Conduite automobile et maladie d`Alzheimer

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Synthèse
Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2005 ; 3 (3) : 163-8
Conduite automobile
et maladie d’Alzheimer
JEAN ROCHE
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017.
Service de médecine interne
gériatrique,
Hôpital gériatrique,
CHU de Lille
<[email protected]>
Tirés à part :
J. Roche
Résumé. Les conducteurs âgés sont souvent des conducteurs expérimentés, mais c’est
dans cette classe d’âge que les pathologies médicales vont le plus majorer le risque
d’accident. Les affections démentielles sont fréquemment mises en cause, en particulier la
maladie d’Alzheimer, car elle altère des fonctions indispensables à de bonnes capacités de
conduite (performances visuospatiales, attention, mémoire, jugement...). Le risque d’accident par million de kilomètres parcourus passe de 9,4 pour les sujets âgés de 80 à 85 ans à
163,6 si le conducteur est atteint d’une maladie d’Alzheimer (avec un score entre 17 et 30 au
MMSE). Le patient et sa famille doivent être conscients que le risque d’accident est important dès le stade de démence légère (stade 1 de la Clinical dementia rating ou CDR). Mais
dès la phase prédémentielle (stade 0,5 de la CDR, correspondant au Mild cognitive impairment ou MCI) la conduite automobile peut se révéler dangereuse. De nombreux états
américains et pays européens ont développé une législation qui impose un contrôle régulier des performances du conducteur. Ce n’est malheureusement pas encore le cas en
France.
Mots clés : maladie d’Alzheimer, personne âgée, conduite automobile, compétence
Abstract. Although most aged people remain safe drivers, a greater risk for crashes due to
medical conditions is observed in the elderly. Impairment of important functions for safe
driving such as visuospatial skills, attention, memory and judgement are observed in
dementia, particularly in Alzheimer’s disease. The accident rate increases from 9,4 accidents per million vehicle kilometres traveled for 80 to 85 year-old drivers, but raises to 163,6
for drivers with moderate AD. Patients and their families should be informed that patients
with mild dementia related to Alzheimer’s disease (stage 1 on the Clinical Dementia Rating,
CDR), have a substantially increased rate of traffic accidents and therefore should not drive.
But subjects in the predementia phase (stage 0.5 at the CDR, mild cognitive impairment)
also pose significant driving safety problems. In most States of the USA, and many
European countries, but not in France, law requires regular investigating of driving performance in the elderly.
Key words: Alzheimer’s disease, elderly, driving, competency
D
ans les prochaines décennies, le nombre de
personnes âgées va très vite augmenter d’où
un nombre croissant de conducteurs âgés. De
plus, le taux de motorisation des ménages continue à
progresser passant de 30 % en 1960 à plus de 80 %
actuellement.
En 1960, 10 % des conducteurs avaient plus de
60 ans, en 2000 la proportion est de 20 %. On pense
atteindre un chiffre de 30 % en 2040 !
La conduite automobile est une tâche complexe.
Elle demande des réactions simultanées rapides, la
capacité de partager son attention (placement du véhicule dans le trafic, signalisation, piétons...), le choix
régulier du bon itinéraire.
Brouwer a analysé la capacité de conduite d’un
véhicule selon trois axes complémentaires [1] :
1. Le savoir-faire du conducteur (driving skill) ;
2. Son comportement au volant (driving behaviour) ;
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 3, n° 3, septembre 2005
3. Son aptitude à la conduite (fitness to drive).
Capacité de conduite d’un véhicule
Le savoir-faire du conducteur
Il est évalué par l’analyse des performances du sujet
en situation de conduite réelle, de son aptitude à
conduire de manière fluide et sûre dans les différentes
situations de conduite. Cette aptitude dépend de
l’entretien des capacités obtenu en roulant très régulièrement (sans longue période d’interruption), de la
capacité à faire les bons choix dans la résolution de
problèmes, par exemple dans les carrefours : Peut-on
s’y engager maintenant ? Doit-on tourner ? A-t-on
assez de place pour le faire ? D’autres facteurs vont
interférer sur les performances comme le type de véhicule, sa vitesse, les conditions climatiques et de circulation [2].
163
J. Roche
Il correspond à ce que le conducteur fait réellement
aux commandes de sa voiture. Une personne peut
avoir son permis et être malgré tout un conducteur
dangereux. Ce comportement est problématique, surtout pour les jeunes (mais pas seulement) qui ont tendance à prendre des risques en roulant trop vite, en
absorbant de l’alcool, en utilisant le téléphone au
volant... Le comité interministériel de décembre 2002 a
mis en place une politique pour changer les comportements : baisse du taux d’alcool toléré, contrôle de
vitesse accentué, permis probatoire pour les jeunes...
Avec l’âge, la conduite automobile va se modifier
même en l’absence de toute pathologie. Globalement
le conducteur âgé prend moins de risque au volant
qu’un sujet plus jeune. Ses habitudes de conduite évoluent, il évite souvent la conduite de nuit, les heures de
trafics chargés, les voies rapides. Les distances parcourues sont également plus courtes (figure 1).
Kilométrage annuel
30 000
25 000
20 000
15 000
10 000
5 000
0
18-29 30-64 65-69 70-74 75-79 80-84 > 85
Années
Figure 1. Kilométrage annuel en fonction de l’âge [4].
Figure 1. Total of annual driven kilometers by age-groups, accoding to [4].
Nombre d'accidents / 100
millions kms parcourus
1 400
1 200
C’est une autre dimension de la politique de sécurité routière. Elle correspond aux capacités physiques
et mentales jugées suffisantes par les autorités compétentes pour autoriser la conduite d’un véhicule léger.
La conduite fait appel à une bonne perception de
l’environnement (acuité visuelle et auditive, capacités
d’attention), aux fonctions cognitives (orientation temporospatiale, mémorisation, jugement et prise de décision...) et motrices (force musculaire, vitesse d’exécution et coordination des mouvements) [3].
Lors du vieillissement physiologique, une baisse
significative des aptitudes à la conduite est généralement observée après 70-75 ans, du fait principalement
d’une baisse d’acuité visuelle, d’une forte sensibilité à
l’éblouissement et d’une augmentation des temps de
réaction. Des difficultés existent également dans la gestion des ressources attentionnelles du sujet lorsqu’il est
placé devant plusieurs tâches. Par ailleurs, sur le plan
moteur, la coordination des membres supérieurs est
moins précise et moins rapide.
En revanche, la connaissance du code de la route
par les sujets âgés est identique à celle des sujets plus
jeunes et ce malgré l’apparition de 170 panneaux
depuis 1950 [4-6].
D’autres éléments, liés aux améliorations techniques des véhicules, ont probablement facilité la
conduite des personnes âgées, comme l’assistance au
freinage et la direction assistée. La force musculaire
entre ainsi moins en ligne de compte.
164
800
600
400
200
0
15
-1
20 9
-2
25 4
-2
30 9
-3
35 4
-3
40 9
-4
45 4
-4
50 9
-5
55 4
-5
60 9
-6
65 4
-6
70 9
-7
75 4
-7
80 9
-8
4
>
85
L’aptitude à la conduite
1 000
Années
Figure 2. Nombre d’accidents automobiles selon l’âge pour 100
millions de kilomètres parcourus [7].
Figure 2. Number of crashes per 100 million driven kilometers by
age-groups according to [7].
Nombre de décès / 100
millions kms parcourus
7
6
5
4
3
2
1
0
15
-1
20 9
-2
25 4
-2
30 9
-3
35 4
-3
9
40
-4
45 4
-4
50 9
-5
55 4
-5
9
60
-6
65 4
-6
70 9
-7
75 4
-7
9
80
-8
4
>
85
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Le comportement au volant
Années
Figure 3. Nombre de décès pour 100 millions de kilomètres
parcourus [7].
Figure 3. Number of fatal crashes per 100 million driven kilometers by age groups according to [7].
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 3, n° 3, septembre 2005
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Conduite automobile et maladie d’Alzheimer
Les conducteurs âgés ont peu d’accidents, mais si
l’on rapporte ce nombre d’accidents aux kilomètres
parcourus, le risque est alors élevé (figure 2)
Ce fait est troublant, car souvent le conducteur âgé
va utiliser son véhicule dans des circonstances associées à un faible risque d’accident (conduite de jour,
lors de périodes à faibles densités de trafic, vitesse
réduite). De plus, le risque de décès est très augmenté
dans cette population par rapport au sujet plus jeune
pour un même type d’accident (figure 3). Ce risque est
encore majoré si l’on tient compte du faible kilométrage parcouru par les sujets les plus âgés (2,5 décès
pour 100 millions de kilomètres entre 15 et 19 ans, mais
6,2 décès après 85 ans).
Les personnes âgées utilisent essentiellement leur
véhicule pour des contacts sociaux ou pour venir en
aide aux autres. Souvent, il n’y a qu’un seul membre du
couple qui conduit. L’arrêt de la conduite automobile
revient à une perte du lien social et de sa place dans la
société [8].
Il y a donc une difficulté à prendre en compte les
souhaits individuels de bien-être et d’indépendance
d’une part, les risques encourus par la collectivité
d’autre part. Claude Got recommande ainsi de bien
réfléchir, avant de prendre des mesures restrictives, sur
les conséquences qu’elles pourraient avoir au plan
social dans l’indépendance et le vécu des personnes
âgées qui seraient concernées par de telles mesures. Il
conviendrait alors de tenir compte de la situation médicale plutôt que de l’âge [9].
Conduite automobile
et maladie d’Alzheimer
La démence fait partie des pathologies à risque
pour la conduite automobile. Elle s’ajoute aux effets du
vieillissement.
La maladie d’Alzheimer (MA) touche 3 % des
65-74 ans mais 20 % des sujets de plus de 80 ans. La
plupart de ces patients vivent à leur domicile et souvent le diagnostic n’a pas été porté précocement. Les
troubles cognitifs liés à la MA peuvent gêner la
conduite automobile même à un stade débutant de la
maladie.
Certes la conduite automobile relève de la mémoire
procédurale qui est peu atteinte à un stade léger de la
MA. Cependant le risque d’accident est augmenté du
fait de l’atteinte d’autres fonctions cognitives :
1) baisse des performances visuospatiales : l’analyse
visuospatiale est essentielle pour évaluer la position de
son véhicule, estimer les distances, analyser le trafic et
prévoir son évolution ;
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 3, n° 3, septembre 2005
Tableau 1. Nombre d’accident par million de kilomètres parcourus [2].
Table 1. Number of crashes per million driven kilometers by
age, according to [2].
Classe d’âge
75–79 ans
80–84 ans
> 85 ans
Parkinson avec MMS > 27
Parkinson avec MMS < 27
Démence de type Alzheimer,
MMS moyen 17
Nombre d’accidents /million
de kilomètres parcourus
4,8
9,4
24,1
17,5
58,3
163,6
2) difficultés d’attention : la conduite automobile nécessite une attention sélective et soutenue pour repérer les
événements imprévus, gérer de multiples informations
comme à une intersection et maintenir une vigilance
optimale sur de longs trajets ;
3) troubles du jugement : un bon jugement est indispensable lors de la conduite. Mais surtout, un trouble
du jugement peut empêcher le sujet de prendre conscience de ses problèmes et donc d’adapter sa
conduite !
4) mémoire et langage : les troubles de la mémoire
immédiate et à court terme (en association avec les
atteintes précédentes) favorisent les erreurs de
conduite ou de trajets. Les troubles du langage vont
gêner la compréhension des panneaux et empêcher
l’anticipation de décisions [10]. L’atteinte des régions
frontales génère également des erreurs de stratégie.
Le plus souvent plusieurs atteintes coexistent ce qui
majore la baisse de compétence à conduire une automobile.
Selon Friedland [11], les patients atteints de MA ont
un risque majoré d’avoir un accident par rapport aux
sujets témoins (risque d’accidents = 163/106 kilomètres). Une adaptation des modalités de conduite est
observée chez les sujets déments (vitesse réduite, trajets courts...), mais ces adaptations n’ont pas
d’influence sur le risque d’accident qui reste élevé
(tableau 1). Dans la grande majorité des cas (80-85 %),
les conducteurs âgés tués dans un accident de la route
sont responsables de l’accident [11]. Comme nous
l’avons vu, à accident comparable, le risque de décès
est multiplié par 5 ou 6 après 70 ans par rapport aux
conducteurs plus jeunes (les causes peuvent en être un
véhicule plus ancien, une fragilité de la personne âgée
avant l’accident...). Une prévention spécifique dans ce
domaine est donc nécessaire [12].
Par ailleurs, Johansson a mis en évidence que 33 %
des conducteurs âgés, morts dans un accident de voi-
165
J. Roche
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ture, présentaient des lésions cérébrales permettant de
porter un diagnostic de MA. En outre, 20 % de sujets
supplémentaires étaient porteurs de lésions cérébrales
évocatrices de MA, mais en quantité insuffisante pour
remplir les critères du diagnostic histologiques de la
maladie. Par ailleurs, l’allèle e4 de l’apolipoprotéine E,
reconnu comme étant un facteur de risque génétique
de MA a été trouvé significativement plus fréquent chez
les conducteurs âgés responsables d’un accident mortel [13].
Un tiers des sujets déments ont eu au moins un
accident de la voie publique depuis le début de leur
maladie. La moitié auront au moins un accident avant
d’arrêter de conduire.
La moitié des sujets déments qui continuent à
conduire se perdent régulièrement au volant contre
seulement 8 % des témoins.
L’apparition de difficultés à la conduite a été observée dans 10 % des cas comme un signe précoce de
démence [7, 14].
Mais le fait le plus grave est que 26 % des patients
déments qui nécessitent des aides pour les actes de la
vie quotidienne tels l’habillage et la toilette conduisent
encore [15].
Le patient ne se rend pas compte de l’altération de
ses facultés cognitives. La présence d’une anosognosie
associée à des troubles du jugement fait qu’il va, le
plus souvent, refuser d’arrêter de conduire de sa propre initiative. L’intervention de la famille ou d’un professionnel de santé sensibilisé à la démence est nécessaire. Certains proches sont hostiles à cette
interdiction. Ils mettent en avant le maintien de l’image
du patient, de son statut social. Mais, parfois, c’est
aussi parce qu’ils dépendent de lui pour se déplacer
[16]. La présence d’une démence doit donc inciter le
médecin traitant à informer le patient et sa famille des
risques encourus. Il est nécessaire de garder une trace
écrite de cette mise en garde car, en cas d’accident, la
responsabilité du médecin peut être engagée s’il n’a
pas effectué cette mise en garde. Il est également
nécessaire de rappeler les dispositions du code de la
route et des contrats d’assurance qui stipulent que c’est
au patient de déterminer son aptitude à la conduite. En
cas d’accident, la compagnie d’assurance peut ainsi
refuser d’intervenir si le patient n’avait pas renoncé à la
conduite de son véhicule bien que frappé d’inaptitude.
Dès le stade précoce de la maladie d’Alzheimer
(CDR 0,5), on retrouve un risque d’accident majoré chez
certains patients. Ce risque d’accident rejoint celui des
jeunes conducteurs (entre 16 et 19 ans dans cette étude
166
Tableau 2. Liste d’éléments dangereux pour la conduite automobile [22].
Table 2. Dangerous Driving Check-list [22].
Par l’interrogatoire d’un proche du patient, repérer des éléments
inquiétants sur la conduite automobile du patient. Rechercher
la présence de certains événements de cette liste :
1- Mauvaise signalisation (utilisation du clignotant...)
2- Difficultés dans les virages
3- Circulation sur la mauvaise file
4- Erreur de sortie
5- Stationnement inadapté
6- Choc sur les bordures ou les trottoirs
7- Vitesse inadaptée
8- Délai de réponse lors de situations imprévues
9- Absence d’anticipation de situations dangereuses
10- Plus grande irritabilité ou agitation au volant
11- Éraflures ou bosses sur la voiture
12- Se perd dans des lieux familiers
13- Accidents évités de peu
14- Contraventions pour non respect des règles de circulation
15- Accident automobile
16- Confusion entre l’accélérateur et le frein
17- Arrêts dans le trafic sans raisons
américaine) ou des conducteurs ayant absorbé un peu
d’alcool [17].
Quand faut-il interdire la conduite automobile
chez un patient dément ?
En ce qui concerne les démences légères à modérées, le seul diagnostic de maladie d’Alzheimer ou le
score au MMSE ne suffisent pas à prédire une majoration du risque d’accident pour un individu [7]. Pour
certains [18], la conduite automobile doit être interdite
dès le diagnostic de démence posé. Pour d’autres, cette
interdiction doit tenir compte des possibilités du sujet,
régulièrement réévaluées.
Les tests cognitifs ne semblent donc pas être, à eux
seuls, un bon reflet des capacités de conduite. L’utilisation du MMSE peut cependant avoir un rôle de sensibilisation aux difficultés du patient. Il en est de même des
échelles d’autonomie type Instrumental activities of
daily living (IADL).
D’autres outils ont été utilisés, pour évaluer spécifiquement les troubles de l’attention, de la recherche
visuelle et de la mémoire spatiale. Des différences
significatives ont été observées entre des groupes de
conducteurs déments et de sujets témoins, mais ces
outils ne sont pas d’utilisation aisée en pratique quotidienne [19-21].
Le MIT Age Lab a développé une check-list qui permet, par l’interrogatoire de l’aidant, d’identifier les difficultés de conduite du patient dément (tableau 2) [22].
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Conduite automobile et maladie d’Alzheimer
Ainsi par exemple, même à un stade léger de la MA,
la gestion des intersections, des carrefours pose problème aux patients contrairement aux sujets âgés sans
troubles cognitifs [23]. Ces tests simples facilitent la
prise de conscience par les proches du risque d’accident et peuvent aider à la décision d’arrêter de
conduire.
Des tests pratiques, en situation, seraient utiles,
mais leur généralisation est difficilement envisageable
à un grand nombre de patients. Les centres pouvant
faire ce type d’évaluation sont rares. En Belgique, par
exemple, il existe le Cara (Centre d’adaptation à la
route pour automobilistes handicapés). Ce centre permet une évaluation psychotechnique, un test routier et
un examen médical du conducteur. À l’issue de ce
contrôle, si le patient peut encore conduire, un programme de renforcement d’aptitude peut être proposé
(condition physique, correction de comportements ou
de postures...) [2, 4].
Par ailleurs, des études sont en cours de réalisation
pour définir au mieux le risque d’accident.
En partant de la constatation que les patients
atteints de MA présentent significativement plus de
difficultés dans les croisements, un test a été élaboré
aux États-Unis (Sepulveda road test), Ce test, non
encore validé, comprend deux parties : présentation de
7 panneaux de signalisation habituels et, en deuxième
lieu, présentation de 3 situations comportant des croisements de complexité croissante par ajout d’informations supplémentaires [15]. Le développement de tels
outils paraît indispensable pour le clinicien.
Faciliter l’arrêt de la conduite automobile
La conduite automobile pour la personne âgée symbolise la liberté et l’indépendance. La MA transforme
cette liberté en grand risque pour le patient et la
société. Il y a donc une contradiction à prendre en
compte les souhaits individuels de bien-être et d’indépendance, d’une part, et les risques encourus par le
malade lui-même, les proches et la collectivité, d’autre
part.
Certains états américains ou canadiens ont développé des plaquettes destinées au grand public pour
faciliter l’arrêt de la conduite en cas de MA. Ces élé-
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 3, n° 3, septembre 2005
Points clés
• La conduite automobile est une tâche complexe
qui nécessite un bon état de santé du conducteur,
notamment sur le plan cognitif.
• La présence d’une maladie d’Alzheimer multiplierait par 5 le risque d’accident.
• Une réévaluation régulière des capacités de
conduite du patient est nécessaire.
• Le médecin doit intervenir précocement pour inciter à un arrêt de la conduite, avant que ne surviennent des difficultés majeures, tout en proposant des
alternatives acceptables pour maintenir au mieux
l’autonomie du patient.
ments accompagnent une législation souvent stricte à
cet égard.
Le médecin doit avoir un rôle d’information du
patient et de sa famille et inciter fréquemment son
patient à arrêter. Il convient d’intervenir précocement,
avant que les difficultés soient trop importantes ou
qu’un incident aigu ne survienne. Une transition par un
arrêt graduel peut être alors proposée et associée si
possible à des alternatives acceptables (livraisons à
domicile, aides des proches, taxi...).
Un argument important peut aider à la décision
d’arrêt de la conduite automobile : le rappel du code de
la route et des contrats d’assurance qui imposent au
conducteur d’être responsable de sa capacité à
conduire. Le médecin traitant ne peut que conseiller le
patient et sa famille, éventuellement en leur demandant de passer devant la commission médicale départementale du permis de conduire. Il ne peut intervenir
directement bien que sa responsabilité demeure engagée. Il est donc nécessaire de conserver une trace écrite
de la mise en garde effectuée auprès du patient et de sa
famille.
Pour aider le médecin dans cette tâche, il conviendrait de développer des centres d’évaluation des capacités du conducteur. En parallèle, une évolution de la
législation semble nécessaire avec notamment l’intérêt
d’un contrôle régulier quel que soit l’âge, mais plus
fréquent lors du vieillissement, comme cela existe déjà
dans plusieurs pays européens.
167
J. Roche
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