une lettre à cassandre

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UNE LETTRE À CASSANDRE
Pedro Eiras / David Strosberg
© Bart Grietens
Une coproduction du Théâtre Les Tanneurs et du Théâtre de Liège
Dossier de diffusion
Création Avril 2013
Distribution
Texte Pedro Eiras
Mise en scène David Strosberg
Avec Karim Barras et Anne-Pascale Clairembourg
Créateur lumières Nicolas Olivier
Créateur son Guillaume Istace
Costumes Natacha Belova
Une coproduction du Théâtre Les Tanneurs et du Théâtre de Liège
Création au Théâtre Les Tanneurs (Bruxelles / Belgique)
avril-mai 2013
Une lettre à Cassandre
Centre Wallonie-Bruxelles (Paris / France)
Du 23 au 26.10.2013 - 20h30
Théâtre de Liège (Liège / Belgique)
Du 20 au 22.03.2014 & du 25 au 29.03.2014 - 20h00
Dans Une lettre à Cassandre – et d’une caserne perdue dans le désert chaud
de la guerre, le jeune soldat José écrit à Vera. A la fois chaotique et doux, son
récit mêle le quotidien de la guerre aux souvenirs de l’amour vécu. Les temps
se superposent, les images se confondent. Décryptant alors le discours de son
amant lointain, Vera évoque aussi les discordances dans leurs souvenirs dits
communs, elle raconte aussi ce qu’elle a vécu, et comment ce don divinatoire
l’éprouve. Jusqu’à comprendre dans – et entre – les lignes de cette lettre. Dans
une mise en scène épurée de tout artifice, David Strosberg a choisi la langue
souple et poétique de ce jeune auteur portugais pour en faire un théâtre des
opérations humanisé et intime, à rebours de la société du spectacle qui nous
assaille.
Note dramaturgiques
Le texte procède d’une écriture cinématographique. L’écriture s’ouvre à partir d’un gros plan.
Ensuite, elle cadre selon le narrateur ou la narratrice et détaille en plans serrés, qui s’accrochent
les uns aux autres et rebondissent en quelques séquences de scènes de guerre. Pour le
narrateur, la structure est éclatée et dispersive. Il raconte par brides, par saccades, mélange les
récits : la séance de torture, la garde du bâtiment militaire, la visite chez le médecin. C’est la
narratrice qui mettra le mot sur ce que n’ose avouer le narrateur.
Dès les premiers mots (« rouge comme une fraise mûre »), bien avant l’emploi du mot « mentir », nous
savons que quelque chose d’horrible va être découvert. Ce qui suit alors se déroule comme
le décryptage d’un rêve par un analyste qui finit par dévoiler ce qui voudrait rester enfoui ou
comme une patiente enquête policière où chaque détail est un indice.
Vera, la narratrice, la Cassandre, va se servir de son « don » pour démonter phrase par phrase
la lettre de José. C’est leur relation qu’elle va premièrement prendre en ligne de mire. La
déconstruction de leurs liens est relatée à travers des phrases prises en contrepoint. Premier
contrepoint : leur rencontre et elle qui attend que le sel de l’eau de mer scelle ses yeux, pour
ne pas voir ce qui va advenir de la relation.
Peu à peu, nous nous apercevons de ce qui, au delà de l’éloignement dû à la guerre, a séparé
Vera de José.
Le texte est truffé d’aller-retours entre présent et passé : passé de la scène originelle de la
rencontre, passé : temps de l’enfance de José. Pour José, le souvenir de la rencontre semble
sécurisant, pour Véra c’est le contraire comme toute réminiscence du passé. C’est dans
le passé, dans l’enfance de José que Véra va débusquer le fin mot de l’histoire, l’acte qui
irrémédiablement les éloigne l’un de l’autre.
Vera, mon amour,
© Bart Grietens
Tu me manques tellement. J’ai rêvé que nous étions dans notre chambre et que nous
faisions l’amour. C’était très étrange, il y avait un grand ventilateur au plafond, et tu
étais rouge comme une fraise mûre. Des fraises, c’est impossible à trouver ici, tu
penses bien, mais, il y a quelques jours, j’ai eu l’impression de sentir une odeur de
fraises comme quand j’étais gosse et qu’elles fondaient entre mes doigts. Je passais
des jours à écraser des fraises, à en sentir la pulpe. Je donnerais tout pour pouvoir de
nouveau sentir...
Note d’intention
Une lettre à Cassandre développe une approche intime qui montre la force transformatrice
qu’opère l’état de guerre sur les humains. Le spectacle pose également la question de la
responsabilité personnelle et du poids des systèmes auxquels sont soumis les hommes.
David Strosberg considère le jeu d’acteur comme primordial : la direction d’acteurs tient lieu
de mise en scène. Le plateau est nu de tout décor : cette sobriété est le reflet concret de la
crudité des révélations. L’extrême dépouillement est nécessaire pour exposer et mettre à nu
les sentiments des personnages. Karim Barras et Anne-Pascale Clairembourg appréhendent
ce texte comme un matériau rythmé qu’ils projettent le plus sincèrement possible. Ils
deviennent José et Vera. La mise en scène ne laisse pas de place aux hésitations, aux pauses
psychologiques. Tout ce qui est dit est pensé et il n’y a pas de pensée en-dehors de ce qui est
dit par les personnages.
La création lumière de Nicolas Olivier contraste avec la dureté du texte, la chaleur de l’éclairage
rappelle que la pièce parle aussi d’amour et de tendresse. Cette douceur de la lumière illustre
les contradictions inhérentes aux humains, la complexité des êtres. L’histoire de José et Vera
est universelle et intemporelle. En apportant un point de vue théâtral et intime sur la question
de la guerre et de la torture, la pièce offre un regard alternatif au discours médiatique actuel.
Loin des considérations géopolitiques habituelles, Une lettre à Cassandre humanise les
protagonistes de la guerre, victimes comme oppresseurs.
Le travail du son effectué par Guillaume Istace concrétise le rapport au monde des deux
personnages, qui sont entraînés dans la spirale de la guerre. Le son joue véritablement avec la
lenteur du texte et ses saccades et rythme ainsi le jeu par l’utilisation du silence.
Dans la mythologie grecque, Cassandre a été condamnée par Apollon à subir une
terrible malédiction : elle connaîtrait l’avenir, mais personne ne la croirait. Si elle devinait
donc qu’un malheur devait arriver, comme la chute deTroie, elle ne trouverait personne
pour l’écouter et pour l’aider à empêcher le désastre. Elle devrait donc assister à des
catastrophes inévitables. La lucidité est lourde.
© Bart Grietens
Pedro Eiras
BIOGRAPHIES
Pedro Eiras est né à Porto en 1975. Il est professeur de littérature portugaise à l’Université des
Lettres de Porto. Depuis 2001, il publie des pièces de théâtre, des fictions, de la poésie, de
nombreux essais sur la littérature contemporaine. Ses pièces ont été traduites, lues ou mises
en scène dans plusieurs pays : Belgique, Brésil, Bulgarie, Cap Vert, Espagne, France, Grèce,
Portugal, Slovaquie, Roumanie. Deux de ses pièces sont traduites en français – Une Lettre
à Cassandre et Une Forte Odeur de Pomme. Cette dernière a connu une mise en espace au
Festival La Mousson d’Eté (à Pont-à-Mousson), puis une mise en ondes sur France Culture,
sous la direction de Claude Guerre ; elle est publiée en France aux Solitaires Intempestifs.
Metteur en scène, artiste associé au KVS pendant quatre ans, et directeur artistique du Théâtre
Les Tanneurs depuis 2010, David Strosberg est actif depuis une dizaine d’années aussi bien
dans les communautés française que flamande. Après ses études à l’INSAS, il commence
comme metteur en scène au Théâtre Varia avec L’Enfant rêve d’Hanokh Levin, en 2000. Féru
d’écritures contemporaines, il n’a de cesse depuis de faire découvrir au public des textes qui
font résonner le présent. Ainsi, parmi ses mises en scène, Ode maritime de Fernando Pessoa,
Le tueur souriant de Jean-Marie Piemme, Djurdjurassique bled de Fellag, Schitz d’Hanokh Levin
ou encore Mein Kampf (Farce) de GeorgesTabori. En 2011, il est coach/œil extérieur pour Rue
du Croissant de Philippe Blasband, une co-production du Théâtre LesTanneurs et du KVS, qui a
tourné en France et en Belgique.
Anne-Pascale Clairembourg est sortie de l’IAD en 2000. Depuis, on a pu la voir dans de
nombreux spectacles dont Le Ventriloque et Jours de pluie mis en scène par Miriam Youssef
(ZUT), La princesse Maleine de Maeterlinck, mis en scène par Jasmina Douieb (ZUT, Le Public),
Le Moine noir deTchékhov mis en scène par Denis Marleau, Bérénice de Racine mis en scène
par Philippe Sireuil (Martyrs), Britannicus de Racine mis en scène par George Lini (Atelier
210 et tournée), L’enfant froid de Von Mayenburg mis en scène par Laurent Capelluto (ZUT),
La Société des loisirs d’Archambault mis en scène par Patrice Mincke (ZUT et Toison d’Or),
Est-ce qu’on ne pourrait pas s’aimer un peu ? mis en scène par Jaco Van Dormael, Théâtre
sans animaux de Ribes mis en scène par Eric de Staercke (Théâtre de la place des Martyrs),
Oncle Vania de Tchékhov et L’échange de Claudel mis en scène par Elvire Brison (Théâtre de
la vie, Théâtre de la Place des Martyrs), I would prefer not to mis en scène par Selma Alaoui
(Théâtre LesTanneurs)... Elle a également tourné dans des courts et longs métrages et a suivi
une formation en chant, danse, piano et claquettes. En février 2013, elle reçoit le Magritte du
meilleur espoir féminin pour son rôle dans Mobile Home de François Pirot.
Après des études à l’INSAS, terminées en 1993, Karim Barras a joué dans Roberto Zucco de
Koltès mis en scène par Armel Roussel. Il a participé aux spectacles suivants d’Armel Roussel:
Les Européens de H. Baker (Prix du théâtre 1998 du meilleur espoir masculin), Enterrer les
morts, réparer les vivants (d’après Anton Tchékhov), Notre besoin de consolation est impossible
à rassasier, Hamlet (version athée), Pop ?, Si demain vous déplaît. On l’a vu également, au Varia,
dans des mises en scène de Michel Dezoteux : La Reine de Beauté de Leenane de Martin
McDonagh (en 2002), Sauvés de Edward Bond, Richard III de Shakespeare, L’Avare de Molière,
Strange Fruit (2006) et plus récemment dans Les Trois Sœurs de Tchékhov (2010) et Strange
Fruit (Version Caraïbe) en 2011. Il a joué dans Histoires courtes mais vraies mis en scène par V.
Cordy, E. Ancion et D. de Neck aux Halles de Schaerbeek. En 2001, il a signé la mise en scène
de Artefact d’Armel Roussel. Il a également participé à des spectacles de danse contemporaine
et a composé la musique originale de différents spectacles. En 2013, il joue Hamlet dans la
création éponyme de Michel Dezoteux.
Après un rapide passage par l’IHECS en communication au début des années 90 et au 75 en
section peinture, discipline pour laquelle il se passionne depuis l’adolescence, Nicolas Olivier
effectue sa formation en scénographie et régie de spectacles à l’INFAC. En 1993, il fait une
rencontre décisive en la personne du metteur en scène Daniel Scahaise qui l’oriente vers la
régie lumières. S’ensuivent alors de 1993 à 1999 diverses expériences en tant que technicien
et/ou éclairagiste en théâtre, événements et musique. Une période pendant laquelle il parfait
sa maîtrise des outils lumières. En 1999, il rejoint la compagnie Charleroi/Danses sous la
direction de Frédéric Flamand. Il crée alors les éclairages des spectacles de ce dernier de 1999
à 2006, à Charleroi/Danses et au Ballet National de Marseille. En parallèle, il travaille pour des
compagnies telles que UltimaVez ou Mossoux-Bonté. Les créations lumières de Nicolas Olivier
s’entendent plus comme des constructions architecturales que comme des scénographies au
sens strict. Il y fait preuve d’un intérêt sans cesse renouvelé pour la rencontre des corps, de
la danse et de l’architecture. Depuis 2005, il accompagne les spectacles de Michèle Anne De
Mey et Pierre Droulers. En 2011, il intègre l’équipe de Michèle Anne De Mey et participe à la
création collective Kiss&Cry.
Guillaume Istace est né en 1974, il s’intéresse très tôt à la musique. Il voulait d’abord être acteur
et metteur en scène, et c’est pendant sa formation à l’INSAS qu’il a découvert la radio, qui lui
apparaît alors comme une évidence. Il participe alors à divers projets radio. En 2003, il obtient
le prix SACD-SCAM Belgique du meilleur documentaire radiophonique pour 240 secondes,
diffusé sur La Première de la RTBF. En 2004, il est lauréat de la Fondation pour la Vocation.
Détentrice d’une licence en Histoire et Philosophie en 1994, Natacha Belova commence son
activité de costumière en 1998 avec deux créations auThéâtre Le Public, Jef de Didier de Neck
et Une Aventure de Simon Rapoport, Guerrier de l’espace de Philippe Blasband. Autodidacte,
elle crée un univers bien à elle et réalise des costumes, des masques et des marionnettes pour
de très nombreux spectacles. Depuis ses débuts, elle a participé à plus de 60 projets. En 2006,
elle suit une formation à l’Institut international de la Marionnette à Charleville-Mézières. Elle a
été nominée au Prix de la critique 2007-2008 en Création artistique, ainsi qu’en 2008-2009 et
en sera lauréate en 2009-2010 pour le dernier spectacle du triptyque Jodorowski : Trois Vieilles.
Récemment, elle a réalisé la création des costumes pour Le Signal du promeneur au Théâtre
National, par le Raoul Collectif.
© Bart Grietens
© Bart Grietens
EXTRAITS DE PRESSE
Cette pièce de Pedro Eiras est à faire jubiler un psychanalyste ou quiconque se délecte à creuser
les non-dits, à débusquer la portée symbolique des mots, à démasquer les intentions derrière
tel choix de phrase. Mis en scène par David Strosberg, Une Lettre à Cassandre met à nu la
correspondance entre un soldat, José, et sa fiancée, Vera. Vera, un prénom qui évoque la vérité,
loin d’être anodin pour cette jeune femme qui a la curieuse et maudite capacité de deviner
l’avenir. Vera qui saura donc lire entre les mensonges de son amant. Même si l’Irak n’est jamais
nommée, on imagine aisément que c’est sous ces tropiques qu’est posté le soldat américain
censé rétablir un peu de démocratie dans un pays désertique où règne l’insécurité.
La pièce - une heure environ - se divise en deux parties. Dans un premier temps, le seul en
scène de Karim Barras, fascinant dans le rôle du soldat perdant pied peu à peu, embourbé
dans des atrocités qu’il n’arrive pas à nommer. Le seul en scène d’Anne-Pascale Clairembourg
ensuite, jeune femme dévorée par son don divinatoire, ressassant chaque mot de son fiancée
pour tantôt y voir clair, tantôt s’aveugler, «comme le sel de la mer scelle les yeux».
A la manière d’un Claude Regy, David Strosberg choisit l’épure extrême, sans aucun décor,
presque sans lumières. Seuls quelques sons du monde extérieur viennent perturber la
confession. Les corps eux-mêmes bougent à peine dans ces monologues minimalistes, où
priment les mots. Pourtant, les comédiens sont à ce point engagés dans leur personnage
qu’on sent poindre doucement la folie, le désespoir, la honte, la peur. Obsessionnel, le texte
est forcément répétitif. Il faut donc s’accrocher à ces boucles narratives, à cette mise au point
amoureuse par correspondance, où les mots tentent de résister à l’évidence. Sobre et poétique.
Catherine Mackereel, Le Soir, le 24 avril 2013
Trop de lucidité tue l’amour.
Cassandre, fille de Priam, amante du dieu Apollon, est une héroïne «impuissante» de la guerre
de Troie. Apollon lui a bien donné le don de prophétie, pour anticiper les catastrophes, mais elle
ne peut éviter ni la chute de Troie ni sa propre mort Apollon la punit pour avoir refusé de devenir
son amante.
Le rapport avec la pièce du jeune auteur portugais Pedro Eiras, Une lettre à Cassandre ? On
est à la fois dans un climat de guerre, aux confins du désert, un lieu non précisé, loin de la
Troie historique, mais si près des conflits qui inondent nos écrans et nos journaux depuis des
dizaines d’années. Et l’héroïne s’appelle Vera comme la « vérité ». Comme Cassandre elle
débusque le mensonge (ici dans le couple) avec une lucidité au-dessus de la moyenne. Limite
cruauté.(...) Ils n’ont donc que leur visage, leur bras, leurs mains et leur expressivité verbale…
pour rendre compréhensible et sensible un texte beau, poétique mais complexe. Un pari sur
l’austérité, que j’ai trouvé parfaitement réussi, comme un retour à une « parole nue », plus très
à la mode, mais quel beau risque pris par David Strosberg pour un théâtre « fondamental » !
(...) Résultat final : une réussite, portée par deux grands acteurs.
Le miracle, c’est que Karim Barras et Anne-Pascale Clairembourg, dans leurs monologues
successifs nous font ressentir la cruauté et de la guerre, et de l’amour lorsque l’exigence morale
d’un des partenaires est excessive. Pour donner plus de présence physique aux acteurs soumis
à une discipline « à la Claude Régy », les créations - lumière de Nicolas Olivier, son de Guillaume
Istace - accompagnent, en douceur et délicatesse ces acteurs subtils et inspirés, dirigés, en
finesse par David Strosberg, en une heure de spectacle dense, cruel et fort.
Christian Jade, Les Critiques de Christian Jade, le 1er mai 2013
Entendre l’innommable
Une lettre, deux paroles. José, soldat au front, écrit à Véra, son amour. Le texte dresse le décor
de l’atrocité humaine, universelle et éternelle, celui de la guerre et explore les ravages qu’elle
inflige aux consciences. Comment peut-on supporter de « prendre les armes » ? Le faire et le
dire. L’oublier, certainement pas. Le comprendre demeure difficile, l’accepter reste chimérique.
José écrit à Véra, se souvient de leur amour, se heurte à l’âpreté de la souffrance à dire, à faire
partager. Une lettre tient très souvent de la confession. Une lettre libère une parole au cœur
d’une solitude, d’un silence. José semble se réjouir du « seul bonheur de savoir » que Véra
ne soit pas ici, sur le terrain de l’innommable. Car la réflexion première de ce spectacle où
convergent dépouillement, sincérité et émotion s’ancre dans la question du choix de ton d’un
discours, de son ou de ses sens. Le spectre du mensonge hante José. Livré à lui-même, au
bout du monde, José ne veut pas mentir à Véra, il s’insurge contre cette tentation et avoue très
vite sa faiblesse. Le mensonge devient écueil du désespoir.
Le comédien, Karim Barras, au cœur du plateau nu des Tanneurs, se tient droit face au public,
les pieds comme soudés dans le sol, dans un carré de lumière figurant l’étau de sa conscience,
la cellule mentale, psychologique, où l’enferme l’horreur de la guerre. La guerre est une course
dans et contre la folie. Karim Barras est le virtuose des alternances et des entrechoquements de
registres. Le texte de Pedro Eiras entremêle souvenirs, récits et projections de la réception de la
parole. Un corps droit dans ses bottes, une main gauche qui commence à traduire l’émotion, la
souffrance, la quête de sens. Les pieds ne bougeront d’aucun pas durant tout le monologue et
l’on a pourtant l’impression que le corps est prêt à bondir. Tension, émotion et énergie palpables
dans ce corps apparemment inébranlable. Exemple parfait de ce que l’on appelle si justement
au théâtre, la présence. Lorsqu’à cela, s’ajoutent la justesse, la sensibilité, l’absence nécessaire
et salutaire du mélodrame, l’on parvient à l’essence même du théâtre : faire entendre un texte.
Dans le second temps du spectacle, la comédienne, Anne-Pascale Clairembourg, le remplace
et intervient comme un deuxième mouvement dans une partition musicale. Le thème est repris
– l’on écoute à nouveau la lettre grâce à Véra qui la reçoit –, puis les variations se jouent. Les
variations sont ici réflexions, introspections, décryptages. Véra-Cassandre, qui a le don de tout
voir, de tout savoir, doit percer l’aveu de la lettre de José. Si le premier mouvement est celui
de la souffrance, de la peur du mensonge et de la perspective du désamour, le deuxième
mouvement apparaît comme celui de l’écoute, de l’absence à combler, de l’herméneutique.
Jusqu’à la compréhension ultime qui tombe comme un couperet.
Un spectacle sans artifice que son metteur en scène, David Strosberg, offre en réponse ou en
alternative à une société du spectacle. Avec des lumières parfaites, subtiles, de Nicolas Olivier
et une création sonore de Guillaume Istace qui plonge le spectateur dans l’univers du récit, de
manière précise, étonnante, mystérieuse néanmoins éclairante.
Ce théâtre parle du monde et c’est en parlant du monde que l’on parvient souvent à saisir
intimement les cheminements humains, le dévoilement des consciences.
Sabine Dacalor, Blog Grapsimostyle, le 24 avril 2013
La vérité du vivant
Une lettre, simplement. Une lettre d’amour mais tragique. Une lettre expédiée de sa caserne
par un jeune soldat en mission dans un pays chaud et désertique à une jeune femme restée au
pays. C’est cela et tellement plus...
Comme une peinture qui en cacherait une autre, plus authentique, cette lettre au style chaotique,
rugueuse et confuse, cache un message désespéré qui plongera sa destinataire dans le trouble
d’abord, puis l’analyse plus en détail et enfin vers la compréhension d’une dure réalité que,
peut-être, elle ne voulait pas voir...
De ce texte inédit, court, sobrement poétique et beau, d’un auteur portugais inconnu en
francophonie, est né un spectacle très fort, porté par de grands sportifs du verbe et de l’émotion,
deux acteurs d’égal et haut niveau bien connus de nos scènes: Anne-Pascale Clairembourg et
Karim Barras.
L’un après l’autre, ils ont pour seul atout leur talent, alors qu’ils sont absolument statiques et
dans un dépouillement total. Ils sont placés soit dans l’isolement d’un cadre serré de lumière
chaude, quasi caressante, comme pour atténuer la dureté des propos que tient, que crie
parfois, José/Karim Barras, soit dans un plein feu et un espace nu, vide, pour Vera/Anne-Pascale
Clairembourg, que l’on peut ainsi imaginer sur la plage aux souvenirs ou montrée terriblement
seule dans son désarroi (belle création lumière de Nicolas Olivier).
Immobiles, ils paraissent bouger tant ils sont expressifs et rendent terriblement vivant un texte
rempli d’hésitations et de non-dits, de blancs et de silences que le spectateur remplira de son
propre imaginaire et de la possibilité de reconstituer sa vision des faits. Projeté sur le sable doux
et chaud des ébats amoureux comme sur le sable brûlant du terrain de combats sanglants, il
vibre avec José, avec Vera.
(...)
Une direction d’acteurs qui fait tout reposer sur eux...
Alors que nos scènes actuelles rivalisent d’effets sonores et visuels plus sophistiqués les uns
que les autres au point que cela en paraitrait indispensable, le metteur en scène David Strosberg
a pris le parti osé et radical de faire entièrement confiance à «l’art dramatique», à la présence de
ses comédien/ne/s. Ce choix à contre-courant, le jeu bouleversant de ces deux grands acteurs,
plongent le spectateur dans une qualité d’écoute exceptionnelle, pour le laisser à la fin comme
en état de choc.
Qu’il s’appelle José ou Guiseppe, Joseph, Youssef, ce jeune homme-là est de partout; c’est le
soldat inconnu, le pion que l’on a projeté dans une partie de casse-pipes dont il ne connait ni les
enjeux ni la fin. Cet homme ordinaire se trouvera pris dans un engrenage atrocement barbare
dont, tel un insecte englué dans un piège mortel, il ne parviendra plus à se dégager malgré ses
efforts, avec la folie qui le guette et toute sa souffrance morale.
Ce sont deux narrateurs, deux acteurs, mais qui deviennent comme deux témoins vrais de
ce qu’il y a réellement au-delà des chiffres et des images déversés quotidiennement par les
médias. Le constat terrible du pouvoir de déconstruction de l’être humain, emporté dans tout
conflit, qu’il soit du bon côté ou non. D’ailleurs y a-t-il un bon côté ? Y aura-t-il jamais une guerre
propre comme le prétendent certains ?
Suzane Vanina, rueduthéâtre.eu, le 2 mai 2013
Retrouvez toutes les dates de tournée et les informations relatives aux créations en diffusion au
Théâtre Les Tanneurs sur notre site internet :
www.lestanneurs.be > Espace pro > Diffusion
ÉLÉMENTS PRATIQUES
En tournée
Saison 2013/2014 & 2014/2015
Jour de montage 1
Personnes en tournée 4
Prix de cession (Hors frais annexes) :
> 1ère représentation : 2000 €
> 2ème et suivantes : 1700 €
CONTACT DIFFUSION
Théâtre Les Tanneurs
Betty Lamoulie
[email protected]
+32 (0)2 213 70 55
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