Assemblée Générale du 10 octobre 2011
Discours du Professeur honoraire Maurice CANNONI
Parrain de la promotion 2011 3/4
du patient sans qu’on ne puisse rien faire, ni intubation ni trachéotomie. C’est donc une urgence
absolue. Dés que l’on constate cela, on amène rapidement le patient au bloc opératoire où le
chirurgien l’attend en ayant enfilé une paire de gants, sans se laver, et dés l’installation du patient
sur la table d’opération, sans aucune anesthésie, il enfonce ses deux index dans la plaie opératoire,
déchire les sutures et vide le coagulum à la main. Ce jour là ça ne s’est pas passé comme cela .
Par précaution j’accompagne le patient au bloc où j’ai la surprise de voir l’assistant se laver
tranquillement les mains comme pour une intervention habituelle. Sans plus attendre je réalise moi-
même les gestes que je vous ai indiqués avant qu’il ne soit trop tard. L’assistant devant cette
situation inédite pour lui, n’a pas su se calmer pour retrouver sa lucidité. Il a agi par automatisme
sans avoir pu juger de la gravité de la situation.
Bergson dit encore, à propos de Don Quichotte qui voit des géants là où il n’y a que des moulins :
"C’est une inversion toute spéciale du sens commun. Elle consiste à prétendre modeler les choses
sur une idée qu’on a et non pas ses idées sur les choses. Elle consiste à voir devant soi ce à quoi
l’on pense, au lieu de penser à ce que l’on voit ". Dans la pratique ce peut-être le fait d’un
prétentieux qui pense tout savoir et qui pose un diagnostic avant toute réflexion. Mais ce sont
surtout les situations répétitives, banales qui éteignent la lucidité, qui font agir sans réflexion avec
alors un grand risque d’erreur. Ce peut-être un médecin généraliste devant une épidémie de grippe
qui aura tendance à étiqueter grippe tout patient qu’il voit avec une forte fièvre. Ce peut-être un
anesthésiste qui intube son énième patient de la journée machinalement, sûr d’être dans la trachée
tellement son geste l’amène toujours là, mais sans s’en assurer. Pour que ceci ne vous arrive pas,
dites vous bien qu’en médecine il n’y a pas de routine et que tout nouveau patient exige la
possession de votre bon sens.
Il y a cependant un domaine où le bon sens ne suffit plus pour se décider. Il peut s’agir d’une
pathologie médicale où le traitement est discutable ou bien d’une chirurgie de confort où le résultat
est aléatoire avec en plus le risque anesthésique. Faut-il donner un traitement ? Faut-il opérer ? Là il
faut être en accord avec soi même et la meilleure façon de trancher est de se dire : "quelle serait
mon attitude s’il s’agissait d’un membre de ma famille ?" La réponse viendra d’elle- même.
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Pour atteindre l’excellence il ne vous reste plus qu’à satisfaire aux deux prérequis.
Le premier est de toujours dire la vérité. Dans la vie courante, c’est la meilleure garantie pour être
une personne libre. A votre patient, aussi difficile soit-elle, mais toujours avec tact et douceur. A
votre patient et à son entourage lorsque vous avez commis une erreur. Le mensonge est détectable
et détestable pour eux. Avant d’être hospitalier, j’exerçais en ville. J’opère un jour un avocat d’une
pathologie néoplasique. Les suites opératoires sont simples mais au quatrième jour la plaie suppure.
Le traitement antibiotique s’avère inefficace et je décide de réintervenir. La cause était une
compresse oubliée. Dés l’intervention terminée je vais voir son épouse, également avocate et lui
avoue la raison de cette complication. Je n’ai jamais eu la moindre question ni le moindre ennui.
Le second prérequis est de Comprendre la douleur du patient et de son entourage et de savoir
leur parler, avec fermeté si nécessaire, mais toujours avec tact et douceur. A ce propos je vais vous
citer un passage d’un roman d’un auteur espagnol que j’ai lu il y a quelques temps. Il s’agit d’un
garçon et d’une fille de 15 ans qui vivent ensembles des aventures extraordinaires. Ils s’aiment mais
ne se l’avouent pas. Elle se sait atteinte d’une maladie incurable, une leucémie semble-t-il, dont est
morte jeune sa mère. Elle ne dira rien au jeune garçon pour conserver intacte cette amitié. Puis le
jeune homme n’ayant plus de nouvelles depuis deux mois décide d’aller voir German, le père de la
jeune fille. Il lui apprend qu’elle est hospitalisée depuis tout ce temps. Ils décident d’aller la voir
ensemble et l’auteur d’écrire : "Vu du taxi, l’hôpital San Pablo m’apparut comme une cité