Pourquoi Cahier d’un retour au pays natal et Aimé Césaire
Il faut parler Césaire, l’avoir en bouche et en poitrine,
accueillir dans les os de son crâne l’activité tellurique
de son verbe, même en murmure il peut propager
un écho dans ce qui souffre d’une anémie d’exaltation.1
Aimé Césaire, le Nègre fondamental a posé sa plume le 17 avril 2008 à l’âge de 94 ans
après avoir officié comme maire de Fort-de-France pendant cinquante-six ans. Il laisse une
œuvre littéraire et une vision du monde qui ont marqué la culture francophone et mondiale.
Il était l’un des derniers fondateurs de la négritude vivants. Ce mouvement a aujourd’hui
évolué vers le métissage universel. Même la jeune génération d'écrivains martiniquais, qui
ont pris leur distance par rapport à la négritude pour se définir comme métis et créoles,
reconnaissent volontiers ce qu'ils doivent à ce père spirituel dont découle la liberté antillaise
présente et à venir : C'est la négritude césairienne qui nous a ouvert le passage vers l'ici
d'une Antillanité désormais postulable, et elle-même en marche vers un autre degré
d'authenticité qui restait à nommer, écrivent le trio Chamoiseau, Confiant et Bernabé.
Cahier d’un retour au pays natal est considéré comme l’hymne des Noirs du monde entier.
C’est un pamphlet en forme de long poème écrit au vitriol, un cri de révolte et de désespoir,
un texte qui va accélérer la prise de conscience et les luttes pour les indépendances en
Afrique. Césaire a été la voix de la conscience nègre, de ses souffrances et de ses
exigences sans omettre toutefois qu’il a toujours refusé d’évincer les intellectuels blancs du
combat identitaire des Noirs des Antilles ou d’Afrique. Pour lui, cette identité noire était
universelle et non synonyme de clivage entre les Hommes. Son combat peut se résumer
dans une de ses propres phrases: Je suis un Martiniquais, un Africain transporté, mais je
suis avant tout un homme, et un homme qui veut l’accomplissement de l’humanité de
l’homme.
La victoire inattendue et prometteuse de Barack Obama est le fruit de combats livrés par de
grandes figures noires telles que Marcus Garvey, Malcom X, Angela Davis, Mohamed Ali,
Martin Luther King et Aimé Césaire. Ils ont rêvé et combattu pour un monde plus juste pour
l’homme noir et tous les hommes.
La lecture du Cahier d’un retour au pays natal m’a donné l’envie d’en faire un monologue
théâtral car son écriture appelle à l’oralité. Ce texte qui combat âprement le racisme et le
colonialisme nous offre une poésie lyrique qui égale les plus grands poètes de langue
française. C’est une œuvre de refondation qui repose sur une question fondamentale :
Qui et quels nous sommes ?
David Valère
Le Cahier, après une descente orgueilleuse dans l’enfer colonial,
s’achève en une assomption grandiose où le poète proclame
sa négritude-humanité, avec une force incantatoire qui ébranlera
les assises du monde. Un souffle de baptême pour les colonisés
du monde, battus et opprimés et pour les nègres bien sûr.1
1 Patrick Chamoiseau, Ecrire en Pays dominé, Paris, 1997.