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INTRODUCTION1
Ces dernières années, nous nous sommes intéressé au concept de co-construction des
politiques publiques, en définissant cette dernière comme étant une élaboration de
politique publique à laquelle participent non seulement des élus de la société politique, ce
qui est plus conventionnel, mais aussi des acteurs de la société civile, ce qui l’est moins.
Nous avons commencé à travailler sur cette thématique en 2006, après avoir reçu une invitation
des collègues du CRISES (Centre de recherche sur les innovations sociales) à produire un
chapitre de livre sur le sujet2. Depuis ce temps, nous avons eu l’occasion de faire plusieurs
communications et de publier une diversité de textes sur ce thème, les uns de nature plus
théorique, les autres de nature plus empirique. Dans nos écrits et interventions, nous avons
constamment été amené à réfléchir en lien avec trois questions. Premièrement, y a-t-il de la co-
construction de politiques publiques? Deuxièmement, s’il y a co-construction, est-ce qu’elle est
démocratique? Troisièmement, est-ce que les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) y
participent?
En travaillant sur ces questions liées à la co-construction des politiques, nous avons eu l’occasion
de constater, notamment en France, que certains chercheurs et acteurs sociopolitiques attachés à
l’État jacobin pouvaient se montrer perplexes devant l’utilisation de l’expression « co-
construction des politiques publiques ». Une telle perplexité provient du fait qu’à leurs yeux la
construction des politiques publiques appartenait aux seules personnes détenant des mandats
d’élus politiques et ne pouvait donc pas être une prérogative partagée avec des acteurs de la
société civile dont ceux de l’ESS. En conséquence, les personnes pourvues d’une sensibilité
jacobine accepteront de s’intéresser à la thématique de la participation citoyenne, mais à
condition que cette dernière reste confinée à des activités de consultation et ne pénètre pas dans
les processus décisionnels en matière de politique publique.
Nonobstant les résistances au concept de co-construction des politiques exprimées dans certains
milieux, nous avons constaté ces dernières années que cette façon de concevoir la participation
citoyenne dans les décisions de politiques publiques exerçait un attrait croissant dans une
diversité de milieux et de lieux, notamment dans les réseaux intéressés par la promotion de l’ESS.
Au Québec et au Canada, au cours des dernières années, la thématique de la co-construction a été
appropriée et utilisée dans divers milieux de pratique et de recherche s’intéressant à la promotion
de l’ESS et de son apport dans la démocratisation de l’économie et de la société. Nous avons
noté le même intérêt en Amérique latine et dans les Caraïbes (ALC), dans les réseaux d’ESS
1 La rédaction de cette note de recherche a été stimulée par notre participation comme conférencier invité à deux
colloques qui ont eu lieu en France sur la thématique de la co-construction des politiques publiques et qui ont
mobilisé à la fois des chercheurs et des acteurs dans le domaine de l’ESS. Nous faisons référence d’une part aux 14e
Rencontres du Réseau interuniversitaire de l’économie sociale et solidaire (RIUESS) tenues à Lille du 21 au 23 mai
2014 et, d’autre part, aux 5e Rencontres de l’ESS en Vaucluse tenues à Avignon le 20 octobre 2014.
2 En fait, la commande faite par les collègues du CRISES (Centre de recherche sur les innovations sociales), en
2006, consistait à rédiger un chapitre sur l’économie sociale et la co-construction des politiques publiques dans le
cadre de la préparation d’un livre sur l’économie sociale. Ce livre, coordonné par Marie J. Bouchard, fut publié en
français en 2012 et en anglais en 2013 (Bouchard, 2012 et 2013).