BIOTECHNOLOGIES ET LES DEFIS LANCES A L’ETHIQUE
Universités Tunisiennes et l’Association des Chercheurs et Enseignants
tunisiens en France : ECETE forum 2002 – « Les biotechnologies :
Recherche, développement et éthique », Tunis, les 26 et 27 juillet 2002.
Pr B. HAMZA
Président du Comité National d’Ethique Médicale - Tunisie
Notre société contemporaine a beaucoup évolué sur le plan des
connaissances scientifique. Cette évolution est apparue amplifiée et même
démesurée par le progrès de la biotechnologie, le pouvoir de manipulation des
mécanismes vitaux, le pouvoir de modifier la vie humaine, et transformer le
développement du vivant par les manipulations génétiques.
Ces avancées de la science biologique suscitent des interrogations et
des craintes, à tous les échelons de la société.
Aussi, c’est en raison de leurs implications sociales, morales et
éthiques, qu’une réflexion approfondie a-t-elle accompagné la révolution
scientifique pour protéger les droits de l’homme contre toute dérive issue d’une
mauvaise utilisation et ce, d’autant plus, que des valeurs traditionnelles sont
dépassée par la biotechnologie et que la diversité des approches reflète le poids
des traditions culturelles, administratives et religieuses. C’est dans ce contexte
qu’est née la biotechnologie, nouvelle manière de penser les rapports entre
l’homme et la science. Elle consiste à identifier les enjeux culturels de la science
de la vie et s’assurer que ce nouveau pouvoir détenu par la recherche n’entame
pas les droits de l’homme et ne remet pas en cause, en même temps les progrès
scientifiques et technologiques dont on connaît les avantages que peuvent tirer les
générations actuelles et futures.
Il s’agit, en sorte, de concilier l’impératif de la recherche sur le vivant,
biologique et biotechnologique avec le primat de la protection des personnes, la
sauvegarde de l’homme et ses droits fondamentaux. Il importe, alors, d’avoir
constamment à l’esprit que l’être humain a une valeur en soi et qui doit être
respectée indépendamment des avantages que peut tirer la société du progrès de la
science. Ces progrès soulèvent en effet, des enjeux qui concernent actuellement de
sérieuses questions et qui doivent nous faire réfléchir aux frontières entre ce qui
est souhaitable et des prétentions inacceptables. A titre d’exemple ; nous pouvons
citer :
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la maîtrise de la procréation médicalement assistée ;
le diagnostic pré-implantatoire ;
le diagnostic prénatal ;
les xénogreffes ;
thérapie cellulaire xénogénique ;
la thérapie cellulaire ;
o cellules fœtales ;
o cellules souches embryonnaires
le clonage reproductif et thérapeutique ;
la médecine prédictive.
D’autres découvertes actuelles des sciences du vivant posent des
problèmes éthiques et créent des dilemmes et touchent aux droits de l’homme.
Les enjeux sont tels, qu’aujourd’hui, la perception du corps humain
est modifiée. Ses éléments sont devenus des moyens thérapeutiques.
Nous pouvons transplanter des organes humains pour assurer la
survie. L’homme est devenu alors prothèse où chaque organe défectueux peut être
assuré par un autre. Les besoins sont importants et l’on a envisagé la xénogreffe,
mais la recherche s’oriente davantage vers le tissu d’origine transgénique avec les
risques immunologiques et l’émergence de nouvelles maladies infectieuses.
La perception de l’embryon est également modifiée. Il devient un
instrument thérapeutique par ces cellules souches pour couvrir les besoins d’une
médecine regénératrice des affections neurologiques, hépatiques, cardiaques,
articulaires et autres.
Aujourd’hui nous pouvons combler le désir légitime des couples
stériles, d’avoir leur enfant biologique, par la procréation médicalement assistée.
Le diagnostic pré-implantatoire de l’embryon est pratiqué pour
prévenir des maladies génétiques.
Nous pouvons aujourd’hui porter le diagnostic avant la naissance.
C’est le diagnostic pré-natal. l’enfant n’est plus alors dans l’imaginaire parental. Il
devient même un sujet soumis à des choix, à la conformité désirée par le couple,
ses décisions et ses conséquences.
Mais c’est parce qu’il est l’objet de recherche de la qualité ou de
l’idéal, que le diagnostic pré-natal est aussi l’objet de dérives et de dévoiement.
Or l’on ne peut lier le diagnostic pré-natal à l’ambition de choisir selon ses
convenances.
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Aujourd’hui, grâce à la biologie moléculaire, nous pouvons dépister
avant la naissance ou après, des maladies génétiquement liées et qui se
manifesteront à un stade précoce ou tardif de la vie. Est-il éthique de le dévoiler à
une personne quant elle est prisonnière de ses gènes et qu’il n’y a pas un
traitement curatif efficace ?
Le problème est encore plus grave quand on sait que le nouveau-né,
sera l’objet d’une maladie qui se manifestera à un âge avancé de la vie, comme
par exemple la maladie de Huntington (40 ans) ou d’Alzheimer (60 ans). Peut –
on alors éliminer le fœtus au risque de gommer une vie partiellement active.
L’évolution des connaissances des gènes et leur localisation connaît
d’une manière régulière l’angoisse et le risque de modifier l’espèce humaine. De
plus en plus le pouvoir de la génétique a de profondes répercussions sur la société
et ce par l’étiquetage des bons et des mauvais gènes. Se pose alors le problème de
discrimination, de stigmatisation et de répercussion sur les aspects sociaux de la
société.
La thérapie génique somatique, dernier né de notre pouvoir médical
est certes prometteur d’espoirs. Elle ouvre des possibilités nouvelles. Elle permet
de corriger les erreurs de la nature par l’insertion de bons gènes souhaités. Elle
atteint néanmoins en profondeur la plus secrète et individuelle identité de notre
nature biologique. Aussi doit-elle être manipulée avec responsabilité et respect de
la personne humaine. Elle soulève par ailleurs de nombreuses questions éthiques
en particulier l’analyse des bénéfices escomptées par rapport aux risques.
Quant à la thérapie génique germinale, qui a pour objectif de
remédier des altérations géniques de manière à éviter leur transmission aux
descendants, l’éthique ne peut que la condamner en l’état actuel des
connaissances en raison du risque de modifier le patrimoine génétique humain, de
ne plus contrôler la sérénité de l’espèce humaine et de faillir a notre devoir envers
les générations futures.
Par ailleurs, la tentative de réplication de l’homme par le clonage est
une grave atteinte à l’humanité, sa culture, sa spécificité, ses fonctions juridique et
économique. Il s’agit d’une aventure qui a révolutionné les données acquises de la
science et qui est unanimement condamnée.
Le clonage thérapeutique, est une méthode peut être vouée à l’espoir
thérapeutique de certaines maladies et ce en raison des potentialités des cellules
embryonnaires pluripotentes. Mais cet espoir n’est pas dénué du risque éthique de
banalisation de l’utilisation de l’embryon et de faire prévaloir l’utilisation altruiste
par l’instrumentation de la femme donneuse d’ovocytes.
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Ainsi les progrès spectaculaires de la biologie moléculaire pénètrent
au coeur même du vivant et « nous sommes parvenus à un stade de connaissances
qui confère à l’Homme une liberté mais qui exige de lui un engagement
responsable pour éviter les dérives» (M. BEDJAOUI).
Il s’agit donc de recherche biologique qui touchent à tous les aspects
de la vie de l’individu et de la société, la vie privée, la vie familiale, la vie
publique avec ses avantages mais aussi ses dévoiements. Autant d’applications de
la recherche qui touchent à la confidentialité des données médicales, à
l’anonymat, au secret médical, à la sauvegarde des données génétiques.
Ce ne sont là que quelques applications de la recherche qui demandent
réflexion éthique pour dégager une conduite qui respecte au mieux la personne
humaine, sa valeur, sa dignité. La réponse à ces applications n’est pas aisée, car
elle engage le dialogue avec la conscience, pour faire valoir l’idée
d’universalisme, fondatrice de la personne humaine et qui est au coeur de la
bioéthique. La nier, c’est nier le concept des droits de l’Homme.
C’est en considération du progrès rapide sur les connaissances du
vivant, et en considération aussi de la diversité culturelle qu’est lancé le défi à
l’éthique à travers des instruments nationaux et internationaux qui ont pour
objet de garantir les droits de l’homme dans une société dominée par la science et
la technologie.
L’exemple de l’instrument national est le comité d’éthique des
sciences de la vie et de la santé.
Comme vous le savez, les comités d’éthique nationaux sont des
organismes pluridisciplinaires à compétence consultative pour les sciences de la
vie et de la santé, tournée vers le développement des sciences biomédicales. Des
principes directeurs figurent dans leur mission. Ce sont des principes
essentiellement de pouvoir moral qui émanent de leurs avis pour constituer une
force de propositions aux problèmes de santé dont ils peuvent être saisis. Ils n’ont
ni le pouvoir de légiférer ou de réglementer, tâches qui appartiennent au pouvoir
législatif ou aux autorités compétentes. Néanmoins de part leur qualité nationale
et consultative, ils sont une référence à la détermination d’une politique de santé
ayant des implications éthiques et un gage respect du progrès et du respect de la
personne humaine. C’est dans ce cadre que les comités d’éthique organisent des
conférences ouvertes au public et des débats sur le progrès de la science et ses
implications éthiques. Depuis sa création le CNEM a organisé dans cet objectif
six conférences publiques.
Parmi les instruments d’éthique internationaux ou continentaux de
protection de la personne, l’on peut citer la convention Européenne pour la
protection des droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des
applications de la biologie et de la médecine : c’est la convention des droits de
l’Homme et de la biomédecine. Elle affirme que les progrès de la médecine
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doivent être utilisés pour le bien des générations présentes et futures, garantir
l’intégrité des droits, la primauté de l’être humain, l’accès équitable aux soins de
santé, le consentement libre et éclairé pour toute intervention dans le domaine de
la santé, le respect de la vie privée, la non discrimination d’une personne en raison
de son patrimoine génétique.
La Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation
de l’Unité Africaine dans sa session ordinaire à Yaoundé en 1996, sur la base de
la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples, rappelle le droit à la
vie et l’inviolabilité de la personne humaine et considère qu’il faut accorder une
haute priorité, une attention urgente aux questions liées à la bioéthique et au
développement, au respect des valeurs culturelles, à l’inviolabilité et
l’intangibilité de la personne, qui interdisent que le corps humain, ses éléments,
en particulier ses gènes humains et leurs séquences puissent faire l’objet d’un
commerce ou d’un droit patrimonial.
Aussi la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’O.U.A.
engage-t-elle les Etats à prendre des mesures législatives à l’effet de créer des
organismes consultatifs nationaux et inter-africains en vue d’encourager les
échanges relatifs aux applications de la recherche et ses dérives.
Si la 3ème Conférence Interparlementaire réunie à Madrid en février
1995 a inscrit à son ordre du jour la bioéthique c’est parce que celle-ci touche aux
enjeux les plus importants de la vie humaine et attire l’attention sur les avancées
scientifiques qui pourraient modifier certains équilibres fondamentaux. Aussi la
Conférence recommande-t-elle d’encadrer la recherche et de veiller à ce que les
technologies profitent aux véritables intérêts de l’Homme, tout en préservant la
liberté de la recherche scientifique qui doit demeurer au service de l’Homme. Il
s’agit d’un défi lancé aux parlementaires nationaux pour entamer un dialogue
éthique et aboutirait au droit.
La Communauté Internationale a entrepris d’élaborer des principes
juridiques pour protéger la dignité de la personne objet de recherche biomédicale.
Les instruments internationaux ou les déclarations internationales, ou
conventions se sont succédés .
Le code de Nuremberg (1947) qui est le point de départ des
déclarations d’éthique biomédicale.
La déclaration de Helsinki qui est un ensemble de recommandations
destinées aux personnes engagées dans le mouvement de recherche et de
développement, en particulier dans les technosciences biologiques.
L’O.M.S. et le CIOMS adoptent les principes Internationaux pour la
recherche médicale impliquant des sujets humains : à savoir les principes
fondamentaux de l’éthique, le respect de l’intégrité humaine, le consentement
libre et éclairé, la transparence de l’information, l’évaluation des risques.
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