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P.JOURDON - LAMETA 4
responsabilités et de compétences de la part des institutions, l’Etat, qui devraient jouer ce
rôle). Dans ces conditions, une pure monnaie endogène (la monnaie de crédit) livrée à elle-
même, a plutôt des effets pervers : pour LEDERER, le crédit est cependant un élément
d’élasticité qui renforce la loi des débouchés de SAY (1803)[9], en créant une consommation
égale à la production. Mais, le crédit nouveau s’accompagne d’une montée des prix. Le salaire
ne peut pas monter d’autant. (Les entrepreneurs, véritables « représentants de la monnaie »,
prennent un véritable « seigneuriage » sur le crédit en augmentant ostensiblement leur
consommation privée d’une manière unilatérale). Selon LEDERER, l’évolution des prix
s’effectue d’une certaine manière liant les classes sociales : en premier lieu, viennent les
matières premières, puis, par ordre décroissant, les produits finis, les salaires des ouvriers,
ceux des employés, des fonctionnaires, les revenus des rentiers et de ceux qui perçoivent un
intérêt fixe. Les salariés, surtout si on considère leur masse, sont toujours trop en arrière du
mouvement. Si on veut « calmer » les entrepreneurs, il convient de contrôler le crédit, mais
aussi d’augmenter les salaires, manière de « nationaliser » le crédit créé, en permettant son
transfert sous forme de moyens de consommation.
Les réflexions de penseurs comme WICKSELL, CASSEL, LEDERER, sont
symptomatiques de l’époque d’une émergence de la monnaie « institution de la société toute
entière », notamment sous sa forme fiduciaire. Les résistances de la société furent
considérables. En effet, les billets de banque ne furent vraiment acceptés dans les campagnes
françaises que dans les années 1930. Ils avaient été imposés – de même que le cours forcé de
la monnaie – à l’occasion de la guerre de 1914-18, montrant les liens indiscutables existant
entre monnaie et guerre. ROBERTSON (1933) [10] – longtemps un théoricien concurrent de
KEYNES – avait montré les prodromes d’une société en voie de monétarisation, sans aller
jusqu’au bout du raisonnement : une réflexion sur le circuit, l’irruption de la demande et les
équations de la macroéconomie. ROBERTSON, va jusqu’à présenter l’Etat comme un pur
« prédateur » de l’économie : en faisant créer de la monnaie à son profit, il s’approprie en
effet une partie de la production, alors qu’il est sensé de rien faire. De plus, il déséquilibre le
système, car il rentre en concurrence avec les entrepreneurs, les seuls ayant le droit de
consommer dans le modèle de ROBERTSON – ils ont accès au crédit et peuvent l’utiliser
pour consommer, dès lors qu’ils ont été jusqu’au bout du processus de conception, production
et distribution de leur produit -. L’Etat est un grand perturbateur car il introduit une monnaie
qui n’est pas un strict équivalent de l’épargne privée.
Le raisonnement peut aller encore plus loin en cumulant théorie de la nature de la
monnaie et théorie des cycles économiques. Pendant les périodes dépressives, l’Etat rachète
les dettes privées portées par les banques commerciales, nationalise ainsi certains titres de