Le projet grec consiste à remonter vers une notion pure de la réalité, et transformer cette dernière en
philosophie première, laquelle repose sur des principes. Vient alors de multiples difficultés qu’Aristote
énumère une à une.
La force des Médiévaux est que, quand ils s’occupent de métaphysique, ils ont 1500 / 1700 ans depuis
Aristote. Ils sont face à une distance plus grande que celle que nous avons nous-mêmes par rapport aux
Médiévaux. De plus, ils prennent en charge la métaphysique alors qu’ils ne connaissent plus le grec. Ils
utilisent des transmissions indirectes venant des pays arabes de la tradition grecque. Il n’y a pas de
rapport direct dans la langue grecque, ce qui permet que les Médiévaux ne demeurent pas fixés sur les
mots. Ils communiquent avec Aristote par la clarté de la pensée qu’on en saisit. Ils retirent ce qui est
pleinement intelligible dans la pensée grecque. Malgré ses périples, Aristote, traduit en de nombreuses
langues avant de revenir en latin, est revenu debout, avec des concepts et des pensées identifiables.
Se greffe ensuite un problème plus dur. Quand Aristote a commencé à entrer dans la philosophie
première, sa religion nationale se portait mal. La philosophie était assez libre, ce qui permettait à
Aristote d’avancer sans être contraint par les formes autoritaires préétablies. Donc Aristote put bâtir
sans être encerclé par le bûcher. Il réfléchit alors sur Dieu, qu’il appelle l’acte pur. Sa philosophie
première débouche sur une théorie de l’acte pur. Mais, sans dogme ni foi, avec seulement des rites,
tout ceci est plein d’hésitations : douze divinités majeures, et combien de divinités mineures ? Aristote
parle tantôt d’acte pur, puis il dit que les étoiles sont des dieux. Dieu est un acte pur qui s’exprime dans
les étoiles le divin est le ciel. Il produit un monothéisme rationnel et une cosmologie qui divise le
monde (Du ciel).
Les Médiévaux sont dans une civilisation qui a trouvé «la» vérité, qui a un seul visage : Jésus de
Nazareth, le Christ. C’est une population sidérée. Cette vérité, sue, connue, reconnue, est l’activité
d’un groupe d’hommes qui la magnifient : les prêtres. Qui veut philosopher est en situation délicate. 1°
S’il trouve une vérité de philosophie première allant dans le sens de la vérité du Christ, à quoi bon
céder aux abstractions de la philosophie ? Il ne resterait qu’à adorer cette vérité. Ce serait une
aspiration de la philosophie première par la théologie. 2° Ceux qui trouvent des vérités non christiques
connaissent des châtiments terribles. C’est ce qui conduit à la fin du Moyen-âge, au quatorzième
siècle, lorsque commence une destinée indépendante de la philosophie. On découvre le caractère
embarrassant d’une société vouée à la vérité mais qui tente de préserver la liberté de philosopher.
Un mauvais sort eût été la doctrine de la double vérité, tentation de l’intelligentsia médiévale : quand
la vérité christique et celle de la philosophie ne s’accordaient pas, on disait qu’il existait deux vérités.
Il y a une vérité produite par la logique et qui engendre des résultats vrais selon la raison humaine, et
ces vérités sont nécessaires. Et il y a des vérités de la foi, imperturbables, ayant leur nécessité, non
rationnelle, mais surnaturelle (de la croyance). Par exemple, 1 = 1 et 1 ! 3 pour la logique naturelle.
Mais les chrétiens soutiennent que Dieu est à la fois 1 et 3.
Dans la doctrine de la conformité de la foi et de la raison, il y a deux registres: un rationnel et fondé sur
la raison ne peut pas s’enfermer sur lui-même car il existe dans l’homme une autre faculté qui est le
désir. La raison saisit des vérités, mais la volonté, comme siège de l’amour, est épris de la vérité. Ce
sont deux facultés, raison et amour, qu’il faut réconcilier. Thomas d’Aquin pense qu’idéalement on
peut faire se rapprocher le désir et la raison, mais la raison devra céder au désir et se mettre à son
service. Ainsi la philosophie première est la servante de la théologie. La théologie est le lieu
de l’amour, et la philosophie est le lieu de la raison. Dans le Cantique des cantiques, Salomon est
amoureux d’une femme très belle entourée de servantes, mais lui n’aime qu’elle: mille sont les vérités
connues par la raison, mais unique est l’objet de mon amour. Cet image se réalise pleinement dans la
figure du Christ qui représente la plénitude la vérité sur la terre. La métaphysique est devenue le point
d’ogive de deux forces : intelligence et volonté. Elle reconnaît en l’homme le double pouvoir de
raisonner et d’aimer. La philosophie première a donc besoin de l’amour pour se réaliser, il y a une
structure désirante en elle. Déjà Aristote dit que l’homme est un intellect désirant. Mais au Moyen-âge