Cours du Professeur Xavier VANDENDRIESSCHE I. La notion d`État

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LICENCE DROIT – 1ÈRE ANNÉE
SECTION A
ANNÉE UNIVERSITAIRE 2006/2007
PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT CONSTITUTIONNEL
Cours du Professeur Xavier VANDENDRIESSCHE
FICHE 2 : L’ÉTAT
I. La notion d’État
R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État (Extraits).
II. La distinction État unitaire / État fédéral
G. Scelle, Précis de Droit des gens (Extraits).
R. Carré de Malberg, Contribution à la théorie générale de l’État (Extraits).
La Constitution des États-Unis d’Amérique (Extraits).
III. Le cas particulier de l’État régional
P. Moderne, P. Bon, les autonomies régionales dans la constitution espagnole (Extraits)
La Constitution espagnole (Extraits)
IV. Le statut de l’Union Européenne
Projet de Traité établissant une Constitution pour l'Europe (Extraits)
J.-C. DIRIS, L’Union européenne : vers une nouvelle forme de fédéralisme ? (Extraits)
Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 Traité établissant une Constitution pour
l'Europe (Extraits)
Équipe pédagogique :
Néda ARMBRUSTER, Damien CATTEAU, Matthieu CATTEAU, Isabelle CRÉPIN, Isabelle SAUNIER et
Bruno VILLALVA.
Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
LA NOTION D’ÉTAT
R. Carré de Malberg,
Contribution à la théorie générale de
l’État, p. 2s., (Extraits).
Dans chaque État, on trouve d’abord un
certain nombre d’hommes. Ce nombre peut
être plus ou moins considérable : il suffit que
ces hommes soient parvenus en fait à former
un corps politique autonome, c'est-à-dire
distinct des groupes étatiques voisins. Un
État, c’est donc avant tout une communauté
humaine. L’État est une forme de
groupement social. Ce qui caractérise cette
sorte de communauté, c’est qu’elle est une
collectivité publique, se superposant à tous
les groupements particuliers, d’ordre
domestique ou d’intérêt privé, ou même
d’intérêt public local, qui peuvent exister
entre ses membres. Tandis qu’à l’origine, les
individus n’ont vécu que par petits groupes
sociaux, famille, tribu, gens, isolés les uns
des autres quoique juxtaposés sur le même
sol, et ne connaissant chacun que son intérêt
particulier, les communautés étatiques se
sont formées en englobant tous les individus
qui peuplaient un territoire déterminé, en une
corporation unique, fondée sur la base de
l’intérêt général et commun qui unit entre
eux, malgré toutes les différences qui les
séparent, les hommes vivant côte à côte en
un même pays : corporation supérieure et
générale qui a constitué dés lors un peuple,
une nation. La nation, c’est donc l’ensemble
d’hommes et de populations concourant à
former un État et qui sont la substance
humaine de l’État. Et quant à ces hommes
pris individuellement, ils portent le nom de
nationaux ou encore de citoyens au sens
romain du mot civis : expression qui désigne
précisément le lien social qui, par-dessus
tous leurs rapports particuliers et touts leurs
groupements partiels, rattache tous les
membres de la nation à un corps unique de
société publique.
Le second élément constitutif des États,
c’est le territoire. Déjà on vient de voir
qu’un rapport de liaison nationale ne peut
prendre de consistance qu’entre hommes qui
L’État
se trouvent mis en contact par le fait même
de leur cohabitation fixe sur un ou plusieurs
territoires communs : le territoire est donc
l’un des éléments qui permettent à la nation
de réaliser son unité. Mais, en outre, une
communauté nationale n’est apte à former un
État qu’autant qu’elle possède une surface de
sol sur laquelle elle puisse s’affirmer comme
maîtresse d’elle-même et indépendante,
c'est-à-dire sur laquelle elle puisse tout à la
fois imposer sa propre puissance et repousser
l’intervention de toute puissance étrangère.
L’État a essentiellement besoin d’avoir un
territoire à soi, parce que telle est la
condition même de toute puissance étatique.
Si par exemple l’État possède quelque
puissance sur ceux de ses nationaux situés à
l’étranger, c’est dans la mesure seulement où
il lui est possible de leur appliquer sur son
propre territoire la sanction des prescriptions
qu’il prétend leur imposer, durant leur séjour
au dehors. En revanche, sur son territoire, la
puissance de l’État s’étend sur tous les
individus, étrangers comme nationaux.
Les auteurs modernes s’accordent à dire
que la relation juridique qui s’établit entre
l’État et son territoire, ne consiste pas en un
droit de dominium, mais bien d’imperium :
l’État n’a pas sur son sol une propriété, mais
seulement une puissance de domination, à
laquelle on donne habituellement dans la
terminologie française, le nom de
souveraineté territoriale. (…)
La véritable idée à laquelle il faut
s’arrêter à cet égard est donc que la sphère
de puissance de l’État coïncide avec l’espace
sur lequel s’étendent ses moyens de
domination. En d’autres termes, l’État exerce
sa puissance non pas seulement sur un
territoire, mais sur un espace, espace qui, il
est vrai, a pour base de détermination le
territoire lui-même.
Enfin et par dessus-tout, ce qui fait un
État, c’est l’établissement au sein de la
nation d’une puissance publique s’exerçant
supérieurement sur tous les individus qui
font partie du groupe national ou qui résident
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Principes généraux du Droit constitutionnel
seulement sur le sol national. L’examen des
États sous ce rapport révèle que cette
puissance publique tire son existence
précisément d’une certaine organisation du
corps national : organisation par laquelle
d’abord se trouve définitivement réalisée
l’unité nationale, et dont aussi le but
essentiel est de créer dans la nation une
volonté capable de prendre pour le compte
de celle-ci toutes les décisions que nécessite
la gestion de ses intérêts généraux : enfin,
organisation d’où résulte un pouvoir coercitif
permettant à la volonté ainsi constituée de
s’imposer aux individus avec une force
irrésistible. Ainsi, cette volonté directrice et
dominatrice s’exerce dans un double but :
d’une part elle fait les affaires de la
communauté ; d’autre part, elle fait des actes
d’autorité consistant soit à émettre des
prescriptions impératives et obligatoires, doit
à faire exécuter ces prescriptions.
implique pour l’État souverain l’exclusion de
toute subordination, de toute dépendance visà-vis des États étrangers. Grâce à la
souveraineté externe, l’État a donc une
puissance suprême, en ce sens que sa
puissance est dégagée de toute sujétion ou
limitation envers une puissance extérieure(1).
Dire que les États sont souverains dans leurs
relations réciproques, cela signifie aussi
qu’ils sont respectivement égaux les uns aux
autres, sans qu’aucun d’eux puisse prétendre
juridiquement à une supériorité ou autorité
quelconque sur aucun autre État. Dans
l’expression souveraineté externe, le mot
souveraineté est donc au fond synonyme
d’indépendance : il n’a ainsi qu’une portée
toute négative. Au contraire, dans
l’expression souveraineté interne, il semble
prendre une signification positive. La
souveraineté interne implique en effet que
l’État possède, soit dans ses rapports avec les
individus qui sont ses membres ou qui se
trouvent sur son territoire, soit dans ses
rapports avec tous autres groupements
publics ou privés formés au dedans de lui,
une autorité suprême, en ce sens que sa
volonté prédomine sur toutes les volontés de
ces individus ou groupes, celles-ci ne
possédant qu’une puissance inférieure à la
sienne. Le mot de souveraineté sert donc ici
à exprimer que la puissance étatique est la
plus haute puissance existant à l’intérieur de
l’État, qu’elle est une summa potestas.
En tenant compte de ces divers éléments
fournis par l’observation des faits, on
pourrait donc définir chacun des États in
concreto
comme
une
communauté
d’hommes, fixée sur un territoire propre et
possédant une organisation d’où résulte pour
le groupe envisagé dans ses rapports avec ses
membres, une puissance supérieure d’action,
de commandement et de coercition. (…)
Pris dans son acception précise, le mot
souveraineté désigne, non pas une
puissance, mais bien une qualité, une
certaine façon d’être, un certain degré de
puissance. La souveraineté c’est le caractère
suprême d’un pouvoir : suprême, en ce que
ce pouvoir n’en admet aucun autre ni audessus de lui, ni en concurrence avec lui.
Quand donc on dit que l’État est souverain, il
faut entendre par là que, dans la sphère où
son autorité est appelée à s’exercer, il détient
une puissance qui ne relève d’aucun autre
pouvoir et que ne peut être égalée par aucun
autre pouvoir.
Ainsi entendue, la souveraineté de l’État
est habituellement présentée comme double :
on la divise en souveraineté externe et
interne. La première se manifeste dans les
rapports internationaux des États. Elle
L’État
(1 )
Naturellement, ceci ne veut pas dire que l’État
souverain ne puisse se trouver tenu d’obligations
envers d’autres États : il peut être lié juridiquement
envers des États étrangers, comme aussi à
l’intérieur envers des particuliers ; seulement, il ne
pourra l’être qu’en vertu de sa propre et libre
volonté, de son consentement, et c’est en cela
même que consiste sa souveraineté.
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Principes généraux du Droit constitutionnel
LA DISTINCTION ÉTAT UNITAIRE / ÉTAT FÉDÉRAL
G. Scelle
Précis de droit des gens, (Extraits).
3 Critique
Les critères qui ont été cherchés pour
caractériser le fédéralisme et distinguer, en
particulier, ses formes les moins intégrées
de l'État et de l'État fédéral, l'ont été dans
trois directions : la distinction de nature
juridique entre l'État et les autres
collectivités juridiques ; la distinction entre
les collectivités personnes et les
collectivités sans personnalité ; la
possession ou la non possession de la
souveraineté. Ce sont des impasses où nous
ne saurions nous engager. Il n'y a pour
nous que des différences de degré ou de
forme entre les diverses réalisations du
fédéralisme. (...)
Les critères juridiques
Pour qui fait de la souveraineté la
caractéristique de l'État, il faut choisir
entre les termes d'une alternative :
reconnaître la qualité d'État à l'État fédéral
et la refuser à l'État membre, ou
inversement, car la souveraineté, dans son
sens classique est indivisible.
Certains auteurs ont essayé de
construire un partage de la souveraineté,
une discrimination de ses attributs entre
l'État fédéral et les États membres. Ils
aboutissaient ainsi à établir une situation
d'égalité statique entre l'État fédéral et ses
membres. Mais cette conception apparue
vite contraire aux faits : la répartition des
compétences n'est pas fixe et il y a
inégalité, superposition et contrôle de l'État
fédéral. Il a donc fallu opter. Certains ont
nié l'État fédéral en affirmant que les États
membres ne pouvaient se dépouiller de
leur souveraineté sans cesser d'être, qu'ils
ne pouvaient qu'en déléguer l'exercice, de
telle sorte que seuls ils restaient
souverains, et qu'il leur était juridiquement
L’État
possible d'annuler tout acte de l'État fédéral
contraire à la Constitution. Cette théorie,
elle aussi nettement démentie par les faits,
est connue sous le nom de la théorie de la
nullification.
Il restait alors qu'à nier le caractère
étatique des États membres, parti non
moins difficile à prendre, car c'est
assimiler l'État fédéral à l'État unitaire.
Pour y échapper on a voulu distinguer
entre la participation à la substance et la
participation à l'exercice de la souveraineté, et faire des États membres soit de
véritables organes de l'État fédéral, soit des
circonscriptions douées d'un pouvoir
particulier, celui de participer à la formation de la volonté de l'État fédéral.
Retenons cette notion de participation,
mais en notant qu'on ne peut concevoir la
distinction entre l'exercice et la substance
d'une compétence "souveraine", celle-ci
n'existant plus, par définition, si la faculté
de l'exercer disparaît.
Échappant alors à la sujétion du
critère de l'État souverain, des maîtres du
droit public ont essayé de caractériser l'État
fédéral en disant qu'il posséderait seul le
droit de souveraineté, tandis que ses
membres, tout en demeurant des États, ne
seraient plus souverains. Ils resteraient
cependant des États, parce qu'ils gardent
"le pouvoir de domination" dans toute la
limite où ils ne sont point subordonnés à
l'État fédéral, ou, ce qui revient au même,
une autonomie propre qui leur permet,
notamment,
de
s'organiser
constitutionnellement. Les États membres
deviennent ainsi des espèces d'États
médiatisés, États si l'on considère audessous d'eux leurs sujets de droit, simples
organes si l'on regarde au-dessus d'eux
l'État fédéral, l'entité politique complexe,
"l'État d'États". Malheureusement, cette
fois encore, on ne découvre pas de critère
juridique qui permette la distinction entre
ces États "médiatisés" et certaines
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Principes généraux du Droit constitutionnel
provinces ou pays décentralisés qui ont
aussi l'autonomie et le pouvoir de
commandement, et qui, souvent même,
jouissent de garanties internationales que
ne possèdent pas les États membres d'un
État fédéral. On voit même plus de
différence essentielle entre l'État fédéral et
la Confédération d'États dont les membres,
eux aussi, conservent leur qualité d'États,
mais perdent leur autonomie dans la
mesure où le pacte confédéral la leur
enlève. (...)
moins accentué dans l'État unitaire.
L'exemple typique est celui de la Prusse
d'après la Constitution de Weimar. Les
agents des circonscriptions décentralisées
de la Prusse collaborent aux décisions
gouvernementales des organes étatiques.
Cette participation se retrouve même dans
des États dont l'unitarisme n'est pas niable,
et pour les collectivités dont la
décentralisation est très peu poussée,
comme les communes ou les départements
français : les conseils municipaux et les
conseils généraux participent à la
formation d'une des chambres législatives,
et par conséquent, quoi qu'au deuxième
degré, aux décisions gouvernementales et
même constitutionnelles. La loi de
participation n'est donc pas un caractère
exclusif de l'État fédéral, ni même, du
fédéralisme. Elle est seulement de sa
nature.
4 La loi de participation
Nous voici maintenant en présence
d'une caractéristique dominante du
fédéralisme, mais dans toutes ses
modalités, et non seulement dans l'État
fédéral.
Participation à la formation de la
volonté de l'État fédéral, on ne peut
accepter la formule que comme une façon
de parler, une métaphore, dès lors que l'on
repousse la théorie de la personnalité de
l'État et, par la suite, l'existence d'une
volonté étatique distincte de celle des
gouvernants et agents. Les collectivités
composant n'ayant pas de volonté propre
ne peuvent contribuer à former la volonté
de la collectivité composée qui n'en a pas
d'avantage. Ce qu'il faut dire, c'est que les
gouvernants et agents des États membres
collaborent avec les gouvernants et agents
de l'État fédéral, à créer des situations
juridiques qui sont valables pour la
collectivité fédérale globale, et notamment,
participent aux modifications de la
Constitution, à la répartition des
compétences. C'est là en effet un trait
capital du fédéralisme ; c'est par lui qu'il
est un droit de collaboration et non de
subordination. Le trait apparaît dans tous
les États fédéraux. Mais il est encore
insuffisant pour servir de critère, car il ne
se trouve pas seulement dans l'État fédéral.
On le rencontre en effet, à un degré encore
plus accentué, dans la Confédération
d'États, et à un degré cette fois beaucoup
L’État
L'autonomie - C'est pourquoi on a
voulu compléter le critère en lui adjoignant
un nouvel élément. A la loi de participation
s'ajouterait l'autonomie des collectivités
fédéralisées, et il n'y aurait vraiment État
fédéral que lorsque la participation et
l'autonomie coexisteraient.
Malheureusement, le terme autonomie
est en soi assez vague. S'applique-t-il à
toute compétence de décision propre, ou
seulement aux décisions d'ordre législatif ?
Faut-il que l'autonomie aille jusqu'à la
compétence en matière constitutionnelle ?
On admet généralement qu'il n'y a État
fédéral que si les États membres possèdent
une certaine autonomie constitutionnelle.
Mais là encore, il faut bien constater qu'en
fait cette autonomie est plus ou moins
garantie selon les constitutions fédérales,
qu'elle ne l'est jamais complètement, sauf
les cas exceptionnel des droits réservés ;
qu'elle l'est parfois davantage pour
certaines provinces décentralisées ; qu'elle
l'est toujours beaucoup plus dans la
Confédération d'États. De telle sorte que ni
la participation des États membres à la
formation de la volonté fédérale, ni
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Principes généraux du Droit constitutionnel
l'autonomie entendue au sens d'autoorganisation ne fournissent un critérium
juridique propre à l'État fédéral.
Mais ce n'est pas un critère, car la garantie
de la compétence discrétionnaire par le
système juridique en vigueur, à un moment
donné, dans une collectivité composée ou
intersociale, se retrouve dans tous les
systèmes juridiques intersociaux, depuis
l'État le moins décentralisé jusqu'à la fédération la plus large.
C'est
une
approximation,
pas
d'avantage. Aussi a-t-on proposé de
compléter le critérium par un troisième
élément : la possession d'attributions
exclusives garanties par la constitution
fédérale aux organes des États membres.
Ce caractère de la compétence ne se retrouverait pas dans les circonscriptions
administratives des États unitaires, dont les
attributions
peuvent
toujours
être
modifiées par le législateur et non pas
seulement par le législateur constituant.
A notre avis, cette nouvelle
approximation est encore insuffisante à
distinguer l'État membre de certains pays
décentralisés ou provinces autonomes. En
outre ces "compétences exclusives" sont,
avons-nous
dit,
des
compétences
discrétionnaires et facultatives. Les autorités locales agissent seules, mais c'est
parce qu'il n'existe point de contrôle de
l'opportunité mais seulement un contrôle
de légalité. Ce dernier subsiste dans tous
les cas, sans quoi il n'y aurait pas de
régulateur des compétences entre systèmes
juridiques superposés.
La seule différence serait donc
finalement celle-ci : le déterminateur des
compétences serait, dans certains cas, dans
celui de l'État fédéral, le législateur ordinaire. Mais ce critère reste de nature
formelle car il n'y a entre la loi
constitutionnelle et la loi matérielle ordinaire qu'une différence formelle. Le critère
ne pourrait donc plus jouer dans les pays
où le législateur ordinaire a une
compétence constitutionnelle, par exemple
en Angleterre, ce qui exclurait du système
fédératif tout le Commonwealth. Une fois
de plus, nous dirons : l'attribution aux
gouvernants de collectivités inférieures de
compétences discrétionnaires, ce qui en
fait des gouvernants et non des agents, est
en effet un signe distinctif de l'État fédéral.
L’État
Notre conclusion générale sera donc
qu'il ne peut pas y avoir de critérium
juridique spécifique de l'État fédéral, pour
cette raison, par ailleurs exposée, qu'il n'y a
pas de critérium juridique spécifique de
l'État. Nous ne conclurons pas qu'il n'y a
pas d'État fédéral, pas plus que nous avons
conclu de l'absence de critérium juridique
de l'État à l'inexistence de l'État. Ce serait
nier la réalité. Nous dirons simplement que
l'État fédéral est, comme toutes les autres
formes sociales, un phénomène politicohistorique qui peut avoir les origines les
plus diverses et aboutir à des répartitions
de compétences très différentes. Il n'y a pas
une, mais plusieurs formes d'État fédéral ;
aucune ne peut être considérée comme la
forme type exclusive. L'État fédéral, n'est
lui-même que l'intégration la plus poussée
du fédéralisme, mais en étudiant le droit
positif, on s'aperçoit que ce n'est pas
toujours dans l'État fédéral que le génie du
fédéralisme est le mieux respecté, ni
l'indépendance
des
collectivités
fédéralisées la mieux assurée. L'État
fédéral, notamment, ne comporte pas
toujours une organisation suffisante pour
trancher le conflit de compétences entre les
autorités fédérales et les autorités locales.
On ne peut donc, scientifiquement, étudier
le fédéralisme qu'en fonction des autres
formes d'organisation politique dont il est
l'une, et rechercher ses caractéristiques
générales, sans s'obstiner à édifier des
critères juridiques qui ne peuvent pas
exister.
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Principes généraux du Droit constitutionnel
R. Carré de Malberg,
Contribution à la théorie générale de
l’État, pp. 102-111 (Extraits)
d'un État unitaire (Cf. G. Meyer, op. cit., 6e éd.,
p. 46). Sous ce premier rapport donc, on ne
peut considérer ni les États particuliers
comme des États, ni l'État fédéral comme un
État d'États.
36. — L'idée de corporation d'États étant écartée,
comment faut-il caractériser l'État fédéral? Pour
déterminer la nature de cet État, il est essentiel
d'observer que dans sa Constitution il entre à la
fois un principe unitaire et un principe fédératif.
L'État fédéral est tout ensemble un État et une
fédération d'États. D'une part, il tient de l'État
unitaire, et par là il se distingue de la
confédération d'États ; d'autre part, il est formé
d'États multiples reliés entre eux par un lien
fédératif, et par là il se différencie de l'État
unitaire. Il faut examiner successivement ces
deux aspects de l'État fédéral.
Sous un autre rapport au contraire, les
États
particuliers
se
distinguent
essentiellement de la commune ou province,
et par suite l'État fédéral se différencie, lui
aussi, de l'État unitaire. La différence capitale
entre les uns et les autres provient de ce que,
pour toutes les matières qui n'ont pas été
réservées à la compétence spéciale de l'État
fédéral, les États particuliers conservent, avec
l'organisation étatique qui leur est propre, la
faculté de se déterminer librement à euxmêmes leur propre compétence : en cela ils
sont des États. Au point de vue politique, en
effet, le type État fédéral répond à ce fait que
les peuples divers qui composent cet État, ont
entendu, tout en s'unifiant en lui à certains
égards, conserver pour le surplus leur
répartition et organisation en groupements
étatiques particuliers, groupements qui gardent
dès lors le pouvoir d'étendre leur compétence
à toutes les matières qui ne sont pas devenues
fédérales. Au point de vue juridique, la
Constitution fédérale reconnaît ces groupements
particuliers pour des États véritables, en tant qu'elle
admet qu'ils ont chacun le droit de s'organiser et de
fixer leur compétence par eux-mêmes, et de plus en
tant qu'elle admet que ce droit repose sur leur
propre puissance et non sur une délégation venue
de l'État fédéral. Dans cette sphère donc, l'État
particulier se comporte comme un État ordinaire
(Jellinek, loc. cit., p. 547); seulement, sa
compétence étant limitée par celle de l'État fédéral,
il est clair qu'il n'est pas un État souverain. (…)
A. L'État fédéral se présente d'abord sous un
aspect unitaire. Un État fédéral peut se former de
deux façons : par l'union d'États précédemment
indépendants, par le morcellement d'un État
précédemment unitaire. Si l’on raisonne en
particulier sur le premier cas, il est permis de
dire que la formation de l’État fédéral implique
l'unification des territoires multiples des États
confédérés en un nouveau territoire étatique
qui est celui de l'État fédéral, et en outre
l'unification
des
diverses
nations
respectivement comprises dans les États
confédérés en un corps national supérieur et
global qui est la nation fédérale. Au point de
vue politique, en effet, la naissance de l'État
fédéral répond aux aspirations unitaires de
peuples qui, soit parce qu'ils ont pris
conscience de leurs affinités, soit parce qu'ils
visent à un accroissement de puissance,
tendent à se réunir en une seule et même
population nationale. Au point de vue
juridique, l'État fédéral, pris en soi et envisagé
dans l'exercice de la compétence que lui
assigne en propre la Constitution fédérale,
ressemble à un État unitaire, en ce que —
comme le remarque Jellinek (loc. cit., t. II, p.
542-543 et 546-547) — dans la mesure de
cette compétence fédérale, les séparations et
frontières existant entre les États particuliers
disparaissent : en tant que soumis à la
puissance
fédérale,
les
territoires
et
populations multiples de ces États ne forment
plus qu'un territoire et qu'un peuple uniques.
Bien plus, dans la mesure de la compétence
fédérale, les États particuliers s'évanouissent
eux-mêmes : car, en tant que leurs sujets et
territoires sont soumis à la puissance directe
de l'État fédéral, ils ne sont pas plus des États
que ne sont États les communes ou provinces
L’État
37. — B. Jusqu’ici on n’a vu apparaître ni le côté
fédératif de l’État fédéral, ni le rapport de
fédération qui unit entre eux les États
particuliers, et qui vaut à l’État supérieur dans
lequel ils sont compris, son nom d’État fédéral.
D’après l’opinion commune (Le Fur, op. cit., p.
600 et s., 682 ; Jellinek, loc. cit., t. II, p. 243,
540-541, 543-544), le caractère fédératif de cet
État se révèle dans l’organisation spéciale et
fédérative de sa puissance étatique. Le trait
distinctif de l’État fédéral, à cet égard, consiste
en effet en ce que les États particuliers sont
appelés comme tels à participer à sa puissance et
à concourir à la formation de sa volonté. Non pas
sans doute en ce sens que la volonté fédérale se
confonde avec celle, même unanime, des États
confédérés ; s’il en était ainsi, l’État fédéral ne se
distinguerait plus de la confédération d’États, et
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Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
il cesserait d’être un État : car un État
quelconque ne peut exister qu’à la condition
d’avoir une volonté propre, ou plus exactement
des organes propres de sa volonté. Mais les États
particuliers participent à la puissance fédérale,
en ce que précisément ils sont appelés par la
Constitution fédérale à être des organes de l’État
fédéral. Cette participation est une condition
essentielle de l’État fédéral : le nom même de cet
État implique en lui du fédéralisme. De plus,
c’est en leur qualité d’États que les États
particuliers tiennent de la Constitution fédérale
un droit à participer, comme organes, à la
formation de la volonté fédérale (V. notamment
Jellinek, loc. cit., p. 556). (…)
Dans tout État fédéral on constate en effet qu'à
côté de la Chambre élue par le corps fédéral des
citoyens, il est institué une deuxième assemblée,
qui assurément dans son ensemble est un organe de
l'État fédéral, mais dont les membres pris
individuellement devraient, d'après une opinion fort
répandue (V. notamment Jellinek, loc. cit., t. II, p.
286); être considérés comme « représentant »
spécialement les États confédérés. La composition
de cette deuxième assemblée varie suivant que
l'État fédéral se trouve établi dans un milieu
monarchique ou démocratique. Dans le premier cas,
cette assemblée est formée des monarques régnant
sur les divers États confédérés ou — ce qui revient
au même — des mandataires délégués par les
Gouvernements monarchiques de ces divers États :
il en est ainsi en Allemagne, où le Bundesrat est
composé des fondés de pouvoir qui y sont envoyés
par les différents princes allemands et aussi par les
sénats des villes libres : d'où il résulte que cette
assemblée n'a aucunement le caractère d'un corps
parlementaire, mais uniquement d'une réunion de
plénipotentiaires des États. Dans l’État fédéral
démocratique au contraire, on rencontre une
véritable seconde Chambre, qui, comme la
première, est élue et qui peut même, comme c'est en
majeure partie le cas en Suisse (Veitb, Der
rechtliche Einfluss der Kantone auf die
Bundesgewalt, thèse Strasbourg, 1902, p. 84 et s.;
de Seroux, Le Conseil des États et la représentation
cantonale en Suisse, thèse, Paris, 1908, p. 123), être
élue par les mêmes électeurs que la première
Chambre. Mais, tandis que la première Chambre
correspondait à l'unité du peuple fédéral pris en
entier et envisagé sans distinction d'États, il est non
seulement incontestable que les États particuliers
sont pris en considération dans l'organisation
donnée à la seconde Chambre, mais encore il
semble qu'ils s'y trouvent, en un certain sens au
moins, spécialement et respectivement représentés :
cela ressort de ce fait que chacun d’eux, quels que
soient le chiffre de sa population et l'étendue de son
territoire, y possède un nombre égal d’élus. Cette
seconde Chambre apparaît ainsi, à la différence de
la première, comme la Chambre des États : aussi il
va de soi que chacun des États particuliers, et non
plus l'État fédéral détermine par ses propres lois le
régime électoral applicable à la nomination des
membres qu'il a à y envoyer. Bref, c'est dans cette
seconde Chambre que se manifeste le lien fédératif
qui relie les États confédérés entre eux et à l'État
fédéral, et en outre on prétend que, par cette
assemblée déjà, les États se trouvent habilités à
concourir à la formation de la volonté législative de
l’État fédéral.
38. — a. Dans tout État fédéral on trouve
d'abord certains organes qui n'ont point d'attaches
spéciales avec les États confédérés et qui ne
sauraient en aucun sens être considérés comme
réalisant une participation véritable de ces États à la
puissance fédérale : ils sont purement et
simplement organes constitutionnels de l'État
fédéral, et l'organisation de celui-ci est, sous ce
rapport, semblable à celle d'un État unitaire
(Jellinek, loc. cit., t. II, p. 544; Le Fur, op. cit., p.
614 et s.). Ces organes correspondent en effet à
l'unité étatique qui existe dans l'État fédéral et qui
doit y trouver son expression dans l'organisation de
sa puissance, de même qu'on a vérifié plus haut
cette unité quant aux deux autres éléments de cet
État, la population et le territoire. Les organes de
cette première catégorie peuvent être soit un chef
d'État héréditaire, soit un président tirant son
origine de l'élection par le corps fédéral des
citoyens, soit un conseil exécutif fédéral, soit le
corps des citoyens lui-même dans les pays comme
la Suisse où les citoyens sont appelés à se
gouverner directement. De plus, on trouve dans tout
État fédéral une assemblée législative élue par tous
les citoyens actifs que comprend cet État.
39 — b. Le côté fédératif de l'État fédéral
commence à se révéler d'une façon bien nette dans
une seconde sorte d'organes fédéraux, qui, ceux-ci,
ont des attaches particulières avec les États
confédérés, mais dont on ne saurait cependant
affirmer qu'ils aient pour destination absolue
d'exprimer et de faire valoir dans l'État fédéral les
volontés spéciales des États confédérés. Tel est le
cas d'un organe qui se retrouve dans tout État
fédéral et qui est l'une des institutions
caractéristiques de cette forme d'État : à savoir
l'assemblée dite des États.
L’État
8
Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
Constitution des États-Unis d’Amérique.
(Extraits).
D'établir des bureaux et des routes de
postes ;
De favoriser le progrès de la science et des
arts utiles, en assurant, pour un temps
limité, aux auteurs et inventeurs le droit
exclusif à leurs écrits et découvertes
respectifs ;
De constituer des tribunaux inférieurs à la
Cour suprême ;
De définir et punir les pirateries et crimes
commis en haute mer et les atteintes à la
loi des nations ;
De déclarer la guerre, d'accorder des lettres
de marque et de représailles, et d'établir
des règlements concernant les prises sur
terre et sur mer ;
De lever et d'entretenir des armées, sous
réserve qu'aucune affectation de crédits à
cette fin ne s'étende sur plus de deux ans ;
De créer et d'entretenir une marine de
guerre ;
D'établir des règlements pour le
commandement et la discipline des forces
de terre et de mer ;
De pourvoir à la mobilisation de la milice
pour assurer l'exécution des lois de
l'Union, réprimer les insurrections et
repousser les invasions ;
De pourvoir à l'organisation, l'armement et
la discipline de la milice, et au
commandement de telle partie d'icelle qui
serait employée au service des États-Unis,
en réservant aux États respectivement la
nomination des officier s et l'autorité
nécessaire pour instruire la milice selon les
règles de discipline prescrites par le
Congrès ;
D'exercer le droit exclusif de législation,
en toute matière, sur tel district (d'une
superficie n'excédant pas 10 milles au
carré) qui, par cession d'États particuliers
et sur acceptation du Congrès, sera devenu
le siège du gouvernement des États-Unis et
d'exercer semblable autorité sur tous lieux
acquis, avec le consentement de la
législature de l'État dans lequel ils seront
situés, pour l'érection de forts, dépôts,
arsenaux, chantiers navals et autres
constructions nécessaires ;
PRÉAMBULE
Nous, Peuple des États-Unis, en vue de
former une Union plus parfaite, d'établir la
justice, de faire régner la paix intérieure, de
pourvoir à la défense commune, de
développer le bien-être général et d’assurer
les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et
à notre postérité, nous décrétons et
établissons cette Constitution pour les
États-Unis d'Amérique. (…)
Article I (…)
Section 4. L'époque, le lieu et la procédure
des élections des sénateurs et des
représentants seront déterminés dans
chaque État par la législature de cet État ;
le Congrès peut toutefois, à tout moment,
déterminer ou modifier par une loi les
règles des élections, à l'exception de celles
relatives au lieu des élections des
sénateurs. (…)
Section 8. Le Congrès aura le pouvoir :
De lever et de percevoir des taxes, droits,
impôts et excises, de payer les dettes et
pourvoir à la défense commune et à la
prospérité générale des États-Unis ; mais
lesdits droits, impôts et excises seront
uniformes dans toute l'étendue des ÉtatsUnis ;
De faire des emprunts sur le crédit des
États-Unis ;
De réglementer le commerce avec les
nations étrangères, entre les divers États, et
avec les tribus indiennes ;
D'établir une règle uniforme de
naturalisation et des lois uniformes au sujet
des faillites applicables dans toute
l'étendue des États-Unis ;
De battre monnaie, d'en déterminer la
valeur et celle de la monnaie étrangère, et
de fixer l'étalon des poids et mesures ;
D'assurer la répression de la contrefaçon
des effets et de la monnaie en cours aux
États-Unis ;
L’État
9
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Principes généraux du Droit constitutionnel
Et de faire toutes les lois qui seront
nécessaires et convenables pour mettre à
exécution
les
pouvoirs
ci-dessus
mentionnés et tous autres pouvoirs
conférés par la présente Constitution au
gouvernement des États- Unis ou à l'un
quelconque de ses départements ou de ses
fonctionnaires.
comme faisant partie intégrante de la
présente Constitution, lorsqu'ils auront été
ratifiés par les législatures des trois quarts
des États, ou par des conventions dans les
trois quarts d'entre eux, selon que l'un ou
l'autre mode de ratification aura été
proposé par le Congrès. Sous réserve que
nul amendement qui serait adopté avant
l'année mi l huit cent huit ne puisse en
aucune façon affecter la première et la
quatrième clause de la neuvième section de
l'Article premier, et qu'aucun État ne soit,
sans son consentement, privé de l'égalité
de suffrage au Sénat.
Section 10. Aucun État ne pourra être
partie à un traité ou une alliance ou à une
Confédération ; accorder des lettres de
marque et de représailles ; battre monnaie ;
émettre du papier-monnaie, donner cours
légal, pour le paiement de dettes, à autre
chose que la monnaie d'or ou d'argent ;
promulguer aucun décret de confiscation,
aucune loi rétroactive ou qui porterait
atteinte aux obligations résultant de
contrats ; ni conférer des titres de noblesse.
Aucun État ne pourra, sans le
consentement du Congrès, lever des impôts
ou des droits sur les importations ou les
exportations autres que ceux qui seront
absolument nécessaires pour l'exécution de
ses lois d'inspection, et le produit net de
tous les droits ou impôts levés par un État
sur les importations ou les exportations
sera affecté à l'usage du Trésor des ÉtatsUnis ; et toutes ces lois seront soumises à
la révision ou au contrôle du Congrès.
Aucun État ne pourra, sans le
consentement du Congrès, lever des droits
de tonnage, entretenir des troupes ou des
navires de guerre en temps de paix,
conclure des accords ou des pactes avec un
autre État ou une puissance étrangère, ni
entrer en guerre, à moins qu'il ne soit
effectivement envahi ou en danger trop
imminent pour permettre le moindre délai.
Article V
Le Congrès, quand les deux tiers des deux
Chambres
l'estimeront
nécessaire,
proposera des amendements à la présente
Constitution ou, sur la demande des
législatures des deux tiers des États,
convoquera une convention pour en
proposer ; dans l'un et l'autre cas, ces
amendements seront valides à tous égards
L’État
X° Amendement
Les pouvoirs qui ne sont pas délégués aux
États-Unis par la Constitution, ni refusés
par elle aux États, sont conservés par les
États respectivement ou par le peuple.
XIV° Amendement
Section 1. Toute personne née ou
naturalisée aux États-Unis, et soumise à
leur juridiction, est citoyen des États-Unis
et de l'État dans lequel elle réside. Aucun
État ne fera ou n'appliquera de lois qui
restreint draient les privilèges ou les
immunités des citoyens des États-Unis ; ne
privera une personne de sa vie, de sa
liberté ou de ses biens sans procédure
légale régulière ; ni ne refusera à
quiconque relève de sa juridiction légale
protection des lois.
XV° Amendement
Section 1. Le droit de vote des citoyens
des États-Unis ne sera dénié ou limité par
les États-Unis, ou par aucun État, pour des
raisons de race, couleur, ou de condition
antérieure de servitude.
XVI° Amendement
Le Congrès aura le pouvoir d'établir et de
percevoir des impôts sur les revenus, de
quelque source qu'ils dérivent, sans
répartition parmi les divers États, et
indépendamment d'aucun recensement ou
énumération.
10
LE CAS PARTICULIER DE L’ÉTAT RÉGIONAL
P. Moderne et P. Bon, les autonomies
régionales dans la constitution espagnole.
pp. 48 et suivantes.
qu’une République fédérale était de nature à régler
le problème de l’État « multinational » espagnol et
qu’il convenait de tenir compte, dans ce cadre
général, des situations spécifiques de la Navarre, du
Pays Valencien, des Baléares et des Canaries.
Section III : Sur la nature de l’État espagnol.
Il n’est pas facile de qualifier l’État espagnol. Il
semble pour l’instant échapper aux catégories du
droit constitutionnel classique et, au demeurant, il
faudra attendre le terme du processus en cours pour
porter un jugement sur des bases plus solides. (…)
État régional ? État régionaliste ? État fédéralrégional ? État des autonomies ou État
« autonomique » ? Toutes ces étiquettes ont été
associées à l’État espagnol contemporain après la
Constitution du 27 décembre 1978. C’est dire
l’embarras des juristes. Une seule qualification a été
unanimement récusée (…) : celle d’État unitaire
centralisé.
Nous ne cherchons évidemment pas à trancher
dans une controverse dont toutes les données ne
sont pas clairement établies. Il faut quand même
aborder le problème sous deux angles principaux :
le thème du fédéralisme et celui de l’État régional.
Il apparaît en effet que le fédéralisme a été
nettement repoussé par les constituants (au même
titre que la théorie de l’État unitaire centralisé)
cependant que le modèle de l’État « régional » était
plus proche de leurs préoccupations.
§1. Le rejet du fédéralisme :
On a dit que, parmi les sources du régionalisme
en Espagne, les théories fédéralistes avaient leur
place. Le fédéralisme a même eu, avec la Première
République,
une
première
expression
constitutionnelle, mais sans lendemain.
Le courant fédéraliste n’a pas cessé d’alimenter
la réflexion politique depuis lors. La question a été
débattue lors des travaux préparatoires de la
Constitution du 9 décembre 1931. Mais la notion
d’État « intégral » qui fut adoptée alors entendait se
situer entre le concept d’État unitaire et celui d’État
fédéral. Par la suite, le parti socialiste (P.S.O.E.)
s’est montré favorable à l’institution de l’État
fédéral. La « résolution sur les nationalités » voté
au Congrès de 1976 préconisait une « République
fédérale des travailleurs composée par tous les
peuples de l’État espagnol » et décrivait les
structures souhaitables de l’organisation fédérale.
Le Parti Communiste, dans son manifesteprogramme de septembre 1975, estimait également
Après la mort de Franco, dans le vaste échange
de point de vue sur le devenir de l’Espagne dont la
presse redevenue libre se fit l’écho, les thèses
fédéralistes furent de nouveau avancées de divers
côtés. Dans une conférence prononcée le 16 janvier
1978 devant le Club XXIe siècle, le député
socialiste E. Mugica Herzog semblait toutefois
adopter une position de retrait par rapport aux
positions jusque là officielles de son parti : « ce que
nous proposons en tant que socialistes est un cadre
fédéral qui, sans faire obstacle à un futur État
fédéral, voit dans ce dernier le résultat d’un
processus naturel et non la satisfaction idéologique
d’un dogmatisme fait d’a priori ». (…)
Il ressort de l’analyse du texte constitutionnel
que la structure de l’État espagnol ne correspond
pas à celle d’un État fédéral en dépit de quelques
ambiguïtés.
D’abord, la Constitution écarte l’hypothèse
d’une pluralité d’États, caractéristique de l’État
fédéral/ Il n’y a qu’un seul État espagnol (Article 11), une seule souveraineté nationale (Article 1-2).
La volonté du peuple espagnol s’exprime de
diverses manières : par les partis politiques (Article
6), par l’initiative populaire (Article 87-3), par le
référendum populaire (Article 92), par les élections
aux Cortes Générales (Article 66-1). L’unité de
l’État reflète « l’indissoluble unité de la Nation
Espagnole » dont fait état l’article 2.
Ensuite les Communautés autonomes ne
disposent pas du pouvoir constituant, et la création
de l’État espagnol ne résulte pas d’un accord entre
entités souveraines préexistantes (…). Les
théoriciens du fédéralisme ont souvent insisté sur
cette analyse. Les statuts des Communautés
autonomes ne sauraient être regardés comme des
Constitutions au sens plein du terme, même s’il
existe des analogies entre le « pouvoir constituant »
et le « pouvoir statutaire ». Les statuts ne peuvent
entrer en vigueur qu’au terme d’un processus
faisant intervenir les Cortes Générales et le vote
d’une loi organique. Selon certains auteurs,
l’établissement d’un État fédéral à partir de la
situation d’un État unitaire supposerait une
redistribution des compétences entre État fédéral et
les États fédérées et, concrètement, la
reconnaissance au profit de ces derniers d’un
pouvoir constituant.
Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
L’État était jusqu’alors un État unitaire
centralisé. Sa mutation constitutionnelle l’a amené à
répartir le pouvoir politique, à partir d’un acte
souverain (la Constitution), entre diverses entités
dont il reconnaît le droit à l’autonomie. Même si les
finalités de l’État fédéral sont identiques, la
procédure est différente, souligne-t-on le cas
échéant.
d’État « intégral » dont la présentation fut faite par
L.Jimenez de Asua dans son discours célèbre
devant les Cortes Constituantes. Mais le terme ne
réussira pas à acclimater et il n’était pas
juridiquement des plus clairs. L’État « intégral » se
caractérisait par le droit à l’autonomie des régions
et des communes ; il se voulait une « synthèse » de
l’État unitaire et de l’État fédéral.
On notera encore que la deuxième chambre (le
Sénat) ne peut être considéré comme une deuxième
Chambre fédérale, malgré la volonté des Cortes
d’en faire une chambre de « représentation
territoriale » (Article 69-1) et le droit, pour les
Communautés autonomes, de désigner un sénateur
supplémentaire par millions d’habitants (Article 695). Au demeurant, les Cortes Générales
« représentent le peuple espagnol ». (…)
La notion d’État régional a été développée à
partir des expériences de la Constitution
républicaine espagnole du 9 décembre 1931 et de la
Constitution italienne du 27 décembre 1947. En
Espagne, la promotion en est assurée
inlassablement par le professeur J.Ferrando Badia.
Par ailleurs, la révision de la Constitution
(Articles 166 et suivants) ne fait pas intervenir
directement les Communautés autonomes et
n’attribuent pas un rôle particulier au Sénat, plus
proche malgré tout des Communautés autonomes.
On ajoutera que l’article 145 interdit la
« fédération des Communautés autonomes » (« en
aucun cas la fédération des Communautés
autonomes ne sera admise »). (…)
On est donc, sur le plan juridique, en dehors du
cadre de l’État fédéral. Mais certaines similitudes
existent malgré tout entre « l’État des autonomies »
et l’État fédéral classique.
Sur le plan du fonctionnement concret du
système, par exemple, la convergence des résultats
obtenus par la Constitution espagnole et celle des
États fédéraux a parfois été soulignée. Une partie de
la doctrine s’interroge d’ailleurs sur la portée exacte
du fédéralisme dans plusieurs États contemporains
et estime que les Communautés autonomes
bénéficient de pouvoirs peut être plus importants
que certains États fédérés. La technique de
répartition des compétences entre l’État et les
Communautés autonomes n’est pas sans rappeler,
au surplus, celle des États fédéraux. Comme la
Constitution du 27 décembre 1978 ne définit pas la
nature de l’État espagnol, on a proposé parfois d’y
voir un État « fédéral-régional ».
Le concept d’État régional fait l’objet de
nombreuses controverses dans la doctrine
espagnole.
L’entité de base, la région, doit être
appréhendée juridiquement selon les théoriciens de
l’État régional, comme une collectivité territoriale
de droit public dotée de l’autonomie législative.
L’autonomie législative est donc un des traits
distinctifs de la région par rapport à la collectivité
administrative décentralisée qui ne dispose que du
pouvoir réglementaire. Mais la région n’a pas le
pouvoir de se doter d’une Constitution – ce qui la
sépare de l’État fédéré. Si les régions bénéficient
d’une autonomie statutaire, en ce sens qu’elles
peuvent déterminer leur organisation interne, ce
pouvoir, on l’a dit, ne saurait être regardé comme
un pouvoir constituant. Le degré d’autonomie laissé
sur ce point aux autres collectivités territoriales est
évidemment
moindre :
leur
organisation
administrative est déterminée par les textes
étatiques, et il s’agit d’un modèle uniforme. (…)
La distinction de l’État régional, de l’État
unitaire et de l’État fédéral oppose les auteurs.
Nombreux sont ceux qui voient dans l’État régional
une variante de l’État unitaire. D’autres y voient
une forme de l’État fédéral. D’autres encore
s’efforcent de maintenir l’originalité juridique de
l’État régional. Il semble que la doctrine espagnole
soit aujourd’hui plus favorable à ce dernier
courant ; elle insiste volontiers sur la spécificité du
modèle d’État proposé par la Constitution du 27
décembre 1978.
§2. Le modèle de « l’État régional »
La catégorie « État régional » distincte de
l’État fédéral et de l’État unitaire centralisé pourrait
trouver une illustration supplémentaire dans la
Constitution espagnole de 1978.
Déjà la Constitution de 1931 avait tenté
d’introduire dans le vocabulaire politique le concept
L’État
12
Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
La Constitution espagnole (Extraits)
5. Les Communautés autonomes désigneront, en outre, un
sénateur, en plus de celui qu’elles désignent pour chaque million
d’habitants de leur territoire respectif. La désignation incombera
à l’assemblée législative ou, en son absence, à l’organe collégial
supérieur de la Communauté autonome, conformément aux
dispositions des statuts qui assureront, dans tous les cas, la
représentation proportionnelle adéquate. (…)
PRÉAMBULE
La nation espagnole, désirant établir la justice, la liberté et la
sécurité et promouvoir le bien de tous ceux qui la composent,
proclame, en faisant usage de sa souveraineté, sa volonté de:
Garantir la coexistence démocratique dans le cadre de la
Constitution et des lois, suivant un ordre économique et social
juste.
Consolider un État de droit qui assurera l’empire de la loi, en
tant qu’expression de la volonté populaire.
Protéger tous les Espagnols et les peuples d’Espagne dans
l’exercice des droits de l’homme, de leurs cultures et de leurs
traditions, de leurs langues et de leurs institutions.
Promouvoir le progrès de la culture et de l’économie afin
d’assurer à tous une digne qualité de vie.
Établir une société démocratique avancée, et Collaborer au
renforcement de relations pacifiques et d’une coopération
efficace avec tous les peuples de la Terre.
C’est pourquoi, les Cortés approuvent et le peuple espagnol
ratifie la suivante
TITRE PRÉLIMINAIRE
Article 1. 1. L’Espagne se constitue en un État de droit social et
démocratique qui proclame comme valeurs suprêmes de son
ordre juridique la liberté, la justice, l’égalité et pluralisme
politique.
2. La souveraineté nationale réside dans le peuple espagnol
duquel émanent les pouvoirs de l’État.
3. La forme politique de l’État espagnol est la Monarchie
parlementaire.
Art. 2. La Constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la
nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les
Espagnols. Elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des
nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre
elles.
Art. 3. 1. Le castillan est la langue espagnole officielle de l’État.
Tous les Espagnols ont le devoir de la connaître et le droit de
l’employer.
2. Les autres langues de l’Espagne seront aussi officielles dans
les Communautés autonomes respectives, conformément à leurs
statuts.
3. La richesse des différentes modalités linguistiques de
l’Espagne est un patrimoine culturel qui sera respecté et protégé
de façon particulière.
Art. 4. 1. Le drapeau espagnol se compose de trois bandes
horizontales, rouge, jaune et rouge; la bande jaune ayant une
largeur double de chacune des bandes rouges.
2. Les statuts pourront reconnaître des drapeaux et des enseignes
propres aux Communautés autonomes. Ils seront utilisés à côté
du drapeau espagnol sur leurs édifices publics et à l’intérieur de
ceux-ci et à leurs cérémonies officielles. (…)
TITRE III.-Des Cortes générales
CHAPITRE PREMIER.-Des Chambres (…)
Art. 69. 1. Le Sénat est la Chambre de représentation territoriale.
2. Dans chaque province quatre sénateurs seront élus au suffrage
universel, libre, égalitaire, direct et secret par les votants de
chacune d’elles, dans les termes que définira une loi organique.
3. Dans les provinces insulaires, chaque île ou groupe d’îles
ayant un "cabildo" ou conseil insulaire constituera une
circonscription aux effets de l´élection des sénateurs; trois
sénateurs seront élus dans chacune des grandes îles —Grande
Canarie, Majorque et Tenerife— et un sénateur dans chacune des
îles ou groupes d’îles suivants: Ibiza-Formentera, Minorque,
Fuerteventura, Gomera, Hierro, Lanzarote et La Palma.
4. Les villes de Ceuta et Melilla éliront chacune deux sénateurs.
L’État
TITRE VIII.-De l’organisation territoriale de l’État
CHAPITRE PREMIER.-Principes généraux
Art. 137. L’État se compose, dans son organisation territoriale,
de communes, de provinces et des Communautés autonomes qui
seront constituées. Toutes ces entités jouissent d’une autonomie
pour la gestion de leurs intérêts respectifs.
Art. 138. 1. L’État garantit l’application effective du principe de
solidarité consacré à l’article 2 de la Constitution, en veillant à
l’établissement d’un équilibre économique approprié et juste
entre les différentes parties du territoire espagnol, compte tenu
tout particulièrement des circonstances propres à l’insularité.
2. Les différences entre les statuts des diverses Communautés
autonomes ne pourront impliquer, en aucun cas, des privilèges
économiques ou sociaux.
Art. 139. 1. Tous les Espagnols ont les mêmes droits et les
mêmes obligations dans n’importe quelle partie du territoire de
l’État.
2. Aucune autorité ne pourra adopter des mesures qui
directement ou indirectement entraveraient la liberté de
circulation et d’établissement des personnes et la libre
circulation des biens sur tout le territoire espagnol.
CHAPITRE II.-De l’administration locale
Art. 140. La Constitution garantit l’autonomie des communes.
Celles-ci jouiront d’une personnalité juridique complète. Leur
gouvernement et leur administration incombent à leurs conseils
municipaux respectifs, formés par les maires et les conseillers.
Les conseillers seront élus par les habitants de la commune au
suffrage universel, égalitaire, libre, direct et secret, sous la forme
établie par la loi. Les maires seront élus par les conseillers ou par
les habitants. La loi déterminera les conditions dans lesquelles il
conviendra d’établir le régime du conseil ouvert.
Art. 141. 1. La province est une entité locale ayant une
personnalité juridique propre, déterminée par le groupement de
communes, ainsi qu’une division territoriale en vue de mener à
bien les activités de l’État. Toute modification des limites
provinciales devra être approuvée par les Cortes générales au
moyen d’une loi organique.
2. Le Gouvernement et l’administration autonome des provinces
seront confiés à des Conseils généraux ou à des collectivités à
caractère représentatif.
3. On pourra créer des groupements de communes différents des
provinces.
4. Dans les archipels, les îles disposeront, en outre, de leur
propre administration sous forme de "Cabildos" ou Conseils.
Art. 142. Les Finances locales devront disposer des moyens
suffisants pour exercer les fonctions que la loi attribue aux
collectivités
respectives;
ces
moyens
proviendront
essentiellement de leur propre imposition et de leur participation
à celle de l’État et des Communautés autonomes.
CHAPITRE III.-Des Communautés autonomes
Art. 143. 1. En application du droit à l’autonomie reconnu à
l’article 2 de la Constitution, les provinces limitrophes ayant des
caractéristiques historiques, culturelles et économiques
communes, les territoires insulaires et les provinces ayant une
entité régionale historique pourront se gouverner eux-mêmes et
se constituer en communautés autonomes, conformément aux
dispositions du titre VIII et des statuts respectifs.
13
Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
2. Le droit d’initiative, en matière d’autonomie, incombe à tous
les Conseils généraux intéressés ou à l’organe inter insulaire
correspondant et aux deux tiers des communes dont la
population représente au moins la majorité du corps électoral de
chaque province ou de chaque île. Ces conditions devront être
remplies dans le délai de six mois à partir de l’adoption du
premier accord en la matière par l’une des collectivités locales
intéressées.
3. L’initiative, si elle n’aboutit pas, ne pourra pas être reprise
avant cinq ans.
Art. 144. Les Cortes générales pourront, par une loi
organique, et pour des motifs d’intérêt national:
a) Autoriser la constitution d’une communauté autonome lorsque
son territoire ne dépasse pas celui d’une province et ne réunit pas
les conditions de l’article 143, paragraphe 1.
b) Autoriser ou, s’il y a lieu, agréer un statut d’autonomie pour
des territoires qui ne sont pas intégrés dans l’organisation
provinciale.
c) Exercer le droit d’initiative en lieu et place des collectivités
locales auxquelles ce droit incombe, conformément à l’article
143, paragraphe 2.
Art. 145. 1. On n´admettra, en aucun cas, la fédération de
Communautés autonomes.
2. Les statuts pourront prévoir les cas, les conditions et les
termes dans lesquels les Communautés autonomes pourront
conclure des accords entre elles pour la gestion et la prestation
de services qui leur sont propres, ainsi que le caractère et les
effets de la communication correspondante aux Cortés générales.
Dans les autres cas, les accords de coopération entre les
Communautés autonomes requerront l’autorisation des Cortes
générales.
Art. 146. Le projet de statut sera élaboré par une assemblée
composée des membres du Conseil général ou de l’organe inter
insulaire des provinces intéressées et par les députés et les
sénateurs élus dans chacune d’elles et sera transmis aux Cortés
générales pour qu’il lui soit donné cours en tant que loi.
Art. 147. 1. Dans le cadre de la Constitution, les statuts seront la
norme institutionnelle fondamentale de chaque Communauté
autonome et l’État les reconnaîtra et les protégera comme partie
intégrante de son ordre juridique.
2. Les statuts d’autonomie devront contenir:
a) Le nom de la Communauté qui correspondra le mieux à son
identité historique.
b) La délimitation de son territoire.
c) La dénomination, l’organisation et le siège des institutions
autonomes propres.
d) Les compétences assumées dans le cadre établi par la
Constitution et les bases pour le transfert des services
correspondants à ces compétences.
3. Toute révision des statuts suivra la procédure établie par ceuxci et exigera, en tout cas, l’approbation des Cortés générales, au
moyen d’une loi organique.
Art. 148. 1. Les Communautés autonomes pourront assumer des
compétences dans les matières suivantes:
1) L’organisation de leurs institutions de gouvernement
autonomes.
2) Les modifications des limites des communes comprises dans
leur territoire et, en général, les fonctions qui incombent à
l’administration de l’État en ce qui concerne les collectivités
locales et dont le transfert est autorisé par la législation sur le
Régime local.
3) L’aménagement du territoire, l’urbanisme et le logement.
4) Les travaux publics intéressant la Communauté autonome sur
son propre territoire.
5) Les chemins de fer et les routes dont le parcours se trouve
intégralement sur le territoire de la Communauté autonome et,
dans les mêmes conditions, le transport assuré par ces moyens ou
par câble.
6) Les ports de refuge, les ports et les aéroports de plaisance et,
en général, ceux qui n’ont pas d’activités commerciales.
7) L’agriculture et l’élevage conformément à l’ordonnancement
général de l’économie.
8) Les eaux et forêts et l’exploitation forestière.
9) La gestion en matière de protection de l’environnement.
10) Les projets, la construction et l’exploitation des installations
hydrauliques, des canaux et des systèmes d’irrigation, présentant
un intérêt pour la Communauté autonome, et les eaux minérales
et thermales.
11) La pêche dans les eaux intérieures, l’exploitation des fruits
de mer et l’aquiculture, la chasse et la pêche fluviale.
12) Les foires locales.
13) Le développement de l’activité économique de la
Communauté autonome dans le cadre des objectifs fixés par la
politique économique nationale.
14) L’artisanat.
15) Les musées, les bibliothèques et les conservatoires de
musique, présentant un intérêt pour la Communauté autonome.
16) Le patrimoine monumental présentant un intérêt pour la
Communauté autonome.
17) Le développement de la culture, de la recherche et, s’il y a
lieu, de l’enseignement de la langue de la Communauté
autonome.
18) La promotion et l’aménagement du tourisme sur leur
territoire.
19) La promotion du sport et l’utilisation adéquate des loisirs.
20) L’assistance sociale.
21) La santé et l’hygiène.
22) La surveillance et la protection de leurs édifices et de leurs
installations. La coordination et d’autres fonctions en rapport
avec les polices locales selon les dispositions que déterminera
une loi organique.
2. Au terme d’une période de cinq ans et par la révision de leurs
statuts, les Communautés autonomes pourront étendre
successivement leurs compétences dans le cadre établi à l’article
149.
Art. 149. 1. L’État jouit d’une compétence exclusive dans les
matières suivantes:
1) La réglementation des conditions fondamentales qui
garantissent l’égalité de tous les Espagnols dans l’exercice de
leurs droits et dans l’accomplissement des devoirs
constitutionnels.
2) La nationalité, l’immigration, l’émigration, l’extranéité et le
droit d’asile.
3) Les relations internationales.
4) La défense et les Forces armées.
5) L’administration de la justice.
6) La législation commerciale, pénale et pénitentiaire; la
législation de la procédure, sans préjudice des spécialités
nécessaires qui, dans ce domaine, découlent des particularités du
droit substantiel des Communautés autonomes.
7) La législation du travail, sans préjudice de son application par
les organes des Communautés autonomes.
8) La législation civile, sans préjudice de la conservation, de la
modification et du développement, par les Communautés
autonomes, des droits civils, des droits découlant des "fueros" ou
des droits particuliers là où ils existent. Dans tous les cas, les
règles relatives à l’application et à l’efficacité des normes
juridiques, le cadre juridique en droit civil des formes de
mariage, l’organisation des registres et instruments publics, les
bases des obligations contractuelles, les normes visant à
résoudre, les conflits de lois et la détermination des sources du
droit, compte tenu, dans ce dernier cas, des normes du droit
découlant des "fueros" ou du droit spécial.
9) La législation de la propriété intellectuelle et industrielle.
10) Le régime douanier et tarifaire; le commerce extérieur.
11) Le système monétaire: devises, change et convertibilité; les
bases de l’organisation du crédit, des banques et des assurances.
12) La législation des poids et mesures et la détermination de
l’heure officielle.
13) Les bases et la coordination de la planification générale de
l‘activité économique.
14) Les finances générales et la dette de l’État.
15) Le développement et la coordination générale de la
recherche scientifique et technique.
16) La santé extérieure. Les bases et la coordination générale de
la santé. La législation sur les produits pharmaceutiques.
17) La législation fondamentale et le régime économique de la
sécurité sociale, sans préjudice de la mise en œuvre de ses
services par les Communautés autonomes.
18) Les fondements du régime juridique des administrations
publiques et du régime statutaire de leurs fonctionnaires qui,
dans tous les cas, garantiront aux administrés un traitement
L’État
14
Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
commun devant elles; la procédure administrative commune,
sans préjudice des spécialités découlant de l’organisation propre
des Communautés autonomes; la législation sur l’expropriation
obligatoire; la législation fondamentale sur les contrats et les
concessions administratives et le système de responsabilité de
toutes les administrations publiques.
19) La pèche maritime, sans préjudice des compétences qui, dans
l’organisation du secteur, seront accordées aux Communautés
autonomes.
20) La marine marchande et le pavillon des bateaux, l’éclairage
des côtes et la signalisation maritime; les ports d’intérêt général;
les aéroports d’intérêt général; le contrôle de l’espace aérien, le
transit et le transport aériens; les services météorologiques et
l’immatriculation des aéronefs.
21) Les chemins de fer et les transports terrestres qui traversent
le territoire de plus d’une Communauté autonome ; le régime
général des communications; le trafic et la circulation des
véhicules à moteur ; les postes et télécommunications, les câbles
aériens et sous-marins et les radiocommunications.
22) La législation, l’aménagement et la concession des
ressources et installations hydrauliques lorsque les eaux
traversent plus d’une Communauté autonome et l´autorisation de
procéder à des installations électriques lorsque leur utilisation
affecte une autre Communauté ou lorsque le transport d’énergie
dépasse les limites de son territoire.
23) La législation fondamentale sur la protection de
l’environnement sans préjudice des facultés qu’ont les
Communautés autonomes de définir des normes additionnelles
de protection. La législation fondamentale des eaux et forêts, de
l’exploitation forestière et des chemins suivis par les troupeaux.
24) Les travaux publics d’intérêt général ou dont la réalisation
concerne plus d’une Communauté autonome.
25) Les bases du régime minier et énergétique.
26) Le régime de production, commerce, détention et usage
d’armes et explosifs.
27) Les normes fondamentales du régime de la presse, de la
radio et de la télévision et, en général, de tous les moyens de
communication sociale, sans préjudice des facultés qui
incombent aux Communautés autonomes en ce qui concerne son
développement et son application.
28) La protection du patrimoine culturel, artistique et
monumental espagnol contre son exportation et son spoliation;
les musées, les bibliothèques et les archives appartenant à l´État,
sans porter atteinte à leur gestion par les Communautés
autonomes.
29) La sécurité publique, sans préjudice de la possibilité, pour
les Communautés autonomes, de créer des polices sous la forme
qu’établiront leurs statuts respectifs, dans le cadre des
dispositions d’une loi organique
30) La réglementation des conditions d’obtention, d’expédition
et d’homologation de titres universitaires et professionnels et les
normes fondamentales pour le développement de l’article 27 de
la Constitution, afin de garantir le respect des obligations des
pouvoirs publics en cette matière.
31) La statistique aux fins de l´État.
32) L’autorisation de convoquer des consultations populaires par
voie de référendum.
2. Sans préjudice des compétences que pourront assumer les
Communautés autonomes, l´État considérera le service de la
culture comme un devoir et une attribution essentielle et
facilitera la communication culturelle entre les Communautés
autonomes, en accord avec elles.
3. Les matières qui ne sont pas expressément attribuées à l’État
par la Constitution pourront incomber aux Communautés
autonomes, conformément à leurs statuts respectifs. La
compétence dans les matières qui ne figurent pas dans les statuts
d’autonomie incombera à l´État, dont les normes prévaudront, en
cas de conflit, sur celles des Communautés autonomes dans tous
les domaines qui ne leur seront pas réservés exclusivement. Le
droit étatique suppléera, dans tous les cas, le droit des
Communautés autonomes.
Art. 150. 1. Les Cortes générales pourront, dans les matières
relevant de la compétence de l’État, attribuer à toutes les
Communautés autonomes ou à certaines d’entre elles la faculté
de décréter, en ce qui les concerne, des normes législatives dans
le cadre des principes, des bases et des directives fixés par une
loi étatique.
Chaque loi-cadre arrêtera, sans préjudice de la compétence des
tribunaux, les modalités de contrôle qu’exerceront les Cortes
générales sur les normes législatives des Communautés
autonomes.
2. L’État pourra transférer ou déléguer aux Communautés
autonomes, par une loi organique, des facultés lui appartenant
qui, par leur nature même, sont susceptibles d’être transférées ou
déléguées. La loi prévoira, dans chaque cas, le transfert
correspondant de moyens financiers, ainsi que les formes de
contrôle que l’État se réservera.
3. Lorsque l’intérêt général l’exigera, l’État pourra promulguer
des lois qui établiront les principes nécessaires à l’harmonisation
des dispositions normatives des Communautés autonomes,
même pour des matières relevant de la compétence de celles-ci.
L’appréciation de cette nécessité incombe aux Cortes générales,
à la majorité absolue des membres de chaque Chambre.
Art. 151. 1. Il ne sera pas nécessaire de laisser passer le délai de
cinq ans auquel se réfère l’article 148, paragraphe 2, lorsque, non
seulement les Conseils généraux ou les organes inter insulaires
correspondants, mais aussi les trois quarts des communes de
chacune des provinces intéressées qui représentent, au moins, la
majorité du corps électoral de chacune d’elles, décident
d’exercer le droit d’initiative, en matière d’autonomie, dans le
délai prévu à l’article 143, paragraphe 2, et que cette initiative
est ratifiée, par voie de référendum, par la majorité absolue des
électeurs de chaque province, dans les termes qu’une loi
organique établira.
2. Dans le cas prévu au paragraphe précédent, la procédure
d’élaboration du statut sera la suivante:
1.º Le Gouvernement convoquera tous les députés et sénateurs
élus dans les circonscriptions comprises dans le territoire qui
aspire à se gouverner lui-même pour qu’ils se constituent en
assemblée, à la seule fin d’élaborer le projet de statut
d’autonomie correspondant, avec l’accord de la majorité absolue
de ses membres.
2º Dés qu’il sera adopté par l´assemblée de parlementaires, le
projet de statut sera remis à la Commission constitutionnelle du
Congrès qui, dans le délai de deux mois, l’examinera avec le
concours et l’assistance d’une délégation de l’assemblée qui en a
fait la proposition, afin de déterminer, d’un commun accord, sa
rédaction définitive.
3º S’il y a accord, le texte adopté sera soumis, par voie de
référendum, au corps électoral des provinces comprises dans le
territoire visé par le projet de statut.
4º Si le projet de statut est approuvé, dans chaque province, à la
majorité des votes valablement exprimés, il sera déféré aux
Cortés générales. Les deux Chambres, convoquées en réunion
plénière, se prononceront sur le texte par un vote de ratification.
Un fois adopté, le statut sera sanctionné par le Roi qui le
promulguera en tant que loi.
5º S’il n’y a pas accord conformément à l’alinéa 2.0 du présent
paragraphe, le projet de statut sera remis en tant que projet de loi
aux Cortes générales. Le texte adopté par celles-ci sera soumis,
par voie de référendum, au corps électoral des provinces faisant
partie du territoire visé par le projet de statut. S’il est approuvé
par la majorité des votes valablement exprimés dans chaque
province, on procédera à sa promulgation selon les dispositions
de l’alinéa 4º
3. En ce qui concerne les alinéas 4º et 5º du paragraphe
précédent, le fait que le projet de statut ne soit pas approuvé par
une ou plusieurs provinces n’empêchera pas les autres provinces
de constituer la Communauté autonome envisagée, sous la forme
qu’établira la loi organique prévue au paragraphe 1 du présent
article.
Art. 152. 1. Dans les statuts approuvés par la procédure définie à
l’article 151, l’organisation institutionnelle autonome se fondera
sur une assemblée législative élue au suffrage universel, suivant
un système de représentation proportionnelle qui assurera, en
outre, la représentation des différentes zones du territoire, un
Conseil de Gouvernement qui exercera les fonctions exécutives
et administratives et un président, élu par l’assemblée parmi ses
membres et nommé par le Roi, qui sera chargé de diriger le dit
Conseil de Gouvernement, représentation suprême de la
Communauté autonome et représentation ordinaire de l´État dans
L’État
15
Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
celle-ci. Le président et les membres du Conseil de
Gouvernement seront politiquement responsables devant
l’assemblée.
Un Tribunal supérieur de justice, sans préjudice de la juridiction
propre au Tribunal suprême, sera le plus haut responsable de
l’organisation judiciaire du territoire de la Communauté
autonome. Les statuts des Communautés autonomes pourront
établir la base et les formes de participation de celles-ci dans
l’organisation des circonscriptions judiciaires du territoire,
conformément aux dispositions de la loi organique du pouvoir
judiciaire et compte tenu de l’unité et de l’indépendance de
celui-ci.
Sans préjudice des dispositions de l’article 123, les appels
successifs seront formés, s’il y a lieu, devant des organes
judiciaires situés dans le territoire de la Communauté autonome
où se trouve l’organe compétent en première instance.
2. Une fois sanctionnés et promulgués, les divers statuts ne
pourront être modifiés qu’en vertu de la procédure qu’ils
prévoient à cet effet et par un référendum auquel participeront
les électeurs recensés sur les listes correspondantes.
3. Par le groupement de communes limitrophes, les statuts
pourront créer des circonscriptions territoriales propres qui
jouiront d’une pleine personnalité juridique.
Art. 153. Le contrôle de l’activité des organes des Communautés
autonomes s’exercera :
a) Par le Tribunal constitutionnel en ce qui concerne la
constitutionnalité de leurs dispositions normatives ayant force de
loi.
b) Par le Gouvernement, après avis du Conseil d’État, en ce qui
concerne l’exercice des fonctions déléguées auxquelles se réfère
l’article 150, paragraphe 2.
c) Par la juridiction du contentieux administratif, en ce qui
concerne l’administration autonome et ses normes
réglementaires.
d) Par la Cour de comptes, en ce qui concerne les matières
économiques et budgétaires.
Art. 154. Un délégué, nommé par le Gouvernement, sera chargé
de diriger l’administration de l’État dans le territoire de la
Communauté autonome et de la coordonner, s’il y a lieu, avec
l’administration propre de la Communauté.
Art. 155. 1. Si une Communauté autonome ne remplit pas les
obligations que la Constitution ou les autres lois lui imposent ou
agit de façon à porter gravement atteinte à l’intérêt général de
l’Espagne, le Gouvernement, après avoir préalablement mis en
demeure le Président de la Communauté autonome et si cette
mise en demeure n’aboutit pas, pourra, avec l’approbation de la
majorité absolue des membres du Sénat, prendre les mesures
nécessaires pour la contraindre à respecter ces obligations ou
pour protéger l’intérêt général mentionné.
2. Pour mener à bien les mesures prévues au paragraphe
précédent, le Gouvernement pourra donner des instructions à
toutes les autorités des Communautés autonomes.
Art. 156. 1. Les Communautés autonomes jouiront de
l’autonomie financière pour développer et exercer leurs
compétences, conformément aux principes de coordination avec
les finances de l´État et de solidarité entre tous les Espagnols.
2. Les Communautés autonomes pourront agir comme délégués
ou collaborateurs de l’État pour le recouvrement, la gestion et la
liquidation de ses ressources fiscales, conformément aux lois et
aux statuts.
Art. 157. 1. Les ressources des Communautés autonomes seront
constituées par:
a) Les impôts cédés totalement ou partiellement par l’État; les
surtaxes sur les impôts de l´État et autres participations aux
recettes de celui-ci.
b) Leurs propres impôts, taxes et contributions spéciales.
c) Les transferts d’un fonds de compensation inter territorial et
d’autres assignations à la charge des budgets généraux de l’État.
d) Les revenus provenant de leur patrimoine et les recettes de
droit privé.
e) Le produit des opérations de crédit.
2. Les Communautés autonomes ne pourront en aucun cas
prendre des mesures fiscales à l’encontre de biens situés hors de
leur territoire ou qui pourraient constituer un obstacle à la libre
circulation des marchandises ou des services.
3. Une loi organique pourra réglementer l’exercice des
compétences financières énumérées au paragraphe 1, les normes
visant à résoudre les conflits qui pourraient surgir et les
possibilités de collaboration financière entre les Communautés
autonomes et l’État.
Art. 158. 1. Dans les budgets généraux de l’État, on pourra fixer
une assignation aux Communautés autonomes en fonction de
l’importance des services et des activités étatiques qu’elles
auront assumées et des prestations minimales qu’elles s’engagent
à apporter en ce qui concerne les services publics fondamentaux
sur tout le territoire espagnol.
2. Afin de corriger des déséquilibres économiques inter
territoriaux et de mettre en pratique le principe de solidarité, on
constituera un Fonds de compensation destiné aux dépenses
d´investissement dont les ressources seront réparties par les
Cortes générales entre les Communautés autonomes et les
provinces, s’il y a lieu. (…)
L’État
DISPOSITIONS TRANSITOIRES
Première—Dans les territoires jouissant d’un régime provisoire
d’autonomie, leurs organes collégiaux supérieurs pourront, par une
décision adoptée à la majorité absolue de leurs membres, exercer le
droit d’initiative, en lieu et place des Conseils généraux provinciaux
ou des organes inter insulaires correspondants, auxquels ce droit
incombe, en vertu de l’article 143, paragraphe 2.
Deuxième.—Les territoires qui, dans le passé, auraient approuvé par
un plébiscite des projets de statut d’autonomie et disposeraient, au
moment de la promulgation de la Constitution, de régimes
provisoires d’autonomie, pourront prendre immédiatement les
mesures prévues à l’article 148, paragraphe 2, lorsque leurs organes
collégiaux supérieur préautonomes le décideront à la majorité
absolue; ceux-ci communiqueront leur décision au Gouvernement.
Le projet de statut sera élaboré conformément aux dispositions de
l’article 151, paragraphe 2, à la demande de l’organe collégial
préautonome.
Troisième.—On considère que l’initiative du processus d’autonomie
incombant aux collectivités locales ou à leurs membres en fonction
de l’article 143, paragraphe 2, est différée, dans tous ses effets,
jusqu’aux premières élections locales, organisées après l’entrée en
vigueur de la Constitution.
Quatrième.—1. En ce qui concerne la Navarre et son incorporation
au Conseil général basque ou au régime autonome basque qui le
remplacera, l’initiative, au lieu de s’exercer selon les dispositions de
l’article 143 de la Constitution, incombe à l’organe "foral" compétent
qui adoptera sa décision à la majorité des membres qui le composent.
Pour que cette initiative soit valable, il faudra, en outre, que la
décision de l’organe "foral" compétent soit ratifiée par un
référendum expressément convoqué à cet effet et approuvée à la
majorité des votes valablement exprimés.
2. Si l’initiative n’a pas abouti, elle ne pourra s’exercer que pendant
un autre mandat de l’organe "foral" compétent et, dans tous les cas,
après écoulement du délai minimum fixé à l’article 143.
Cinquième.—Les villes de Ceuta et Melilla pourront se constituer en
Communautés autonomes si leurs Conseils municipaux respectifs le
décident à la majorité absolue de leurs membres et si les Cortes
générales l’autorisent par une loi organique, selon les dispositions
prévues à l’article 144.
Sixième—Lorsque la Commission de la Constitution du Congrès
sera saisie de plusieurs projets de statut, elle se prononcera dans
l’ordre suivant lequel ils auront été déposés et le délai de deux mois
mentionné à l’article 151 commencera à compter à partir du moment
où la Commission aura achevé l’étude du projet ou des projets dont
elle aura été saisie successivement.
Septième.—Les organismes pré autonomes provisoires seront
considérés
comme
dissous
dans
les
cas
suivants:
a) Dés que seront constitués les organes prévus par les statuts
d’autonomie
adoptés
conformément
à
la
Constitution.
b) Dans le cas où l’initiative du processus d’autonomie n’aurait pas
abouti pour n’avoir pas rempli les conditions prévues à l’article 143.
c) Si l’organisme n’a pas exercé le droit que lui reconnaît la première
disposition transitoire dans le délai de trois ans. (…).
16
Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
LE STATUT DE L’UNION EUROPÉENNE
Projet de Traité établissant une
Constitution pour l'Europe, adopté par
consensus par la Convention européenne
les 13 juin et 10 juillet 2003
Article 1: Établissement de l'Union
1. Inspirée par la volonté des citoyens et
des États d'Europe de bâtir leur avenir
commun, cette Constitution établit l'Union
européenne, à laquelle les États membres
confèrent des compétences pour atteindre
leurs
objectifs
communs.
L'Union
coordonne les politiques des États
membres visant à atteindre ces objectifs et
exerce sur le mode communautaire les
compétences qu'ils lui transfèrent.
2. L'Union est ouverte à tous les États
européens qui respectent ses valeurs et qui
s'engagent à les promouvoir en commun.
Article 2: Les valeurs de l'Union
L'Union est fondée sur les valeurs de
respect de la dignité humaine, de liberté, de
démocratie, d'égalité, de l'état de droit,
ainsi que de respect des droits de l'Homme.
Ces valeurs sont communes aux États
membres dans une société caractérisée par
le pluralisme, la tolérance, la justice, la
solidarité et la non-discrimination.
Article 5: Relations entre l'Union et les
États membres
1. L'Union respecte l'identité nationale des
États membres, inhérente à leurs structures
fondamentales
politiques
et
constitutionnelles, y compris en ce qui
concerne l'autonomie locale et régionale.
Elle respecte les fonctions essentielles de
l'État, notamment celles qui ont pour objet
d'assurer son intégrité territoriale, de
maintenir l'ordre public et de sauvegarder
la sécurité intérieure.
L’État
2. En vertu du principe de coopération
loyale, l'Union et les États membres se
respectent et s'assistent mutuellement dans
l'accomplissement des missions découlant
de la Constitution.
Les États membres facilitent à l'Union
l'accomplissement de sa mission et
s'abstiennent
de
toutes
mesures
susceptibles de mettre en péril la
réalisation des buts figurant dans la
Constitution.
Article 6: Personnalité juridique
L'Union est dotée de la personnalité
juridique.
Article 10: Le droit de l'Union
1. La Constitution et le droit adopté par les
institutions de l'Union dans l'exercice des
compétences qui lui sont attribuées ont la
primauté sur le droit des États membres.
2. Les États membres prennent toutes
mesures générales ou particulières propres
à assurer l'exécution des obligations
découlant de la Constitution ou résultant
des actes des institutions de l'Union.
Article 11: Catégories de compétences
1. Lorsque la Constitution attribue à
l'Union une compétence exclusive dans un
domaine déterminé, celle-ci seule peut
légiférer et adopter des actes juridiquement
obligatoires, les États membres ne pouvant
le faire par eux-mêmes que s’ils sont
habilités par l'Union ou pour mettre en
œuvre des actes adoptés par celle-ci.
2. Lorsque la Constitution attribue à
l'Union une compétence partagée avec les
États membres dans un domaine
déterminé, l'Union et les États membres
ont le pouvoir de légiférer et d'adopter des
actes juridiquement obligatoires dans ce
domaine. Les États membres exercent leur
compétence dans la mesure où l'Union n'a
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Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
pas exercé la sienne ou a décidé de cesser
de l'exercer.
3. L'Union dispose d'une compétence en
vue de promouvoir et d'assurer la
coordination des politiques économiques et
de l'emploi des États membres.
4. L'Union dispose d'une compétence pour
la définition et la mise en œuvre d'une
politique étrangère et de sécurité
commune, y compris la définition
progressive d'une politique de défense
commune.
5. Dans certains domaines et dans les
conditions prévues par la Constitution,
l'Union a compétence pour mener des
actions en vue d’appuyer, de coordonner
ou de compléter l'action des États
membres, sans pour autant remplacer leur
compétence dans ces domaines.
6. L'étendue et les modalités d'exercice des
compétences de l'Union sont déterminées
par les dispositions spécifiques à chaque
domaine de la Partie III.
Article 13: Les domaines de compétence
partagée
Article 12: Les compétences exclusives
1. L'Union dispose d'une compétence
exclusive pour établir les règles de
concurrence nécessaires au fonctionnement
du marché intérieur, ainsi que dans les
domaines suivants:
- la politique monétaire pour les États
membres qui ont adopté l'euro,
- la politique commerciale commune,
- l'Union douanière,
- la conservation des ressources
biologiques de la mer dans le cadre de la
politique commune de la pêche.
2. L'Union dispose d'une compétence
exclusive pour la conclusion d'un accord
international lorsque cette conclusion est
prévue dans un acte législatif de l'Union,
ou qu'elle est nécessaire pour lui permettre
d'exercer sa compétence interne, ou qu'elle
affecte un acte interne de l'Union.
L’État
1. L'Union dispose d'une compétence
partagée avec les États membres lorsque la
Constitution lui attribue une compétence
qui ne relève pas des domaines visés aux
articles 12 et 16.
2. Les compétences partagées entre l'Union
et les États membres s'appliquent aux
principaux domaines suivants:
- le marché intérieur,
- l'espace de liberté, de sécurité et de
justice,
- l'agriculture et la pêche, à l'exclusion de
la conservation des ressources biologiques
de la mer,
- le transport et les réseaux transeuropéens,
- l'énergie,
- la politique sociale, pour des aspects
définis dans la Partie III,
- la cohésion économique, sociale et
territoriale,
- l'environnement,
- la protection des consommateurs,
- les enjeux communs de sécurité en
matière de santé publique.
3. Dans les domaines de la recherche, du
développement technologique et de
l'espace, l'Union a compétence pour mener
des actions, notamment pour définir et
mettre en œuvre des programmes, sans que
l'exercice de cette compétence puisse avoir
pour effet d'empêcher les États membres
d'exercer la leur.
4. Dans les domaines de la coopération au
développement et de l'aide humanitaire,
l'Union a compétence pour entreprendre
des actions et pour mener une politique
commune, sans que l'exercice de cette
compétence puisse avoir pour effet
d'empêcher les États membres d'exercer la
leur.
18
Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
Jean-Claude DIRIS,
L’Union européenne : vers une nouvelle
forme de fédéralisme ?,
Revue Trimestrielle de droit européen
41 (2), avril-juin 2005, pp. 241-260.
grande ville comme Paris. L’UE n’a pas de
moyens administratifs coercitifs. Elle ne
dispose pas d’administration du fisc, des
douanes, des questions vétérinaires, de
l’ordre public de l’UE et de la répression.
Elle n’a ni police, ni prison, ni armée.
L’application du droit de l’UE dépend pour
l’essentiel des moyens des États.
L’UNION EUROPÉENNE N’EST PAS
UN ÉTAT
Les
caractéristiques
éminemment
spécifiques de l’UE en font-elles un État ?
Tel n’est pas le cas à l’heure actuelle, et il
est assez improbable que l’UE prenne la
forme d’un État, qu’il soit fédéral ou non,
dans un avenir prévisible.
Si l’on reprend les différents critères de
la définition classique d’un État, à savoir
une population, un territoire, un
gouvernement organisé, une pleine
souveraineté, le droit et les moyens de
contrôler toute personne et toute chose à
l’intérieur des frontières, le pouvoir de
faire la guerre et la paix et d’établir des
relations internationales avec d’autres
États, il est clair que l’UE ne satisfait pas à
certains de ces critères.
En outre, l’UE ne dispose pas des
moyens
essentiels
qui
sont
traditionnellement associés à la notion
d’État souverain. Elle n’a pas de ressources
financières propres et n’a pas le pouvoir de
lever directement l’impôt. Elle n’est pas
autorisée à établir ses « ressources
propres », lesquelles sont fixées par une
décision qu’il appartient aux États
membres de ratifier. Le budget de l’UE ne
représente qu’une très faible part du
produit national brut des États membres
(environ 1 %) et la grande majorité de ses
dépenses (environ 85 %) est gérée par les
administrations des États membres. L’UE a
peu de capacités administratives et
techniques. Ses dépenses administratives
représentent moins de 5 % de son budget
total et les ressources humaines de ses
organes
centraux
(environ
30 000
personnes) représentent à peu près la
moitié du personnel municipal d’une
L’État
On pourrait avances que ces éléments
ne sont pas décisifs, en ce qu’ils
caractérisent un État unitaire de type
classique, doté d’administrations centrales
fortes, contrairement à un État fédéral
décentralisé reposant sur le concept du
« fédéralisme d’exécution »
(ou de
l’ « administration indirecte ») dans le
cadre duquel la responsabilité de la mise en
œuvre et de l’application du droit de l’UE
incombe à ses composantes. Peut-être.
Mais on peut ajouter qu’il existe des
arguments additionnels, encore plus
convaincants, montrant que l’UE n’est pas
un État. Ces arguments reposent sur trois
faits ?
Premièrement et surtout, l’UE n’a pas
de demos unique. On ne peut pas dire qu’il
existe un « peuple européen ». L’UE a
« des peuples », plusieurs demoi. Elle n’est
pas fondée sur un peuple unique exerçant
des droits démocratiques et caractérisé par
une identité commune. Elle n’est pas
fondée sur « un ensemble de personnes
dont la vaste majorité se sent suffisamment
attachée aux autres pour vouloir se lancer
dans un débat démocratique et des
processus décisionnels contraignants ». Un
demos est plus qu’une simple agrégation
d’individus. Il comprend un sens de la
communauté, un « sentiment collectif » aussi modestement soit-il exprimé – pour
que la démocratie ait un sens. Même au
sein
des
institutions
européennes
« supranationales »,
normalement
exemptes d’influences ou de réflexes
nationaux, et devant parler pour le bien
commun, les sentiments nationaux
surgissent parfois lorsqu’un intérêt
réellement essentiel est en jeu, souvent au
19
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Principes généraux du Droit constitutionnel
parlement européen, parfois à la
Commission, et cela pourrait devenir plus
souvent le cas au cours de la période
depuis fin 2004, pendant laquelle la règles
« un État, un commissaire, un vote » sera
applicable.
respecter les décisions prises dans le cadre
de la PESC, mais l’effectivité de ces
dispositions dépend entièrement de la
bonne volonté des États membres. Si l’un
ou plusieurs d’entre eux décident de ne pas
coopérer ou de ne pas coordonner leur
position à l’avance, nul ne peut les y
contraindre ou les forcer à respecter les
dispositions du Traité. La Commission ne
peut les attraire devant la Cour de justice ;
et cette dernière n’est pas compétente en
ces domaines. Quant au Haut représentant
pour la politique étrangère et de sécurité
commune de l’Union, la création de cette
fonction par le Traité d’Amsterdam a
certes constitué une étape importante vers
l’attribution de tâches de représentation à
une personnalité considérée comme
impartiale, indépendante des États
membres, tout en étant étroitement liée au
Conseil, qui est l’institution de l’Union
dans laquelle tous les États membres sont
représentés. Cependant s’il n’y a pas de
position commune à exprimer ou à
défendre, s’il n’y a pas de politique de
l’UE sur un sujet donné, le Haut
représentant ne peut publiquement
exprimer de position au nom de l’UE. La
situation
ne
changera
pas
fondamentalement avec la création de la
fonction de ministre des Affaires
étrangères de l’UE.
Deuxièmement,
l’UE
n’est
pas
« souveraine », en ce qu’elle ne dispose
pas de ce que les Allemands appellent la
Kompetenz-Kompetenz : elle n’a pas le
pouvoir de définir l’extension de ses
compétences. Ce pourvoir appartient aux
« maîtres des traités » que les États
membres. Quant au Traité de l’UE, il ne
s’est pas mué en Grundnorm, c’est-à-dire
en une règle de droit dont les autres règles
de droit tiraient leur validité mais qui ne
dépendrait pas elle-même d’une autre règle
de droit pour sa propre validité. Il s’agit
toujours d’un traité international, et le fait
de la dénommer « Constitution » n’y
changera rien. L’UE ne tient donc pas son
autorité de ses citoyens, mais de ses États
membres lesquels sont, à cet égard,
pleinement souverains. Cela continuera à
être le cas avec les articles IV-444 et IV445 sur les procédures « simplifiées »
permettant la modification de certaines
dispositions de la Constitution, car elles
exigent l’unanimité des gouvernements des
États membres et l’absence de veto ou
d’autorisation de tous les parlements
nationaux.
Troisièmement, l’UE ne dispose pas
d’une forte identité extérieure et des
pouvoirs qui vont de pair. Les affaires
étrangères et la défense restent entre les
mains des États membres, malgré les
dispositions relatives à ces questions
adaptées depuis dix ans. L’UE est, à ce
stade, une personnalité plutôt faible dans le
monde. Elle ne dispose pas du plein
pouvoir de conclure les traités, elle n’a pas
compétence exclusive quant à ces pouvoirs
essentiels qui symbolisent la souveraineté
de l’État : politique étrangère, sécurité et
défense. Les États membres sont certes
obligés à coopérer, de se coordonner et de
L’État
En ce qui concerne l’argument tiré du
demos, certains répondront que l’UE
n’aurait pas besoin d’un demos unique et
pourrait reposer sur une pluralité de demoi
afin d’aller vers une plus grande
intégration. D’autres expliqueront qu’un
demos préexistant n’est pas nécessaire et
que la démocratie peut aussi exister audelà de l’État-nation, que les entités
peuvent être liées entre elles et se
rapprocher, que des mesures de
« promotion de l’identité » peuvent être
prises par le biais de l’éducation et de
l’enseignement des langues, pré-conditions
à
l’émergence
de
mass
media
paneuropéens et, par conséquent, de partis
politiques et d’une société civile. D’autres,
20
Licence Droit – 2006/2007
Principes généraux du Droit constitutionnel
en revanche, insisteront sur le fait que l’UE
ne sera jamais capable de développer une
identité collective suffisamment forte,
compte tenu de sa diversité historique,
linguistique, culturelle et institutionnelle,
laquelle s’est fortement accrue avec
l’élargissement et s’accroîtra encore dans
une UE a plus de 30 membres. Le fait est
que « tous les membres de l’UE sont des
États-nations
dotés
d’une
pleine
souveraineté politique et d’un sens marqué
de leur identité historique », alors que les
États qui formèrent initialement les ÉtatsUnis d’Amérique «n’avaient jamais
réellement été souverains dans le sens
plein ou exact du terme », ni même
« maîtrisé
les
sources
populaires
d’affection et d’attachement traditionnel
associés au nationalisme romantique et
vorace de l’Europe des 19e et 20e ».
En ce qui concerne l’argument de la
souveraineté, et plus spécialement son
caractère illimité et indivisible, certains
répondront que ce qui est important n’est
pas tant de savoir qui est le détenteur de la
souveraineté, mais plutôt celui qui l’exerce
et la manière dont il l’exerce. Ils feront
valoir que la souveraineté peut être
partagée ou mise en commun et exercée
par différents acteurs, ce qui constitue une
réalité quotidienne dans les États fédéraux,
où il n’y a pas d’autorité « omni
compétente » détenant le pouvoir de
décider dans tous les domaines.
En dernière analyse, l’argument le
plus décisifs contre l’idée que l’UE serait
un État ou serait sur le point de devenir un
État, est que ses maîtres, les États
membres, ne veulent touts simplement pas
que l’UE devienne un État.
____________________
Voir aussi : Koen LENAERTS et Piet Van NUFFEL, La Constitution pour l’Europe et
l’Union comme entité politique et ordre juridique, Cahiers de droit européen, n°1-2 2005, pp.
13-125.
____________________
Décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 : Traité établissant une Constitution pour
l'Europe Recueil, p. 173 - Journal officiel du 24 novembre 2004, p. 19885.
« 9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations du traité soumis au Conseil
constitutionnel, intitulé « Traité établissant une Constitution pour l'Europe », […], qu'il
conserve le caractère d'un traité international souscrit par les États signataires du traité
instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne ; ».
L’État
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