Avec J. Adès : Addictions... Sans extension !

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entretien
Addictions… Sans extension !
Un entretien avec Jean Adès*
Propos recueillis par Didier Touzeau et Patricia de Postis
Jean Adès, 64 ans, psychiatre hospitalo-universitaire, alcoologue et spécialiste bien connu des addictions comportementales non pharmacologiques, ne sait pas bien dire "Moi je…".
À retracer avec lui le riche itinéraire qui l’a conduit de Louis II
de Bavière, thème de sa thèse de médecine sous la férule du
Pr Pierre Pichot et du groupe néphaliste Joie et Santé, sous
celle du Pr Thérèse Lempérière, à l’alcoologie et aux addictions sans drogues à la chefferie de psychiatrie de l’hôpital
Louis-Mourier à Colombes depuis 1990, on voit bien qu’il ne
"voyage" jamais seul. Par principe, par honnêteté, par souci
de rendre à César ce qui est… à ses élèves P. Gorwood, M. Lejoyeux, P. Batel, L. Romo et quelques autres, dans l’équipe de
Colombes. À J.L. Vénisse, M. Valleur, Lançon, Bucher et quelques autres spécialistes et cliniciens des addictions sans drogues et du jeu et achats pathologique en France. À Goodman,
l’étrange psychanalyste américain, spécialiste des "sexual
addictions", baba cool sur les bords, dont il a traduit et popularisé les critères d’addiction qui font autorité, au canadien
Ladouceur, Monsieur Jeu pathologique, et quelques autres
grands noms du "field" hors des frontières... Exercice convenu
de modestie, comme il sied au savoir-être et vivre professionnel dans ce monde sophistiqué de la psychiatrie française ?
Plutôt vraie conviction qu’on ne peut pas faire avancer les
"pions" de son jeu, scientifique et clinique, tout seul, sans tous
les acteurs de l’échiquier. Des plus proches aux plus éloignés,
du plus haut placé, le roi ou la reine (les sommités "du domaine"), au plus modeste, le pion (le patient, sa famille), en passant par les cavaliers (autres professions ressources)…, voire
le fou – le pionnier, militant, excentrique comme Goodman…
Lui, personnellement, a beaucoup bataillé pour faire évoluer
la compréhension des addictions, dont il a promu, en France,
le terme et le concept. Il a créé en 1990 la revue "Dépendances", trimestrielle (laboratoire Riom), disparue aujourd’hui,
pionnière en matière de publications sur les addictions.
Auteur de plus de 300 publications scientifiques et didactiques
traitant de l’alcoolisme et des addictions, il a conçu, avec Michel Lejoyeux, une classification des conduites alcooliques,
ainsi qu’un instrument d’évaluation des achats compulsifs.
Aujourd’hui, il s’interroge sur l’extensivité de cette notion
d’addiction et ses risques de dérapage vers une médicalisation
à tout-va des excès. "Je suis un peu l’incendiaire devenu pompier", reconnaît-il.
Jean Adès, professeur de psychiatrie à la faculté de médecine
Xavier-Bichat à Paris (université Paris-VII) depuis 1982, a été
responsable de l’unité de psychiatrie de l’hôpital Bichat-Claude
Bernard à Paris jusqu’en 2006. Il l’est du pôle psychiatrie et addictologie de l’hôpital Louis-Mourier depuis 2006 et du service
de psychiatrie de l’hôpital Beaujon à Clichy.
Membre fondateur de la Société française d’alcoologie dont
il a été le président jusqu’en 1998, il a fait partie également
de ceux qui ont fondé la Fédération française d’addictologie.
Il a coordonné un réseau Inserm "Génétique des comportements addictifs" et participé à la création, en 2005, d’une
unité Inserm U675 "Génétique des addictions. Analyse phénotypique développementale et génétique des comportements addictifs" (directeur Pr P. Gorwood). Enfin, il est secrétaire du Syndicat universitaire de psychiatrie depuis 1999
et réélu en 2005.
Sur le terrain,
aux côtés
des anciens buveurs
dont les happy-few, triés sur le
volet, se réunissaient une fois l’an
à Munich. "Creusez le cas Louis
II, au-delà de sa légende…". Il n’yavait-plus-qu’à… J’ai commencé
sans plus tarder à m’intéresser de
près à ce prince étrange, reclus
dans son nid d’aigle invraisemblable, récupéré par le mouvement
post-romantique, et, au-delà, antipsychiatrique, farouchement résistant à admettre l’existence de
la maladie mentale en tant que
processus autonome obéissant à
une causalité interne et évoluant
pour son propre compte. On a dit
qu’il avait été assassiné, qu’il avait
Le Courrier des addictions :
Pourquoi avoir choisi de faire votre thèse sur Louis II de Bavière ?
Jean Adès : Dans la vie, il est des
orientations et choix qui ressortent autant du hasard, de l’occaResponsable du pôle psychiatrie/addictologie à l’hôpital Louis-Mourier, 178, rue
des Renouillers, 92701 Colombes Cedex,
professeur de psychiatrie à l’université
Paris-VII Denis-Diderot.
sion, de l’occurrence même que
du choix clairement motivé. Il en
a été ainsi pour le jeune interne
que j’étais, à Sainte-Anne, qui
devait cette année-là, en 1973,
proposer un sujet de thèse à son
maître le Pr Pierre Pichot. "Vous
aimez l’histoire, mon jeune ami ?
J’ai un sujet pour vous". Oui forcément (et effectivement !), j’aimais
l’histoire ! Pierre Pichot, homme
d’une grande culture encyclopédique, spécialiste de beaucoup
de sujets (et même des papillons
!), faisait partie d’une société
d’histoire très fermée, la "Société
des Amis de Louis II de Bavière",
5
été victime de l’acharnement de
son psychiatre… En fait, son psychiatre, le Pr Von Gudden de Munich, avait réussi à le faire interner
pour le faire traiter au château de
Berg en 1886. On les a retrouvés
tous les deux noyés dans le lac de
Starnberg. Bien que le drame n’ait
pas eu de témoins, il est vraisemblable qu’il se soit agi d’un suicide
impulsif d’un schizophrène, qui a
peut-être entraîné dans la mort,
au cours d’une lutte, le psychiatre
qui cherchait à le retenir. Personne ne s’est penché sur le drame
vécu par Von Gudden, surtout pas
dans ces années où l’antipsychia-
Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009
entretien
trie et son chef de file David Cooper se voulait le porte-parole – ou
tentait de l’être ! – d’une certaine
pensée unique ! Je me suis pris
au jeu, avec passion, passant des
heures et des heures dans cette
merveilleuse Bibliothèque nationale de la rue Vivienne à mener
l’enquête en psychopathologie
historique. Ma thèse, soutenue
en 1974, a plu au Pr Pierre Pichot
et, quelques années plus tard, en
1984, il a préfacé l’ouvrage que
les laboratoires Geigy ont tiré de
mon travail sous le titre "Louis II
de Bavière. De la réalité à l’idéalisation romantique."
Le Courrier des addictions :
Vous avez un intérêt ancien et
reconnu pour l’alcoolisme et
l’ensemble des addictions. Et
vous n’étiez pas nombreux et
peu valorisés dans ce champ.
Pourquoi cet engagement ?
J.A. : À l’époque, j’étais jeune
chef de clinique dans le service
du Pr Thérèse Lempérière, ici
même à l’hôpital Louis-Mourier
de Colombes. Elle a eu l’idée de
me demander de "redynamiser"
le groupe de malades alcooliques
Joie et Santé, qui avait la particularité de vouloir en son sein
un médecin. "Alors, voulez-vous
vous en occuper ?" Je n’avais pas
vraiment la possibilité de décider
autre chose que d’acquiescer à
cette injonction, et je l’en remercie, car j’ai beaucoup appris de la
fréquentation durant six ans de ce
groupe. C’est donc dans la réalité
du quotidien de patients et non
dans les livres que j’ai tout d'abord
découvert l’alcoolisme. C’est à
leur contact et en travaillant avec
eux que j’ai pu mesurer l’impact
clinique, humain et social d’un
groupe néphaliste. J’en ai analysé
le fonctionnement interne, compris les ressorts et mécanismes,
apprécié la dynamique. En 1978,
j’en ai d’ailleurs fait le sujet de
mon mémoire de CES de psychiatrie qui m’a valu le prix RobertDebré décerné par feu le Haut
Comité de lutte contre l’alcoolisme, et a été édité l’année suivante
par la Documentation française :
"Réflexions sur le fonctionnement
dynamique d’un groupe d’anciens
buveurs". À partir de ce travail, j’ai
commencé à publier quelques ar-
ticles jusqu’à ce que l’Encyclopédie
Médico-Chirurgicale me confie, en
1984, le soin de me charger d’un
article conséquent en remplacement de celui de Pierre Fouquet,
qui est devenu une référence. Plus
tard, l’ensemble du travail fait pour
l’EMC a fourni la matière de Les
conduites alcooliques et leur traitement, paru chez Doin, dans la collection Conduites, en 1985 puis,
avec Michel Lejoyeux en 1996.
Dès cette époque, l’effet boule de
neige a fonctionné à plein : les
confrères m’ont envoyé des patients. J’étais devenu "alcoologue",
et j’ai continué à tracer mon sillon
dans ce champ.
À la fin des années quatre-vingt,
Pierre Fouquet avait décidé de
fonder la Société française d’alcoologie (SFA). J’ai accompagné tout
de suite les travaux d’élaboration
de cette petite société savante,
dont je suis devenu le président,
de 1990 à 1998. Aujourd’hui,
j’en suis président d’honneur
et c’est le Pr Michel Lejoyeux,
mon élève, qui en assure la présidence. Depuis, d’autres médecins cliniciens et chercheurs
sont venus nous rejoindre et c’est
une grande satisfaction pour moi
d’avoir contribué à intéresser à
ce champ des médecins comme
Philip Gorwood, Philippe Batel, Frédéric Limosin… Nous
ne sommes plus dans notre traversée du désert, mal entendus,
peu reconnus, voire oubliés ! La
SFA compte aujourd’hui plus de
1 000 membres. Elle réunit un
grand nombre de médecins psychiatres, généralistes ou d’autres
spécialités, psychologues, juristes, travailleurs sociaux, soignants se consacrant à l’étude
et aux soins des sujets souffrant
d’alcoolisme. Elle organise de
nombreuses réunions scientifiques, une formation médicale
continue et publie la revue Alcoologie et Addictologie. Elle est
à l’origine de l’organisation de
conférences de consensus sur le
traitement du sevrage d’alcool, la
prise en charge des alcooliques,
les classifications de l’alcoolisme.
Elle a initié la fondation d’une Fédération française d’addictologie,
dont je suis un membre fondateur. Nous en avons parcouru du
chemin, même si nous sommes
loin de nous rapprocher du but !
Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009
Mieux embrasser
le spectre des
addictions
sans produits
Le Courrier des addictions :
Vous avez été précurseur dans
le domaine de la prise en charge
des malades alcoolodépendants,
mais votre champ de recherche
et d’intérêt clinique s’est élargi
rapidement au jeu pathologique
et aux comportements d’achats
compulsifs. Pourquoi pas à la
toxicomanie ?
J.A. : Une fois de plus, ce sont les
"co-occurrences" des rencontres,
des opportunités de travail, et
aussi les patients eux-mêmes,
avec leurs profils propres, qui
poussent un professionnel comme
moi dans une direction plus que
dans une autre. En m’occupant de
malades alcoolodépendants, j’ai
eu maintes occasions d’échanger
avec des spécialistes de comportements de dépendance autres
que la toxicomanie, comme le
jeu pathologique ou les achats
compulsifs, souvent associés dans
un tableau de polyaddictions.
Peu de monde dans les années
quatre-vingt-dix se penchait sur
le spectre des addictions sans
drogues, et je m’attribue le fait
d’avoir lu, dès sa sortie en 1990,
l’article de référence du psychanalyste américain Aviel Goodman, paru dans le British Journal of Addiction, sur les critères
qui définissent le trouble addictif
(voir encadrés) qui font toujours
autorité. Goodman les avaient
élaborés pour théoriser les pratiques sexuelles addictives(1), mais
ils sont applicables à toutes les
addictions, comportementales ou
non. Pour les populariser, je les ai
tout de suite traduits et repris systématiquement dans les articles
que je publiais. Avec mon chef de
clinique puis agrégé Michel Lejoyeux, nous avons proposé une
classification de ces comportements, élaboré des questionnaires
pour les évaluer. Nous avons
publié des articles, édité des ouvrages : par exemple La fièvre des
achats, en 1999, chez Les Empêcheurs de penser en rond, Encore
plus ! Jeu, sexe, travail, chez Odile
6
Jacob en 2001… Nous sommes
devenus des spécialistes de ces
comportements, tant sur le plan
de la recherche que de la clinique.
Enfin, toujours en 1990, j’ai créé la
revue Dépendances, trimestrielle.
Pour ma part, j’aime recevoir les
joueurs et les acheteuses compulsives (voir p. 14), travailler sur
leurs problématiques. Ils sont ensuite pris en charge par thérapie
comportementale par deux psychologues du service, Lucia Romo
et Cindy Legauffre. Enfin, le casino
d’Enghien, notre voisin, dont l’un
des cadres a pour fonction de repérer les joueurs qui vont mal, nous
a demandé, il y a quelques années,
de former aux difficultés de ceux-ci
ses croupiers, chefs de table, personnels divers. Pendant deux ans,
le Dr Bonora, une psychiatre du
service, a assuré ces formations.
Le Courrier des addictions :
Au final, le travail de pionnier
que votre équipe et vous avez
mené depuis plus de vingt ans,
dans le domaine du jeu pathologique en particulier, vat-il déboucher sur des actions
concrètes ?
J.A. : Certes, nous ne sommes pas
encore nombreux à nous intéresser à ce problème (M. Valleur,
J.L. Vénisse, C. Bucher, S. Tisseron…), mais le fait même d’avoir
pu participer en 2008, avec une
dizaine d’experts, à l’expertise
collective "Jeux de hasard et d’argent. Contextes et addictions"(2),
est bien la concrétisation que les
lignes bougent... En bref, ses recommandations (voir p. 19) sont :
4 Promouvoir une information
claire et objective sur les jeux de
hasard et d’argent qui tient compte
de l’amélioration technologique
des jeux déjà existants, des données scientifiques établies sur les
comportements de jeu et leurs
excès, sur les dommages qu’ils entraînent.
4 Élaborer et évaluer un programme de formation pour les
personnels en contact avec les
joueurs.
4 Promouvoir les interventions
préventives d’interdits de jeu.
4 Prendre en charge les joueurs
excessifs (systèmes d’auto-prise
en charge, interventions brèves
par téléphone, repérage des
entretien
joueurs excessifs dans les structures de soins, structuration de
l’offre de soins, développement de
la formation de thérapeutes…).
4 Développer les recherches
(enquête nationale de prévalence, études sur les nouveaux
types de jeux, de cohortes pour
mieux connaître les trajectoires
de joueurs, en neuropsychologie,
sur le coût social du jeu excessif, sur les outils de repérage des
joueurs à problèmes, d’évaluation
des protocoles de prise en charge,
recherches fondamentales sur les
mécanismes en cause).
Reste à les mettre en œuvre… Et à
doter les acteurs des moyens suffisants pour y parvenir. Par exemple, il faut conforter la place des
nouveaux Centres de soins d’accompagnement et de prévention
en addictologie (CSAPA), prévus
dans le Plan de prise en charge et
prévention des addictions 20072011. Mais pour cela, ces centres
médico-sociaux de proximité doivent acquérir des compétences
appropriées pour accueillir et accompagner des personnes qui ont
des problèmes de comportements
addictifs comme le jeu pathologique. Parallèlement, le dispositif
hospitalier présentant une offre
de soins graduée selon ce même
plan, doit ouvrir, du moins au sein
des structures de niveau III, des
consultations spécialisées pour
les joueurs problématiques. Enfin,
il faudrait que ces centres mettent
en place une coordination pour
développer des approches cliniques et thérapeutiques évaluées,
validées et communes…
Les plus petits
dénominateurs
communs
Le Courrier des addictions :
Mais ces comportements sontils vraiment des addictions
comme le sont celles à des substances toxiques ? Ne raisonnet-on pas trop par analogie ?
J.A. : C’est vrai que l’addictologie,
à l’émergence de laquelle pourtant
j’ai contribué, manque singulièrement de base scientifique. Certes, les différents comportements
d’addiction, avec ou sans produits,
ont des facteurs communs, tant
Critères de l’addiction : le modèle de goodman (1990)
4 Impossibilité de résister à l’impulsion de s’engager dans le comportement.
4 Tension croissante avant d’initier le comportement.
4 Plaisir ou soulagement au moment de l’action.
4 Perte du contrôle en débutant le comportement.
4 Cinq des critères suivants ou plus :
– Préoccupation fréquente pour le comportement ou l’activité qui prépare à celui-ci.
– Engagement plus intense ou plus long que prévu dans le comportement.
– Efforts répétés pour réduire ou arrêter.
– Temps considérable passé à réaliser le comportement.
– Réduction des activités sociales, professionnelles, familiales du fait du comportement.
– L’engagement dans ce comportement empêche de remplir des obligations sociales, familiales, professionnelles.
– Poursuite malgré les problèmes sociaux.
– Tolérance marquée.
– Agitation ou irritabilité s’il est impossible de réduire le comportement.
4 Plus d’un mois ou de façon répétée pendant une longue période.
dans leurs expressions, les dommages qu’ils occasionnent, que la
comorbidité psychiatrique qui les
accompagne (mais la co-morbidité
psychiatrique n’est pas seulement
le fait des addictions), l’environnement des sujets vulnérables, les
facteurs de vulnérabilité génétiques notamment… Tous se caractérisent par un échec répété pour
les contrôler (notion de "perte du
contrôle" de Jellinek), et leur poursuite malgré leurs conséquences
négatives.
Ces facteurs communs ne sont en
fait que des plus petits communs
dénominateurs qui font de l’addiction un concept unifiant qui, en
définitive, en abrase les spécificités
et en appauvrit le sens. Du coup,
il permet de réunir sous la même
étiquette des comportements qui
sont en réalité bien différents,
et de les faire prendre en charge
par les mêmes structures, alors
qu’ils concernent des populations
très différentes et requièrent des
compétences spécifiques… Voire,
si on étend le modèle "Addiction"
à de nombreux comportements
hédoniques, à potentiel d’excès,
d’avoir la tentation de tous les médicaliser ! Avec, en arrière-fond,
l’omniprésente tentation d’ouvrir
toujours plus grand le parapluie
du principe de précaution selon lequel il faut tout prévoir et prévenir.
Je rappelle que dans le DSM-IV, on
parle, toujours, de "dépendances
aux substances" et non d’addiction
et qu’on trouve le jeu pathologique
dans le chapitre des "Troubles du
contrôle des impulsions". Jusqu’à
quand ?
Le Courrier des addictions :
Dans le maquis actuel de la
sémantique, quelle est la définition la plus pertinente et
opérationnelle ?
J.A. : Aucune définition consensuelle n’existe et, encore une
fois, le mot addiction, s’il s’est
imposé récemment avec la mise
en œuvre, depuis Nicole Maestracci des Plans addictologiques,
ne figure, à l’heure actuelle, dans
aucune des classifications internationales des maladies. Plusieurs
conceptions s’opposent. Pour les
uns – parmi lesquels je me range
sans hésiter–, ce terme est parfaitement synonyme de dépendance.
Il décrit donc un comportement
d’aliénation psychologique et/
ou physique vis-à-vis d’une substance (l’assuétude, terme que préfère Isidore Pelc en Belgique).
Il "traduit l’usage pathologique
répété d’une substance et tend à
remplacer celui de dépendance",
comme l’écrit François Paille.
D’autres auteurs, comme Michel
Reynaud et Philippe-Jean Parquet, considèrent que le mot addiction englobe la dépendance, et
l’abus ou usage nocif, et va même
jusqu’à l’usage d’un produit. Les
"pratiques addictives" sont alors
définies comme "l’ensemble des
comportements de consommation de substances psychoactives
– usage, usage nocif et dépendance – et, dans une démarche
compréhensive, par l’ensemble
des déterminants permettant de
comprendre leur initiation, leur
fonctionnement, leur évolution…"
7
C’est là, selon moi, une pétition
de principe qui dépouille le terme
addiction de sa spécificité, notamment celle de contrainte par
corps, incluse dans l’étymologie
du mot.
Pour moi, les seuls critères de définition à retenir pour l’addiction,
sont ceux qu’Aviel Goodman,
avait publiés en 1990, et dont nous
avions naguère proposé la traduction française (voir encadrés).
L’examen de ces critères montre
leur quasi totale identité avec
ceux de la dépendance avec les
deux symptômes-clés du comportement, qui sont – selon cette critériologie – l’échec répété de son
contrôle – sa poursuite malgré ses
conséquences négatives. Cette définition générale, on le voit bien,
autorise le regroupement, dans
une même catégorie, des addictions, avec ou sans produits. On
peut donc considérer comme addictions comportementales, non
pharmacologiques, le jeu pathologique, les achats compulsifs, la
sexualité compulsive, l’addiction
au travail, mais aussi maintenant
aux jeux vidéos et à l’Internet. Les
troubles des conduites alimentaires, et notamment la boulimie
ou "la boulimarexie", se situent,
pour certains, aux confins de l’addiction, encore que cette appartenance apparaisse à beaucoup
comme réductrice. Des débats
nosographiques non tranchés
discutent de l’appartenance des
addictions comportementales aux
troubles du contrôle des impulsions ou au spectre des troubles
obsessionnels compulsifs.
Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009
entretien
Au final, toujours selon Goodman, l’addiction se situerait entre impulsion et compulsion : si
l’impulsion implique la recherche
d’un plaisir ou d’une gratification
immédiate, la compulsion, le soulagement des tensions et la réduction des affects pénibles, l’addiction partage, selon les moments
évolutifs, les caractéristiques de
l’impulsion et de la compulsion.
Le Courrier des addictions :
Les recherches en génétique
des addictions, dont votre service est aussi un pionnier, ne
conforte-t-elle pas cette relative unicité de ces "comportements d’excès" ?
J.A. : Je n’ai personnellement
pas de compétences spécifiques
en génétique, mais l’un de mes
élèves, Philip Gorwood, a été
formé chez Feingold à la génétique des comportements. C’est
lui qui, avec mon soutien et mon
aide, a mis en place des travaux
sur la génétique de l’alcool puis
sur d’autres comportements addictifs. Je l’ai aidé à créer l’unité
Inserm 675 "Génétique des addictions. Analyse phénotypique
développementale et génétique
des comportements addictifs",
il y a quatre ans, mais c’est son
dynamisme qui a permis de faire
avancer tous les travaux de notre
équipe dans ce domaine. Elle travaille avec celle du Pr Frédéric
Limosin de Corentin-Celton, du
Dr Philippe Batel de Beaujon, du
Pr Venisse de Nantes et de Mmes
Versini et Burger, doctorantes(3),
en collaboration avec le laboratoire Inserm U705 de Florence
Noble, à la faculté de pharmacie
de Paris. Le laboratoire axe son
travail sur la recherche de facteurs prédictifs et/ou de vulnérabilité aux comportements addictifs, avec une triple approche :
l’analyse phénotypique (déterminants cliniques simples et communs aux différentes addictions),
développementale et génétique
des comportements addictifs :
par exemple, analyse de deux
polymorphismes du gène DRD1
qui code pour le récepteur dopaminergique D1 chez des patients
alcoolodépendants. Ou encore,
implication vraisemblable de plusieurs gènes de vulnérabilité dans
le jeu pathologique : principalement les gènes codant pour les
récepteurs dopaminergiques D2 ,
D4, les gènes du transporteur de
la dopamine, de la tryptophane
hydroxylase.
Ces approches sont corroborées
par des analyses fonctionnelles de
biologie moléculaire et génomique sur des modèles in vitro de
cultures cellulaires et in vivo chez
l’animal.
Les travaux de notre équipe ont
bien pour objectifs généraux
d’analyser les points communs
des pathologies du spectre phénotypique des comportements
addictifs que sont, par exemple,
l’hyperactivité de l’enfant (avec
ses aspects neuro-cognitifs, génétiques et pharmacogénétiques),
les troubles du comportement alimentaire, ou le jeu pathologique.
Ainsi, Lucia Romo de notre
équipe, maître de conférences en
psychologie à la faculté de Nanterre, a mis en place, sous ma direction, une étude cofinancée par
le PMU et la Française des Jeux,
pour évaluer la co-occurrence
entre l’hyperactivité chez les
adultes et le jeu pathologique, et
la prévalence, en population générale, chez des joueurs de PMU
ou de la Française des Jeux, du
jeu abusif et du jeu pathologique
(voir p. 14).
En réalité, les travaux de l’équipe
s’attachent plus à décrypter les
spécificités des addictions et leurs
co-occurrences que leur unicité.
dants, d’une substance ou d’un
comportement, cette catégorie est
loin d’être homogène. Cela implique bien évidemment des stratégies thérapeutiques modulées
selon la spécificité des cas, après
avoir explicité, au terme d’une
enquête clinique approfondie,
l’interrelation entre conduite addictive et troubles mentaux : caractère primaire ou non du trouble mental, présence ou non de
troubles psychiques dans les périodes d’abstinence, et, éventuellement, de troubles mentaux dans
l’entourage familial, aggravation
ou amélioration d’un trouble par
l’autre… Ainsi, un grand nombre
des symptômes psychiques rencontrés chez les patients "addicts"
sont secondaires à l’addiction ellemême : 80 % des dépressions, par
exemple, chez les sujets alcoolodépendants, sont secondaires, et
donc améliorées de façon spectaculaire, en un à trois mois, par le
sevrage (Brown et al., 1988, 1991 ;
Adès et Lejoyeux, 1997). Des
troubles psychiques primaires, à
l’inverse, antérieurs à la conduite
addictive, peuvent persister malgré le sevrage du produit (troubles bipolaires, phobies sociales),
ou même se trouver exacerbés
par l’abstinence, comme certains
l’ont établi pour l’état de stress
post-traumatique (Brady, 1994).
D’autres études, à l’inverse, ne
montrent aucune corrélation entre un diagnostic psychiatrique et
l’usage d’un produit donné.
La co-occurrence
omniprésente
de la dépression
Le Courrier des addictions :
On retrouve les mêmes intrications "psychiatriques" et
"addictives" dans le jeu pathologique ?
Le Courrier des addictions :
Il semble tout de même que
presque toutes ces addictions,
avec ou sans pharmacologie,
aient le même soubassement
dépressif. Pourquoi ne commence-t-on pas systématiquement
par s’intéresser à celui-ci ?
J.A. : De nombreux travaux ont
été consacrés à la co-occurrence
entre ce comportement et les
troubles de l’humeur, qui témoignent tous de sa grande fréquence. Une vaste étude épidémiologique nord-américaine, le
National Epidemiological Survey
on Alcohol and Related Condition
(NESARC), publiée en 2005, portant sur plus de 43 000 sujets en
population générale, indique une
prévalence sur la vie de 49,62 %
de troubles de l’humeur chez les
joueurs pathologiques, avec un
risque relatif de 4,4 (Petry NM,
J.A. : Vous abordez là la problématique de la catégorie des "doubles diagnostics". Contrairement
à ce que pourrait laisser penser,
selon un raisonnement analogique pour ne pas dire syllogique,
la grande fréquence des troubles
dépressifs chez les sujets dépen-
Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009
8
Stinson ES, Grant BF. J Clin Psychiatry 2005;66:564-74). Le trouble
le plus souvent rapporté est l’épisode maniaque, puis, plus globalement le trouble bipolaire. Il est
couramment admis que le risque
de suicide est élevé chez les joueurs
: des gestes suicidaires sont retrouvés chez 15 à 20 % des joueurs,
risque accru pour certains par la
présence d’un état dépressif (Moodie C, Finnigan F. Psycho Reports
2006;99:407-17). Toutefois, comme
en témoigne l’expertise collective
de l’Inserm, en 2008 : "Le risque relatif pour le suicide chez les joueurs
pathologiques n’est pas clairement
connu, même si l’importance des
idéations suicidaires est plus nettement démontrée dans cette population." En fait, le risque suicidaire
chez les joueurspourrait être lié à
l’association fréquente d’une dépression et de l’abus de substances
psychoactives. Par ailleurs, les
troubles de la personnalité souvent
associés au jeu (personnalité antisociale notamment) accentuent
sans nul doute les risques de passage à l’acte suicidaire.
Le Courrier des addictions :
Est-ce la même complexité en
ce qui concerne les achats pathologiques ?
J.A. : Oui : leur co-occurrence
avec des troubles de la personnalité et psychiatriques, parmi
lesquels la dépression, représente
le trouble comorbide de loin le
plus fréquent, puisqu’elle est relevée chez plus de 60 % de ces
sujets. Selon Lejoyeux et al., en
1999, l’évaluation des conduites
d’achats compulsifs chez 119 patients présentant les critères DMS
III-R d’épisode dépressif majeur
montre une fréquence de 32 %
d’achats incontrôlés (Lejoyeux
M, Haberman N, Solomon J,
Adès J. Comprehensive Psychiatry
1999;1:51-3). Les femmes présentaient plus souvent des achats
compulsifs, de même que les sujets
souffrant de dépressions récurrentes, de kleptomanie, boulimie,
abus ou dépendance aux benzodiazépines. Les "acheteuses" se
font des cadeaux à elles-mêmes et
choisissent ceux qui ont pour elles
une forte image de valorisation
sociale et esthétique : vêtements,
parfums, produits de beauté de
entretien
marque… Dans plus de la moitié
des cas, les objets acquis ne sont
pas utilisés, ce qui confirme la
fonction symbolique de la transaction d’achat. Ainsi, peut-on
comprendre, dans le contexte de
la dépression, la recherche d’une
réparation narcissique à travers
l’objet, le rôle "contre-dépressif"
de l’achat, ici encore source d’un
cercle vicieux puisque culpabilité
et difficultés financières aggravent
la dépression et renforcent le
comportement. Pour finir, si pathologie dépressive et achats sont
très souvent associés, les troubles
de la personnalité, fréquents chez
ces patientes (personnalité narcissique, état limite…) accentuent la
vulnérabilité à la dépression.
On pourrait continuer sur la
même "lancée" avec les addictions sexuelles, le "workaholism",
l’addiction à Internet, aux jeux
en ligne... mais, dans tous les cas,
les interrelations entre "addictions sans drogue" et pathologie
dépressive sont complexes : il
peut s’agir de troubles dépressifs
primaires, trouble bipolaire notamment, mais aussi de dépressions caractérisées et de dysthymie, favorisant la survenue d’une
conduite hédonique de valeur
"escapiste", permettant l’automédication des affects dépressifs.
Dans d’autres cas, la dépression
est secondaire, s’installant au fil
de la survenue des effets délétères des addictions, d’ordre psychologique, familial, conjugal,
social, et très souvent financier.
L’intrication de ces deux types
de dépression est la règle. Les recommandations thérapeutiques
en découlent : repérage attentif
et systématique de la dépression,
souvent minimisée, chez ces sujets, mise en place de psychothérapies visant à réduire l’intensité
de la conduite, et, le cas échéant,
lorsque la dépression persiste, ou
lorsqu’elle est d’emblée sévère,
prescription bien conduite de
chimiothérapies antidépressives.
Faut-il des traitements intégrés ?
Le Courrier des addictions :
Vous plaidez en faveur des
"traitements intégrés" lorsqu’il
y a double diagnostic, psychia-
roxétine, le citalopram : aucun
d’entre eux ne montre de différence notable entre l’antidépresseur et le placebo sur les comportements de jeu ! Quelques
études ont montré l’effet positif
sur ceux-ci d’un antagoniste
opiacé, la naltrexone. Enfin, les
thymorégulateurs, carbonate
de lithium, valproate, carbamazépine, pourraient être efficaces,
trique et addictif. Qu’en est-il
actuellement en France ?
J.A. : L’une des questions essentielles est effectivement de déterminer, si un sujet qui présente
des troubles psychiques associés
à une conduite addictive, peut et
doit être pris en charge, simultanément par la même équipe, dans
le même lieu (traitement intégré),
ou s’il convient de traiter en priorité le problème le plus aigu, avant
de prendre en charge la pathologie
associée (traitement séquentiel).
Un troisième type de stratégie,
auquel il est bien souvent fait appel, implique le traitement simultané des deux pathologies, dans
des lieux de soins différenciés,
par deux équipes spécialisées différentes. Ce traitement parallèle
peut, par exemple, associer un
centre de soins psychiatriques et
un service ou un centre d’addictologie. C’est le "scénario" le plus
répandu en France. Les centres
de soins spécialisés dans la prise
en charge intégrée des troubles
psychiatriques et des addictions
sont rares, l’orientation initiale
des équipes, leur origine, leur lieu
d’exercice déterminant souvent les
stratégies thérapeutiques privilégiées.
Pourtant, l’intérêt théorique et
la supériorité des traitements intégrés est peu discutable. Il évite
l’écueil de la minimisation d’un
des troubles par l’équipe qui prend
en charge "l’autre", les divergences
idéologiques et d’approches entre
elles, la survalorisation de l’abstinence et de son maintien par
l’une et du travail psychothérapique par la seconde, bref les objectifs divergents si ce n’est, parfois,
contradictoires…
mais les études contrôlées sont
peu nombreuses et leurs résultats peu concluants.
En réalité, les quelques travaux
consacrés à la prise en charge
pharmacologique des addictions
comportementales,
concernent
surtout le traitement des troubles
psychiatriques co-occurrents. Les
objectifs théoriques en sont alors
l’amélioration des symptômes psy-
Sélection parmi les ouvrages
ou chapitres d’ouvrages
– Adès J. Les conduites alcooliques. Doin, Psychiatrie. Pratique de
l’Encéphale, 1985.
– Adès J, Lejoyeux M. Les conduites alcooliques et leur traitement. Doin,
Conduites, 1996.
– Adès J, Lejoyeux M. Alcoolisme et psychiatrie. Masson, Médecine et Psychothérapie, 1997:43-55.
– Adès J, Lejoyeux M. Alcoolisme et psychiatrie. Données actuelles et perspectives. Masson, Médecine et Psychothérapie, 1997 (réédité en 2002).
– Adès J. Le jeu pathologique. In : Les passions dangereuses. Addiction
et conduites de dépendance. Médecine-Sciences Flammarion 1998:28-32.
– Adès J, Lejoyeux M. La fièvre des achats. Sanofi-Synthélabo, Les Empêcheurs de penser en rond, 1999.
– Adès J, Lejoyeux M. Encore Plus ! Jeu, sexe, travail. Odile Jacob, 2001.
– Adès J, Lejoyeux M. La fièvre des achats. Les Empêcheurs de penser en
rond/Le Seuil, 2002.
– Lejoyeux M, Adès J. Troubles de la personnalité et conduites alcooliques.
In : Les troubles de la personnalité. Féline A, Guelfi JD, Hardy P. Médecine
Sciences Flammarion, 2002.
– Adès J. Les conduites alcooliques et toxicomaniaques : du risque à la prévention. In : Conduites addictives, conduites à risques. Venisse JL, Bailly D,
Reynaud M. Masson, Médecine et Psychothérapie, 2002:95-102.
– Adès J. Addictions et troubles psychiatriques associés : éléments d’une
stratégie de soins. In : Médecine et addictions. Peut-on intervenir de façon
précoce et efficace ? Reynaud M, Bailly D, Venisse JL, Masson, Médecine et
Psychothérapie, 2005:154-60.
– Adès J. Le jeu pathologique. In : Traité d’addictologie. Reynaud M. Médecine-Sciences Flammarion, 2006;chap.103:669-72.
– Adès J. Critères diagnostiques. In : Jeux de hasard et d’argent. Contextes
et addictions. Expertise collective, Inserm, 2008:157-70.
– Adès J. Jeu pathologique. Abrégés Addictologie Michel Lejoyeux. Elsevier
Masson SAS:229-38.
– Adès J. Dépression et addictions non pharmacologiques. In : Les états
dépressifs. Goudemand M. Médecine-Sciences Flammarion, 2009 (sous
presse).
– Lejoyeux M. Alcoolisme, thérapeutique. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 1993:25-434.
– Lejoyeux M, Tassain V. Sémiologie des conduites de risque. Psychiatrie.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 1994;37:114-A-70.
– Lejoyeux M. Conduites alcooliques : historique du concept, définition, aspects épidémiologiques, étiopathogénie. Encyclopédie Médico-Chirurgicale
1996;37:398-A-30.
– Lejoyeux M. Conduites alcooliques : aspects cliniques. Encyclopédie
Médico-Chirurgicale 1996;37:398A-40.
– Lejoyeux M. Conduites alcooliques : traitement. Encyclopédie MédicoChirurgicale 1996;37:398-A-50.
– Lejoyeux M. Dépendances comportementales : achats compulsifs, addictions sexuelles, dépendance au travail, kleptomanie, pyromanie, trouble
explosif intermittent, trichotillomanie. Psychiatrie. Encyclopédie MédicoChirurgicale 1999;37:396-A-20.
– Lejoyeux M. Jeu pathologique. Psychiatrie. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 2000;37:396-A-25.
– Wohl M. Conduites alcooliques : épidémiologie et aspects cliniques. Psychiatrie. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 2009;37:398-A-30.
Le Courrier des addictions :
Quelle est la place des traitements pharmacologiques dans
la prise en charge des addictions comportementales ?
J.A. : À peu près nulle ! Les antidépresseurs inhibiteurs de la
recapture de la sérotonine (IRS),
souvent prescrits pour leurs effets
anti-impulsifs et anticompulsifs,
ont fait l’objet de plusieurs études
dans le traitement du jeu pathologique. Les principaux travaux ont
porté sur la fluvoxamine, la pa-
9
Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009
entretien
chiatriques (anxiété, dépression,
phobies notamment) et la facilitation, de ce fait, de la réduction,
voire l’arrêt, de la consommation
de produits, ou même de l’aptitude
du sujet à s’engager dans un traitement psychosocial de son addiction. Mais, comme celle-ci est
souvent associée à des consommations de produits, il semble
que la solution la meilleure soit la
prescription de psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques, neuroleptiques ou antipsychotiques)
chez un sujet abstinent, dans le
contexte d’un traitement intégré.
Toutefois, cette prescription n’est
pas non plus contre-indiquée si
la consommation de substances
persiste : elle peut favoriser, par
l’atténuation de la souffrance psychique, l’initiation et le renforcement de la motivation au sevrage,
objectif qu’il faut ne jamais perdre
de vue.
Le Courrier des addictions :
Et celle des traitements psychothérapiques ?
réalisable en France, où ces groupes
y sont confidentiels pour ne pas dire
inexistants, qu’aux États-Unis et au
v
Canada...
J.A. Elle est considérable pour ne
pas dire exclusive, et centrée sur les
thérapies cognitivo-comportementales (TCC) avec "correction" des cognitions erronées, analyse fonctionnelle des situations qui favorisent le
comportement en cause, apprentissage de l’évitement des situations à
risque, de la gestion du craving, et
de la prévention des rechutes. Aux
programmes
comportementaux
et cognitifs s’ajoutent souvent des
prises en charge corporelles (relaxation), des thérapies de groupe,
de couple ou familiales, voire, bien
plus rarement, des psychothérapies
individuelles d’inspiration psychanalytique. Le recours aux groupes
d’entraide de buveurs, joueurs, débiteurs, "addicts sexuels", "work addicts", anonymes, est essentiel, mais,
à part les buveurs, il est bien moins
P. de Postis
Goodman A. An integrated theory of
addiction. International Universities Press,
Inc, 1997.
(2) Groupe d’experts et auteurs de l’expertise
collective sur les jeux de hasard et d’argent,
Contextes et addictions (www.inserm.fr –
Inserm, 2008, Expertise Collective 492 p,
40 e) : Christophe Lançon, Michel Le Moal,
Jean-Pierre Martignoni, Jean-Michel Costes,
Elisabeth Belmas, Sylvie Craipeau, Sophie
Massin, Jean-Pol Tassin, Marc Valleur, Martial Van Der Linden, Jean-Luc Venisse.
(3) Chefs d’équipe : Philip Gorwood, Frédéric Rouillon. Membres : J. Adès, Ph. Batel,
Cl Boni, A. Brun-Eberentz, V. Burger, S. Criquillon-Doublet, R. Dardennes, C. Dubertret, A.M. Dubois, C. Even, S. Friedman,
V.Gaillac, L. Gicquel, J. Guelfi, S. Kelai, G.
Lavoisy, A.M. Le Pagnol-Bestel, Y. Le Strat,
N. Leonard, F. Limosin, C. Mirael-Sarron,
J.M. Moalic, M.C. Mouren, A. PhamScottez, C. Pichard, D.Purper-Ouakil, N.
Ramoz, L. Sala, M. Simonneau, J.Thuile,
L.Vera, A.Versini, M. Wolh.
(1)
vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv
Alcool et médicaments,
les liaisons dangereuses
entraînent un risque important d’hémorragie, alors qu’une consommation chronique en diminue les effets et entraîne un risque de
thrombose. Enfin, il rappelle que l’alcool peut amplifier l’effet sédatif
des somnifères, tranquillisants, opiacés ou neuroleptiques et que les
capsules à libération prolongée sont dissoutes plus rapidement, ce
qui en libère le principe actif sans délai.
Communiqué de l’ISPA : www.sfa-ispa.ch (rubrique "Médias"). In :
Actualités Alcool juin 2009;n° 45. Inpes. www.inpes.sante.fr
v
L’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA) attire l’attention sur ces points : sous traitement antibiotique, la consommation d’alcool peut provoquer
des nausées et vomissements, une migraine, voire des convulsions.
Elle diminue l’efficacité du médicament. Par ailleurs, il souligne que
de fortes doses d’alcool potentialisent les effets des anticoagulants et
Le Courrier des addictions (11) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2009
P. de Postis
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