ÉDITORIAL
La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. VIII - janvier 2004
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capacités visuospatiales, la compréhension et la mémoire séman-
tique permettra souvent de mieux évaluer le risque. Toutefois,
l’utilisation d’une batterie ou de tâches spécifiquement conçues
pour évaluer l’aptitude à conduire (code de la route, réalité vir-
tuelle) serait probablement utile. Ces outils existent mais restent,
à ce jour, expérimentaux pour la plupart (3, 7-9) ou ils ne sont
pas encore passés dans le domaine de l’évaluation de routine en
France (contrairement à certains pays européens).
Comment décider si le risque pour le patient et la communauté
a plus de poids que la perte d’autonomie qui découlera de l’arrêt
de la conduite automobile ?
Un patient vivant seul dans un lieu isolé sans transport en com-
mun n’est pas dans la même situation qu’un patient vivant dans
une agglomération bien dotée en transports en commun, avec
commerces et administrations à proximité, ou dont le conjoint
valide conduit. Le premier, privé du jour au lendemain de ses
possibilités de déplacement, pourrait voir son autonomie gran-
dement altérée et subir un contrecoup psychologique (10). Le
second pourra s’adapter à cette privation avec moins de difficultés.
En outre, la présence d’un tiers aux côtés du conducteur réduit le
risque d’accident (11). Au-delà de notre rôle de soignant, nous
nous trouvons dans une situation de médiateur entre les besoins et
désirs du patient et notre devoir de membre agissant pour le béné-
fice de la communauté. Pour trouver une réponse adéquate, nous
devons évaluer finement, et dans un même temps, les aptitudes
cognitives du patient et le besoin réel d’utilisation du véhicule.
Si le neurologue juge le risque de conduite automobile trop
important, que peut-il légalement faire pour le limiter ?
Poser “médicalement” la question de la conduite automobile peut
avoir un retentissement en droit (12). En effet, il faut tenir compte
de l’intérêt du patient, de sa responsabilité pénale et civile, des
conséquences pour autrui, du secret médical et de la relation du
médecin à son patient. L’irresponsabilité pénale du dément n’est
plus absolue depuis le 1er mars 1994 (article L 122-1 du droit
pénal), laissant la place à la responsabilité pénale (même atté-
nuée) si le discernement ou le contrôle des actes sont altérés sans
être abolis. En droit civil, la mise sous sauvegarde de justice ne
met pas le patient à l’abri de poursuites. La mise sous tutelle ou
curatelle n’empêche pas le patient de devoir réparer dans le cas
où sa responsabilité dans un accident de la route est avérée.
Enfin, on ne peut juger une infraction ou un délit avant qu’il ne soit
commis. En conséquence, seul le préfet est compétent pour mettre
en œuvre les mesures préventives liées à l’utilisation du permis
de conduire. Hormis des cadres juridiques très précis (mandat
d’expertise), le praticien est lié par le secret médical et ne peut
donc pas déclarer aux autorités administratives ou judiciaires le
danger que peut représenter la conduite d’un véhicule pour un
patient. Ainsi, seule la dissuasion que peut exercer le médecin sur
le patient peut être envisagée. Cette dissuasion doit être accom-
pagnée de mesures ou de conseils permettant au patient de pal-
lier cette privation (aides ménagères pour les courses, démarches
sociales pour permettre un rapprochement d’un centre urbain,
insister sur l’aide du conjoint pour les déplacements) et, par
ailleurs, doit rappeler les devoirs et les responsabilités de citoyen
que conserve le patient et qui le maintiennent pénalement res-
ponsable en cas d’accident. Une trace de cette discussion doit être
conservée dans le dossier médical.
En conclusion, confrontés à la quadrature du cercle, nous, médecins,
devons soutenir tout projet de loi visant à réévaluer, sur une base
régulière (par exemple tous les dix ans comme le propose le rap-
port Verré, 20 juin, 1997), l’aptitude à conduire en vue du renou-
vellement du permis de conduire et, éventuellement, la création
de centres d’évaluation d’aptitude à la conduite automobile dans
lesquels les patients, sur la base du volontariat, pourront vérifier
leur compétence. En effet, il ne peut pas être demandé au seul
médecin d’assurer l’intérêt du patient et celui de la communauté
si un conflit d’intérêt existe entre les deux parties. Que les citoyens
et leurs représentants entrent dans le débat !
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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