entretien Addictions… Sans extension ! Un entretien avec Jean Adès* Propos recueillis par Didier Touzeau et Patricia de Postis Jean Adès, 64 ans, psychiatre hospitalo-universitaire, alcoologue et spécialiste bien connu des addictions comportementales non pharmacologiques, ne sait pas bien dire "Moi je…". À retracer avec lui le riche itinéraire qui l’a conduit de Louis II de Bavière, thème de sa thèse de médecine sous la férule du Pr Pierre Pichot et du groupe néphaliste Joie et Santé, sous celle du Pr Thérèse Lempérière, à l’alcoologie et aux addictions sans drogues à la chefferie de psychiatrie de l’hôpital Louis-Mourier à Colombes depuis 1990, on voit bien qu’il ne "voyage" jamais seul. Par principe, par honnêteté, par souci de rendre à César ce qui est… à ses élèves P. Gorwood, M. Lejoyeux, P. Batel, L. Romo et quelques autres, dans l’équipe de Colombes. À J.L. Vénisse, M. Valleur, Lançon, Bucher et quelques autres spécialistes et cliniciens des addictions sans drogues et du jeu et achats pathologique en France. À Goodman, l’étrange psychanalyste américain, spécialiste des "sexual addictions", baba cool sur les bords, dont il a traduit et popularisé les critères d’addiction qui font autorité, au canadien Ladouceur, Monsieur Jeu pathologique, et quelques autres grands noms du "field" hors des frontières... Exercice convenu de modestie, comme il sied au savoir-être et vivre professionnel dans ce monde sophistiqué de la psychiatrie française ? Plutôt vraie conviction qu’on ne peut pas faire avancer les "pions" de son jeu, scientifique et clinique, tout seul, sans tous les acteurs de l’échiquier. Des plus proches aux plus éloignés, du plus haut placé, le roi ou la reine (les sommités "du domaine"), au plus modeste, le pion (le patient, sa famille), en passant par les cavaliers (autres professions ressources)…, voire le fou – le pionnier, militant, excentrique comme Goodman… Lui, personnellement, a beaucoup bataillé pour faire évoluer la compréhension des addictions, dont il a promu, en France, le terme et le concept. Il a créé en 1990 la revue "Dépendances", trimestrielle (laboratoire Riom), disparue aujourd’hui, pionnière en matière de publications sur les addictions. Auteur de plus de 300 publications scientifiques et didactiques traitant de l’alcoolisme et des addictions, il a conçu, avec Michel Lejoyeux, une classification des conduites alcooliques, ainsi qu’un instrument d’évaluation des achats compulsifs. Aujourd’hui, il s’interroge sur l’extensivité de cette notion d’addiction et ses risques de dérapage vers une médicalisation à tout-va des excès. "Je suis un peu l’incendiaire devenu pompier", reconnaît-il. Jean Adès, professeur de psychiatrie à la faculté de médecine Xavier-Bichat à Paris (université Paris-VII) depuis 1982, a été responsable de l’unité de psychiatrie de l’hôpital Bichat-Claude Bernard à Paris jusqu’en 2006. Il l’est du pôle psychiatrie et addictologie de l’hôpital Louis-Mourier depuis 2006 et du service de psychiatrie de l’hôpital Beaujon à Clichy. Membre fondateur de la Société française d’alcoologie dont il a été le président jusqu’en 1998, il a fait partie également de ceux qui ont fondé la Fédération française d’addictologie. Il a coordonné un réseau Inserm "Génétique des comportements addictifs" et participé à la création, en 2005, d’une unité Inserm U675 "Génétique des addictions. Analyse phénotypique développementale et génétique des comportements addictifs" (directeur Pr P. Gorwood). Enfin, il est secrétaire du Syndicat universitaire de psychiatrie depuis 1999 et réélu en 2005. Sur le terrain, aux côtés des anciens buveurs dont les happy-few, triés sur le volet, se réunissaient une fois l’an à Munich. "Creusez le cas Louis II, au-delà de sa légende…". Il n’yavait-plus-qu’à… J’ai commencé sans plus tarder à m’intéresser de près à ce prince étrange, reclus dans son nid d’aigle invraisemblable, récupéré par le mouvement post-romantique, et, au-delà, antipsychiatrique, farouchement résistant à admettre l’existence de la maladie mentale en tant que processus autonome obéissant à une causalité interne et évoluant pour son propre compte. On a dit qu’il avait été assassiné, qu’il avait Le Courrier des addictions : Pourquoi avoir choisi de faire votre thèse sur Louis II de Bavière ? Jean Adès : Dans la vie, il est des orientations et choix qui ressortent autant du hasard, de l’occaResponsable du pôle psychiatrie/addictologie à l’hôpital Louis-Mourier, 178, rue des Renouillers, 92701 Colombes Cedex, professeur de psychiatrie à l’université Paris-VII Denis-Diderot. sion, de l’occurrence même que du choix clairement motivé. Il en a été ainsi pour le jeune interne que j’étais, à Sainte-Anne, qui devait cette année-là, en 1973, proposer un sujet de thèse à son maître le Pr Pierre Pichot. "Vous aimez l’histoire, mon jeune ami ? J’ai un sujet pour vous". Oui forcément (et effectivement !), j’aimais l’histoire ! Pierre Pichot, homme d’une grande culture encyclopédique, spécialiste de beaucoup de sujets (et même des papillons !), faisait partie d’une société d’histoire très fermée, la "Société des Amis de Louis II de Bavière", 5 été victime de l’acharnement de son psychiatre… En fait, son psychiatre, le Pr Von Gudden de Munich, avait réussi à le faire interner pour le faire traiter au château de Berg en 1886. On les a retrouvés tous les deux noyés dans le lac de Starnberg. Bien que le drame n’ait pas eu de témoins, il est vraisemblable qu’il se soit agi d’un suicide impulsif d’un schizophrène, qui a peut-être entraîné dans la mort, au cours d’une lutte, le psychiatre qui cherchait à le retenir. Personne ne s’est penché sur le drame vécu par Von Gudden, surtout pas dans ces années où l’antipsychia- Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009 entretien trie et son chef de file David Cooper se voulait le porte-parole – ou tentait de l’être ! – d’une certaine pensée unique ! Je me suis pris au jeu, avec passion, passant des heures et des heures dans cette merveilleuse Bibliothèque nationale de la rue Vivienne à mener l’enquête en psychopathologie historique. Ma thèse, soutenue en 1974, a plu au Pr Pierre Pichot et, quelques années plus tard, en 1984, il a préfacé l’ouvrage que les laboratoires Geigy ont tiré de mon travail sous le titre "Louis II de Bavière. De la réalité à l’idéalisation romantique." Le Courrier des addictions : Vous avez un intérêt ancien et reconnu pour l’alcoolisme et l’ensemble des addictions. Et vous n’étiez pas nombreux et peu valorisés dans ce champ. Pourquoi cet engagement ? J.A. : À l’époque, j’étais jeune chef de clinique dans le service du Pr Thérèse Lempérière, ici même à l’hôpital Louis-Mourier de Colombes. Elle a eu l’idée de me demander de "redynamiser" le groupe de malades alcooliques Joie et Santé, qui avait la particularité de vouloir en son sein un médecin. "Alors, voulez-vous vous en occuper ?" Je n’avais pas vraiment la possibilité de décider autre chose que d’acquiescer à cette injonction, et je l’en remercie, car j’ai beaucoup appris de la fréquentation durant six ans de ce groupe. C’est donc dans la réalité du quotidien de patients et non dans les livres que j’ai tout d'abord découvert l’alcoolisme. C’est à leur contact et en travaillant avec eux que j’ai pu mesurer l’impact clinique, humain et social d’un groupe néphaliste. J’en ai analysé le fonctionnement interne, compris les ressorts et mécanismes, apprécié la dynamique. En 1978, j’en ai d’ailleurs fait le sujet de mon mémoire de CES de psychiatrie qui m’a valu le prix RobertDebré décerné par feu le Haut Comité de lutte contre l’alcoolisme, et a été édité l’année suivante par la Documentation française : "Réflexions sur le fonctionnement dynamique d’un groupe d’anciens buveurs". À partir de ce travail, j’ai commencé à publier quelques ar- ticles jusqu’à ce que l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale me confie, en 1984, le soin de me charger d’un article conséquent en remplacement de celui de Pierre Fouquet, qui est devenu une référence. Plus tard, l’ensemble du travail fait pour l’EMC a fourni la matière de Les conduites alcooliques et leur traitement, paru chez Doin, dans la collection Conduites, en 1985 puis, avec Michel Lejoyeux en 1996. Dès cette époque, l’effet boule de neige a fonctionné à plein : les confrères m’ont envoyé des patients. J’étais devenu "alcoologue", et j’ai continué à tracer mon sillon dans ce champ. À la fin des années quatre-vingt, Pierre Fouquet avait décidé de fonder la Société française d’alcoologie (SFA). J’ai accompagné tout de suite les travaux d’élaboration de cette petite société savante, dont je suis devenu le président, de 1990 à 1998. Aujourd’hui, j’en suis président d’honneur et c’est le Pr Michel Lejoyeux, mon élève, qui en assure la présidence. Depuis, d’autres médecins cliniciens et chercheurs sont venus nous rejoindre et c’est une grande satisfaction pour moi d’avoir contribué à intéresser à ce champ des médecins comme Philip Gorwood, Philippe Batel, Frédéric Limosin… Nous ne sommes plus dans notre traversée du désert, mal entendus, peu reconnus, voire oubliés ! La SFA compte aujourd’hui plus de 1 000 membres. Elle réunit un grand nombre de médecins psychiatres, généralistes ou d’autres spécialités, psychologues, juristes, travailleurs sociaux, soignants se consacrant à l’étude et aux soins des sujets souffrant d’alcoolisme. Elle organise de nombreuses réunions scientifiques, une formation médicale continue et publie la revue Alcoologie et Addictologie. Elle est à l’origine de l’organisation de conférences de consensus sur le traitement du sevrage d’alcool, la prise en charge des alcooliques, les classifications de l’alcoolisme. Elle a initié la fondation d’une Fédération française d’addictologie, dont je suis un membre fondateur. Nous en avons parcouru du chemin, même si nous sommes loin de nous rapprocher du but ! Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009 Mieux embrasser le spectre des addictions sans produits Le Courrier des addictions : Vous avez été précurseur dans le domaine de la prise en charge des malades alcoolodépendants, mais votre champ de recherche et d’intérêt clinique s’est élargi rapidement au jeu pathologique et aux comportements d’achats compulsifs. Pourquoi pas à la toxicomanie ? J.A. : Une fois de plus, ce sont les "co-occurrences" des rencontres, des opportunités de travail, et aussi les patients eux-mêmes, avec leurs profils propres, qui poussent un professionnel comme moi dans une direction plus que dans une autre. En m’occupant de malades alcoolodépendants, j’ai eu maintes occasions d’échanger avec des spécialistes de comportements de dépendance autres que la toxicomanie, comme le jeu pathologique ou les achats compulsifs, souvent associés dans un tableau de polyaddictions. Peu de monde dans les années quatre-vingt-dix se penchait sur le spectre des addictions sans drogues, et je m’attribue le fait d’avoir lu, dès sa sortie en 1990, l’article de référence du psychanalyste américain Aviel Goodman, paru dans le British Journal of Addiction, sur les critères qui définissent le trouble addictif (voir encadrés) qui font toujours autorité. Goodman les avaient élaborés pour théoriser les pratiques sexuelles addictives(1), mais ils sont applicables à toutes les addictions, comportementales ou non. Pour les populariser, je les ai tout de suite traduits et repris systématiquement dans les articles que je publiais. Avec mon chef de clinique puis agrégé Michel Lejoyeux, nous avons proposé une classification de ces comportements, élaboré des questionnaires pour les évaluer. Nous avons publié des articles, édité des ouvrages : par exemple La fièvre des achats, en 1999, chez Les Empêcheurs de penser en rond, Encore plus ! Jeu, sexe, travail, chez Odile 6 Jacob en 2001… Nous sommes devenus des spécialistes de ces comportements, tant sur le plan de la recherche que de la clinique. Enfin, toujours en 1990, j’ai créé la revue Dépendances, trimestrielle. Pour ma part, j’aime recevoir les joueurs et les acheteuses compulsives (voir p. 14), travailler sur leurs problématiques. Ils sont ensuite pris en charge par thérapie comportementale par deux psychologues du service, Lucia Romo et Cindy Legauffre. Enfin, le casino d’Enghien, notre voisin, dont l’un des cadres a pour fonction de repérer les joueurs qui vont mal, nous a demandé, il y a quelques années, de former aux difficultés de ceux-ci ses croupiers, chefs de table, personnels divers. Pendant deux ans, le Dr Bonora, une psychiatre du service, a assuré ces formations. Le Courrier des addictions : Au final, le travail de pionnier que votre équipe et vous avez mené depuis plus de vingt ans, dans le domaine du jeu pathologique en particulier, vat-il déboucher sur des actions concrètes ? J.A. : Certes, nous ne sommes pas encore nombreux à nous intéresser à ce problème (M. Valleur, J.L. Vénisse, C. Bucher, S. Tisseron…), mais le fait même d’avoir pu participer en 2008, avec une dizaine d’experts, à l’expertise collective "Jeux de hasard et d’argent. Contextes et addictions"(2), est bien la concrétisation que les lignes bougent... En bref, ses recommandations (voir p. 19) sont : 4 Promouvoir une information claire et objective sur les jeux de hasard et d’argent qui tient compte de l’amélioration technologique des jeux déjà existants, des données scientifiques établies sur les comportements de jeu et leurs excès, sur les dommages qu’ils entraînent. 4 Élaborer et évaluer un programme de formation pour les personnels en contact avec les joueurs. 4 Promouvoir les interventions préventives d’interdits de jeu. 4 Prendre en charge les joueurs excessifs (systèmes d’auto-prise en charge, interventions brèves par téléphone, repérage des entretien joueurs excessifs dans les structures de soins, structuration de l’offre de soins, développement de la formation de thérapeutes…). 4 Développer les recherches (enquête nationale de prévalence, études sur les nouveaux types de jeux, de cohortes pour mieux connaître les trajectoires de joueurs, en neuropsychologie, sur le coût social du jeu excessif, sur les outils de repérage des joueurs à problèmes, d’évaluation des protocoles de prise en charge, recherches fondamentales sur les mécanismes en cause). Reste à les mettre en œuvre… Et à doter les acteurs des moyens suffisants pour y parvenir. Par exemple, il faut conforter la place des nouveaux Centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), prévus dans le Plan de prise en charge et prévention des addictions 20072011. Mais pour cela, ces centres médico-sociaux de proximité doivent acquérir des compétences appropriées pour accueillir et accompagner des personnes qui ont des problèmes de comportements addictifs comme le jeu pathologique. Parallèlement, le dispositif hospitalier présentant une offre de soins graduée selon ce même plan, doit ouvrir, du moins au sein des structures de niveau III, des consultations spécialisées pour les joueurs problématiques. Enfin, il faudrait que ces centres mettent en place une coordination pour développer des approches cliniques et thérapeutiques évaluées, validées et communes… Les plus petits dénominateurs communs Le Courrier des addictions : Mais ces comportements sontils vraiment des addictions comme le sont celles à des substances toxiques ? Ne raisonnet-on pas trop par analogie ? J.A. : C’est vrai que l’addictologie, à l’émergence de laquelle pourtant j’ai contribué, manque singulièrement de base scientifique. Certes, les différents comportements d’addiction, avec ou sans produits, ont des facteurs communs, tant Critères de l’addiction : le modèle de goodman (1990) 4 Impossibilité de résister à l’impulsion de s’engager dans le comportement. 4 Tension croissante avant d’initier le comportement. 4 Plaisir ou soulagement au moment de l’action. 4 Perte du contrôle en débutant le comportement. 4 Cinq des critères suivants ou plus : – Préoccupation fréquente pour le comportement ou l’activité qui prépare à celui-ci. – Engagement plus intense ou plus long que prévu dans le comportement. – Efforts répétés pour réduire ou arrêter. – Temps considérable passé à réaliser le comportement. – Réduction des activités sociales, professionnelles, familiales du fait du comportement. – L’engagement dans ce comportement empêche de remplir des obligations sociales, familiales, professionnelles. – Poursuite malgré les problèmes sociaux. – Tolérance marquée. – Agitation ou irritabilité s’il est impossible de réduire le comportement. 4 Plus d’un mois ou de façon répétée pendant une longue période. dans leurs expressions, les dommages qu’ils occasionnent, que la comorbidité psychiatrique qui les accompagne (mais la co-morbidité psychiatrique n’est pas seulement le fait des addictions), l’environnement des sujets vulnérables, les facteurs de vulnérabilité génétiques notamment… Tous se caractérisent par un échec répété pour les contrôler (notion de "perte du contrôle" de Jellinek), et leur poursuite malgré leurs conséquences négatives. Ces facteurs communs ne sont en fait que des plus petits communs dénominateurs qui font de l’addiction un concept unifiant qui, en définitive, en abrase les spécificités et en appauvrit le sens. Du coup, il permet de réunir sous la même étiquette des comportements qui sont en réalité bien différents, et de les faire prendre en charge par les mêmes structures, alors qu’ils concernent des populations très différentes et requièrent des compétences spécifiques… Voire, si on étend le modèle "Addiction" à de nombreux comportements hédoniques, à potentiel d’excès, d’avoir la tentation de tous les médicaliser ! Avec, en arrière-fond, l’omniprésente tentation d’ouvrir toujours plus grand le parapluie du principe de précaution selon lequel il faut tout prévoir et prévenir. Je rappelle que dans le DSM-IV, on parle, toujours, de "dépendances aux substances" et non d’addiction et qu’on trouve le jeu pathologique dans le chapitre des "Troubles du contrôle des impulsions". Jusqu’à quand ? Le Courrier des addictions : Dans le maquis actuel de la sémantique, quelle est la définition la plus pertinente et opérationnelle ? J.A. : Aucune définition consensuelle n’existe et, encore une fois, le mot addiction, s’il s’est imposé récemment avec la mise en œuvre, depuis Nicole Maestracci des Plans addictologiques, ne figure, à l’heure actuelle, dans aucune des classifications internationales des maladies. Plusieurs conceptions s’opposent. Pour les uns – parmi lesquels je me range sans hésiter–, ce terme est parfaitement synonyme de dépendance. Il décrit donc un comportement d’aliénation psychologique et/ ou physique vis-à-vis d’une substance (l’assuétude, terme que préfère Isidore Pelc en Belgique). Il "traduit l’usage pathologique répété d’une substance et tend à remplacer celui de dépendance", comme l’écrit François Paille. D’autres auteurs, comme Michel Reynaud et Philippe-Jean Parquet, considèrent que le mot addiction englobe la dépendance, et l’abus ou usage nocif, et va même jusqu’à l’usage d’un produit. Les "pratiques addictives" sont alors définies comme "l’ensemble des comportements de consommation de substances psychoactives – usage, usage nocif et dépendance – et, dans une démarche compréhensive, par l’ensemble des déterminants permettant de comprendre leur initiation, leur fonctionnement, leur évolution…" 7 C’est là, selon moi, une pétition de principe qui dépouille le terme addiction de sa spécificité, notamment celle de contrainte par corps, incluse dans l’étymologie du mot. Pour moi, les seuls critères de définition à retenir pour l’addiction, sont ceux qu’Aviel Goodman, avait publiés en 1990, et dont nous avions naguère proposé la traduction française (voir encadrés). L’examen de ces critères montre leur quasi totale identité avec ceux de la dépendance avec les deux symptômes-clés du comportement, qui sont – selon cette critériologie – l’échec répété de son contrôle – sa poursuite malgré ses conséquences négatives. Cette définition générale, on le voit bien, autorise le regroupement, dans une même catégorie, des addictions, avec ou sans produits. On peut donc considérer comme addictions comportementales, non pharmacologiques, le jeu pathologique, les achats compulsifs, la sexualité compulsive, l’addiction au travail, mais aussi maintenant aux jeux vidéos et à l’Internet. Les troubles des conduites alimentaires, et notamment la boulimie ou "la boulimarexie", se situent, pour certains, aux confins de l’addiction, encore que cette appartenance apparaisse à beaucoup comme réductrice. Des débats nosographiques non tranchés discutent de l’appartenance des addictions comportementales aux troubles du contrôle des impulsions ou au spectre des troubles obsessionnels compulsifs. Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009 entretien Au final, toujours selon Goodman, l’addiction se situerait entre impulsion et compulsion : si l’impulsion implique la recherche d’un plaisir ou d’une gratification immédiate, la compulsion, le soulagement des tensions et la réduction des affects pénibles, l’addiction partage, selon les moments évolutifs, les caractéristiques de l’impulsion et de la compulsion. Le Courrier des addictions : Les recherches en génétique des addictions, dont votre service est aussi un pionnier, ne conforte-t-elle pas cette relative unicité de ces "comportements d’excès" ? J.A. : Je n’ai personnellement pas de compétences spécifiques en génétique, mais l’un de mes élèves, Philip Gorwood, a été formé chez Feingold à la génétique des comportements. C’est lui qui, avec mon soutien et mon aide, a mis en place des travaux sur la génétique de l’alcool puis sur d’autres comportements addictifs. Je l’ai aidé à créer l’unité Inserm 675 "Génétique des addictions. Analyse phénotypique développementale et génétique des comportements addictifs", il y a quatre ans, mais c’est son dynamisme qui a permis de faire avancer tous les travaux de notre équipe dans ce domaine. Elle travaille avec celle du Pr Frédéric Limosin de Corentin-Celton, du Dr Philippe Batel de Beaujon, du Pr Venisse de Nantes et de Mmes Versini et Burger, doctorantes(3), en collaboration avec le laboratoire Inserm U705 de Florence Noble, à la faculté de pharmacie de Paris. Le laboratoire axe son travail sur la recherche de facteurs prédictifs et/ou de vulnérabilité aux comportements addictifs, avec une triple approche : l’analyse phénotypique (déterminants cliniques simples et communs aux différentes addictions), développementale et génétique des comportements addictifs : par exemple, analyse de deux polymorphismes du gène DRD1 qui code pour le récepteur dopaminergique D1 chez des patients alcoolodépendants. Ou encore, implication vraisemblable de plusieurs gènes de vulnérabilité dans le jeu pathologique : principalement les gènes codant pour les récepteurs dopaminergiques D2 , D4, les gènes du transporteur de la dopamine, de la tryptophane hydroxylase. Ces approches sont corroborées par des analyses fonctionnelles de biologie moléculaire et génomique sur des modèles in vitro de cultures cellulaires et in vivo chez l’animal. Les travaux de notre équipe ont bien pour objectifs généraux d’analyser les points communs des pathologies du spectre phénotypique des comportements addictifs que sont, par exemple, l’hyperactivité de l’enfant (avec ses aspects neuro-cognitifs, génétiques et pharmacogénétiques), les troubles du comportement alimentaire, ou le jeu pathologique. Ainsi, Lucia Romo de notre équipe, maître de conférences en psychologie à la faculté de Nanterre, a mis en place, sous ma direction, une étude cofinancée par le PMU et la Française des Jeux, pour évaluer la co-occurrence entre l’hyperactivité chez les adultes et le jeu pathologique, et la prévalence, en population générale, chez des joueurs de PMU ou de la Française des Jeux, du jeu abusif et du jeu pathologique (voir p. 14). En réalité, les travaux de l’équipe s’attachent plus à décrypter les spécificités des addictions et leurs co-occurrences que leur unicité. dants, d’une substance ou d’un comportement, cette catégorie est loin d’être homogène. Cela implique bien évidemment des stratégies thérapeutiques modulées selon la spécificité des cas, après avoir explicité, au terme d’une enquête clinique approfondie, l’interrelation entre conduite addictive et troubles mentaux : caractère primaire ou non du trouble mental, présence ou non de troubles psychiques dans les périodes d’abstinence, et, éventuellement, de troubles mentaux dans l’entourage familial, aggravation ou amélioration d’un trouble par l’autre… Ainsi, un grand nombre des symptômes psychiques rencontrés chez les patients "addicts" sont secondaires à l’addiction ellemême : 80 % des dépressions, par exemple, chez les sujets alcoolodépendants, sont secondaires, et donc améliorées de façon spectaculaire, en un à trois mois, par le sevrage (Brown et al., 1988, 1991 ; Adès et Lejoyeux, 1997). Des troubles psychiques primaires, à l’inverse, antérieurs à la conduite addictive, peuvent persister malgré le sevrage du produit (troubles bipolaires, phobies sociales), ou même se trouver exacerbés par l’abstinence, comme certains l’ont établi pour l’état de stress post-traumatique (Brady, 1994). D’autres études, à l’inverse, ne montrent aucune corrélation entre un diagnostic psychiatrique et l’usage d’un produit donné. La co-occurrence omniprésente de la dépression Le Courrier des addictions : On retrouve les mêmes intrications "psychiatriques" et "addictives" dans le jeu pathologique ? Le Courrier des addictions : Il semble tout de même que presque toutes ces addictions, avec ou sans pharmacologie, aient le même soubassement dépressif. Pourquoi ne commence-t-on pas systématiquement par s’intéresser à celui-ci ? J.A. : De nombreux travaux ont été consacrés à la co-occurrence entre ce comportement et les troubles de l’humeur, qui témoignent tous de sa grande fréquence. Une vaste étude épidémiologique nord-américaine, le National Epidemiological Survey on Alcohol and Related Condition (NESARC), publiée en 2005, portant sur plus de 43 000 sujets en population générale, indique une prévalence sur la vie de 49,62 % de troubles de l’humeur chez les joueurs pathologiques, avec un risque relatif de 4,4 (Petry NM, J.A. : Vous abordez là la problématique de la catégorie des "doubles diagnostics". Contrairement à ce que pourrait laisser penser, selon un raisonnement analogique pour ne pas dire syllogique, la grande fréquence des troubles dépressifs chez les sujets dépen- Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009 8 Stinson ES, Grant BF. J Clin Psychiatry 2005;66:564-74). Le trouble le plus souvent rapporté est l’épisode maniaque, puis, plus globalement le trouble bipolaire. Il est couramment admis que le risque de suicide est élevé chez les joueurs : des gestes suicidaires sont retrouvés chez 15 à 20 % des joueurs, risque accru pour certains par la présence d’un état dépressif (Moodie C, Finnigan F. Psycho Reports 2006;99:407-17). Toutefois, comme en témoigne l’expertise collective de l’Inserm, en 2008 : "Le risque relatif pour le suicide chez les joueurs pathologiques n’est pas clairement connu, même si l’importance des idéations suicidaires est plus nettement démontrée dans cette population." En fait, le risque suicidaire chez les joueurspourrait être lié à l’association fréquente d’une dépression et de l’abus de substances psychoactives. Par ailleurs, les troubles de la personnalité souvent associés au jeu (personnalité antisociale notamment) accentuent sans nul doute les risques de passage à l’acte suicidaire. Le Courrier des addictions : Est-ce la même complexité en ce qui concerne les achats pathologiques ? J.A. : Oui : leur co-occurrence avec des troubles de la personnalité et psychiatriques, parmi lesquels la dépression, représente le trouble comorbide de loin le plus fréquent, puisqu’elle est relevée chez plus de 60 % de ces sujets. Selon Lejoyeux et al., en 1999, l’évaluation des conduites d’achats compulsifs chez 119 patients présentant les critères DMS III-R d’épisode dépressif majeur montre une fréquence de 32 % d’achats incontrôlés (Lejoyeux M, Haberman N, Solomon J, Adès J. Comprehensive Psychiatry 1999;1:51-3). Les femmes présentaient plus souvent des achats compulsifs, de même que les sujets souffrant de dépressions récurrentes, de kleptomanie, boulimie, abus ou dépendance aux benzodiazépines. Les "acheteuses" se font des cadeaux à elles-mêmes et choisissent ceux qui ont pour elles une forte image de valorisation sociale et esthétique : vêtements, parfums, produits de beauté de entretien marque… Dans plus de la moitié des cas, les objets acquis ne sont pas utilisés, ce qui confirme la fonction symbolique de la transaction d’achat. Ainsi, peut-on comprendre, dans le contexte de la dépression, la recherche d’une réparation narcissique à travers l’objet, le rôle "contre-dépressif" de l’achat, ici encore source d’un cercle vicieux puisque culpabilité et difficultés financières aggravent la dépression et renforcent le comportement. Pour finir, si pathologie dépressive et achats sont très souvent associés, les troubles de la personnalité, fréquents chez ces patientes (personnalité narcissique, état limite…) accentuent la vulnérabilité à la dépression. On pourrait continuer sur la même "lancée" avec les addictions sexuelles, le "workaholism", l’addiction à Internet, aux jeux en ligne... mais, dans tous les cas, les interrelations entre "addictions sans drogue" et pathologie dépressive sont complexes : il peut s’agir de troubles dépressifs primaires, trouble bipolaire notamment, mais aussi de dépressions caractérisées et de dysthymie, favorisant la survenue d’une conduite hédonique de valeur "escapiste", permettant l’automédication des affects dépressifs. Dans d’autres cas, la dépression est secondaire, s’installant au fil de la survenue des effets délétères des addictions, d’ordre psychologique, familial, conjugal, social, et très souvent financier. L’intrication de ces deux types de dépression est la règle. Les recommandations thérapeutiques en découlent : repérage attentif et systématique de la dépression, souvent minimisée, chez ces sujets, mise en place de psychothérapies visant à réduire l’intensité de la conduite, et, le cas échéant, lorsque la dépression persiste, ou lorsqu’elle est d’emblée sévère, prescription bien conduite de chimiothérapies antidépressives. Faut-il des traitements intégrés ? Le Courrier des addictions : Vous plaidez en faveur des "traitements intégrés" lorsqu’il y a double diagnostic, psychia- roxétine, le citalopram : aucun d’entre eux ne montre de différence notable entre l’antidépresseur et le placebo sur les comportements de jeu ! Quelques études ont montré l’effet positif sur ceux-ci d’un antagoniste opiacé, la naltrexone. Enfin, les thymorégulateurs, carbonate de lithium, valproate, carbamazépine, pourraient être efficaces, trique et addictif. Qu’en est-il actuellement en France ? J.A. : L’une des questions essentielles est effectivement de déterminer, si un sujet qui présente des troubles psychiques associés à une conduite addictive, peut et doit être pris en charge, simultanément par la même équipe, dans le même lieu (traitement intégré), ou s’il convient de traiter en priorité le problème le plus aigu, avant de prendre en charge la pathologie associée (traitement séquentiel). Un troisième type de stratégie, auquel il est bien souvent fait appel, implique le traitement simultané des deux pathologies, dans des lieux de soins différenciés, par deux équipes spécialisées différentes. Ce traitement parallèle peut, par exemple, associer un centre de soins psychiatriques et un service ou un centre d’addictologie. C’est le "scénario" le plus répandu en France. Les centres de soins spécialisés dans la prise en charge intégrée des troubles psychiatriques et des addictions sont rares, l’orientation initiale des équipes, leur origine, leur lieu d’exercice déterminant souvent les stratégies thérapeutiques privilégiées. Pourtant, l’intérêt théorique et la supériorité des traitements intégrés est peu discutable. Il évite l’écueil de la minimisation d’un des troubles par l’équipe qui prend en charge "l’autre", les divergences idéologiques et d’approches entre elles, la survalorisation de l’abstinence et de son maintien par l’une et du travail psychothérapique par la seconde, bref les objectifs divergents si ce n’est, parfois, contradictoires… mais les études contrôlées sont peu nombreuses et leurs résultats peu concluants. En réalité, les quelques travaux consacrés à la prise en charge pharmacologique des addictions comportementales, concernent surtout le traitement des troubles psychiatriques co-occurrents. Les objectifs théoriques en sont alors l’amélioration des symptômes psy- Sélection parmi les ouvrages ou chapitres d’ouvrages – Adès J. Les conduites alcooliques. Doin, Psychiatrie. Pratique de l’Encéphale, 1985. – Adès J, Lejoyeux M. Les conduites alcooliques et leur traitement. Doin, Conduites, 1996. – Adès J, Lejoyeux M. Alcoolisme et psychiatrie. Masson, Médecine et Psychothérapie, 1997:43-55. – Adès J, Lejoyeux M. Alcoolisme et psychiatrie. Données actuelles et perspectives. Masson, Médecine et Psychothérapie, 1997 (réédité en 2002). – Adès J. Le jeu pathologique. In : Les passions dangereuses. Addiction et conduites de dépendance. Médecine-Sciences Flammarion 1998:28-32. – Adès J, Lejoyeux M. La fièvre des achats. Sanofi-Synthélabo, Les Empêcheurs de penser en rond, 1999. – Adès J, Lejoyeux M. Encore Plus ! Jeu, sexe, travail. Odile Jacob, 2001. – Adès J, Lejoyeux M. La fièvre des achats. Les Empêcheurs de penser en rond/Le Seuil, 2002. – Lejoyeux M, Adès J. Troubles de la personnalité et conduites alcooliques. In : Les troubles de la personnalité. Féline A, Guelfi JD, Hardy P. Médecine Sciences Flammarion, 2002. – Adès J. Les conduites alcooliques et toxicomaniaques : du risque à la prévention. In : Conduites addictives, conduites à risques. Venisse JL, Bailly D, Reynaud M. Masson, Médecine et Psychothérapie, 2002:95-102. – Adès J. Addictions et troubles psychiatriques associés : éléments d’une stratégie de soins. In : Médecine et addictions. Peut-on intervenir de façon précoce et efficace ? Reynaud M, Bailly D, Venisse JL, Masson, Médecine et Psychothérapie, 2005:154-60. – Adès J. Le jeu pathologique. In : Traité d’addictologie. Reynaud M. Médecine-Sciences Flammarion, 2006;chap.103:669-72. – Adès J. Critères diagnostiques. In : Jeux de hasard et d’argent. Contextes et addictions. Expertise collective, Inserm, 2008:157-70. – Adès J. Jeu pathologique. Abrégés Addictologie Michel Lejoyeux. Elsevier Masson SAS:229-38. – Adès J. Dépression et addictions non pharmacologiques. In : Les états dépressifs. Goudemand M. Médecine-Sciences Flammarion, 2009 (sous presse). – Lejoyeux M. Alcoolisme, thérapeutique. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 1993:25-434. – Lejoyeux M, Tassain V. Sémiologie des conduites de risque. Psychiatrie. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 1994;37:114-A-70. – Lejoyeux M. Conduites alcooliques : historique du concept, définition, aspects épidémiologiques, étiopathogénie. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 1996;37:398-A-30. – Lejoyeux M. Conduites alcooliques : aspects cliniques. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 1996;37:398A-40. – Lejoyeux M. Conduites alcooliques : traitement. Encyclopédie MédicoChirurgicale 1996;37:398-A-50. – Lejoyeux M. Dépendances comportementales : achats compulsifs, addictions sexuelles, dépendance au travail, kleptomanie, pyromanie, trouble explosif intermittent, trichotillomanie. Psychiatrie. Encyclopédie MédicoChirurgicale 1999;37:396-A-20. – Lejoyeux M. Jeu pathologique. Psychiatrie. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 2000;37:396-A-25. – Wohl M. Conduites alcooliques : épidémiologie et aspects cliniques. Psychiatrie. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 2009;37:398-A-30. Le Courrier des addictions : Quelle est la place des traitements pharmacologiques dans la prise en charge des addictions comportementales ? J.A. : À peu près nulle ! Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS), souvent prescrits pour leurs effets anti-impulsifs et anticompulsifs, ont fait l’objet de plusieurs études dans le traitement du jeu pathologique. Les principaux travaux ont porté sur la fluvoxamine, la pa- 9 Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009 entretien chiatriques (anxiété, dépression, phobies notamment) et la facilitation, de ce fait, de la réduction, voire l’arrêt, de la consommation de produits, ou même de l’aptitude du sujet à s’engager dans un traitement psychosocial de son addiction. Mais, comme celle-ci est souvent associée à des consommations de produits, il semble que la solution la meilleure soit la prescription de psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques, neuroleptiques ou antipsychotiques) chez un sujet abstinent, dans le contexte d’un traitement intégré. Toutefois, cette prescription n’est pas non plus contre-indiquée si la consommation de substances persiste : elle peut favoriser, par l’atténuation de la souffrance psychique, l’initiation et le renforcement de la motivation au sevrage, objectif qu’il faut ne jamais perdre de vue. Le Courrier des addictions : Et celle des traitements psychothérapiques ? réalisable en France, où ces groupes y sont confidentiels pour ne pas dire inexistants, qu’aux États-Unis et au v Canada... J.A. Elle est considérable pour ne pas dire exclusive, et centrée sur les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) avec "correction" des cognitions erronées, analyse fonctionnelle des situations qui favorisent le comportement en cause, apprentissage de l’évitement des situations à risque, de la gestion du craving, et de la prévention des rechutes. Aux programmes comportementaux et cognitifs s’ajoutent souvent des prises en charge corporelles (relaxation), des thérapies de groupe, de couple ou familiales, voire, bien plus rarement, des psychothérapies individuelles d’inspiration psychanalytique. Le recours aux groupes d’entraide de buveurs, joueurs, débiteurs, "addicts sexuels", "work addicts", anonymes, est essentiel, mais, à part les buveurs, il est bien moins P. de Postis Goodman A. An integrated theory of addiction. International Universities Press, Inc, 1997. (2) Groupe d’experts et auteurs de l’expertise collective sur les jeux de hasard et d’argent, Contextes et addictions (www.inserm.fr – Inserm, 2008, Expertise Collective 492 p, 40 e) : Christophe Lançon, Michel Le Moal, Jean-Pierre Martignoni, Jean-Michel Costes, Elisabeth Belmas, Sylvie Craipeau, Sophie Massin, Jean-Pol Tassin, Marc Valleur, Martial Van Der Linden, Jean-Luc Venisse. (3) Chefs d’équipe : Philip Gorwood, Frédéric Rouillon. Membres : J. Adès, Ph. Batel, Cl Boni, A. Brun-Eberentz, V. Burger, S. Criquillon-Doublet, R. Dardennes, C. Dubertret, A.M. Dubois, C. Even, S. Friedman, V.Gaillac, L. Gicquel, J. Guelfi, S. Kelai, G. Lavoisy, A.M. Le Pagnol-Bestel, Y. Le Strat, N. Leonard, F. Limosin, C. Mirael-Sarron, J.M. Moalic, M.C. Mouren, A. PhamScottez, C. Pichard, D.Purper-Ouakil, N. Ramoz, L. Sala, M. Simonneau, J.Thuile, L.Vera, A.Versini, M. Wolh. (1) vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv Alcool et médicaments, les liaisons dangereuses entraînent un risque important d’hémorragie, alors qu’une consommation chronique en diminue les effets et entraîne un risque de thrombose. Enfin, il rappelle que l’alcool peut amplifier l’effet sédatif des somnifères, tranquillisants, opiacés ou neuroleptiques et que les capsules à libération prolongée sont dissoutes plus rapidement, ce qui en libère le principe actif sans délai. Communiqué de l’ISPA : www.sfa-ispa.ch (rubrique "Médias"). In : Actualités Alcool juin 2009;n° 45. Inpes. www.inpes.sante.fr v L’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA) attire l’attention sur ces points : sous traitement antibiotique, la consommation d’alcool peut provoquer des nausées et vomissements, une migraine, voire des convulsions. Elle diminue l’efficacité du médicament. Par ailleurs, il souligne que de fortes doses d’alcool potentialisent les effets des anticoagulants et Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009 P. de Postis 10