ﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋ e-mail : [email protected] ‟Ashtaroût Cahier Hors-Série n°2 (décembre 1999) AMINE A. AZAR Les deux objets anamorphotiques de la formation actuelle du psychoclinicien Tabouret & Tri-Rhème Avertissement I. Tabouret 1 / L’assiette académique 1a. - Vétusté & réforme de l’Université Libanaise 1b. - Différentes carrières & différents types de psychocliniciens 1c. - Le psychoclinicien & la Kultur 1d. - La devinette du hareng saur 2 / L’assise para-universitaire 2a. - Le trépied 2b. - L’analyse personnelle 2c. - La supervision de cas 2d. - Les séminaires techniques II. Tri-Rhème 1 / Lecture assistée 2 / Textes de Freud 3 / Le tri-rhème 4 / L’exigence freudienne 5 / Le cadre 6 / La périodisation 7 / Segmentation & incrémentation 8 / Index raisonné 9 / Dogmata 10 / Méthode & doctrine III. Questions Pratiques 1 / Le menu ou la carte ? 2 / Quelle psychothérapie, pour quel patient ? 3 / Les organisations existantes 4 / L’affiliation 5 / Le statut du psychologue 6 / Déontologie 7 / L’argent 8 / Trois aphorismes lacaniens 8a. - La guérison est un bénéfice de surcroît 8b. - Ce sont vos analysants qui font de vous des analystes 8c. - Le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même... et de quelques autres IV. Références 28 I. Tabouret Avertissement Vous m’avez demandé une causerie sur la formation actuelle du psychologue au Liban, et je réponds volontiers à votre appel. D’ailleurs, ce n’est point là un sujet trop difficile à traiter s’il n’y avait, comme je le crains, chez la plupart d’entre vous une série de préjugés qui vous obnubile l’esprit. La première partie de cette causerie, celle qui concerne le tabouret, a été donnée à plusieurs reprises à des étudiants de 2ème Année de psychologie. Elle a été rédigée à partir des notes mises à ma disposition par quelques auditeurs. La deuxième partie de ce texte, celle qui concerne la charte des séminaires techniques, en gros le tri-rhème, a été rédigée à partir des notes mises à ma disposition par des participants à mes séminaires. La troisième partie, consacrée à des questions d’ordre pratique, regroupe, d’une manière aussi suivie que possible, un certain nombre d’idées et de suggestions qui prolongent mon argumentation à la lumière des multiples demandes d’éclaircissement reçues au fil des années. Tout au long de ces dernières années d’enseignement je me suis familiarisé avec les préjugés qui ont cours parmi vous sur ce sujet. Autant que je le sache, le défaut d’information n’est pas imputable seulement à l’atmosphère régnante dans cet honorable établissement de l’Université Libanaise. Il me semble qu’il règne chez vous aussi, en vous personnellement, une certaine inertie critique contre laquelle il faudrait réagir. Je ne prendrai qu’un seul exemple. Combien parmi vous qui paraissez vous inquiéter si fort de la formation à recevoir et de la carrière à embrasser, combien y en a-t-il à avoir poussé la curiosité jusqu’à feuilleter le livre de Maurice Reuchlin intitulé Guide de l‟étudiant en psychologie, rédigé expressément pour votre usage ? Il en existe, comme vous le savez sans doute, une édition libanaise à prix réduit qui le rend accessible aux petites bourses. Je m’étonne qu’il ne vous soit pas aussi familier que les deux Que sais-je ? du même auteur dont vous êtes équipés et dont il existe également des éditions locales à prix réduit. A ces livres de base, il faudrait encore ajouter au moins le Que sais-je ? de Prévost sur La Psychologie clinique, lui aussi disponible maintenant en édition locale. Pardonnezmoi de ne pas revenir sur le contenu de ces ouvrages. Je dois supposer qu’ils vous sont plus ou moins familiers. Mon titre est une allusion à la très brillante séance du 26 février 1964 du séminaire du Maître des Maîtres, Jacques Lacan 34, en même temps qu’un clin d’œil adressé à mon propre maître Jean Laplanche35. J’espère que la synthèse que je présente ici rendra service non seulement à ceux qui y trouveront l’écho de ma parole avec laquelle ils sont familiers, mais qu’elle sera également utile aux générations montantes pour lesquelles je suis personnellement un inconnu, et qu’elle constituera par la suite un point de repère pour l’histoire de la psychoclinique au Liban. Cf. Jacques Lacan (1964), Le Séminaire, livre XI : les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, chap. VII, pp. 92-104. 35 Cf. Jean Laplanche (1993b), «Court traité de l’inconscient», p. 80. 34 29 ﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋ e-mail : [email protected] ‟Ashtaroût Cahier Hors-Série n°2 (décembre 1999) AMINE A. AZAR Les deux objets anamorphotiques de la formation actuelle du psychoclinicien Tabouret & Tri-Rhème Avertissement I. Tabouret 1 / L’assiette académique 1a. - Vétusté & réforme de l’Université Libanaise 1b. - Différentes carrières & différents types de psychocliniciens 1c. - Le psychoclinicien & la Kultur 1d. - La devinette du hareng saur 2 / L’assise para-universitaire 2a. - Le trépied 2b. - L’analyse personnelle 2c. - La supervision de cas 2d. - Les séminaires techniques II. Tri-Rhème 1 / Lecture assistée 2 / Textes de Freud 3 / Le tri-rhème 4 / L’exigence freudienne 5 / Le cadre 6 / La périodisation 7 / Segmentation & incrémentation 8 / Index raisonné 9 / Dogmata 10 / Méthode & doctrine III. Questions Pratiques 1 / Le menu ou la carte ? 2 / Quelle psychothérapie, pour quel patient ? 3 / Les organisations existantes 4 / L’affiliation 5 / Le statut du psychologue 6 / Déontologie 7 / L’argent 8 / Trois aphorismes lacaniens 8a. - La guérison est un bénéfice de surcroît 8b. - Ce sont vos analysants qui font de vous des analystes 8c. - Le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même... et de quelques autres IV. Références 28 1 pendant que le corps enseignant libanais se préoccupait de problèmes de survie, les universités françaises ont beaucoup évolué, de sorte qu’actuellement entre l’Université Libanaise et les universités françaises s’est creusé un abîme. Pour aller vite, on pourrait dire que la révolution de mai 68, qui a chamboulé de fond en comble les universités françaises, reste à faire au Liban. Au bas mot, on peut estimer que nous avons accusé un retard d’un demi siècle. Nous en sommes toujours au Liban à l’ancienne licence en quatre ans, alors qu’en France il s’agit de maîtrise. Et, tandis qu’en France on débute le 3ème cycle avec un D.E.A.36, nous en sommes encore ici au D.E.S.37 Toujours en France, le cursus académique bifurque après l’achèvement du 2ème cycle vers une formation professionnelle dans des instituts adjoints aux universités, tandis qu’au Liban les études de psychologie demeurent académiques, y compris au sens péjoratif du mot, coupées à peu près totalement de l’apprentissage d’un métier hormis l’enseignement. L’Assiette académique En outre, je dois encore supposer que le cursus universitaire actuel ne vous est pas inconnu. En particulier, le tableau des ressemblances et des différences entre les cursus proposés par les universités françaises d’une part, et par l’Université Libanaise, d’autre part, devrait vous être tout à fait familier. (Protestations diverses) Non ? Ce n’est pas le cas ? Eh bien commençons donc par là. 1a. Vétusté & réforme de l‟Université Libanaise Notre pays est, hélas, en retard dans tous les domaines. L’Université Libanaise est vétuste et, en quelques uns de ses départements, elle est réellement en déliquescence. Des réformes s’imposent et tout le monde en convient. Les dirigeants du Pays, le rectorat, les doyens et les directeurs d’établissements sont acquis à l’idée d’une réforme de fond. Le corps enseignant n’y est pas non plus hostile dans le principe, mais c’est justement à ce niveau-là que se pose le véritable problème. Avec un courage admirable, le corps enseignant de l’Université Libanaise a maintenu le flambeau du savoir et de la culture durant toutes les années de guerre. Mais, à quelques exceptions près, les membres du corps enseignant, préoccupés par des problèmes élémentaires de survie, sont restés coupés des contacts vivifiants avec l’évolution de leur discipline. Et, au moment où le Pays retrouve une paix et une stabilité relatives, le corps enseignant a la cruelle révélation de sa vétusté. Or, ce n’est pas à coups de décrets que ce malaise pourrait se résorber. Vous avez peut-être entendu parler des travaux de la commission de révision des programmes. Cette commission a livré ses travaux en décembre dernier (1998), et nous nous attendons à ce que les nouveaux programmes entrent en vigueur dès l’année prochaine. Vous savez que j’ai pris part aux travaux de cette commission, et je peux vous informer qu’il ne s’est pas agi de rattraper seulement le retard accumulé. Je puis vous révéler une innovation qui tente de surmonter le divorce possible entre le cursus académique et la formation professionnelle. Au lieu de suivre l’exemple français qui institue une bifurcation à la fin du deuxième cycle soit vers un D.E.S.S.38 soit vers un D.E.A., la commission a De plus, l’Université Libanaise s’est structurée sur le modèle des universités françaises. Mais, 36 DEA = diplôme d’études approfondies. 37 DES = diplôme d’études supérieures. 38 DESS 30 = diplôme d’études supérieures spécialisées. opté pour une ligne continue qui place le D.E.S.S., qui est un diplôme professionnel, comme passage obligé vers le D.E.A., qui est un diplôme académique menant à la thèse de doctorat. De cette façon, les prochaines générations de doctorants seront nécessairement formées de praticiens expérimentés, et non plus de purs esprits académiques sans véritable expérience pratique, comme c’est malheureusement quelques fois encore le cas pour certains enseignants de notre département. C’est là que le bât blesse. leuse cognitiviste. Sur toutes ces questions vous pourrez vous reporter avec fruit au Que sais-je ? de Claude-M. Prévost (1988) sur La Psychologie clinique, et plus spécialement aux chap. III et IV. Il n’est pas dit que ces deux ou trois types de psychocliniciens aient des pratiques forcément dissemblables. Néanmoins, il y a une propension à utiliser en institution des techniques psychométriques, tandis que dans la pratique libérale la tendance est plutôt à l’écoute clinique dépouillée de toute instrumentalité. Personnellement, je suis un adepte de la pratique libérale de type psychanalytique, et je vais donc resserrer mon propos autour de ce genre de formation. En ce sens, je ne distinguerai pas le psychoclinicien du psychanalyste. Sans la psychanalyse, il n’y aurait pas eu de psychologie clinique. Il y a un rapport d’allégeance indéniable entre la psychologie clinique et la psychanalyse. Le terme d’allégeance est peut-être trop fort, ou impropre. Je reformulerai mon idée en disant qu’historiquement la psychoclinique est venue au jour au champ freudien, et qu’il faudrait sérieusement en prendre acte39. Quant-à la situation actuelle, je le répète, rien à mon sens ne distingue statutairement le psychoclinicien du psychanalyste si ce n’est leur affiliation à telle association plutôt qu’à telle autre, ce qui est un rapport extrinsèque, tandis que le fond leur est un bien commun. 1b. Différentes carrières & différents types de psychocliniciens Après ces préliminaires, je vais essayer de dépasser le niveau des généralités pour vous entretenir des principes qui guident un peu partout dans le monde la formation professionnelle du psychologue. Non pas celle de n’importe quel psychologue, cependant. Dans cet établissement, vous savez que l’on a le choix entre trois carrières : la psychologie scolaire, la psychologie clinique, et la psychologie appliquée (ou psychologie industrielle). Je laisserai mes collègues vous entretenir chacun de sa spécialité. Pour ma part, je suis un praticien de la psychologie clinique, et même d’un certain type de psychologie clinique, car il faut distinguer au moins deux ou trois types de psychologues cliniciens. Il y a d’abord les psychocliniciens qui interviennent dans des institutions, par exemple un hôpital général, un dispensaire, un centre d’orientation, un centre d’accueil, une institution de rééducation, un asile psychiatrique, etc. Il y a ensuite les psychocliniciens qui travaillent dans le cadre d’un contrat libéral, et qui reçoivent généralement leur clientèle chez eux. Les psychocliniciens libéraux sont également de deux types. Il y a ceux qui utilisent le dispositif divan-fauteuil et dont la pratique est d’inspiration psychanalytique au sens large, et il y a les autres, lesquels se rallient tant bien que mal autour de la nébu- 1c. Le psychoclinicien & la Kultur Un peu partout dans le monde ce sont les mêmes principes qui guident la formation professionnelle du psychologue clinicien à pratique Cf. l’étude documentée de première main de Didier Anzieu (1979) sur «La psychanalyse au service de la psychologie», et le précieux dossier préparé par Marie-Jean Sauret (1993) sur La Psychologie clinique, histoire et discours, qui peuvent servir avantageusement de point de départ à la discussion. 39 31 libérale. Il est commode de prendre pour emblême de cette formation un meuble familier : le tabouret. J’ai accoutumé d’utiliser le tabouret comme ustensile pour me faire comprendre. Un tabouret est un siège formé de deux parties. La partie du haut est une sorte de plateau destiné au confort ; dénommons-le «assiette». La partie du bas est formée d’un certain nombre de pieds ; dénommons-la «assise». Les études académiques correspondent à l’assiette du tabouret. Mais n’allez pas croire que les études académiques du psychologue clinicien devraient obligatoirement être des études de psychologie. Il n’en est rien justement, et c’est là le plus curieux. Des études juridiques feraient tout aussi bien l’affaire, et des études de philosophie, de linguistique, d’architecture, de mathématiques, de médecine, seraient tout aussi bien venues. Aussi étrange que cela puisse vous paraître, les études de psychologie n’ont pas la préséance dans la formation du psychologue clinicien à pratique libérale. En droit, n’importe quelles études académiques pourraient faire l’affaire. Voilà un premier point. Vous paraissez abasourdis ? Voici donc deux mots d’explication. préoccupe au premier chef de la fonction thérapeutique de ses interventions. Il y a là une grande confusion qui consiste à réduire l’intervention du psychoclinicien à n’avoir qu’une fonction thérapeutique. J’aimerais que vous fassiez une nette distinction entre «psychothérapeute» et «psychoclinicien». Cette distinction est à mes yeux absolument fondamentale40. Et il est, après tout, possible que j’entende par «psychoclinique» et «psychoclinicien» quelque chose de tout à fait spécial et de fort éloigné par rapport à l’acception commune. Je n’en disconviendrais pas. Bien au contraire, dût la modestie de mon propos en souffrir, je suis prêt à convenir avec vous que j’utilise ces deux termes de «psychoclinique» et de «psychoclinicien» d’une manière tout à fait spéciale, voire idiosyncrasique, ou comme des néologismes tout simplement. Faites l’effort de me suivre dans cette voie inédite et un peu singulière. Je vais tenter de me faire comprendre en peu de mots. A mes yeux, le psychoclinicien ne fait pas cause commune avec le rebouteux, ni avec le guérisseur, ni même avec le médecin, accaparés tous les trois par le souci de guérir. En revanche, le psychothérapeute fait, lui, cause commune avec le rebouteux, le guérisseur et le médecin. Aussi, confondre le psychoclinicien avec le psychothérapeute serait commettre un grave contresens. En un mot, ce serait là méconnaître la spécificité de l’intervention psychoclinicienne, laquelle est au premier chef, suivant moi, une intervention dans le champ culturel. La responsabilité première du psychoclinicien est culturelle et non point thérapeutique. Tout est là : l’analysant se cultive. Qu’il guérisse ou non, c’est son affaire personnelle. A l’encontre de ce que l’on a tendance à croire, la psychologie clinique libérale n’est pas une spécialisation à œillères. Que le psychoclinicien connaisse la psychologie, ce n’est que justice. En fait, tout ce qui est humain devrait lui être familier, c’est pourquoi la culture dans son ensemble le concerne directement : les sciences, les techniques, les religions, les arts, les lettres..., autrement dit le trivium et le quadrivium des anciens. De n’importe quel coin de l’horizon culturel qu’il vienne, le psychoclinicien aura à élargir l’empan de ses curiosités jusqu’à embrasser le champ culturel tout entier. On a tendance à croire que le psychoclinicien épouse la même cause que le médecin ordinaire et s’intéresse au symptôme au premier chef, ou du moins se La critique dévastatatrice de la psychothérapie par Thomas S. Szasz (1977) me paraît une référence obligée, malgré quelques emportements, quelques paradoxes et quelques excès. 40 32 1 pendant que le corps enseignant libanais se préoccupait de problèmes de survie, les universités françaises ont beaucoup évolué, de sorte qu’actuellement entre l’Université Libanaise et les universités françaises s’est creusé un abîme. Pour aller vite, on pourrait dire que la révolution de mai 68, qui a chamboulé de fond en comble les universités françaises, reste à faire au Liban. Au bas mot, on peut estimer que nous avons accusé un retard d’un demi siècle. Nous en sommes toujours au Liban à l’ancienne licence en quatre ans, alors qu’en France il s’agit de maîtrise. Et, tandis qu’en France on débute le 3ème cycle avec un D.E.A.36, nous en sommes encore ici au D.E.S.37 Toujours en France, le cursus académique bifurque après l’achèvement du 2ème cycle vers une formation professionnelle dans des instituts adjoints aux universités, tandis qu’au Liban les études de psychologie demeurent académiques, y compris au sens péjoratif du mot, coupées à peu près totalement de l’apprentissage d’un métier hormis l’enseignement. L’Assiette académique En outre, je dois encore supposer que le cursus universitaire actuel ne vous est pas inconnu. En particulier, le tableau des ressemblances et des différences entre les cursus proposés par les universités françaises d’une part, et par l’Université Libanaise, d’autre part, devrait vous être tout à fait familier. (Protestations diverses) Non ? Ce n’est pas le cas ? Eh bien commençons donc par là. 1a. Vétusté & réforme de l‟Université Libanaise Notre pays est, hélas, en retard dans tous les domaines. L’Université Libanaise est vétuste et, en quelques uns de ses départements, elle est réellement en déliquescence. Des réformes s’imposent et tout le monde en convient. Les dirigeants du Pays, le rectorat, les doyens et les directeurs d’établissements sont acquis à l’idée d’une réforme de fond. Le corps enseignant n’y est pas non plus hostile dans le principe, mais c’est justement à ce niveau-là que se pose le véritable problème. Avec un courage admirable, le corps enseignant de l’Université Libanaise a maintenu le flambeau du savoir et de la culture durant toutes les années de guerre. Mais, à quelques exceptions près, les membres du corps enseignant, préoccupés par des problèmes élémentaires de survie, sont restés coupés des contacts vivifiants avec l’évolution de leur discipline. Et, au moment où le Pays retrouve une paix et une stabilité relatives, le corps enseignant a la cruelle révélation de sa vétusté. Or, ce n’est pas à coups de décrets que ce malaise pourrait se résorber. Vous avez peut-être entendu parler des travaux de la commission de révision des programmes. Cette commission a livré ses travaux en décembre dernier (1998), et nous nous attendons à ce que les nouveaux programmes entrent en vigueur dès l’année prochaine. Vous savez que j’ai pris part aux travaux de cette commission, et je peux vous informer qu’il ne s’est pas agi de rattraper seulement le retard accumulé. Je puis vous révéler une innovation qui tente de surmonter le divorce possible entre le cursus académique et la formation professionnelle. Au lieu de suivre l’exemple français qui institue une bifurcation à la fin du deuxième cycle soit vers un D.E.S.S.38 soit vers un D.E.A., la commission a De plus, l’Université Libanaise s’est structurée sur le modèle des universités françaises. Mais, 36 DEA = diplôme d’études approfondies. 37 DES = diplôme d’études supérieures. 38 DESS 30 = diplôme d’études supérieures spécialisées. opté pour une ligne continue qui place le D.E.S.S., qui est un diplôme professionnel, comme passage obligé vers le D.E.A., qui est un diplôme académique menant à la thèse de doctorat. De cette façon, les prochaines générations de doctorants seront nécessairement formées de praticiens expérimentés, et non plus de purs esprits académiques sans véritable expérience pratique, comme c’est malheureusement quelques fois encore le cas pour certains enseignants de notre département. C’est là que le bât blesse. leuse cognitiviste. Sur toutes ces questions vous pourrez vous reporter avec fruit au Que sais-je ? de Claude-M. Prévost (1988) sur La Psychologie clinique, et plus spécialement aux chap. III et IV. Il n’est pas dit que ces deux ou trois types de psychocliniciens aient des pratiques forcément dissemblables. Néanmoins, il y a une propension à utiliser en institution des techniques psychométriques, tandis que dans la pratique libérale la tendance est plutôt à l’écoute clinique dépouillée de toute instrumentalité. Personnellement, je suis un adepte de la pratique libérale de type psychanalytique, et je vais donc resserrer mon propos autour de ce genre de formation. En ce sens, je ne distinguerai pas le psychoclinicien du psychanalyste. Sans la psychanalyse, il n’y aurait pas eu de psychologie clinique. Il y a un rapport d’allégeance indéniable entre la psychologie clinique et la psychanalyse. Le terme d’allégeance est peut-être trop fort, ou impropre. Je reformulerai mon idée en disant qu’historiquement la psychoclinique est venue au jour au champ freudien, et qu’il faudrait sérieusement en prendre acte39. Quant-à la situation actuelle, je le répète, rien à mon sens ne distingue statutairement le psychoclinicien du psychanalyste si ce n’est leur affiliation à telle association plutôt qu’à telle autre, ce qui est un rapport extrinsèque, tandis que le fond leur est un bien commun. 1b. Différentes carrières & différents types de psychocliniciens Après ces préliminaires, je vais essayer de dépasser le niveau des généralités pour vous entretenir des principes qui guident un peu partout dans le monde la formation professionnelle du psychologue. Non pas celle de n’importe quel psychologue, cependant. Dans cet établissement, vous savez que l’on a le choix entre trois carrières : la psychologie scolaire, la psychologie clinique, et la psychologie appliquée (ou psychologie industrielle). Je laisserai mes collègues vous entretenir chacun de sa spécialité. Pour ma part, je suis un praticien de la psychologie clinique, et même d’un certain type de psychologie clinique, car il faut distinguer au moins deux ou trois types de psychologues cliniciens. Il y a d’abord les psychocliniciens qui interviennent dans des institutions, par exemple un hôpital général, un dispensaire, un centre d’orientation, un centre d’accueil, une institution de rééducation, un asile psychiatrique, etc. Il y a ensuite les psychocliniciens qui travaillent dans le cadre d’un contrat libéral, et qui reçoivent généralement leur clientèle chez eux. Les psychocliniciens libéraux sont également de deux types. Il y a ceux qui utilisent le dispositif divan-fauteuil et dont la pratique est d’inspiration psychanalytique au sens large, et il y a les autres, lesquels se rallient tant bien que mal autour de la nébu- 1c. Le psychoclinicien & la Kultur Un peu partout dans le monde ce sont les mêmes principes qui guident la formation professionnelle du psychologue clinicien à pratique Cf. l’étude documentée de première main de Didier Anzieu (1979) sur «La psychanalyse au service de la psychologie», et le précieux dossier préparé par Marie-Jean Sauret (1993) sur La Psychologie clinique, histoire et discours, qui peuvent servir avantageusement de point de départ à la discussion. 39 31 libérale. Il est commode de prendre pour emblême de cette formation un meuble familier : le tabouret. J’ai accoutumé d’utiliser le tabouret comme ustensile pour me faire comprendre. Un tabouret est un siège formé de deux parties. La partie du haut est une sorte de plateau destiné au confort ; dénommons-le «assiette». La partie du bas est formée d’un certain nombre de pieds ; dénommons-la «assise». Les études académiques correspondent à l’assiette du tabouret. Mais n’allez pas croire que les études académiques du psychologue clinicien devraient obligatoirement être des études de psychologie. Il n’en est rien justement, et c’est là le plus curieux. Des études juridiques feraient tout aussi bien l’affaire, et des études de philosophie, de linguistique, d’architecture, de mathématiques, de médecine, seraient tout aussi bien venues. Aussi étrange que cela puisse vous paraître, les études de psychologie n’ont pas la préséance dans la formation du psychologue clinicien à pratique libérale. En droit, n’importe quelles études académiques pourraient faire l’affaire. Voilà un premier point. Vous paraissez abasourdis ? Voici donc deux mots d’explication. préoccupe au premier chef de la fonction thérapeutique de ses interventions. Il y a là une grande confusion qui consiste à réduire l’intervention du psychoclinicien à n’avoir qu’une fonction thérapeutique. J’aimerais que vous fassiez une nette distinction entre «psychothérapeute» et «psychoclinicien». Cette distinction est à mes yeux absolument fondamentale40. Et il est, après tout, possible que j’entende par «psychoclinique» et «psychoclinicien» quelque chose de tout à fait spécial et de fort éloigné par rapport à l’acception commune. Je n’en disconviendrais pas. Bien au contraire, dût la modestie de mon propos en souffrir, je suis prêt à convenir avec vous que j’utilise ces deux termes de «psychoclinique» et de «psychoclinicien» d’une manière tout à fait spéciale, voire idiosyncrasique, ou comme des néologismes tout simplement. Faites l’effort de me suivre dans cette voie inédite et un peu singulière. Je vais tenter de me faire comprendre en peu de mots. A mes yeux, le psychoclinicien ne fait pas cause commune avec le rebouteux, ni avec le guérisseur, ni même avec le médecin, accaparés tous les trois par le souci de guérir. En revanche, le psychothérapeute fait, lui, cause commune avec le rebouteux, le guérisseur et le médecin. Aussi, confondre le psychoclinicien avec le psychothérapeute serait commettre un grave contresens. En un mot, ce serait là méconnaître la spécificité de l’intervention psychoclinicienne, laquelle est au premier chef, suivant moi, une intervention dans le champ culturel. La responsabilité première du psychoclinicien est culturelle et non point thérapeutique. Tout est là : l’analysant se cultive. Qu’il guérisse ou non, c’est son affaire personnelle. A l’encontre de ce que l’on a tendance à croire, la psychologie clinique libérale n’est pas une spécialisation à œillères. Que le psychoclinicien connaisse la psychologie, ce n’est que justice. En fait, tout ce qui est humain devrait lui être familier, c’est pourquoi la culture dans son ensemble le concerne directement : les sciences, les techniques, les religions, les arts, les lettres..., autrement dit le trivium et le quadrivium des anciens. De n’importe quel coin de l’horizon culturel qu’il vienne, le psychoclinicien aura à élargir l’empan de ses curiosités jusqu’à embrasser le champ culturel tout entier. On a tendance à croire que le psychoclinicien épouse la même cause que le médecin ordinaire et s’intéresse au symptôme au premier chef, ou du moins se La critique dévastatatrice de la psychothérapie par Thomas S. Szasz (1977) me paraît une référence obligée, malgré quelques emportements, quelques paradoxes et quelques excès. 40 32 pour guérir, pour remplir son temps, ou pour rien. C’est son affaire. Vous achetez une théière ou un hareng saur, et vous en faites ce que vous voulez : un bibelot, un cadeau, une serviette, ou de la pâte d’amande... 1d. La devinette du hareng saur Pour mieux me faire comprendre, j’ai coutume de raconter une devinette que certains d’entre vous connaissent déjà. Je les prie de bien vouloir m’excuser si je la raconte à nouveau pour les autres : Vous voyez ! la remontée vers les principes est toujours source de lumières. J’aurais peut-être l’occasion de revenir plus longuement sur ma conception du rôle du psychoclinicien dans une causerie publique que je donnerai bientôt devant l’aréopage de la Joint Venture for the advancement of learning in Psy4 41. Je vous y inviterai, n’ayez crainte. D’ici là prenez patience, et méditez sur la différence tranchée que j’introduis entre psychoclinicien et psychothérapeute. Devinette A : Il y a quelque chose qui pend à la cuisine et avec quoi on se sèche les mains, c’est quoi ? B : Facile, c’est une serviette ! A : Raté ! c’est un hareng saur ! B : Comment ! un hareng saur ! mais on ne se sèche pas les mains avec un hareng saur ! A : Et qui vous y oblige ? 2 L’Assise para-universitaire Sincèrement, je trouve que vous ne riez pas assez. Il y a peut-être un problème : certains d’entre vous ne savent peut-être pas ce que c’est qu’un hareng saur ? (Murmures d‟approbation dans la salle). Eh bien, un hareng est un poisson de l’Atlantique Nord très populaire en Europe, même s’il est presque inconnu ici. On peut le consommer frais ; alors il est servi grillé, à la maître d’hôtel ou à la sauce moutarde. On peut également manger les harengs pecs, c’est-à-dire salés sans être fumés. Et on peut encore manger les harengs saurs, c’est-à-dire fumés. Comme beaucoup de viandes, le jambon par exemple, ou chez nous le bastorma (gros rires dans la salle), on peut laisser pendre les harengs fumés pour qu’ils sèchent. 2a. Le trépied Occupons-nous à présent de l’assise de notre tabouret. Combien de pieds allons-nous lui attribuer ? Vous conviendrez que ce serait une véritable gageure que de faire tenir notre tabouret en équilibre sur un seul pied. Comme vous le savez, un seul pied pour un tabouret ce n’est vraiment pas assez. Deux, ce serait déjà mieux, encore que l’on ne puisse alors espérer qu’un équilibre fort instable. Ajoutons un pied de plus ; notre tabouret se tiendra alors en parfait équilibre. Or, curieusement, il en est exactement de même pour la formation para-universitaire du psychoclinicien. A peu près partout dans le monde, le principe du trépied sert de fondement à la formation para-universitaire du psychoclinicien. Ainsi, l’assise de notre tabouret-emblème est-elle un trépied, et chacun de ses pieds possède une dénomination propre. Le premier se nomme Revenons à notre propos. Que fait un psychanalyste au cours d’une «cure» ? Il analyse, autrement dit, il intervient dans le champ de la culture. Que fait le patient au cours d’une cure psychanalytique ? Il se cultive. A quoi sert la cure psychanalytique ? A n’importe quoi. L’usager en fait ce qu’il veut, il peut s’en servir Cf. Amine Azar (1998a), Perspective cavalière sur l‟accomplissement freudien, au §4b. 41 33 analyse personnelle, le deuxième supervision de cas, et le troisième séminaires techniques. Les trois ont ceci de commun qu’ils ne relèvent pas d’un cursus académique, mais d’Instituts spéciaux, rattachés parfois à des universités, mais le plus souvent tout à fait indépendants, et qui émanent d’initiatives privées. Sans entrer pour l’instant dans des questions d’ordre pratique, je vais dire un mot brièvement de chacune des composantes de ce trépied para-universitaire. Jean Laplanche (1989, 1995) suivant lequel il faudrait considérer que l’analyse personnelle est une affaire strictement personnelle. D’autre part, l’analyse personnelle a fait pendant longtemps l’objet de tentatives d’évaluation de toutes sortes sans que des critères précis aient pu se dégager et puissent être adoptés consensuellement. L’innovation lacanienne de la «passe» est la dernière en date de ces tentatives, et elle semble bien, malgré tout, avoir fait long feu43. C’est pourquoi il peut paraître opportun de revenir aux principes fondateurs, et de consulter Freud à nouveau. 2b. L‟analyse personnelle L’analyse personnelle ne s’est pas d’emblée imposée comme étant un élément incontournable de la formation du psychoclinicien. Mon souci n’est pas ici de reprendre tout dès le début42. Je me contenterai de remarques parcellaires. On convient de dire que tout candidat entreprend une analyse personnelle avec un psychoclinicien chevronné, laquelle dure un certain temps. Au cours du temps, cette durée s’est allongée outre mesure. Les premières analyses personnelles duraient quelques mois. Actuellement, on fait état de cinq, dix, voire quinze ans, sans que la qualité de la formation reçue puisse justifier en quoi que ce soit ce monstrueux étirement. Il n’y a guère très longtemps, beaucoup d’Instituts de formation imposaient aux candidats de choisir leur analyste dans une liste de «didacticiens» qu’on leur fournissait à cet effet. Actuellement, la plupart des Instituts se contentent de «recommander» leurs propres didacticiens. L’usage se répand de plus en plus de laisser les candidats librement choisir leur analyste, et même de recourir éventuellement à un analyste appartenant à une autre association. De plus en plus on semble se ranger à l’avis de En tant que fondateur, le cas personnel de Freud est riche d’enseignements. Et il n’est pas dit, au vu des errements actuels de la formation, qu’il faille l’écarter à cause de je ne sais quelle singularité. Bien au contraire, le retour à la source me paraît plutôt une garantie d’authenticité. Or, le cas personnel de Freud met en évidence une toute autre exigeance que celle dont se réclament ordinairement les Instituts de formation. C’est l’auto-analyse qui s’impose en tant que pilier de l’analyse personnelle de Freud. A la lumière du cas personnel de Freud, il faudrait donc renverser le rapport de subordination entre auto-analyse et analyse personnelle auprès d’un quelconque didacticien. L’analyse personnelle devrait être considérée comme un pis aller, subordonné à la poursuite de l’auto-analyse. Au surplus, à qui en douterait, il n’est que de consulter le dernier mot de Freud sur cette question. En somme, son testament technique. Je cite44 : On consultera à ce sujet le très décevant recueil édité en 1994 par l’Association Mondiale de Psychanalyse sous le titre : Comment finissent les analyses. 44 Cf. Sigmund Freud (1937c), Analyse avec fin et analyse sans fin, p. 264. 43 On consultera par exemple le «Rapport original sur les dix ans de l’Institut Psychanalytique de Berlin, 1920-1930», réédité par Fanny Colonomos en 1985. 42 34 Mais où et comment le pauvre malheureux [c’est-à-dire le candidat psychanalyste] doit-il acquérir cette aptitude idéale dont il aura besoin dans son métier ? La réponse sera : dans l’analyse personnelle, par laquelle commence sa préparation à sa future activité. Pour des raisons pratiques, celle-ci ne peut être que brève et incomplète ; son but essentiel est de donner au maître la possibilité de juger si le candidat peut être admis à poursuivre sa formation. Sa tâche est accomplie si elle apporte à l’apprenti la ferme conviction de l’existence de l’inconscient, si elle lui procure lors de l’émergence du refoulé les perceptions de soi habituellement non dignes de foi et si, grâce à un premier échantillon, elle lui indique la technique qui est la seule à avoir fait ses preuves dans l’activité analytique. Cela seul ne suffirait pas à instruire, mais on escompte que les incitations contenues dans l’analyse personnelle ne prendront pas fin avec l’arrêt de celle-ci, que les processus de remaniement du moi se poursuivront spontanément chez l’analysé et qu’ils utiliseront toutes les expériences ultérieures dans le sens nouvellement acquis. C’est en effet ce qui se produit et, dans la mesure où cela se produit, cela rend l’analysé propre à devenir analyste. Un profane ferait l’affaire, et l’on sait le rôle que Fliess à tenu pour Freud à cet effet. Le contact d’autrui est lui-même d’espèce variée. L’autoanalyse de Freud s’est déroulée pour partie par correspondance, pour partie grâce à des rencontres dénommées par les protagonistes des «congrès» à deux, et pour partie à travers la recherche scientifique. A cet égard, il est particulièrement significatif de trouver intercalée entres les lettres de Freud à Fliess une série de manuscrits qui constituent le premier jet des communications scientifiques ultérieures de Freud 45. Ajoutons à cela que les meilleures contributions scientifiques de Freud de cette époque sont à caractère franchement autobiographique, telles que : (1898b) «Sur le mécanisme psychique de l‟oubli», (1899a) «Sur les souvenirs-écrans», (1900a) la Traumdeutung, (1901c) La Psychopathologie de la vie quotidienne. Cela n’est pas contingent. Il faudrait comprendre par là que les contributions scientifiques du psychoclinicien témoignent des progrès et de l’approfondissement de son auto-analyse, et c’est bien là, autant que je le sache, quelque chose d’original, d’inouï, dans le domaine scientifique. Ce texte testamentaire est tout à fait explicite. L’analyse personnelle auprès d’un quelconque didacticien ne peut être que brève et incomplète. Ce que l’on en escompte ce sont des «incitations» (Anregungen) pour la poursuite du processus de remaniement du moi, autrement dit pour la poursuite de l’auto-analyse. Et, à la page suivante, Freud ne se fait pas faute de recommander au psychoclinicien de revenir de temps en temps sur le divan, tous les cinq ans, indique-t-il, afin de réactiver le processus de remaniement du moi qui se serait essouflé. Comme c’est souvent le cas en psychologie clinique, le retour à Freud demeure un mot d’ordre précieux, gros de surprises, fertile en leçons. Pour me résumer, je dirais que l’analyse personnelle, en tant que premier pilier de la formation du psychoclinicien, devrait se fixer l’auto-analyse comme point de mire, et compter avec les principaux aspects de son épanouissement, par le contact avec autrui, par le travail de l’écriture, et par l’élan vers la recherche46. Comment s’accomplit l’auto-analyse ? Là encore le cas personnel de Freud est riche d’enseignement. L’auto-analyse s’accomplit souvent au contact d’autrui, et un autrui qui n’est pas nécessairement un praticien de la psychoclinique. Cf. Sigmund Freud (1950a) et (1985c) dans la bibliographie ci-dessous. 46 Ma position sur l’analyse personnelle ne diffère pas fondamentalement de celle que mon maître Conrad Stein (1968) a longuement argumentée dans son étude très célèbre sur «L’identification à Freud dans l’auto-analyse». 45 35 Une fois rappelés ces principes un peu trop négligés, il devient facile de répondre par un non lieu à la plupart des questions agitées en pagaille dans la littérature spécialisée et plus encore dans les couloirs des «congrès» au sujet de l’analyse personnelle. A savoir : est-ce que l’analyse personnelle est une analyse didactique ? thérapeutique ? préventive ? Sert-elle à connaître une prétendue «équation personnelle» ? à maîtriser un supposé «contre-transfert» ? à se faire faire vacciner, mais contre quoi s’il vous plaît ? Toutes ces questions et d’autres encore de même farine se dégonflent au regard des principes comme un soufflet mal cuit. Les supervisions sont actuellement de deux sortes : individuelles et collectives. L’expérience a cependant montré que les supervisions individuelles sont incomparablement plus satisfaisantes que les supervisions collectives. Le maintien des supervisions collectives semble être dû en partie à des raisons économiques : les superviseurs gagnent plus par séance, alors que les candidats payent moins individuellement. Néanmoins, je ne pense pas qu’il faille condamner catégoriquement les supervisions collectives. Il est possible, à mon sens, d’en transformer le contenu. C’est ce qu’a su faire Françoise Dolto. Son célèbre séminaire de psychanalyse d’enfants, ce n’était en réalité rien d’autre qu’un séminaire de supervision collective. On peut également suggérer d’autres procédés, comme par exemple la reprise des cas princeps de Freud, de Melanie Klein ou de Winnicott, en séminaires techniques. Lacan a inauguré ce type de procédure avec le succès que l’on sait, soit en ce qui concerne le cas Schreber ou bien celui du petit Hans48. La voie était toute tracée pour les continuateurs49. 2c. La supervision de cas La supervision de cas est le deuxième pilier de la formation du psychoclinicien. L’usage consiste un peu partout à recommander au candidat de faire au moins trois supervisions de cas avec des superviseurs différents. Historiquement, le principe de la supervision a été acquis avant même celui de l’analyse personnelle, dans la mesure où on peut estimer que Breuer a assumé pour Freud le rôle de superviseur durant de nombreuses années47. Le plus curieux est que Freud a pris des cas en supervision avec Breuer avant même que la nécessité de l’auto-analyse ne s’impose à lui. Alors qu’aujourd’hui on estime qu’il faut déjà avoir séjourné sur un divan pendant quelques années avant de songer à se placer de temps en temps dans un fauteuil. Quel exemple serait-il le plus avisé de suivre ? Je n’en sais trop rien. Ici, comme ailleurs, j’estime que ce serait un abus intolérable que de transformer de simples recommandations en diktats. 2d. Les séminaires techniques Le troisième pilier de la formation du psychoclinicien consiste en séminaires techniques. Il était naguère d’usage que l’accès aux séminaires techniques soit conditionné. On disait qu’il fallait être «suffisamment avancé» dans son analyse personnelle pour y prétendre. Ce qui revenait tout simplement à en quémander la permission à son analyste. Au début des années 70, à l’époque de ma propre formation, cet usage était déjà obsolète à Paris, mais non pas aboli. Je me souviens que l’un des directeurs de séminaires que Cf. Le Séminaire, livres III et IV, respectivement. Cf. l’excellent volume édité en 1996 par l’Association Mondiale de Psychanalyse sous le titre : Les Pouvoirs de la parole. 48 49 Cf. Amine Azar (1989), «Breuer et Freud : une évaluation réactualisée». 47 36 j’avais sollicité m’avait interrogé sur la position de mon analyste. Ce fut le seul, et je peux vous dire qu’il a d’un coup dégringolé dans mon estime. J’avais rétorqué que mon analyste n’avait pas voix au chapitre, ce qui a paru tout de même le satisfaire puisqu’il m’a donné son accord. plutôt, comme je le dirais encore plus volontiers, des maîtres de lecture51. 2 Textes de Freud Les textes de base sont essentiellement les textes de FREUD mais sans exclusive. Pourquoi Freud d’abord ? Pourquoi Freud a-t-il cette position privilégiée, prioritaire, en psychologie clinique ? Ici je renvoie à la première section de ma Perspective cavalière..., intitulée «La viande du sacrifice», d’une part, et à La confession dédaigneuse de Sigmund Freud, d’autre part. Depuis plusieurs années j’anime moi-même des séminaires techniques. Et plutôt que d’évoquer les usages qui ont cours ici ou là, je vais vous entretenir concrètement de la manière dont moi-même j’y procède. 3 Le Tri-Rhème II. Pour parler du fondement de la psychoclinique j’ai besoin d’introduire un néologisme : le TRI-RHÈME. Ce néologisme rappelle phonétiquement un terme de marine détourné quelque peu de son premier usage pour frayer avec le vocabulaire technique de la linguistique et qui, en chemin, change de genre. Tri-Rhème Les séminaires techniques se conforment, à mon entendement, à une série de principes qu’il me plairait de dénommer une « charte ». Ces principes, je vais vous les énumérer sur les doigts. Sans entrer dans aucun détail quant à leur origine et leur légitimité50, je ne veux vous fournir pour l’instant qu’une liste en guise de «pensebête». Elle comprend dix articles. Une trirème était un vaisseau de guerre romain à trois rangs de rames superposés. En latin on disait triremis ; de tres, trois, et de remus, rame. Mais les Romains n’en avaient pas inventé le principe, lequel avait été mis en œuvre par les Grecs chez qui le même type de batiment se nommait trière. En grec on disait triêrês ; de treis, trois, et eretês, rameur. Trières et trirèmes étaient des vaisseaux de guerre par excellence. 1 Lecture assistée Tout d’abord, il s’agit essentiellement de la des textes de base de notre discipline. Pourquoi la lecture ? C’est là tout le mouvement de la pensée française du XXème siècle qui nous y invite, avec comme figure de proue Alexandre Kojève. Les maîtres à penser du XXème siècle sont des directeurs d’études, ou LECTURE ASSISTÉE En psychoclinique nous avons également une chiourme à trois rangs. Sur une trirème, les rameurs des trois rangs s’appelaient, en partant du bas : thalamites, zigites et thranites. En psychoclinique nos rameurs solidaires se nomment : In- Hommage en soit rendu à mes maîtres : Oswald Ducrot, Henri Gouhier, Jean Laplanche, Gérard Mendel, Jacques Postel, Conrad Stein, et Serge Viderman. 50 Cf. Vincent Descombes (1979), Le Même et l‟autre, quarante-cinq ans de philosophie française, chap. Ier. 51 37 conscient, Sexualité, et Fonction Symbolique. J’ai préféré écrire «tri-rhème» au lieu de «trirème», en référence à l’opposition «thème / rhème» utilisée en linguistique, où le thème désigne le sujet d’un énoncé et le rhème son prédicat. De sorte qu’on est autorisé à dire que l’inconscient, la sexualité et la fonction symbolique, sont le rhème de la psychoclinique et, plus précisément encore, son tri-rhème. Il me paraît nécessaire d’acquérir la maîtrise de ce tri-rhème pour s’aventurer avec la moindre chance de succès dans une quelconque recherche portant sur un problème de psychoclinique. Dans la formation du psychoclinicien, la priorité absolue, en ce qui concerne les séminaires techniques, va à ce que, si l’on veut bien me suivre, j’appelle le tri-rhème. Un plan d’études est facile à dresser. Depuis un lustre déjà je propose de suivre le programme suivant. Voilà grosso modo le fondement essentiel. Avant d’entamer une formation plus approfondie, il est possible de faire le point au sujet du trirhème au cours d’une lecture assistée du célèbre article de Freud (1917c) « Sur les transpositions de pulsion plus particulièrement dans l‟érotisme anal ». J’ajouterais cependant un petit commentaire pour mieux fixer les idées chez ceux qui ont encore des réminiscences d’études classiques. Au moyen âge, le programme des études universitaires couvrait les sept arts libéraux que l’on regroupait en un «trivium» et un «quadrivium». On débutait par le trivium, c’est-à-dire par la grammaire, la rhétorique, et la dialectique. Suivait alors le quadrivium, c’est-à-dire l’arithmétique, la géométrie, la musique, et l’astronomie. La formation du psychoclinicien reprend le même schème mais dans un ordre inversé. Le psychoclinicien commence par le quadrivium, autrement dit par le tabouret, qui comporte une assise académique, l’analyse personnelle, les supervisions de cas, et les séminaires techniques. Puis vient le tour du trivium, autrement dit le trirhème, formé de la sexualité, de l’inconscient, et de la fonction symbolique. En ce qui concerne la sexualité, il va de soi que l’alpha et l’oméga demeure l’ouvrage de Freud (1905d) intitulé Trois traités sur la théorie sexuelle. Auquel j’ajoute une étude de Daniel Widlöcher (1970) et une autre de Philippe Gutton (1980) sur la sexualité infantile. En ce qui concerne l’inconscient, je propose de le saisir par les deux bouts : d’abord l’étude métapsychologique de Freud de 1915e, ensuite le court traité de Laplanche (1993). 4 L’Exigence freudienne Enfin, pour la fonction symbolique, il faudrait partir du chapitre III du petit livre de Piaget & Inhelder (1966) sur La Psychologie de l‟enfant, en le complétant par la notion d’image ou de schéma corporel. A cet égard, j’ai recours à l’étude de Piaget (1960) sur les praxies, et au chapitre de Koupernik & Dailly (1968) sur l’acquisition du schéma corporel. Après quoi je propose les deux fragments de cures de Mélanie Klein (1930, 1931) se rapportant au «cas Dick» et au «cas John». Quel est le principe de mon approche des textes de Freud ? C’est, d’un mot, la perspective dite de l’EXIGENCE FREUDIENNE52. Toutefois, par rapport à la démarche de Laplanche, la mienne relève d’un style propre, différemment codifié. J’utilise d’abord deux procédés bien distincts (le cadre et la périodisation), en prenant bien garde de respecter leur autonomie relative. Cf. Jean Laplanche (1993a), Le Fourvoiement biologisant de la sexualité chez Freud, p. 7. 52 38 5 7 Le Cadre Segmentation & incrémentation Le premier procédé consiste à prendre chaque texte comme un tout, fermé sur lui-même, autonome, ayant sa propre cohérence interne. C’est ce que j’appelle un CADRE. Aucun concept freudien n’est abordé en tant que terme faisant partie d’un prétendu vocabulaire technique. La compréhension d’un concept est toujours solidaire du cadre, c’est-à-dire du texte bien délimité où il entre en action. Ceci est un principe en quelque sorte économique. Un concept ne prend pas sa valeur ailleurs que dans l’agencement d’un texte précis. Ainsi, j’enseigne qu’un mot, par ex. «narcissisme», n’a pas de sens absolu. Il n’a de sens que rapporté à un texte particulier, et il ne prend de valeur qu’à travers l’agencement argumentatif de ce texte particulier. Et, lorsqu’on rencontre ce même mot de «narcissisme» dans le cadre d’un autre texte, tout le travail est entièrement à refaire. Avant de pouvoir parler de narcissisme dans l’absolu, il faut avoir suivi le destin du narcissisme à travers un certain nombre de cadres bien précis, et judicieusement choisis. Maintenant, en abordant la lecture de chaque texte, je procède comme suit. D’abord, il faut SEGMENTER le texte et l’INCRÉMENTER. Segmentation et incrémentation sont deux procédés solidaires grâce auxquels l’économie de l’argumentation qui sous-tend un texte est mise en relief. Les deux procédés relèvent d’une approche qu’on pourrait dire structurale. Je m’explique. Par «segmentation» j’entends une tentative visant à distinguer des parties, par exemple : une tête, un corps du sujet, une queue. Et, à l’intérieur de ces parties, d’autres divisions encore. L’«incrémentation» est un terme pris au vocabulaire de l’informatique. Il s’agit là de classer et d’ordonner selon leur rang les différentes parties distinguées au cours de la segmentation. On aura garde de ne pas confondre des divisions de rang-1 avec des divisions de rang-2, etc. A cet effet, on convient de distinguer les rangs par des symboles particuliers. Des lettres capitales (A, B, C...) désigneront, par exemple, des divisions de rang-1 ; des lettres minuscules (a, b, c...), des divisions de rang-2 ; des chiffres arabes (1, 2, 3...), des divisions de rang-3, etc. 6 La Périodisation Néanmoins, le cadre constitué par un texte particulier s’insère dans la courbe du développement intellectuel de Freud. Plus exactement, chaque texte devrait être logé dans une boucle de cette courbe. C’est pourquoi la question se pose de concevoir une sorte de PÉRIODISATION du développement intellectuel de Freud afin de pouvoir situer le cadre d’un texte le long d’une chaîne de transformations. On trouvera exposé dans la Perspective cavalière... le principe de la double articulation (en cycles et en épisodes) sur laquelle je me suis fondé pour élaborer une périodisation freudienne de quelque utilité. 8 Index raisonné On fait ensuite le relevé des thèmes et des concepts. En somme, c’est ce qu’on nomme généralement un index, à ceci près qu’il s’agit ici d’un INDEX RAISONNÉ, différent en cela des listes procurées par Anzieu selon des procédés qui me paraissent manquer de rigueur53. Cf. Didier Anzieu (1988), L‟Auto-analyse de Freud..., pp. 30-31 et 495-497. 53 39 9 leur vernis rhétorique, mettre en évidence leurs dysharmonies disruptives, pour accéder aux problèmes de fond. Je vous passe maintenant la parole pour essayer de répondre aux questions d’ordre pratique que vous brûlez sans doute de me poser. Dogmata Enfin on essaye de faire la liste des thèses avancées, autrement dit des DOGMATA. En pratique, cette liste se confond souvent avec un relevé de citations et de phrases remarquables. III. 10 Méthode & doctrine Questions Pratiques 1 A l’horizon de cette démarche et de ces procédés se pose le problème le plus aigu de cette formation en séminaires techniques. Ce problème est excellemment défini par Goldschmidt (1963), en tant que celui du rapport entre la «méthode» et la «doctrine»54. En ce qui nous concerne, la méthode, c’est l’expérience psychanalytique, et la doctrine, ce sont les dogmata. En abordant ce qu’il nomme l’intention philosophique d’un auteur, Goldschmidt estime qu’il faut renverser le rapport de subordination de la méthode à la doctrine qui a cours traditionnellement. Et il a plaidé avec la vigueur que l’on sait en faveur de la préséance de la méthode sur la doctrine. S’agissant a fortiori de l’exigence freudienne, il ne fait aucun doute que c’est bien la méthode qui a pour nous, cliniciens, la primauté absolue sur la doctrine. Et tout au long de ces séminaires, c’est bien l’expérience clinique qui est appelée à chaque instant pour éclairer chacun de nos pas. A la réflexion, il me paraît tout à fait inutile de m’étendre outre mesure sur ce «décalogue». Votre participation à mes séminaires techniques vous le fera connaître de la meilleure manière qui soit, en pleine action. Et c’est, je crois, l’essentiel. J’ajouterai seulement une remarque d’ordre général sur le climat de ces réunions. Il ne s’agit en aucun cas de prêchi-prêcha. La férocité y est de mise. Il faut malmener les textes, faire éclater Le menu ou la carte ? La première question d’ordre pratique s’arrondit sur vos lèvres sur lesquelles je lis le pronom relatif : «où» ? La formation académique du psychoclinicien s’acquiert à l’université. Mais où acquérir la formation para-universitaire ? Avant de vous répondre, je voudrais vous éclairer à nouveau sur les principes. A consulter les principes que je vous ai présentés dans la première partie de cette causerie, rien n’y est dit d’un lieu particulier où la formation parauniversitaire s’acquerrait. C’est qu’il faudrait envisager au moins deux manières d’aborder cette question. Pour utiliser une image culinaire, je dirai qu’on a là le même choix qu’au restaurant entre le menu et la carte. Il y a des organismes qui proposent aux candidats un menu concocté par eux. Ces organismes ce sont les «Instituts». Et comme je vous l’ai dit, on en trouve qui sont adjoints aux universités, mais le plus souvent ils relèvent d’initiatives privées. Rappelez-vous tout de même que nous sommes là au niveau d’une formation professionnelle spécialisée. Par conséquent, il est tout naturel qu’il y ait une multiplicité d’organismes qui offrent leurs services spécialisés, chaque organisme ayant sa finalité propre : qui le rêve éveillé dirigé, qui la thérapie comportementale, Cf. Victor Goldschmidt (1963), préface à la 2ème éd. de Les Dialogues de Platon, passim, et surtout page XXV. 54 40 qui le cri primal, qui le psychodrame, qui l’hypnose, qui la gestaltthérapie, qui le counselling, qui la psychanalyse freudienne, kleinienne ou lacanienne, qui l’analyse jungienne, qui l’analyse transactionnelle, et j’en passe. Il y a d’autre part les «Instituts» que se sont adjoints les universités, et qui offrent un éventail restreint et, somme toute, peu spécialisé par rapport aux organismes privés. Mais rares sont, parmi ces organismes ou ces Instituts, ceux qui offrent une formation diversifiée et complète, qui couvre à la fois les trois piliers du trépied. Ce slogan55 emprunte le masque de la science pour faire passer en contrebande sa camelotte idéologique. On pose qu’il y a différents traitements et différents types de troubles ou de patients ; on suggère qu’il faut faire correspondre le traitement le plus approprié au trouble ou au patient en question ; et on laisse finalement entendre que ce type de correspondance est le seul qui fasse honneur à la science. Tout cela relève d’une idéologie médicale d’inspiration scientiste qui ne concerne pas le psychologue le moins du monde. Rien ne nuit autant à la psychologie clinique que l’importation de modèles médicaux de contrebande. L’idéologie médicale dont relève ce slogan est souvent battue en brèche sur son propre terrain56. D’ailleurs, il n’est que d’évoquer tel ou tel médicament-miracle, prescrit à tort et à travers pour toute sorte de troubles : j’ai nommé le «Prozac®» 57, mais ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. L’histoire de la médecine est jalonnée de médicaments-miracles, qu’ils soient des «spécifiques» ou des «panacées». Prenons par exemple le premier pilier, l’analyse personnelle. La plupart des organismes et des instituts para-universitaires s’en remettent à l’initiative privée du candidat pour une initiation de type psychanalytique. L’analyse personnelle avec un psychanalyste d’obédience freudienne est souvent recommandée aux candidats comme stade préliminaire pour une formation à tout autre type d’intervention psychoclinique. Ainsi apparaît-il que tout candidat, un peu plus tôt ou un peu plus tard, sera conduit à acquérir une formation à la carte. Au Liban il y a une certaine pénurie du côté institutionnel, de sorte que le candidat est poussé un peu plus tôt qu’ailleurs à faire ses choix à la carte. Personnellement, je ne trouve pas qu’il y ait lieu de trop s’en plaindre. En quoi cette question nous concerne ? Puisque nous sommes intéressés par la formation professionnelle du psychologue clinicien, il est bon de savoir si cette formation doit inclure obligatoirement la maîtrise de plusieurs techniques d’intervention, ou non. L’expérience permet de répondre à cette question. On constate 2 L’excellent guide des psychothérapies publié par Winfrid Huber (1993) porte ce slogan en sous-titre, mais il s’agit là sans doute d’une intervention éditoriale destinée à la promotion commerciale du volume. En effet, le slogan que j’attaque ne reflète nullement le contenu du livre, lequel est surtout destiné à éclairer le consommateur de psychothérapies sur les produits offerts sur le marché des services. 56 Cf. l’ouvrage séminal de Thomas S. Szasz (1977), La Théologie de la médecine. 57 On lira là-dessus le guide sympathique rédigé par le D r Ronald R. Fieve (1994). 55 Quelle psychothérapie, pour quel patient ? La deuxième question qui vient à l’esprit est évidemment celle de la variété des formations professionnelles proposées. Il y a là-dessus un slogan qui exerce pas mal de ravages grâce au masque perfide qu’il emprunte. Ce slogan est le suivant : «Quelle psychothérapie, pour quel patient» ? 41 qu’en ce qui concerne les différentes méthodes de psychothérapie, chacune a à peu près les mêmes prétentions que l’autre dans ses applications ou son efficacité. Dans ce domaine tout peut réussir et tout peut rater à ce qu’il paraît avec n’importe quel type de troubles ou de patients. Que le résultat lequel est d’ailleurs délicat à évaluer58 semble davantage fonction de la personne du thérapeute plutôt que de la méthode utilisée. Aussi, en l’état de chose actuel, il apparaît pour le moins prématuré de s’échauffer la bile au feu de la discussion. Aussi, ma position personnelle se ramène-t-elle à ne pas prendre part à ce type de polémique. Et que chacun se détermine selon son inspiration. en contrepartie, trois dangers guettent les structures rigides : (a) le chantage à l’affiliation, (b) les considérations temporelles de promotion personnelle, ou ce qu’on peut appeler l’esprit boutique, enfin (c) l’esprit de clocher selon lequel il n’y a que notre saint qui puisse vous guérir. Contre ces fléaux il n’y a pas de remède, mise à part la concurrence. Souhaitons donc qu’il y ait rapidement une prolifération d’offres de services. Nous avons évité le monopole de justesse, puisqu’il y a actuellement deux «grandes» Associations qui opèrent sur le territoire libanais, ainsi que trois ou quatre autres organisations à caractère plutôt informel. 3 La région du Liban-Nord a la chance d’avoir le Dr Mohamed A. Naboulsi qui a fondé une école informelle de psychosomatique se rattachant plus ou moins à l’école de Paris (Marty, Fain, David, et de M’Uzan). A l’hôpital «La Croix» il existe un mouvement de thérapie comportementale, mis en place par le Dr Charles Baddoura, et qui reçoit assez régulièrement les Drs Samuel-Lajeunesse et A. Véra pour des cessions de formation. Il existe également un groupe de thérapie psychocorporelle qui se développe sous l’œil bienveillant du Dr Leila Chikhani, avec des subsides de l’Opéra de Paris59. Les organisations existantes Comme j’ai eu l’occasion de le dire, il y a actuellement au Liban pénurie de formation professionnelle para-universitaire pour les psychologues. Les organisations existantes sont au stade du balbutiement. Les organisations structurées sont plutôt des «Associations» que des «Instituts de formation», et aucune université au Liban, publique ou privée, ne s’est encore dotée d’un véritable «Institut de psychologie» digne de ce nom. Néanmoins, il faut s’attendre à ce que, dans un avenir fort proche, les choses changent. Pour le meilleur ou pour le pire ? Je ne sais trop. Quant aux deux grandes associations, l’une est parrainée par le Pr Mounir Chamoun, et regroupe des psychanalystes d’obédiences freudienne et lacanienne ; l’autre, parrainée par le Dr Nizar El-Zein, regroupe des psychothérapeutes de diverses obédiences. Je suis en mesure de fournir aux intéressés les statuts de ces deux associations. Les conditions d’affiliation y sont clairement énoncées, et vous avez tout intérêt Pour ma part, je serais enclin à formuler des réserves partout où des structures rigides se préparent. Malheureusement, les Associations ne peuvent en général lutter pour prendre des parts de marché que grâce à une structure rigide. Mais Cf. Paul Gerin (1984), L‟Evaluation des psychothérapies. Cet ouvrage constitue une introduction méthodologique d’une exceptionnelle rigueur. L’auteur souligne les difficultés de l’entreprise et propose des procédures judicieuses qui ne sauraient rester lettre morte. A suivre. 58 Cf. l’article de Jeanine Jalkh inséré dans L’Orient-Le Jour du vendredi 21 mai 1999, avec photo à l’appui. 59 42 d’en prendre connaissance. Même si vous ne songez pas à vous affilier à ces associations, mon opinion est qu’il est bon que vous puissiez remplir les conditions requises, car elles sont édictées avec beaucoup de discernement, et ne diffèrent pas trop, au demeurant, des principes exposés plus haut au sujet du trépied. La France est le Pays où l’histoire du mouvement psychanalytique a participé de plain pied à l’approfondissement doctrinal. Et la personnalité hors pair de Jacques Lacan y a été pour beaucoup. Il m’est naturellement impossible d’évoquer, même schématiquement, ce qu’un auteur bien inspiré a dénommé « la bataille de cent ans ». Je me contenterai de vous signaler en note les principaux ouvrages à consulter61, pour vous livrer seulement la quintescence de ma réflexion sur ce sujet. Je vous dirai qu’il y a, semble-t-il, deux fatalités attachées aux associations psychanalytiques. La première est le regroupement de notoires médiocrités sous la houlette d’Un. L’autre, c’est la réunion des fils autour du meurtre du père. Je lance seulement ces idées au devant vous. Nous aurons sans doute à y revenir de manière circonstanciée en une autre occasion. 4 L’affiliation Dans la foulée, j’attire votre attention sur une distinction qu’on a tendance trop souvent à perdre de vue. La formation est une chose, l’affiliation une autre. Supposons que vous avez choisi de suivre une formation auprès de telle ou telle organisation para-universitaire. Supposons encore que cette organisation soit gérée par une association particulière. En général, du fait même de la formation reçue, on obtient une sorte de «certificat de conformité», de sorte que l’affiliation à l’association gérante n’est plus qu’une simple formalité. Il m’est avis que vous auriez grand tort de considérer l’affiliation comme une simple formalité. L’affiliation est un engagement des deux côtés. Être membre d’une affiliation c’est recevoir de la part de son association une protection dans l’exercice de son métier, pourvu de se conformer aux règles édictées. Quant au «certificat de conformité», il ressemble quelquefois au marquage du bétail au fer chaud. L’engagement d’affiliation confirme l’aspect le plus réactionnaire du certificat de conformité. Faites attention, et réfléchissez y à deux fois après avoir lu ou relu la fable de La Fontaine sur « Le loup et le chien » 60. Une bonne réflexion sur ce thème nous amène à aller un peu au-delà de cette fable en nous souvenant que les loups chassent en meute et non point en solitaires. 5 Le statut du psychologue Il est de bon ton de prendre un air préoccupé en évoquant le statut du psychologue. L’absence de statut se fait directement constater dans la vie quotidienne. Il n’est que de consulter l‟Annuaire Officiel du téléphone. Je ne vous apprends rien en vous disant qu’enfin nous avons une édition modernisée de l’Annuaire téléphonique qui a vu le jour en 1998. Le maître d’œuvre en est la société Oda-France (filiale de Havas), qui gère cet annuaire à travers son antenne libanaise Oda-Liban. Pourquoi donc ces précisions ? Patience, voyons ! Cet Annuaire comporte, comme partout au monde, deux volumes : les «Pages Blanches» et les «Pages Jaunes». Consultons les «Pages Jaunes» à l’index des rubriques professionnelles. La rubrique «psychologues» y figure. Mais Aux célèbres trois volumes d’Elisabeth Roudinesco (1982, 1986, 1993), il faut ajouter les non moins célèbres trois volumes de François Roustang (1976, 1980, 1986). 61 Cf. Jean de La Fontaine (1668), Fables choisies mises en vers, livre Ier, fable 5. 60 43 au lien qu’en face il y ait l’indication de la page où trouver cette rubrique, il y a un astérisque, ce qui signifie : «rubrique ne comportant pas d‟abonné dans cet annuaire» ! Voilà qui est fort édifiant sur le «statut» du psychologue. La déontologie des psychologues n’est pas mon propos. Mais je dirai un mot de la déontologie du psychoclinicien. Après mûre réflexion, il me semble que notre déontologie ne devrait comporter qu’un seul article : en psychoclinique l’exception est la règle, voilà tout. Toutes les recommandations de bon sens tombent à faux dans ce domaine. Les plus illustres exemples accourent en foule pour les mettre en échec. Il est de bon ton de se lamenter et d’attribuer tous nos malheurs à l’absence de statut. On entend dire partout qu’il faudrait faire du titre de «psychologue» une «appellation contrôlée». Je ne suis pas sûr que le psychologue soit un si bon cru pour qu’il puisse prétendre à une appellation contrôlée. Qu’on s’indigne de ce que le titre de psychologue soit galvaudé ne m’émeut pas outre mesure. L’élaboration d’un statut officiel du psychologue ne peut correspondre qu’à un plus petit commun dénominateur où les psychologues de toute obédience et de toute orientation puissent se reconnaître. Autrement dit, c’est le règne de la confusion. Il se peut que certaines carrières puissent trouver avantage à un statut officiel, en particulier le travail des psychologues dans les institutions publiques acquerrait alors droit de cité. Je ne suis pas sûr que le psychoclinicien libéral aurait quelque chose à y gagner. Sur ce, je laisse cette question ouverte, et m’en remets à d’autres pour pousser la réflexion plus loin. Un autre point mérite une remarque : la notion de secret professionnel. C’est seulement là que la règle n’admet pas d’exception, car l’exception se nomme sur le plan professionnel «acting out», et sur le plan juridique «délation», retenez-le bien, s’il vous plaît. C’est à cela que se rapporte le célèbre conseil que nous a un jour adressé le philosophe Georges Canguilhem, et que je me permets de vous rappeler 62 : Le philosophe peut aussi s’adresser au psychologue sous la forme une fois n’est pas coutume d’un conseil d’orientation, et dire : quand on sort de la Sorbonne par la rue Saint-Jacques, on peut monter ou descendre ; si l’on va en montant, on se rapproche du Panthéon qui est le Conservatoire de quelques grands hommes, mais si l’on va en descendant, on se dirige sûrement vers la Préfecture de Police. 6 Déontologie Ah, la déontologie ! Quel épouvantail aux moineaux, surtout pour ceux qui ont une cervelle d’oiseau. Autant que je le sache, les déontologies pour psychologues se signalent par les deux stigmates suivants. Premièrement, c’est du copiage. Je ne dis pas qu’on s’inspire, qu’on adapte, non : on copie tout simplement sur la feuille du voisin. Mais on ne se contente pas de copier, on fait pire : on enrobe le tout dans un moralisme visqueux et «bien pensant», comme si Nietzsche (1887, 1888a, 1888b, etc.) n’était pas encore venu au monde. A ce titre, je rappellerai que Freud (1905e) a été confronté au secret professionnel, mais d’une toute autre manière. Sa préoccupation n’était nullement la glissade de tobogan vers la Préfecture de Police, mais le droit du savant à communiquer un cas instructif pour le progrès de la discipline. On trouvera cette discussion aux premières pages du cas Dora. Cf. Georges Canguilhem (1958), «Qu’est-ce que la psychologie», p. 381. 62 44 Un dernier point encore : souvenons-nous toujours que nous, les psychocliniciens, nous ne sommes pas des médecins, que nous ne prononçons pas le serment d’Hippocrate. A la frénésie de guérir il faut ajouter l’obsession du sauvetage, et se garder de l’une et de l’autre comme de véritables pestes émotionnelles. Le psychoclinicien in situ n’a pas d’idée préconçue sur la vie et sur la mort... d’autrui. Le respect d’autrui implique un pacte de non-ingérence absolue. Je propose qu’on organise un moratoire autour de cette question de la non-assistance à une personne en danger pour y définir notre responsabilité en tant que psychocliniciens. Et le professionnalisme sert de double protection, et pour le patient, et pour le clinicien. Etre rémunéré aide le clinicien à se cantonner dans une attitude professionnelle et à préserver la neutralité du cadre d’intervention. Le fait de payer est, pour le patient, une garantie de sérieux et une confirmation de l’intérêt qu’il prend aux séances de travail. Ce point est tellement important qu’il est recommandé de se passer dans toute la mesure du possible d’un tiers payeur, que ce tiers soit un proche-parent, ou un organisme tel que la sécurité sociale, une assurancemaladie ou une mutuelle. Les sessions avec les enfants ne diffèrent pas de celles des adultes. Même avec les enfants il faut trouver le moyen d’appliquer le principe de la rémunération. Je vous laisserai la surprise de découvrir par vousmêmes la solution qu’a trouvée Françoise Dolto à ce problème65. 7 L’argent Et l’argent, me dites-vous ! L’argent ? parlons-en ! Vous êtes curieux de connaître le tarif officieux de la séance de psychanalyse au Liban. C’est exactement la même chose que la location d’un jet-ski, il faut compter un dollar la minute63. Vous n’êtes pas satisfaits, vous voulez encore savoir quelle est la durée et la fréquence des séances. Sur la durée des séances, la plupart des techniciens, y compris beaucoup de lacaniens, s’accordent pour considérer que la durée des séances devrait être fixe, et qu’elle ne soit pas inférieure à 45 minutes. Une fréquence d’un jour sur deux, c’est à dire de trois séances par semaine paraît être recommandable. 8 Trois aphorismes lacaniens Pour conclure agréablement notre causerie de ce soir, je voudrais porter à votre connaissance trois aphorismes lacaniens cèlèbres qui pourront servir à la fois de récapitulation pour quelques idées-force et de conclusion. 8a. Sur la guérison Pourquoi l’argent ? Pour plusieurs raisons. En premier lieu parce que l’analysant et l’analyste sont liés par un contrat libéral64, et toute prestation de services mérite salaire. Ensuite, parce que l’argent est le garant du professionnalisme. Le premier aphorisme énonce que la cure psychanalytique admet la guérison comme bénéfice de surcroît66. Ma proposition de distinguer d’une manière tranchée le psychothérapeute du psychoclinicien s’appuie sur cette injonction, et Je précise qu’il ne s’agit là que du tarif de référence. En réalité, le tarif pratiqué varie de 10 à 100 dollars la séance. 64 Cf. les deux ouvrages décapants de Thomas S. Szasz (1974), Le Mythe de la maladie mentale, et (1978) Le Mythe de la psychothérapie. 63 Cf. Françoise Dolto (1985), Séminaire de psychanalyse d‟enfants, tome 2, chap. 7, pp. 107-124. 66 Cf. Jacques Lacan (1955), «Variantes de la cure-type», in Ecrits, p. 324. 65 45 pourrait en être considérée comme une retombée fin de siècle. Et maintenant, je ne vous retiens plus. La fièvre du samedi soir commence à bouillonner dans vos veines, et c’est bien légitime. 8b. Sur la dotation du titre de psychanalyste Le deuxième aphorisme énonce que ce sont nos analysants qui font de nous des psychanalystes. C’est là saper par la base les prétentions crétinisantes de tous les Instituts de psychanalyse du monde entier de produire des psychanalystes comme on produit des marchandises avec «certificat de conformité», ou comme on marque le bétail au chiffre d’une écurie. Lacan a dénoncé cette arrogance en renversant tête bêche la prétention des Instituts de psychanalyse. La dotation du titre de psychanalyste n’est pas conférée par en haut, mais par en bas, si l’on peut ainsi s’exprimer. IV. Références ANZIEU, Didier 1979 «La psychanalyse au service de la psychologie», in Nouvelle Revue de Psychanalyse, 1979, n° 20, pp. 59-75. 1988 L‟Auto-analyse de Freud et la découverte de la psychanalyse, 3ème éd. entièrement refondue en un seul volume, Paris, PUF, «Bibliothèque de Psychanalyse», in-8°, 555p. [Réimpression à prix réduit, Tunis, Cérès Editions, «Idea», 2 vol., in-12, 1995.] 8c. Sur l‟autorisation à exercer la psychanalyse Le troisième aphorisme énonce que le psychanalyste ne s‟autorise que de lui-même... et de quelques autres. Par là Lacan soulignait que le passage du divan au fauteuil est une décision tout à fait personnelle où l’institution, quelqu’institution que ce soit, n’a aucun droit d’ingérence. ASSOCIATION MONDIALE DE PSYCHANALYSE 1994 Comment finissent les analyses, Paris, Seuil, «Champ Freudien», in-8°, 235p. 1996 Les Pouvoirs de la parole, Paris, Seuil, «Champ Freudien», in-8°, 507p. AZAR, Amine 1989 «Breuer et Freud, une évaluation réactualisée», in Les Temps Modernes, novembre 1989, 45e année, n°520, pp. 104-118. 1999a «Perspective cavalière sur l’accomplissement freudien», diffusé par le Bulletin volant de ‟Ashtaroût. 1999b «La confession dédaigneuse de Sigmund Freud», Idem. D’habitude, on oublie la rallonge que Lacan a apportée à la première partie de cet aphorisme, et qui lui donne toute sa portée institutionnelle. Et lorsqu’on n’oublie pas cette rallonge, il arrive souvent qu’on lui confère un sens qui vient annuler l’effet subversif de la première partie. La falsification est simple à opérer dans la mesure où il suffit de considérer que par ces «quelques autres» Lacan désignait d’autres psychanalystes. Il n’en est rien. Les «quelques autres» appartiennent en droit à toutes sortes de disciplines, et en fait, à l’Ecole freudienne de Paris, l’adhésion des non-analystes a toujours été accueillie avec faveur. CANGUILHEM, Georges 1958 «Qu’est-ce que la psychologie», repris in Etudes d‟histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 19681, 19835, pp. 365-381. COLONOMOS, Fanny 1985 On Forme des psychanalystes : Rapport original sur les dix ans de l‟Institut Psychanalytique de Berlin, 1920-1930, préf. de S. 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En France nous sommes, encore une fois, dans une situation tout à fait privilégiée, qui est une situation hors la loi, les psychanalystes ayant la même position légale que la cartomancienne ou la prostituée, ce qui ramène bien sûr la psychanalyse à ses origines et aux fantasmes des patients. Pr JEAN LAPLANCHE, « Entretien » avec Patrick Froté, in Cent ans après, Paris, Gallimard, «Connaissance de l’Inconscient», 1998, p. 215. 49 ﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋ e-mail : [email protected] ‟Ashtaroût Cahier Hors-Série n°2 (décembre 1999) La refonte des programmes du cursus de «Psychologie» à l’Université Libanaise Ŕ Juin 1998 Ŕ Trois Rapports du Dr Amine A. Azar (pp. 51-61) Ŕ Rapport N° 1 : ’’Statistiques’’, matière à supprimer en tant qu’enseignement indépendant (pp. 51-54) Ŕ Rapport N° 2 : ’’Épistémologie’’, matière nouvelle à introduire en 4ème Année (pp. 54-59) Ŕ Rapport N° 3 : Propositions générales concernant les modules de la 4ème Année (pp. 59-61) Plan et/ou contenu de quelques modules : suggestions du Dr Amine A. Azar (pp. 62-66) (le 2ème chiffre ordinal représente l’année du cursus) Ŕ Réf. 7308 : Anthropologie (p. 62) Ŕ Réf. 7109 : Chefs-d’œuvres universels (p. 63) Ŕ Réf. 7103 : Psychologie du développement (1) : enfance (p. 65) Ŕ Réf. 7204 : Psychologie du développement (2) : de l’adolescence à la sénescence (p. 65) Ŕ Réf. 7202 : Psychologie pathologique (1) : histoire / cas célèbres / outils (p. 66) Ŕ Réf. 7405 : Psychologie pathologique (2) : la psychopathologie aujourd’hui (p. 66) Ŕ Réf. 7208 : Philosophie (p. 64) Ŕ Réf. 7309 : Information & communication (p. 64) 50 ﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋ e-mail : [email protected] Est-ce qu’il y a une unité de LA psychologie ? Qu’est-ce qu’une science ? Est-ce que toutes les sciences font procéder leur scientificité des statistiques ? ‟Ashtaroût Cahier Hors-Série n°2 (décembre 1999) Rapport N° 1 Comme les réponses à ces 3 interrogations sont problématiques, l’argument (A1a) qui s’y appuie n’est pas d’un poids décisif. Autrement dit, l’argument (A1a) n’est pas recevable pour imposer l’enseignement des statistiques à tous les étudiants en psychologie. En revanche, l’enseignement de l’épistémologie me semble trouver là des arguments en sa faveur ( voyez plus bas la partie C2). «Statistiques» Matière à supprimer en tant qu’enseignement indépendant Le rapport que j’ai l’honneur de vous présenter comprend 3 parties. Dans la première j’examine les arguments que l’on a coutume d’avancer pour le maintien de l’enseignement des statistiques en psychologie. Dans la deuxième je présente quelques contre-arguments en faveur de la suppression des statistiques en tant que matière enseignée d’une manière indépendante aux futurs psychologues. Enfin, dans la troisième partie je présente des arguments en faveur d’autres matières qui remplaceraient avantageusement les statistiques dans la formation des psychologues. Tous ces arguments forment un échevau complexe ; partant, certaines redites n’ont pu être évitées, non plus que certains chevauchements. A1b. Les statistiques sont nécessaires à certaines branches de la psychologie, mais ne sont pas nécessaires à d‟autres branches. Si tel est le cas, il n’est pas légitime d’imposer l’enseignement des statistiques à TOUS les étudiants de psychologie. Si tel est le cas, il faudrait enseigner les statistiques en ayant constamment en vue leur utilité pour telles branches spécifiques de la psychologie. Or, cela rentrera dans le domaine des méthodes. En conséquence de quoi il vaudrait peut-être mieux s’en remettre à chaque enseignant pour enseigner les statistiques qui concernent les applications à la discipline qu’il enseigne. ŔAŔ Les arguments présentés en faveur du maintien de l’enseignement des statistiques en psychologie sont les suivants : A2. Ŕ Même si l‟enseignement des statistiques n‟est pas nécessaire à la psychologie, il est nécessaire pour former le jugement et le raisonnement de l‟étudiant en psychologie. A1. Ŕ Les statistiques sont nécessaires à la psychologie. Cet argument soulève 2 problèmes : Cet argument se reformule de plusieurs façons : Est-ce que notre objectif est pédagogique ? Avons-nous le droit de considérer que notre tâche consiste à former le jugement et le raisonnement de l’étudiant en psychologie ? Notre tâche n’est-elle pas d’enseigner la psychologie en supposant que le système scolaire a déjà accompli la tâche pédagogique de former le jugement et le raisonnement de l’étu- A1a. Les statistiques sont nécessaires à la psychologie si on veut faire de la psychologie une science. Cette reformulation soulève au moins 3 problèmes préalables : 51 diant qui s’inscrit à l’université ? Quelle est donc la valeur du baccalauréat, qui est le diplôme exigible pour l’inscription à l’université ? Je mets à votre disposition les épreuves de statistiques des 3 dernières années pour les sessions de juin et de septembre et cela pour les niveaux 1, 2 et 3. Au total mon dossier comporte 15 épreuves d’examen. On constatera qu’il n’y a que dans une seule épreuve des exercices relatifs à un domaine psychologique, nommément un test d’intelligence générale (COETSIER) et l’échelle d’attitudes de LIKERT (3ème Année, 1ère session, juin 1997). Une règle de trois permet de conclure qu’en pratique 6,66% seulement de l’enseignement des statistiques semble avoir été consacré à l’utilisation des statistiques par des psychologues. On avouera que c’est tout à fait consternant. À supposer que notre objectif est, en un certain sens, pédagogique. Est-ce que ce sont les statistiques qui seraient le moyen le meilleur pour atteindre cet objectif ? Pourquoi pas les mathématiques ? Pourquoi pas la logique symbolique ? A3. Ŕ Avec les statistiques nous avons un moyen de sélection pour réduire le nombre des étudiants en psychologie. (Cet argument se reformule parfois en le suivant : les statistiques relèvent la moyenne de certains étudiants et abaissent celle d’autres étudiants.) Naturellement, on pourra contester que cet échantillonage effectué à partir des épreuves d’examen représente l’enseignement dispensé aux étudiants. Mais cette objection ne me paraît pas recevable. Pourquoi devrait-il y avoir discrépance entre l’enseignement effectif et les épreuves d’examen ? Les épreuves d’examen ne sont-elles donc pas une vérification des connaissances acquises en cours d’année ? Cet argument soulève au moins 2 problèmes : Est-ce qu’il nous est demandé d’introduire dans les programmes une matière dont le rôle serait la sélection des candidats ? (Il me semble que cette demande n’a pas été formulée). A supposer que la sélection est souhaitable. Est-il juste que la matière choisie pour la sélection des psychologues soit celle-ci ? Quels étudiants sont avantagés et quels autres sont désavantagés ? Est-ce que nous garantissons que les étudiants avantagés par le maintien des statistiques seront de ce fait de meilleurs psychologues ? Nous sommes ramenés alors soit à l’argument (A1) soit à l’argument (A2), dont on a vu qu’ils sont problématiques. Une autre constatation devrait être mentionnée comme un état de fait en ce qui concerne les 15 épreuves d’examen référées ci-dessus. Aucune, je dis bien aucune épreuve ne fait appel au moindre raisonnement, à la moindre réflexion de la part de l’étudiant. Tout ce qu’il est demandé à l’étudiant c’est de faire des calculs fastidieux le plus rapidement possible afin d’achever la tâche dans le temps imparti à ces épreuves. Je me demande donc quelle formation est-ce là. Est-ce là quelque chose qui puisse légitimement être présenté comme une éducation du raisonnement et du jugement scientifiques ? Il me semble qu’il y a là plutôt un grave abus de confiance qui mériterait d’être dénoncé et contre lequel il me paraîtrait nécessaire de réagir très vigoureusement. ŔBŔ Les contre-arguments en faveur de la suppression des statistiques en tant que matière à enseigner de façon indépendante aux futurs psychologues sont de plusieurs ordres. Les uns appartiennent à des questions de droit, les autres appartiennent à des questions de fait. Pour ma part je ne néglige pas les questions de fait, lesquels s’imposent à nous d’une manière incontournable. C’est pourquoi je commencerai d’abord par les questions de fait. B2. Ŕ Les mémoires pour le DES J’ai eu l’occasion ces 3 dernières années de feuilleter un certain nombre de mémoires de DES. Je ne présenterai pas de chiffres, mais la vérification en est facile. Mon impression générale est la suivante : B1. Ŕ Les épreuves d‟examen 52 matique et à une familiarisation avec les ordinateurs personnels. Il me paraît très important, voire vital, pour le futur psychologue d’avoir une initiation à «WORD», à «EXCEL», à «PHOTOSHOP», et à la navigation sur «INTERNET». Or, on peut compter sur une évolution rapide des programmes d’ordinateurs personnels de sorte à offrir très bientôt pour le psychologue l’outil statistique nécessaire à son travail le plus sophistiqué par simple pression sur quelques touches du clavier d’un ordinateur personnel. Ŕ Quelle que soit l’orientation de l’étudiant, la plupart du temps il opte pour une enquête par questionnaire. Ŕ Rarement les échantillons sont assez importants pour justifier un traitement statistique et l’application des formules et de coefficients de corrélation. Ŕ Le plus souvent, les calculs de statistiques demeurent élémentaires, et le candidat n’a recours qu’à des pourcentages obtenus par addition et règle de trois. ŔCŔ En somme, l’enseignement des statistiques n’aide pas nos étudiants lors même qu’ils choisissent des procédés d’investigation qui y pourraient trouver une application. C’est pour le moins préoccupant. C1. Ŕ Informatique et familiarisation avec les ordinateurs personnels Ma proposition de supprimer les statistiques en tant que matière indépendante d’enseignement aux psychologues ne préjuge rien de l’intérêt des statistiques. En outre, cette suppression n’est pas une suppression pure et simple. J’ai suggéré de distinguer 2 parties dans l’enseignement des statistiques. Une partie qui serait redistribuée aux disciplines psychologiques qui en font usage. Et une autre partie qui serait prise en charge dans un cadre plus moderne, nommément l’informatique et l’initiation à la manipulation des ordinateurs personnels. B3. Ŕ Les statistiques pour psychologues La commission a cru surmonter les divers handicaps que je viens d’évoquer en choisissant comme intitulé des cours non plus «Statistiques», mais «Statistiques pour psychologues». Il y a là sans doute un pas vers une solution, mais un pas très insuffisant. Il reste encore à reconnaître que les statistiques pour psychologues ne justifient en rien un enseignement spécial autonome, mais qu’au contraire, il y a intérêt à ce qu’en chaque discipline le maniement de l’outil statistique soit enseigné à l’étudiant en connexion étroite avec l’application concernée, et cela par l’enseignant de la discipline en question. De cette manière on pourra radicalement surmonter le hiatus qui existe actuellement entre l’enseignement des statistiques et leur utilisation par les psychologues. En conséquence, on pourrait envisager de «remplacer» pour ainsi dire les statistiques par un intitulé du genre : «Informatique et familiarisation avec les ordinateurs». C2. Ŕ L‟Epistémologie D’autre part, les questionnements autour de ce qu’est une science, et si la psychologie en est une, mériteraient d’être pris suffisamment au sérieux pour justifier un enseignement critique spécial. C’est là que l’on pourrait débattre le mieux de l’importance à accorder aux statistiques dans les diverses disciplines scientifiques, et de la place à leur ménager en psychologie (voir plus haut la section A1a). B4. Ŕ L‟informatique et le proche avenir Je ne disconviens nullement qu’il puisse être envisageable d’enseigner une partie (à évaluer) des statistiques d’une manière autonome. Encore faudrait-il s’entendre sur la place à accorder aux statistiques. A mon avis cette place devrait être très modeste, si modeste en vérité qu’il ne me semble pas envisageable de l’enseigner en tant que matière principale. Une solution éventuelle serait d’intégrer cette partie des statistiques à une initiation générale à l’infor- Cet enseignement de l’épistémologie trouverait place en 4ème Année pour les raisons que voici : (C2a) il 53 faut déjà disposer d’un certain bagage avant d’aborder ces problèmes là ; (C2b) il faut également éviter de les aborder trop tôt afin de ne pas perturber l’étudiant convaincu dès l’abord de la «scientificité» de la psychologie au début de sa formation ; enfin (C2c) si cet enseignement me semble trouver sa place naturelle en 4ème Année c’est parce que c’est à ce moment là que débute la formation des chercheurs en préalable au DES. épreuves. Ce qui semble être la plupart du temps le cas ce sont des calculs fastidieux, répétitifs, qui ne demandent que de l’attention, de la rapidité et de la dextérité. Or, c’est justement là le contraire d’une formation du jugement et du raisonnement, et c’est justement ce type de procédures fastidieuses dont l’ordinateur nous fait faire l’économie. Je ne disconviens pas qu’il y a quelques applications possibles des statistiques à la psychologie, mais je souhaite souligner qu’il y a une pente naturelle qui fait que l’enseignement des statistiques, lorsqu’il est l’objet d’un enseignement indépendant, prend également son indépendance par rapport à ses applications à la psychologie. Je plaide la cause de l’épistémologie dans un autre rapport (Rapport N° 2) auquel je me permets de vous renvoyer. En conclusion, je formule 3 propositions : 4b. On trouvera également ci-joint l’autre rapport (Rapport N° 2) auquel j’ai déjà fait allusion et qui plaide l’introduction de l’enseignement de l’épistémologie en 4ème année de Psychologie à tous les étudiants quelle que soit leur orientation. 1. Je propose la suppression des statistiques en tant que matière indépendante. 2. Je propose de scinder en deux parties les matières à enseigner relatives aux statistiques. Nous aurions d’une part des matières qui seraient redistribuées aux disciplines qui s’en servent. Et nous aurions d’autre part les matières qui seront intégrées dans des enseignements plus généraux se rapportant soit au recueil et au traitement des données, soit à l’initiation à l’informatique et à l’utilisation des ordinateurs personnels. Beyrouth, le 17 juin 1998 ﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋ e-mail : [email protected] ‟Ashtaroût Cahier Hors-Série n°2 (décembre 1999) 3. Je propose d’introduire un enseignement commun de l’épistémologie en 4ème année dispensé à tous les étudiants de psychologie quelle que soit leur branche de spécialisation. Rapport N° 2 «Epistémologie» Matière nouvelle à introduire en 4ème Année 4. Je mets à votre disposition deux documents : 4a. Le 1er document est le dossier dont j’ai parlé, composé des les épreuves d’examen en statistiques imposées aux étudiants devrait être considéré comme un échantillon représentatif des matières enseignées en statistiques en 1ère et 2ème et 3ème Années de Psychologie. Ce dossier montrera sans aucun doute possible que, dans la pratique courante de l’enseignement, les statistiques sont enseignées indépendamment de toute application à la psychologie. D’autre part, ces épreuves montreront également qu’aucune formation du jugement et du raisonnement de l’étudiant n’est requise pour la réussite des Le présent rapport fait suite à celui que j’ai eu l’honneur de vous présenter au sujet des «Statistiques», et il s’y rattache par plus d’un aspect. L’enseignement des statistiques en tant que matière obligatoire pour tous les étudiants de psychologie soulève plusieurs problèmes que j’ai essayé de sérier dans le précédent rapport. Ce qu’il m’importe d’aborder ici d’une manière plus restreinte c’est la place des statistiques dans l’enseignement de la Psychologie en 54 tant que science. Or, pour y répondre il faudrait peutêtre partir d’un questionnement plus général qui serait le suivant : geante ; (b) que l’outil statistique ne les sauve pas de cette médiocité ; (c) que les statistiques utilisées dans ces mémoires se réduisent la plupart du temps à une règle de trois et à deux ou trois formules de corrélation, lesquelles ne demanderaient pas plus d’une seule séance pour être enseignées ; (d) que les échantillons utilisés sont toujours trop restreints pour permettre une exploitation plus à fond de l’outil statistique, et obligatoirement trop restreints puisque les candidats n’ont pas les moyens financiers pour effectuer des enquêtes nationales ; (e) que la plupart du temps on peut déceler que les candidats «truquent» les résultats chiffrés pour obtenir les corrélations espérées ; et enfin (f) que cette méthode d’hypothèses à vérifier sur le terrain ne produit pas vraiment d’idées nouvelles pouvant être intégrées au mouvement de la science. 1. Ŕ Est-ce que la psychologie est une science ? Cette question elle-même ne peut être abordée de front et devrait être scindée en deux parties qui seraient, par exemple, les suivantes : 2. Ŕ Y a-t-il une réponse univoque à la question : qu’est-ce qu’une science ? 3. Ŕ Est-ce que ce qui se présente aujourd’hui sous le label de “Psychologie” possède une unité organique ou, au contraire, une diversité irréductible ? Malheureusement, aborder le problème de cette manière c’est s’éloigner un peu trop d’un état de fait qui provoque ma perplexité et qui se trouve à l’origine des questions que je soulève. Cet état de fait doit être rappelé au seuil de ce rapport : Partant de ce constat, j’ai à cœur de proposer d’autres voies ayant pour objectif l’amélioration de la qualité des mémoires de DES. Je prétends que les statistiques, les enquêtes d’opinion, et la méthode hypothèse-vérification sont solidairement responsables de la médiocrité des mémoires de DES. Et je propose la solution suivante : éveiller l’esprit des candidats aux idées et non pas aux chiffres, et attirer leur attention vers des problèmes épistémologiques plutôt que de les berner sur la valeur de l’épistémologie qu’on leur inculque subrepticement. De même qu’on ne devient pas un philosophe en faisant des dissertations selon le schéma Thèse / Anti-thèse / Synthèse, de même on ne devient pas psychologue en appliquant la méthode Hypothèse-Vérification. Il s’agit là d’un “académisme” au sens péjoratif du terme, et un enseignement universitaire digne de ce nom ne devrait pas frayer avec ce type d’académisme. 1. Nous enseignons les statistiques en tant que matière obligatoire à tous les étudiants en Psychologie. 2. Certains enseignants affirment que cet enseignement garantit la scientificité de la Psychologie. 3. Certains enseignants exigent que l’outil statistique soit utilisé dans les mémoires de DES et prétendent que cette utilisation garantit la valeur scientifique de ces mémoires. 4. Ils canalisent alors le choix des sujets de mémoires de DES vers des enquêtes d’opinion. 5. Et ces enseignants n’enseignent pas vraiment d’autre méthode de recherche que celle qui consiste à poser des hypothèses principales et des hypothèses subordonnées, et à trouver un échantillon représentatif de sujets sur qui éprouver la validité de ces hypothèses. Après cette critique de l’état régnant, j’en viens à l’enseignement de l’épistémologie que je propose en 4ème Année. Ainsi que je l’ai dit, cet enseignement ne peut donner les fruits escomptés que s’il est dispensé en 4ème Année, d’une part parce qu’il faut déjà un certain bagage pour qu’il soit fructueux de soulever des problèmes épistémologiques, d’autre 6. Et je constate pour ma part que : (a) bon nombre de mémoires de DES sont d’une médiocrité affli55 part parce que c’est aussi le moment opportun de préparer les candidats à devenir des chercheurs créatifs pouvant contribuer par leur mémoire de DES au progrès de notre discipline. 4 / Il est nécessaire également d’initier nos étudiants aux deux principales méthodes appliquées le plus extensivement dans les sciences aujourd’hui, y compris dans les sciences humaines, et qui sont : la simulation et le structuralisme. Je n’ai pas à insister sur le structuralisme. La simulation est moins connue, alors même que nos enseignants ne font généralement rien d’autre qu’enseigner une technique particulière de simulation qui est celle de prélever un échantillon représentatif d’un ensemble pour l’étudier. On remarquera ainsi en passant la place naturelle très réduite qui échoit à l’enseignement des statistiques dans ce plan d’études, alors que présentement les statistiques usurpent illégitimement dans la formation des psychologues une place absolument disproportionnée par rapport à leur intérêt culturel et scientifique. Quel contenu donner à cet enseignement ? 1 / Il serait contraire à l’esprit de ma proposition d’envisager un enseignement dogmatique de l’épistémologie. Au contraire, il est nécessaire d’envisager un enseignement problématique qui se propose d’éveiller l’étudiant à la diversité des réponses que les spécialistes de l’épistémologie donnent à la question apparemment simpliste : «Qu’est-ce qu’une science» ? 2 / Il faudra partir des préjugés qui ont cours à ce sujet. Nos étudiants sont tout au plus familiers avec les arguments surannées d’Auguste Comte contre l’introspection, et pour tout bagage épistémologique ils se souviennent, dans le meilleurs des cas, des noms de Bacon, de Descartes, de Claude Bernard, et de Gaston Bachelard. Il faudra donc commencer par les leur faire mieux connaître. A propos de Descartes, on s’intéressera bien plus qu’au Discours de la méthode, à son analyse de l’arc-en-ciel, qui présente pour la première fois la méthode de la simulation (cf. §4 plus bas). A propos d’Auguste Comte, on s’intéressera plus au «cas» : à son effondrement psychique (manie), ses relations avec Esquirol et avec Broussais, la manière dont il a surmonté sa maladie, ses amours avec Clotilde de Vaux et son deuil. Dans la foulée d’Auguste Comte et de Claude Bernard, on pourra évoquer les épistémologues positivistes, etc. 5 / On n’aura garde d’oublier qu’il existe une «épistémologie génétique» promue par Piaget comme le couronnement de son œuvre. Ce cours d’épistémologie est le lieu naturel pour évoquer les nombreuses réalisations en ce domaine de l’équipe animée par Piaget. 6 / Une attention spéciale devrait être dévolue à Michel Foucault, non seulement comme auteur de Les Mots et les choses (1966) et comme participant au courant structuraliste, mais également en tant qu’auteur de l‟Histoire de la folie (1961). On essayera de situer les débats que cet ouvrage a provoqués, notamment par confontation avec les travaux de Gladys Swain. 3 / Mais il est également nécessaire de faire faire à nos étudiants la connaissance de Koyré, de Canguilhem, de Kuhn, de Foucault, de Popper, de Feyerabend et de Holton. Ce sont les grands noms de l’épistémologie moderne. Trois de ces auteurs sont de langue française et leurs œuvres sont facilement disponibles en librairie. Les quatre autres écrivent en anglais mais la plupart de leurs œuvres ont été traduites en français. De plus, il existe de nombreux ouvrages d’initiation à leur pensée. 7 / Puis, on consacrera quelques séances aux travaux touchant l’épistémologie de la psychologie et de la psychanalyse. Ces travaux ne sont pas trop nombreux. Ils ne sont pas non plus d’une très grande qualité. C’est pourquoi nous, en tant qu’enseignants de Psychologie, avons la mission spéciale de promouvoir cette spécialité à l’intérieur de notre discipline pour ne pas rester à la remorque des véritables débats épistémologiques qui animent le monde savant, ou tout simplement pour ne pas rester en marge de la science. 56 8 / En ce qui concerne plus particulièrement la psychanalyse, il y a tout de même quelques épistémologues français nécessaires à connaître. D’abord Georges Politzer (1928) dont l’influence ne saurait être surestimée, puis, plus près de nous, Bercherie et Assoun. Il y a d’autre part 3 débats nécessaires à évoquer : (a) d’abord celui de l’observation psychanalytique directe de l’enfant (Spitz, Hartmann, Kris, Widlöcher, etc.) ; (b) ensuite celui de la réalité des souvenirs d’enfance (Kris, Guillaumin, Viderman) ; (c) enfin la «solution narrative» comme approche globale des phénomènes de type “récits de vie” et “cheminement de la cure”, avec des auteurs comme Viderman, Spence, Shaeffer, etc. BADIOU, Alain 1969 Le Concept de modèle, Paris, Maspéro. BARREAU, Hervé 1990 L‟Epistémologie, Paris, P.U.F., Qsj n°1475. BAUDOUIN, Jean 1989 Karl Popper, Paris, P.U.F., Qsj n°2440. BERCHERIE, Paul 1988 Géographie du champ psychanalytique, Paris, Navarin. BERNARD, Claude 1865 Introduction à l‟étude de la médecine expérimentale, Paris, Classiques Bordas, 1966. BLANCHE, Robert 1972 L‟Epistémologie, Paris, P.U.F., Qsj n°1475. 9 / En guise de clôture, on pourrait revenir à la thèse de Lagache sur L‟Unité de la psychologie (1949) pour en tenter la réactualisation en cette fin de siècle. BOUDON, Raymond 1969 Les Méthodes en sociologie, Paris, PUF, Qsj n°1334. Je n’abuserai pas de l’attention que vous pourriez prêter à mes propositions et ne m’étendrai pas davantage sur le contenu de l’enseignement éventuel de l’épistémologie pour les étudiants en 4ème Année de Psychologie. On constate à quel point cet enseignement se révèle copieux. Avec les nombreux horizons nouveaux qu’il ouvre à l’étudiant, on peut s’attendre à ce que ses facultés créatrices en soient stimulées. Pour toute fin utile, je me permets toutefois d’ajouter à ce rapport une bibliographie sélective. BOUVERESSE, Renée 1978 Karl Popper ou le rationalisme critique, Paris, Vrin. BOUVERESSE, R., et QUILLOT, R. 1991 Les Critiques de la psychanalyse, Paris, PUF, Qsj n°2620. 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La distance est intersidérale entre le « Discours de la méthode » [de Descartes] et l‟appel débile à une « méthodologie de la recherche » dont on nous rebat les oreilles. 59 J’ai proposé par ailleurs (voir rapport sur les statistiques) l’introduction de l’épistémologie en tant que matière commune à toutes les orientations, et cela en m’appuyant sur l’argument qu’il était temps, en 4ème Année, d’aborder le problème général : estce que la psychologie est une science, qu’est-ce qu’une science, et quel type de science pratiquent les différents psychologues ? ﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋ e-mail : [email protected] ‟Ashtaroût Cahier Hors-Série n°2 (décembre 1999) Rapport N° 3 Propositions relatives aux Matières d’enseignement en 4ème Année Pourquoi attendre la 4ème Année pour proposer cet enseignement ? D’abord, parce qu’il faut un certain bagage universitaire ; puis, parce qu’il ne faut pas perturber trop tôt les étudiants avec ces questions ; enfin parce qu’en 4ème Année la formation des chercheurs débute en préalable au DES. Nous sommes arrivés au cours de nos travaux de rénovation des programmes à la 4ème Année, et nous nous sommes accordés un temps de réflexion avant de boucler le plan des études. A cette fin, je voudrais vous soumettre les 3 remarques suivantes, se rapportant respectivement (1) à un éventuel enseignement commun à toutes les orientations, (2) à des matières additionnelles, et (3) aux modalités concernant la «note de recherche». 1c. Ŕ Retour à la philosophie. On peut se poser encore la question de savoir s’il n’y aurait point d’autres matières communes à enseigner à tous les étudiants en 4ème Année. De nouvelles réflexions m’ont amené à penser qu’il était peut-être temps en 4ème Année, justement, de revenir à la philosophie. On considère que les sciences naturelles et les sciences humaines sont nées sur le sol de la philosophie mais que, progressivement, à mesure qu’elles se constituaient en tant que sciences, elles ont pris leur autonomie par rapport à la philosophie et s’en sont de plus en plus éloignées. 1. Un enseignement commun Il est difficile de concilier l’idée d’un enseignement commun avec notre objectif de faire de la 4ème Année une année de spécialisation. A première vue ce sont là deux options contradictoires. Néanmoins, quelques idées ont été présentées : Or, il me semble que cet éloignement qui fut nécessaire dans un premier temps devrait être compensé par un retour critique. Je ne veux pas dire par là qu’il faudrait refaire de la philosophie en 4ème Année de psychologie. Je veux simplement dire qu’un retour à la philosophie, riche de toute l’expérience acquise, ne serait pas inopportun. De quelle manière envisager ce retour ? Il me semble que ce serait une erreur de penser à un enseignement commun aux 4 orientations que nous avons distinguées. Au contraire, il me semble qu’il serait plus fructueux que ce retour se fasse de manière spécifique. Si ce principe était acquis, il faudrait alors aborder ce retour à la philosophie dans la section suivante : les matières additionnelles. 1a. Ŕ Enseignement commun de la méthodologie. Cette idée n’a pas prévalu. On a objecté qu’il était difficile de confier à un seul enseignant l’initiation à un éventail de méthodologies, dans la mesure où il aurait la propension naturelle à mettre l’accent sur celles qu’il pratique et à réduire l’importance, voire à ne pas enseigner du tout, les autres méthodologies. Et l’on a décidé de confier l’enseignement de la méthodologie à chaque enseignant dans le cadre de sa discipline. 1b. Ŕ L‟Epistémologie. 60 Ŕ Il faudrait compléter l’enseignement des méthodes projectives par une initiation au TAT et une initiation aux méthodes projectives appliquées aux enfants. Cette matière pourrait d’ailleurs être étendue aux étudiants du champ éducatif. 2. Les matières additionnelles 2a. Ŕ Le retour à la philosophie (suite) Si le principe d’un retour à la philosophie est admis, on pourrait envisager que ce retour à la philosophie se traduise par 4 matières additionnelles propres chacune à l’une des orientations que nous avons admises : Ŕ Le «Counseling» et les «Thérapies familiales» mériteraient peut-être un cours à part dans la mesure où l’on distingue au Liban une demande pressante pour ces 2 types d’intervention. Ŕ Enfin, il faudrait sans aucun doute envisager un cours de «psychanalyse» approfondie. Ce cours-là est justifié par une demande pressante de la part des étudiants, lesquels choisissent souvent l’orientation de la psychologie clinique en préalable à une formation de psychanalyste, et il nous paraît légitime de satisfaire cette demande. D’autre part, il n’est pas douteux que ce soient les psychanalystes qui sont jusqu’à présent les psychologues cliniciens les plus dynamiques et les plus créatifs, et il nous faut donc tenir compte, sur le plan strictement scientifique, de l’essort prodigieux des contributions de la pensée psychanalytique à la psychologie clinique. Ŕ Le champ du travail (psychologie appliquée) : on réintroduira là l’enseignement de l’esthétique en relation étroite avec l’esthétique industrielle, l’urbanisme, et le mode d’existence des objets techniques (Georges Simondon). Ŕ Le champ éducatif : on réintroduira là l’enseignement de la morale en relation étroite avec la constitution du jugement moral chez l’enfant (Piaget). Ŕ Le champ «cas sociaux» : on réintroduira là l’enseignement du droit naturel en relation étroite avec l’histoire des diverses tentatives de création d’institutions de prise en charge des cas sociaux, de la gestion des risques, et des politiques (nationales et internationales) de la santé. 3. La note de recherches Le principe d’une note de recherche d’une vingtaine de pages A4 dactylographiées s’est imposée à nous. Mais nous n’avons pu l’envisager sans nous heurter au problème de l’application pratique. Les questions qui se sont posées à nous sont les suivantes : (3a) quel enseignant en aurait la charge ? (3b) à quel enseignement elle se rapporterait ? (3c) faut-il l’intéger à une matière donnée, un enseignement particulier qui serait, par exemple, la méthodologie ? Ŕ Le champ de la santé (psychologie clinique) : on réintroduire là l’enseignement de la philosophie politique et des droits de l’homme en relation étroite avec les thèmes suivants : poser une étiquette, une catégorisation, «surveiller et punir», et l’idée de guérison. 2b. Ŕ Matières additionnelles au champ santé (psychologie clinique) Ŕ Il me semble qu’un enseignement de la psychologie digne de ce nom ne peut rester étranger à l’anthropologie (en somme la science de l’Homme ! ). A mon avis il serait tout à fait souhaitable que les futurs cliniciens connaissent à fond les travaux de LeroiGourhan, de Lévi-Strauss, et des folkloristes (Propp, etc.). La discussion a été très animée. Nous avons pu écater la possibilité (3c) dans la mesure où nous avons admis qu’aucun enseignement général de la méthodologie n’était envisageable, et qu’il valait mieux confier à chaque spécialité l’enseignement de ses procédés propres. Les 2 autres interrogations (3a) et (3b) demeurent cependant posées sans qu’une réponse tout à fait convaincante ait été trouvée. 61 servera ainsi le caractère un peu général et la forme de “dissertation” qui devraient caractériser cette note de recherche. Ma proposition serait d’intégrer la note de recherche à la matière «philosophique» proposée cidessus en (2a). Il y aurait à cela 2 avantages. En premier lieu, une partie de cet enseignement sera tournée vers la recherche. En second lieu, on pré- Beyrouth, le 16 juin 1998 Ŕ Ecoutez ! Je préfère la prolifération des analystes, je préfère qu‟il y ait des analystes charlatans plutôt que des analystes diplômés ! Ma position est très simple. S‟il y a des analystes charlatans, cela veut dire que la profession n‟est pas réglementée, et je préfère être considéré comme une cartomancienne à côté d‟autres qui sont peut-être vraiment des charlatans. Que l‟État taxe mes revenus, c‟est légitime, qu‟il m‟oblige un jour à être payé par chèque ou par carte, pourquoi pas ; mais en dehors de ça, que l‟État ne vienne pas se mêler de ma pratique. J‟aime mieux qu‟il y ait des milliers d‟analystes qui mettent de façon plus ou moins illégitime la plaque sur leur porte ! Au moins cela veut dire que la profession n‟est pas réglementée, car le fait qu‟elle soit réglementée est bien plus grave que cette espèce de no man‟s land. J‟ajoute encore, pour mettre un bémol à cette déclaration d‟anarchie, que les différentes associations ou groupes d‟analystes se portent garants du sérieux de leurs membres. Il en va de même pour les Églises, et la comparaison ne me gêne pas. Pr JEAN LAPLANCHE, « Entretien » avec Patrick Froté, in Cent ans après, Paris, Gallimard, «Connaissance de l’Inconscient», 1998, pp. 217-218. 62 Matières & Contenus Référence : 7308 Anthropologie Sur la Préhistoire Anthropologie Psychanalytique André Leroi-Gourhan : (1943-1945) Evolution et techniques, Albin Michel ; (1964-1965) Le Geste & la parole, Albin Michel ; (1964) Les Religions de la préhistoire, PUF. Freud : (1912) Totem et tabou ; (1928) Malaise dans la civilisation ; (1939) L‟Homme Moïse et la religion monothéiste Geza Roheim : (1943) Origine et fonction de la culture, Gallimard. Grandes Œuvres Classiques Anthropologie Philosophique Tocqueville : (1835) La Démocratie en Amérique Gobineau : (1853) Essai sur l‟inégalité des races humaines, Gallimard / Pléiade. Darwin : (1859) L‟Origine des espèces ; (1871) La Descendance de l‟homme ; (1872) L‟Expression des émotions chez l‟homme et les animaux. Fustel de Coulanges : (1864) La Cité antique, Champs-Flammarion. La Boétie : (1574) Discours sur la servitude volontaire, Payot, GF, Folio. Hegel : (1820) Principes de la philosophie du droit, GF. Feuerbach : (1841) L‟Essence du christianisme, Maspéro, repris par « Tel », Gallimard. Max Stirner : (1845) L‟Unique et sa propriété, Pauvert. Alexandre Koyré : (1947) Introd. à la lecture de Hegel, leçons sur la « Phénoménologie de l‟esprit », Gallimard. Classiques du XXème siècle Analyse des Contes et du folklore Lévy-Bruhl : (1910) Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures ; (1922) La Mentalité primitive ; (1927) L‟Ame primitive ; (1932) Le Surnaturel et la nature dans la mentalité primitive ; (1935) La Mythologie primitive ; (PUF) Bronislav Malinowski : (1922) Le circuit de la « Kula » (in Les Argonautes du Pacifique Occidental, Gallimard) Maurice Leenhart : (1937) Gens de la Grande Terre ; (1947) Do Kamo, la personne et le mythe dans le monde mélanésien, Gallimard. Pierre Clastres : (1974) La société contre l‟Etat, recherches d‟anthropologie politique, Seuil. Vladimir Propp, (Seuil & Gallimard). Lévi-Strauss (Plon, Agora) Méthode structurale Analyse des mythes A propos d’Œdipe Ŕ Norbert Élias Le processus de civilisation, etc. (Plon, Agora) Collège de sociologie sacrée Marcel Mauss : (1923) Essai sur le don, PUF. Georges Bataille, Michel Leiris, Roger Caillois (in Denis Hollier, dir., Le Collège de sociologie, Gallimard, Folio-Essais.) Culturalistes Margaret Mead : Sex & temperament, Plon. Ruth Benedict : Patterns of culture, Gallimard. M. Dufrenne : La Personnalité de base, PUF. 63 Référence : 7109 Chefs-d‟Œuvres Universels : [choix restreint] Théâtre Les Confessions Dialogues Chateaubriand : (1802) René Benjamin Constant : (1816) Adolphe Eugène Fromentin : (1863) Dominique Nerval : (1865) Aurélia Proust : (1913-1927) A la recherche du temps perdu James Joyce : (1922) Ulysse Musil : (1930) L‟Homme sans qualités Euripide : Médée Sophocle : Œdipe-Roi Ŕ Œdipe à colonne Ŕ Antigone Shakespeare : Le Roi Lear Hamlet Molière : (1666) Le Misanthrope Racine : (1677) Phèdre Kleist : (1808) Pentésilée Ibsen : (1879) Maison de poupée (1886) Rosmersholm Dumas (fils) : (1848) La Dame aux camélias Rostand : (1897) Cyrano de Bergerac Georges Schehadé : (1951) Monsieur Bob‟le Littérature „enfantine‟ Cervantès : (1605) Don Quichotte La Fontaine : (1668) Fables Perrault : (1697) Contes Swift : (1726) Les Voyages de Gulliver Lewis Carroll : (1865) Alice au pays des merveilles ; (1871) De l‟Autre côté du miroir Daudet : (1868) Le Petit chose ; (1869) Lettres de mon moulin Vallès : (1879) L‟Enfant Jules Renard : (1894) Poil de carotte Saint-Exupéry : (1943) Le Petit Prince Les moralistes Baltasar Gracian : (1647) L‟Homme de cour La Rochefoucauld : (1664) Maximes & réflexions Pascal : (1670) Pensées La Bruyère : (1688) Les Caractères Vauvenargue : (1746) Introd. à la connaiss. de l‟esprit humain Chamfort : (1795) Maximes & pensées Romans populaires Homère : Odyssée d‟Ulysse Dumas : (1844) Les Trois mousquetaires ; (1845) Vingt ans après ; (1845) Le Comte de Monte-Cristo Hugo : (1831) Notre-Dame de Paris ; (1862) Les Misérables Eugène Sue ; Ponson du Terrail ; Paul Féval, etc. Bildungsroman Rousseau : (1761) Julie ou la nouvelle Héloïse ; (1762) L‟Emile, ou de l‟éducation Goethe : (1795) Wilhelm Meister Sade : (1795) La Philosophie dans le boudoir ou les instituteurs immoraux Romans psychologiques Romans d‟amour Dostoïevski : (1865) Crime & châtiment (1879) Les Frères Karamazov Tournier, Kundera La Fayette : (1678) La Princesse de Clèves L’Abbé Prévost : (1731) Manon Lescaut Crébillon fils : La Nuit & le moment, etc. Chloderlos de Laclos : (1782) Les Liaisons dangereuses Emily Brontë : (1847) Les Hauts-de-Hurlevent Sacher-Masoch : (1870) La Vénus en fourrure Jensen : (1903) Gradiva Littérature fantastique Shelley : (1817) Frankenstein Bram Stoker : (1897) Dracula Gautier, E.A. Poe, Barbey d’Aurevilly, Maupassant, Kafka, Borges... Littérature en 1ère personne Romans policiers [Guillerague?] (1669) Lettres de la religieuse portugaise Rousseau : Les Rêveries du promeneur solitaire 64 Référence : 7208 Philosophie Thèmes Machiavel : Le Prince Descartes : Discours de la méthode Spinoza : Traité théologico-politicus Hume : Enquête sur l‟entendement humain Montesquieu : L‟Esprit des lois Rousseau : Discours ; Le Contrat social Kant : Les 3 Critiques Hegel : Phénoménologie de l‟esprit ; Esthétique Tocqueville : La Démocratie en Amérique Lewis Carroll : Logique sans peine Foucault : Les Mots et les choses Derrida : De la grammatologie Deleuze : Logique du sens Deleuze & Guattari : L‟Anti-Œdipe Descombe : Le Même et l‟autre L’Intentionnalité (Phénoménologie) L’Inconscient (Maine de Biran, Schopenhauer, Nietzsche, cf. Michel Henry) Domaines Philosophie politique Philosophie morale (pour lire Piaget) Rudiments de logique (pour lire Piaget) Rudiments d’histoire des sciences (pour lire Piaget) Choix d‟Œuvres Platon : Banquet Ŕ Phèdre Aristote : Philia ; La Prudence Lucrèce : De la nature des choses Diogène Laërce : Les Philosophes illustres Référence : 7309 Information et Communication Conceptions particulières Grandes doctrines Communication animale & langage humain Formule mathématique de l’information, enthropie, négenthropie, redondance Les Modèles de la communication Les Communications de masse Les Théories du signe linguistique Les Fonctions du langage La linguistique structurale de Saussure La grammaire générative de Chomsky (+débat avec Piaget) La cybernétique (Norbert Wiener) L’Ecole de Palo-Alto Jeux de langage, actes de langage, présupposition (Wittgenstein, Austin, Searle, Ducrot) 65 Référence : 7103 Psychologie du Développement (1) : enfance Généralités La crise de personnalité (de 3 à 5 ans) La période de latence : socialisation & scolarisation Distinction entre «Psychologie du développement», «Psychologie de l’enfant», et «Psychologie génétique» Domaines d’application de la psychologie du développement (pédagogie, pathologie, épistémologie) Problèmes essentiels (Stades et Crises : détermination et universalité) Auteurs de référence & Doctrines Méthodes d’observation, d’expérimentation, & d’évaluation Choix de Textes Freud : (1905) Trois Traités sur la théorie sexuelle Willie Hoffer : (1950) «Le développement du moi-corps» Winnicott : (1951) «Objets transitionnels et phénomènes transitionnels» Winnicott : (1956) «La préoccupation maternelle primaire» Piaget : (1937) «Le développement de la notion d’objet» Piaget : (1960) «Les praxies chez l’enfant» Piaget : (1966) «La fonction symbolique» Wallon : (1956) «Les étapes de la personnalité chez l’enfant» Koupernik & Dailly : (1968) «Le schéma corporel» De la naissance à la parole (0 à 3 ans) L’acte de naissance La préoccupation maternelle primaire Le schéma corporel La fonction symbolique Le sujet, l’objet & le monde Référence : 7204 Psychologie du Développement (2) : de l‟adolescence à la sénescence Préadolescence Puberté & adolescence : formation de l’identité sexuelle Les bandes d’adolescents (originalité, transgressions, marginalités) Théories de l’adolescence Psycho-pathologie de l’adolescence (l’adolescence berceau des maladies mentales) La crise du milieu de la vie : Vocation, travail, œuvre Filiation, maternité, paternité Retour d’âge : ménopause & andropause Vieillesse, Sénescence Maladies, Deuils, Préparation à la mort 66 Référence : 7202 Psychologie Pathologique (1) : histoire / cas célèbres / outils Histoire Histoire des maladies mentales Evolution de la nosographie psychiatrique Histoire de la police des mœurs : perversions, délinquances, psychopathies, criminalité Histoire des procédés de traitement, et des moyens de répression, de rééducation et d’endoctrinement Chamanisme, sorcellerie, psychothérapie & cure psychanalytique Quelques «cas» très célèbres Burton Perceval Rousseau Nerval Félida (Azam) Anna O… (Breuer) Helen Smith (Flournoy) D.-P. Schreber Madeleine (Janet) Aimée (Lacan) Suzanne Urban (Binswanger) Renée (Sechehaye) Louis Wolfson Outils conceptuels de base & méthode Le normal, le pathologique et l’idée de guérison La méthode clinique et la méthode pathologique Référence : 7405 Psychologie Pathologique (2) : la psychopathologie aujourd‟hui (a) Sémiologie des troubles mentaux (Pour le détail, cf. P. Bernard & S. Trouvé, Sémiologie psychiatrique, Paris, Masson, 1977.) (b) Appareil conceptuel L’Intra-subjectivité Les opérations mentales Les processus de développement Les environnements pathogènes Les modèles conceptuels Les modèles transdisciplinaires (Pour le détail, cf. Daniel Widlöcher (dir.), Traité de psychopathologie, Paris, PUF, 1994.) Je sais que pour avoir l‟air sérieux en psychologie expérimentale, il faut obtenir des résultats reproductibles, faire des statistiques, mais ce type d‟expérimentation systématique m‟ennuie à mourir. DR LEON CHERTOK [† 1991], auteur de Le Non-savoir des psy, Paris, Payot, 1979, rééd., Le Plessis-Robinson, Synthélabo, collection « Les Empêcheurs de Penser en Rond», avec une préface d’Isabelle Stengers et Didier Gille. Les études statistiques ne sont d‟aucun secours pour une plus juste appréciation. Elles illustrent par leurs écarts considérables la disparité des critères de référence et des modes d‟appréhension de la réalité clinique de leurs auteurs. PR PHILIPPE JEAMMET, « La dépression chez l’adolescent », in Lebovici, Diatkine & Soulé (dir.), Nouveau traité de psychiatrie de l‟enfant et de l‟adolescent, Paris, PUF, 19973, tome II, p. 1478. 67