Rapport d’expertise sur l’intoxication alimentaire au restaurant le carnassier. 1/ Origine et mécanisme de la contamination. Les faits établissent que plusieurs clients du restaurant le carnassier ont été hospitalisé suite à une intoxication alimentaire. Les médecins supposent que l’intoxication vient d’un manque d’hygiène dans la cuisine ou l’absorption d’aliments contaminés. La chef affirme respecter les règles d’asepsie, toutefois les prélèvements sur place permettront de répondre à cette affirmation. Plusieurs prélèvements sont réalisés à des endroits stratégiques susceptibles d’être à l’origine de la contamination, comme les poignées de porte, les lavabos, mais aussi dans la nourriture afin de vérifier l’état sanitaire des produits non préparés du restaurant (Doc 1). Les prélèvements bactériens sont mis en culture pour la nuit afin d’estimer la quantité normale de bactéries présentes dans un prélèvement, vous utilisez la porte du laboratoire comme contrôle positif et la hotte stérile (donc qui ne contient pas de bactérie) comme contrôle négatif. Vous pouvez ainsi affirmer que les résultats ne sont pas contaminés lors de la préparation. Les médecins découvrent que l’origine de l’intoxication alimentaire est Shigella Flexneri (s. Flexeneri). Cette bactérie vit normalement dans le colon où elle n’est pas pathogène. Par contre, lorsqu’elle est ingérée elle se développe dans l’intestin grêle et va produire des toxines à l’origine de diarrhée sanglante. Cette bactérie est connue pour avoir de nombreuses résistances aux antibiotiques, ce qui peut être à l’origine du décès du patient (voir plus loin). Par des techniques d’amplification du matériel génétique, il est possible de déterminer la quantité de s. Flexneri dans chaque échantillon (Doc 4). On observe que la porte du laboratoire contient 264 bactéries, on peut donc considérer que toutes les valeurs proches de ce seuil sont considérées comme normale. Il reste donc que 3 prélèvements au-dessus du seuil, la porte des toilettes (10), la viande congelée (2) et la viande décongelée (3). On sait que les normes d’hygiène dans une cuisine de se laver les mains en sortant des toilettes, or les prélèvements sur le lavabo des toilettes (9) présentent un taux faible de bactérie. Donc la contamination ne vient pas des toilettes. La contamination pourrait venir de la viande. Le taux de s. Felxneri est anormalement élevé dans la viande congelée. On sait que le froid ne tue pas les bactéries. On observe que dans la viande décongelée, la quantité de bactéries est très élevée 1011. On sait que les bactéries se développent dans un milieu propice (chaud, humide et riche en nutriment). On sait que la viande est riche en nutriment et le milieu est humide. Donc lors de la décongélation de la viande, les bactéries se sont multipliées. Les entretiens avec les patients ont démontré que tous avaient mangé de la viande crue ou de la viande très peu cuite. On sait que la chaleur détruit les bactéries. Donc la viande semble être à l’origine de la contamination. Le responsable de l’intoxication est le fournisseur de viande allemand qui ne doit pas respecter les normes d’asepsie dans ses usines de préparation de viande. 2/ Le cas du patient décédé. Comme le montre l’antibiogramme (Doc 2) de nombreux antibiotiques ne sont plus capables de tuer s. Flexneri. Toutefois les médecins ayant réalisé un antibiogramme pour la bactérie, ils ont choisi un antibiotique qui tuait la bactérie et l’ont appliqué à tous les patients. Donc notre patient aurait du survivre. Les antécédents médicaux du patient ont permis de mettre en évidence qu’il utilisait des antibiotiques depuis plusieurs semaines pour une angine virale. On sait que les antibiotiques n’ont aucune action sur les antivirus. On sait que lorsqu’on utilise des antibiotiques pendant trop longtemps on sélectionne des bactéries résistances aux antibiotiques. Donc on pense que le traitement antibiotique a provoqué une résistance aux antibiotiques qui a conduit au décés du patient. Pour vérifier cette hypothèse nous avons réalisé un antibiogramme sur les bactéries intestinales du patient décédé (Doc 5). L’antibiogramme permet de mettre en évidence l’absence d’effet de l’antibiotique quinolone. Or tous les patients infectés par s. Flexneri ont été traités avec la quinolone qui est l’antibiotique le plus efficace contre la bactérie. Donc la prise d’antibiotique en automédication inutile (il souffrait d’une infection virale) a conduit au développement de bactéries résistantes à la quinolone, ce qui a conduit à la mort du patient.