadeloupéen Guy Tirolien, les Sénégalais Léopold Sédar Senghor et Birago Diop, le journal L'Étudiant noir. C’est dans les pages de cette revue qu’apparaîtra pour la première fois le terme de négritude. Ce concept, forgé par Aimé Césaire en réaction à l’oppression culturelle du système colonial français, vise d’une part à rejeter le projet français d’assimilation culturelle et d’autre part à promouvoir l’Afrique et sa culture, dévalorisées par le racisme issu de l'idéologie colonialiste. Il s’agit, au-delà d’une vision partisane et raciale du monde, d’un humanisme actif et concret à destination de tous les opprimés de la planète. Césaire déclare en effet : Je suis de la race de ceux qu’on opprime. Ayant réussi en 1935 le concours d'entrée à l'École normale supérieure, Aimé Césaire passe l'été en Dalmatie chez son ami Petar Guberina et commence à y écrire le Cahier d'un retour au pays natal, qu'il achèvera en 1938. Il épouse en 1937 une étudiante martiniquaise Suzanne Roussi, et, agrégé de Lettres, rentre en Martinique en 1939 pour enseigner au lycée Schœlcher, tout comme son épouse. La situation martiniquaise à la fin des années 1930 est celle d'un pays en proie à une aliénation culturelle profonde, les élites privilégiant avant tout les références arrivant de la France, métropole coloniale. En matière de littérature, les rares ouvrages martiniquais de l'époque vont jusqu'à revêtir un exotisme de bon aloi, pastichant le regard extérieur manifeste dans les quelques livres français mentionnant la Martinique. Ce ‘doudouisme’, dont des auteurs tels que Mayotte Capécia sont les tenants, allait nettement alimenter les clichés frappant la population martiniquaise. C'est en réaction à cette situation que le couple Césaire, épaulé par d'autres intellectuels martiniquais comme René Ménil, Georges Gratiant et Aristide Maugée, fonde en 1941 la revue Tropiques. Surnommé ‘le nègre fondamental’, il influencera des auteurs tels que Frantz Fanon, Edouard Glissant (qui ont été élèves de Césaire au lycée Schoelcher), le guadeloupéen Daniel Maximin également les intellectuels africains et noirs américains en lutte contre la colonisation et l'acculturation. Le conflit mondial marque également le passage en Martinique du poète surréaliste André Breton (qui relate ses péripéties dans un bref ouvrage, Martinique, charmeuse de serpents). Il y découvre la poésie de Césaire à travers le Cahier d'un retour au pays natal et le rencontre en 1941. Deux ans plus tard, il rédige la préface de l'édition bilingue du Cahier d'un retour au pays natal et en 1944, celle du recueil Les Armes miraculeuses qui marque le ralliement de Césaire au surréalisme. En 1945, Aimé Césaire, coopté par les élites communistes qui voient en lui le symbole d'un renouveau, est élu maire de Fort-de-France. Dans la foulée, il est également élu député, mandat qu'il conservera sans interruption jusqu'en 1993. Son mandat, compte tenu de la situation économique et sociale d'une Martinique exsangue après des années de blocus et l'effondrement de l'industrie sucrière, est d'obtenir la départementalisation de la Martinique en 1946. C'est, selon Césaire, par mesure d'assainissement, de modernisation, et pour permettre le développement économique et social de la Martinique, que le jeune député prend cette décision. En 1947, Césaire crée avec Alioune Diop la revue Présence africaine. En 1948, paraît l'Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, préfacée par Jean-Paul Sartre qui consacre le mouvement de la négritude. En 1950, il publie Discours sur le colonialisme, où il met en exergue l'étroite parenté qui existe selon lui entre nazisme et colonialisme. S'opposant au Parti communiste français sur la question de la déstalinisation , Aimé Césaire quitte le PC en 1956, s'inscrit au Parti du regroupement africain et des fédéralistes, puis fonde deux ans plus tard le Parti progressiste martiniquais (PPM), au sein duquel il va revendiquer l'autonomie de la Martinique. Il siégera à l'Assemblée nationale comme non inscrit de 1958 à 1978, puis comme apparenté socialiste de 1978 à 1993. Aimé Césaire restera maire de Fort-de-France jusqu'en 2001. Le développement de la capitale de la Martinique depuis la Seconde Guerre Mondiale est caractérisé par un exode rural massif, provoqué par le déclin de l'industrie sucrière et l'explosion démographique créée par l'amélioration des conditions sanitaires de la population. L'émergence de quartiers populaires constituant une base électorale stable pour le PPM et la création d'emplois pléthoriques à la mairie de Fort-de-France furent les solutions trouvées pour parer à court terme aux urgences sociales de l'époque. La politique culturelle d'Aimé Césaire est incarnée par sa volonté de mettre la culture à la portée du peuple et de valoriser les artistes du terroir. Elle est marquée par la mise en place des premiers festivals annuels de Fort-de-France en 1972. Jusqu'à sa mort, Aimé Césaire a toujours été sollicité et influent. On notera sa réaction à la loi française du 23 février 2005 sur les aspects positifs de la colonisation qu'il faudrait évoquer dans les programmes scolaires, loi dont il dénonce la lettre et l'esprit et qui l'amène à refuser de recevoir Nicolas Sarkozy. Il restera sans doute dans les mémoires comme le ‘nègre fondamental’ et comme l'un des plus grands poètes de langue française du XXe siècle, peut-être le plus grand, mais non comme un chef politique ayant véritablement influencé son époque. Il décède le 17 avril 2008 au matin. Des obsèques nationales lui ont été rendues le 20 avril 2008 à Fort-de-France. Sur sa tombe sont inscrits des mots choisis par Aimé Césaire lui-même et extraits de son Calendrier lagunaire : La pression atmosphérique ou plutôt l'historique Agrandit démesurément mes maux Même si elle rend somptueux certains de mes mots. Les intentions de mise en scène Ouvrir le Cahier, c’est toucher au sacré. Le voyage commence aux rivages de la poésie pour cheminer vers ceux du théâtre. Lire et relire les vers, les sélectionner, les démonter, les remonter autrement, les faire respirer, leur trouver un habit de scène et ajouter l’indispensable humour. Pour au final les rendre accessibles et ainsi donner envie au plus grand nombre de découvrir la plume du Grand Homme. Bien sûr il y a le message universel du texte, celui qui redit la légitimité de tout homme et appelle au respect de l’égalité entre les peuples. Bien sûr, il y a ce frisson qui nous parcourt quand on comprend que Césaire avait non seulement compris l’essentiel mais était capable de l’écrire avec ce talent définitif. Bien sûr on ne peut être qu’humble face à ce monument littéraire. Il n’empêche. Le combat est trop important pour laisser la verve césairienne à la compréhension d’une seule élite intellectuelle bien pensante et pétrie de références. Il faut se battre pour que le peuple s’empare du texte, éviter d’en faire une œuvre « belle et ennuyeuse » comme c’est trop souvent le cas avec les grands classiques. Il faut des stratégies de mise en scène permettant de captiver un public le plus bigarré possible. Le texte sera ainsi rythmé en courts tableaux aux ambiances contrastées. Une kyrielle de méthodes de jeu seront à l’œuvre : interprétations poétiques, humoristiques, dramatiques, digressions délirantes, improvisations, travail de la voix et du chant, importance et originalité de la bande-son et des lumières, rupture du quatrième mur… Ce métissage de techniques théâtrales servira le comédien afin que se dégage de son travail une performance authentique et surprenante car capable de faire passer le public par tous les états d’âme. Et de le réjouir intelligemment avec un sujet grave traité de manière originale et légère. Stéphane Michaud La compagnie Cyparis Circus Le 8 mai 1902, à 8h00 du matin, la Montagne Pelée se réveille par une diabolique explosion volcanique conjuguée à une nuée ardente de 800 degrés qui dévale sur la ville qu’elle surplombe à la vitesse de 700 kilomètres à l’heure. La ville portuaire de Saint-Pierre, appelée le petit Paris des Antilles ou la Venise tropicale fut détruite en trois minutes et ses trente mille habitants, toutes classes sociales confondues, surpris et anéantis par cet apocalypse matinal. Un seul survivant est retrouvé parmi les ruines fumantes quatre jours après le séisme. Louis Auguste Cyparis, enfermé dans le cachot de la prison, car il s’était échappé de sa cellule quelques jours auparavant pour aller nocer dans le petit village voisin du Prêcheur. Plus tard, ce fameux Cyparis est engagé par le cirque américain Barnum où il est exhibé aux côtés d’autres monstres comme le seul survivant de la catastrophe et pour ses innombrables brûlures. La tragédie du destin de cet homme m’a particulièrement frappé. Après avoir survécu à l’enfer sur terre, il est montré de par le monde comme un animal sauvage. D’une part, sa condition peut être une métaphore de ce que l’Homme noir a enduré pendant longtemps sans pouvoir se défendre. D’autre part, nous avons tous au moins une fois, vécu dans nos vies une douleur fondamentale qui nous a meurtri. Certains se remettent debout et continuent le voyage de leur vie, d’autres restent prostrés. J’ai connu une éruption dévastatrice comme celle de Cyparis et j’ai eu la chance de me relever. Comme Césaire, j’entonne Eia pour la joie, Eia pour l’amour, et je poursuis Eia pour l’Humour. Lorsque qu’il fallut baptiser la nouvelle association théâtrale dont l’un des buts est la diffusion de la littérature antillaise, le patronyme romanesque et le destin hors-norme de Louis Auguste Cyparis nous inspirèrent le nom Cyparis Circus. David Valère Paradoxe passionné Si je me suis trompé en disant je t’aime, je préfère avoir dit je t’aime. On ne me fera pas envier celui qui a eu raison sans aimer. Philippe Léotard Stéphane Michaud a 41 ans. Il est le père de Lila et Max. Depuis dix-huit ans, il partage sa vie avec leur mère, sa muse. Il a commencé à fréquenter le monde du théâtre il y a plus de vingt ans. D ‘abord assistant décorateur, il a ensuite joué dans une douzaine de pièces avant de se tourner vers l’écriture théâtrale et la direction d’acteurs. Un homme debout est sa septième mise en scène. En 1989, il a participé à la fondation du Théâtre Lamartine, troupe mixte composée de comédiens amateurs et professionnels qui produit depuis cette époque un spectacle chaque année. Stéphane a ainsi eu l’occasion de diriger à plusieurs reprises des projets conséquents, tant sur le plan humain que financier. Le dernier en date, autour de l’adaptation du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, a réuni une quarantaine de personnes pour cinq semaines de représentations entre Genève et Toulouse durant l’été 2009. En tant que metteur en scène, sa méthode de travail se définit dans la priorité qu’il met à écouter les propositions des comédiens pour co-construire le sens de ce qui se crée sur le plateau de jeu. Pour lui, le ressenti du comédien est au centre de la puissance d’un spectacle et l’enjeu principal est de trouver comment chacun va pouvoir redonner la vérité contenue dans le texte à partir de ce qu’il est. Ainsi la réussite est collective ou n’est pas. L’écriture est la quatrième grande passion de Stéphane après ses enfants, sa femme et le théâtre. En 1991, il a monté un groupe d’auteurs-éditeurs nommés Les Pouets. Dans ce cadre-là, il s’est occupé pendant plusieurs années du Réverbère, une revue de textes individuels et collectifs ouverts à tous. Sous le label des Pouets, Stéphane a publié sept livres, dont deux pièces de théâtre qui ont été jouées à Genève en 2002 et 2005. Après des études d’enseignant et de psychologue, Stéphane travaille aussi aujourd’hui comme assistant social et formateur d’adultes dans le domaine de l’éducation. Il co-anime également des psychodrames d’enfants. Sous l’impulsion magnifique de son bel ami David Valère, ils créent ensemble la compagnie Cyparis Circus afin de faire connaître et valoriser la littérature créole. Un homme debout est ainsi leur première réalisation commune, fruit d’une envie tenace d’associer leurs énergies amicales et artistiques au service de leur passion théâtrale. Métis de Martinique, ch’timi et suisse Je suis nègre et je me glorifie de ce nom ; je suis fier du sang noir qui coule dans mes veines. William Edward Burghardt Du Bois (1868-1963)2 David Valère est né en 1968 à Lille dans le Nord de la France d’une mère martiniquaise et d’un père basque : J’ai habité huit ans à Lille et pendant ce temps-là j’ai cru être un ch’timi. Quand j’allais à l’école à Mons-en-Baroeul où les noirs et les métis étaient peu nombreux, il m’arriva plus d’une fois d’être traité de nègre ou de bougnoule. Je croyais alors que le bougnoule était un gâteau nord-africain, quant à nègre, je ne comprenais pas ce mot. Quelques années plus tard, en Martinique, mes camarades de classe me qualifièrent de kouli manjé chien ! (lire Indien mangeur de chien -les Koulis étant les Indiens d’Inde qu’on fit venir pour remplacer la main-d’œuvre esclave affranchie par Victor Schoelcher en 1848). Alors, comme l’a dit un conteur créole : « D’abord en rire, il faut en rire, vaut mieux en rire ». Je suis de partout et de nulle part. Quelle chance de pouvoir s’imaginer de chaque continent ! Diplômé de l’Ecole de Théâtre Serge Martin en 1999, il joue depuis lors à Genève et en France. Il est également co-fondateur avec Dominique Ziegler de la Compagnie Les Associés de l’Ombre, formateur à l’expression orale auprès de l’association Oseo (Œuvre suisse d’entraide ouvrière), responsable et animateur de l’atelier-théâtre pour enfants P’tit Lamartine et animateur de l’atelier-théâtre Cyparis, dans le cadre des activités culturelles l’Université de Genève. Il joue ces dernières années notamment dans N’Dongo revient, Opération Métastases et René Stirlimann contre le Dr. B de Dominique Ziegler ainsi que dans Œdipe à Colonne et Molière ou la cabale des dévots mis en scène par François Rochaix au Théâtre de Carouge. En 2008, il joue dans le long-métrage de fiction Verso de Xavier Ruiz et en 2009, il adapte, joue et met en scène Le Festin de Babette de Karen Blixen pour le Printemps Carougeois. Soucieux de renouer avec ses origines caraïbes, il initie le projet d’un spectacle en lien direct avec la Martinique. Il propose à son grand ami Stéphane Michaud, grâce à qui il joue pour la première fois au théâtre Lamartine en 1994 de le rejoindre pour créer la compagnie Cyparis Circus et le monologue Un homme debout. Comme le dit très justement Alex Haley dans son livre Roots : Tout homme a, dans sa vie un « grand moment » quelque chose qui surpasse en intensité tout ce qu’il a connu et connaîtra jamais. Mes deux ans vécus en Martinique furent un « grand moment » de mon enfance. Ce monologue théâtral, Un homme debout, constitue d’ores et déjà un autre « grand moment » de ma vie d’acteur et de père. 2 Afro-américain originaire d’Haïti qui milita pour la reconnaissance des droits civiques des Noirs aux Etats-Unis. J’ai certes, subi une fascination, me trouvant en ce lieu si justement approprié au goût d’un amateur de « carrefours » (puisque telle est l’image que j’ai choisie pour signifier la conjonction d’éléments dissemblables d’où naît la poésie). Mais ce que je me sens porté à retenir, surtout, de cette visite des ruines d’un théâtre, ce sont les propos de cette femme, l’espèce de légende ou de mythe que, spontanément, elle avait inventé. J’y vois une marque de cette merveilleuse faculté imaginative, de cette aptitude – en dehors même de toute culture littéraire – à la création poétique, don qui m’a semblé foisonner aux Antilles et se manifester, tant à la Martinique qu’à la Guadeloupe ou ici même, jusque dans des inscriptions offertes à l’entendement de tous ceux qui savent lire, sans qu’il y ait besoin pour eux de faire autre chose que marcher à travers les rues, voire même se tenir immobile à quelque authentique carrefour. Michel Leiris, Zébrage, antilles poésie des carrefours. Gallimard 1992