L'approche néo-institutionnelle
2. LES CONCEPTS CLES DE L'ECONOMIE NEO-INSTITUTIONNELLE
Il est certes un peu lourd de commencer l'exposé des apports d'une théorie par des défi-
nitions. Mais comme il s'agit aussi de positionner ici l'approche néo-institutionnelle par rap-
port à des paradigmes alternatifs, en partie complémentaires et en partie concurrentiels,
l'exercice se révèle presque inévitable. Une partie de ce qui distingue différentes approches
des institutions tient en effet à l'objet que ces approches se donnent.
2.1. Point de départ
En première approximation, on peut adopter la distinction assez simple, et désormais
classique, proposée par Lance Davis et Douglass North (1971, pp. 6-7) et développée plus
finement par North en 1990, entre environnement institutionnel et arrangements institution-
nels. L'environnement renvoie aux règles du jeu, règles politiques, sociales, légales, qui dé-
limitent et soutiennent l'activité transactionnelle des acteurs, alors que les arrangements
renvoient aux modes d'utilisation de ces règles par les acteurs, ou, plus exactement, aux mo-
des d'organisation des transactions dans le cadre de ces règles. Coase, dans sa Conférence de
Prix Nobel, a donné un contenu beaucoup plus précis et satisfaisant, me semble-t-il, à ces
arrangements, en parlant de "structures institutionnelles de la production" (Coase, 1991).
Or, il faut noter que la distinction ainsi proposée a progressivement induit deux volets du
programme de recherche néo- institutionnel. Un premier volet, plutôt global, explore la na-
ture et le rôle des institutions en mettant en relief leur dimension historique (North, 1981;
Greif: 1998 ; Aoki, 2001). Sur ce versant, les concepts d'enforceability (ex-ante) et d'enfor-
cement (ex-post) jouent un rôle clé3 : sous l'angle économique, un environnement institu-
tionnel ne se caractérise pas seulement par la production de règles et/ou de normes (d'où le
problème des types de règles), mais aussi et surtout par la production de dispositifs destinés
à la mise en œuvre de ces règles et par leur mise en œuvre effective. L'analyse de ces dispo-
sitifs est une pièce maîtresse du programme néo- institutionnel.
Un deuxième volet est de nature plutôt microéconomique. Il est sans doute le mieux
connu des économistes, et porte sur l'étude des modes d'organisation des transactions, des
arbitrages entre ces modes, et de leur efficacité comparée, avec une forte dimension analyti-
que4. Le concept de contrat incomplet y joue un rôle essentiel, pour au moins deux raisons
distinctes.
D'abord, le recours à l'idée que les contrats jouent un rôle structurant dans l'organisation
des transactions permet de traduire de façon précise la dimension relationnelle inhérente au
concept même de transaction. Ensuite, l'idée que pratiquement tous les contrats sont incom-
plets conduit naturellement à l'exigence d'une analyse approfondie des dispositifs de coordi-
3 Il n'existe pas de traduction satisfaisante de ces termes en français. On utilise règle générale le terme
d'exécutoire, qui ne rend que partiellement compte de la réalité du concept anglais, et qui laisse échapper la
distinction entre ex-ante et ex-post notée ci-haut.
4. Pour des synthèses, voir Williamson, 1985 ; Joskow, 1988 ; Crocker et Masten, 199X ; Klein et Shelans-
ki, 1995, Rindfleisch et Heide, 1997.
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