si l'auteur n'a pas excité notre sympathie pour eux1 ». Ainsi la conjonction de divers
procédés est nécessaire pour produire la communion du spectateur et des personnages
et pour susciter les émotions : un sujet dramatique, une action animée et forte, des
passions exacerbées2. Adhérer à l'illusion théâtrale ne signifie certes pas imaginer
naïvement « que ce que l'on voit existe véritablement » mais consiste à se laisser
submerger par « l'émotion3 » provoquée par la pièce. En somme, c'est bien la
violence, l'intensité paroxystique des sentiments suscités comme la cruauté ou la
férocité mises en scène par les intrigues, qui sont au centre de la réception de l'œuvre,
c'est bien sur la violence que repose l'enthousiasme : enthousiasme que nous
pourrions définir comme le processus de transformation, de sublimation, de la
violence (représentée, éprouvée) en beauté. Ainsi, le lien de la beauté et de la
violence n'est pas seulement un présupposé théorique ou philosophique ni même une
thématique riche, il est surtout un moyen d'aborder la réception du roman criminel.
Le romancier, à l'image d'Eugène Sue dans les premières pages des Mystères de
Paris, suppose chez son lecteur une « espèce de curiosité craintive » pour « les
spectacles terribles4 » et crée, par divers procédés dramatiques, les conditions
d'éclosion de cette curiosité.
Le crime, comme tout spectacle, implique la présence d'un regard. La
théâtralisation des scènes de meurtre — sur une scène intime ou publique — est une
manière de mise en abyme du regard du lecteur au sein même de la narration. La
fascination est une forme d'attrait, elle implique une relation de pouvoir et même de
1
Ibid
., IIème partie, chap. XV,
Les Brigands et Don Carlos de Schiller
, p. 108.
2 Nous ne reprenons pas ici toutes les innovations que madame de Staël juge
indispensables pour le théâtre français au regard de la dramaturgie allemande puisque
nous les avons déjà évoquées dans la première partie de notre thèse : libération des
conventions et des règles (elle fustige en particulier les unités de lieu et de temps),
nécessité d'une modernisation et d'une nationalisation des sujets, assouplissement de
la versification, simplification du langage…
3
Ibid
., IIème partie, chap. XIII,
De l'art dramatique
, p. 95.
4 E. Sue,
Les Mystères de Paris.
I, 1.
- Op. cit
., p. 32.