Aide à la résolution de problèmes

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Académie de Bordeaux
Premier Concours Interne de recrutement de professeurs des écoles
Session 2007
Epreuve d'admission
Sudokus non numériques au CE1:
une aide à la résolution des problèmes
mathématiques ?
Frédérique Bresson
n° inscription 9108053909
Institutrice spécialisée option E, RGAD école élémentaire, 24580 Rouffignac
Présentation
Lorsqu'on travaille en regroupement d'adaptation, une des plus grandes difficultés
que rencontre l'enseignant est d'essayer de faire progresser les élèves sur le plan de la
compréhension, que ce soit dans le domaine de la langue écrite ou dans celui des problèmes
mathématiques. Un des principes de la pédagogie de remédiation avec ces élèves en difficulté
est de leur faire connaître l'expérience de la réussite, afin de les motiver et de leur rendre
confiance en eux. Mon but était donc de trouver des situations où les élèves soient obligés de
faire preuve de réflexion, de logique à un niveau suffisamment complexe sans les bloquer par
un abord trop difficile et rébarbatif.
Le jeu de Sudoku, par la simplicité de ses règles et la relative complexité que
peuvent atteindre ses grilles, m'a paru correspondre à ce besoin, à condition de remplacer les
nombres par des animaux. Ce jeu allait-il permettre de développer chez les élèves des
démarches intellectuelles et des stratégies efficaces et pouvant être réinvesties dans d'autres
activités scolaires? Les parties de Sudoku allaient - elles constituer des situations propices à
construire les compétences cognitives nécessaires pour résoudre les problèmes qui sont posés
aux élèves en mathématiques?
Ce dossier a pour objet de rapporter cette activité avec un groupe d'élèves de CE1
: objectifs visés, déroulement des séances, analyse des difficultés et des stratégies mises en
œuvre, évaluation des compétences acquises. La conclusion montre avant tout l'intérêt de la
recherche et du dialogue dans le groupe d'élèves, ainsi que la nécessité pour l'enseignant
d'éviter que se créent des procédures de résolution trop automatisées qui sont alors à l'opposé
de l'objectif recherché.
Sommaire
Introduction .............................................................................................p 1
1 Rappel des textes officiels ...................................................................p 1
1 – 1 Bulletin Officiel, horaires et programmes
d'enseignement de l'école primaire, 14 février 2002 ..............p1
1 – 2 Documents d'accompagnement des programmes,
mathématiques, école primaire ...............................................p1
1 – 3 Documents d'accompagnement des programmes,
mathématiques, cycle II ..........................................................p2
2 Rappels théoriques ..............................................................................p2
2 – 1 Conception sociale de l'apprentissage ...................................p2
2 – 2 Le jeu support d'apprentissage...............................................p 3
3 Compte rendu et analyse des activités pratiquées ...............................p 4
3 – 1 Présentation du groupe...........................................................p 4
3 – 2 Présentation des activités.......................................................p 4
3 – 3 Objectifs visés ........................................................................p 5
3 – 4 Premières séances avec la grille 4 x 4 ...................................p 5
3 – 5 Difficultés, stratégies, progrès ...............................................p 6
3 – 6 Rôle de l'enseignante .............................................................p 7
3 – 7 Nécessité de passer à la grille 6 x 6 .......................................p 8
3 – 8 Evaluation ..............................................................................p 9
4 Conclusion............................................................................................p 10
Introduction
Ce mémoire présente l’utilisation de jeux de sudokus non numériques en RGAD avec
un groupe d’élèves de CE1 en difficulté en problèmes, afin de développer chez eux les
capacités de logique et de raisonnement nécessaires à la compréhension et à la résolution de
problèmes mathématiques.
J’ai choisi un support ludique, attractif et non numérique pour que les élèves puissent
utiliser et développer leur réflexion dans un contexte qui ne les bloque pas alors qu'ils ont peu
confiance en eux en mathématiques. Cette activité s’inscrit dans ce qui est prescrit par les
Instructions Officielles, sa démarche prend en compte les données théoriques sur les pratiques
pédagogiques et le développement intellectuel de l'enfant selon J. Bruner, L. Vygotski
Après le rappel des textes institutionnels et un bref exposé théorique, je présenterai les
objectifs visés, quelques séances, puis l’évaluation de cette activité. Aura t’elle permis une
amélioration des capacités de réflexion des élèves, ou du moins une meilleure utilisation de
ces dernières, qui étaient peut-être oblitérées par une certaine anxiété éprouvée lors des
activités purement mathématiques? Aura t’elle un effet positif sur l’attitude des élèves envers
les problèmes numériques ?
1 Rappel des textes officiels.
1 – 1 Bulletin Officiel, horaires et programmes d'enseignement de l'école primaire, 14
février 2002.
Les objectifs pour les Mathématiques spécifient que "les capacités à abstraire,
chercher, raisonner et expliquer se développent aussi bien dans les moments de travail … que
dans les phases d'échange et de confrontation". Ces échanges collectifs sont "une occasion de
s'initier à l'argumentation et à ses exigences (écoute des autres, contrôle par autrui de ce qui
est avancé, recours à une expérience pour trancher entre deux propositions…) (p 51).
1 – 2 Documents d'accompagnement des programmes, mathématiques, école primaire
Les programmes de 2002 mettent "la résolution de problèmes au centre des activités
mathématiques de l'élève". Il s'agit de développer chez les élèves un comportement de
recherche et des compétences d'ordre méthodologique : émettre des hypothèses et les tester,
faire et gérer des essais successifs, élaborer une solution originale et en éprouver la validité,
1
argumenter". Il est souligné que "l'enseignant doit créer les conditions d'une réelle activité
intellectuelle des élèves" (p 7). L'importance au cycle II des "problèmes pour chercher" est
rappelée (p 12). Ces problèmes peuvent être donnés sous une forme autre qu'un texte suivi
d'une question, car "l'écrit peut déjà être, pour certains élèves, un obstacle à la compréhension
de la situation". Ils peuvent "se situer dans les domaines numérique, géométrique, logique …"
(p 10). Un exercice a été choisi comme exemple car il "met l'accent sur une compétence trop
peu valorisée actuellement à l'école primaire : la déduction et l'organisation des étapes d'une
résolution" (p 14).
1– 3 Documents d'accompagnement des programmes, mathématiques, cycle II.
Ces textes soulignent (p 13 & 14) que "les situations proposées doivent être réellement
problématiques, et donc nécessiter un travail intellectuel de la part de l'élève" et qu’"il est
nécessaire de porter une attention particulière aux démarches mises en œuvre par les élèves, à
leurs erreurs, à leurs méthodes de travail et de les exploiter dans des moments de débats. Ces
phases de formulation d'échange et de confrontation favorisent la prise de conscience par les
élèves des démarches qu'ils ont eux-mêmes utilisées et celle de l'existence d'autres démarches
possibles." Parmi les compétences travaillées au cycle II, on trouve : "rendre compte
oralement de la démarche utilisée", "admettre qu'il existe d'autres procédures que celle que
l'on a soi-même élaborée et essayer de les comprendre" et "identifier les erreurs dans une
solution".
Sur le plan de l'interdisciplinarité, ces problèmes " contribuent au développement des
compétences dans le domaine de la langue orale et écrite, tout en travaillant les spécificités du
langage mathématique" et "ils doivent le plus souvent être proposés sous forme orale, en
appui sur une situation matérialisée." (p 8). Enfin, ils "contribuent à l'éducation civique :…
entraide, …débat, …écoute, prise en compte et respect d'autrui." (p 11).
2 Rappels théoriques.
2 – 1 Conception sociale de l'apprentissage
Les processus cognitifs utilisés pour résoudre une situation problème (comprendre,
raisonner, anticiper, déduire, vérifier…) paraissent être difficiles à mettre en œuvre pour
certains élèves, pour des raisons très diverses et parfois difficiles à cerner, qu'il n'est pas de
2
mon propos d'énumérer ici. Cependant, de nombreux psychologues et pédagogues ont fait "le
postulat de l'éducabilité" pour tous les élèves.
Pour J. Bruner (1986) "le développement de la pensée est peut-être dans une large
mesure déterminé par la possibilité d'un dialogue progressivement intériorisé jusqu'à ce que
l'enfant puisse le poursuivre tout seul dans sa tête" (p 89). Ceci s'inscrit dans une conception
"sociale" de l'apprentissage selon laquelle les interactions sociales avec l'adulte ou avec les
pairs vont être décisives pour le développement cognitif de l'enfant. Selon L. Vygotski "ce
que l'enfant est en mesure de faire aujourd'hui avec l'aide de l'adulte, il pourra l'accomplir seul
demain" et "l'apprentissage devance toujours le développement", par opposition au
constructivisme de Piaget (on ne peut enseigner certaines compétences aux enfants tant qu'ils
n'ont pas atteint un stade donné du développement intellectuel, qui se construit à partir de
l'interaction du sujet et de son environnement). Ces auteurs insistent sur l'importance de
l'étayage fourni par l'adulte, de la "médiation" de l'adulte entre l'enfant et la culture, le savoir.
On peut alors se placer dans une démarche de remédiation cognitive : aider l'enfant à
construire des démarches et des attitudes intellectuelles qui lui seront indispensables pour
mener à bien les tâches scolaires.
2 – 2 Le jeu support d'apprentissage
Le jeu est très pratiqué à l'école maternelle, ensuite les enseignants du primaire n'y ont
que peu recours. Pourtant, selon J-L Aubert ("Du berceau à l'école, les chemins de la
réussite"), "le jeu a ceci de positif qu'il s'appuie sur ce que l'enfant sait faire". L'enfant stresse
moins, comprend mieux dans l'univers familier du jeu, qu'il associe au plaisir et non à la
difficulté. Bruner (Jeu, pensée et langage) observe que "dans le jeu, la gravité des
conséquences que comportent les erreurs ou les échecs se trouve atténuée" (p 83).
Ceci est d'autant plus important que les opérations cognitives (le raisonnement
déductif par exemple) peuvent être vécues comme pénibles et sources de déplaisir. L.
Cosnefroy préconise donc "des expériences qui amèneront l'élève à comprendre que le
déplaisir n'est que transitoire et sera largement compensé par le plaisir de trouver la solution
et d'être sûr de son raisonnement." De même "décider pose problème, car c'est s'engager et
prendre des risques" (p 7). Plus loin l'auteur affirme que "le choix de tâches non scolaires,
décontextualisées, reste intéressant (…) parce qu'elles ne nécessitent pas trop de
connaissances, ce qui permet à l'enfant de se concentrer totalement sur son fonctionnement ;
(…) pour créer la motivation intrinsèque grâce au plaisir de penser qui peut résulter d'avoir
cherché, d'avoir surmonté des obstacles, et en définitive, d'avoir trouvé la solution." (p 13).
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3 Compte rendu et analyse des activités pratiquées.
3 – 1 Présentation du groupe
Ce groupe d'élèves est constitué de 4 enfants en grande difficulté en problèmes (trois
CE1, dont une en maintien, et une CE2 très faible). Leurs difficultés proviennent de manière
générale d'un défaut de réflexion, en effet ils maîtrisent à peu près les techniques opératoires
enseignées à leur niveau. Mais ils ont du mal à prendre une décision, à émettre une opinion
personnelle, ils montrent trop d'impulsivité dans les tâches scolaires ; ils manquent de logique,
de rigueur et choisissent nombres et opérations au hasard.
3 – 2 Présentation des activités
De la Toussaint à la fin janvier, à raison de deux séances de 45mn par semaine, j'ai
proposé dans le cadre du Regroupement d’Adaptation un jeu bâti sur le modèle du sudoku.
Les cases sont à compléter avec des animaux et non des nombres, afin de ne pas faire
référence aux mathématiques, qui sont pour ces enfants un domaine d'échec douloureux. Pour
éviter une difficulté supplémentaire, pour ne pas créer un ressenti négatif, il n'y a pas
d'"énoncé" écrit : les règles sont connues et faciles à rappeler oralement.
Le principe même du jeu de Sudoku n'a pas semblé compliqué, les élèves ayant tous
vu quelqu'un de leur entourage y jouer : les règles en sont simples alors que les situations
proposées peuvent devenir très complexes. Ces séances ont été vécues avec plaisir, aucun n'a
jamais abandonné quelque soit le degré de difficulté proposée. Les élèves ont pourtant dû
faire évoluer ou abandonner leurs procédures spontanées, qui consistaient essentiellement à
voir quel animal manquait dans une zone sans s'interroger sur la suite du jeu. Une des grilles
les plus difficiles a suscité une telle envie de recherche qu'il m'a fallu presque "pousser" les
élèves dehors pour qu'ils rejoignent leurs classes, en retard.
Pour les premières séances, une grille de jeu de 4 cases sur 4, formant 4 carrés de
couleurs différentes, est à compléter avec les images de 4 animaux : chat, chèvre, poule et
vache. Les animaux donnés au départ et non déplaçables sont signalés par un point vert. Une
progression dans la difficulté a été établie en fonction du nombre de cases vides : de 5 à 12.
Ensuite, nous avons utilisé une grille de 6 cases sur 6, formant 6 "carrés" (les élèves
ont préféré continuer à utiliser ce terme) de 6 cases, à compléter avec les animaux déjà cités
plus un dauphin et une grenouille. Le nombre de cases vide va de 12 à 24.
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3 – 3 Objectifs
Les objectifs de cette activité sont multiples et appartiennent essentiellement aux
domaines de la langue, des mathématiques et de l'éducation civique:
- développement des capacités de raisonnement, déduction, anticipation, formulation
d'hypothèses, croisement d'informations, raisonnement par élimination
- développement de comportements et d'attitudes de recherche : élaborer des stratégies,
procéder par essais et tâtonnements, vérifier que le résultat de l'action choisie est conforme
aux règles du jeu, évaluer le résultat de son action.
- développement des capacités langagières, de l'expression orale et de la communication :
argumenter, justifier et expliquer pourquoi on choisit de mettre tel animal sur telle case, savoir
expliquer pourquoi un choix est bon ou mauvais pour la suite du jeu, exprimer son accord ou
son désaccord, expression de la condition, de la cause, de la conséquence
- concentration et attention, rigueur, mémoire de travail,
- connaissances spécifiques et vocabulaire approprié : savoir se repérer sur un quadrillage,
employer "ligne/ colonne",
- développement de la coopération, de l'entraide, de l'écoute de l'autre
3 – 4 Premières séances avec la grille 4x4.
Les séances du début (grille 4x4) permettent de jouer deux ou trois parties à la suite,
par groupe de deux ou 4 enfants.
Enrôlement : proposition de la grille. J'ai expliqué aux enfants qu'à force de jouer à ce
jeu, qui demande de la réflexion, ils seraient capables de réfléchir mieux lors des situationsproblèmes en maths.
Déroulement type d'une partie :
- Temps de recherche : tous les élèves commencent par chercher individuellement
- Mise en commun : l'un d'eux propose une action : placer telle carte sur telle case,
Chaque carte posée peut être critiquée par les autres à condition d'argumenter.
L'entraide est favorisée, cependant il faut veiller à ce que chaque enfant fasse l'effort
de réfléchir et surtout de formuler sa démarche et son raisonnement.
Petit à petit une sorte de "scénario" s’est mis en place, nous en avons discuté à la fin de
chaque partie. C’est une stratégie élaborée par les élèves car elle a fait ses preuves et permis
de nombreuses fois de réussir le jeu :
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1 – trouver l'endroit de la grille où il sera plus facile de placer un animal. Cela peutêtre dans une ligne ou une colonne donnée, ou dans un "carré", parce que c’est là qu’il
manque le moins de cartes.
2 – chercher quels sont les animaux manquants dans la zone concernée;
3 – choisir un animal, réfléchir et le placer sur une case donnée.
4 – verbaliser la vérification de la conformité aux règles du jeu.
Toutes ces actions peuvent être entreprises par les enfants à tour de rôle, ou par un seul
s'il se sent très sûr de lui, avec la contrainte d'expliquer : respecte-il les règles du sudoku ?
Pourquoi? Dans tous les cas, je demande aux autres d'exprimer leur avis et de formuler leurs
éventuelles critiques (qu'est-ce qui ne va pas?)
A chaque fois qu'un niveau de difficulté est maîtrisé par le groupe, chaque enfant joue
seul, afin que je puisse constater s'il réussit à mettre en œuvre la démarche construite en
groupe pour remplir correctement la grille.
3 – 5 Difficultés, stratégies, progrès.
Une des premières difficultés constatée consiste à vouloir absolument placer le carton
d’un animal donné, alors que sur la grille cela n’est pas possible au stade où nous en sommes.
L’enfant prend n’importe quel animal et veut à tout prix lui trouver une place, alors qu’il n’y a
plus de case où on puisse le mettre. Cette erreur est due à une trop grande précipitation, et
peut-être dû à la forte attirance que peut exercer tel ou tel animal sur un enfant.
Une autre difficulté, lors des premières séances, est de tenir compte simultanément des
trois règles :
- qu’il y ait un et un seul représentant de chaque animal dans chaque carré,
- qu’il y ait un et un seul représentant de chaque animal dans chaque colonne,
- qu’il y ait un et un seul représentant de chaque animal dans chaque ligne.
Certains élèves semblent en effet avoir plus de facilité à réfléchir par colonnes,
d’autres par lignes. Ainsi, au début, Mathilde et Rémy se focalisent sur la règle 1 et oublient
de vérifier les deux autres. Ceci les amène à placer deux chats puis deux poules dans la même
colonne, sans s’en apercevoir ou sans tenir compte du fait que la règle du jeu l'interdit. Voici
la grille : à ce stade, l’enfant a vérifié dans le carré et en ligne, mais pas en colonne (cases
ombrées en majuscule, animaux donnés et non déplaçables, en minuscule, ceux placés par les
élèves)
6
Chat
Chèvre
VACHE Chèvre
Poule
chat
Poule
VACHE
POULE
CHAT
Un mois après, c’est une erreur que les enfants ne font plus et ils se surveillent les uns les
autres pour l’éviter :
POULE
CHEVRE
chat
VACHE
chèvre
Poule
CHEVRE
VACHE
Vache
CHAT
A ce moment de la partie, Mathilde prévient qu’il y a « un gros problème » : 2 chèvres sur la
ligne 3. Manuella propose une poule à la place, mais Malorie intervient : « non ça va faire 2
poules comme ça » (c’est à dire dans la colonne 1).
Bientôt, le fait de vérifier systématiquement sur ces trois plans en même temps est
intégré par les élèves : ce qu’ils ne savaient faire qu’en coopérant est maintenant une
compétence acquise par tous, sauf bien sûr dans quelques moments d’inattention.
3 – 6 Rôle de l'enseignante
Je me place comme meneuse de jeu, je dois réguler les prises de parole si nécessaire
(dans les moments de grande effervescence), rappeler une règle. Mon rôle est aussi de fournir
la petite aide, l'indice qui peut débloquer une situation difficile (avez-vous pensé à …?;
pointer du doigt une carte dont il n'est pas tenu compte). Mais je ne veux pas donner la
7
solution même si elle s'avère difficile à trouver. Alors, j'encourage, j'engage à essayer, je
dédramatise l'erreur potentielle (mieux vaut essayer et se tromper que ne rien faire). Je
rappelle une stratégie utilisée une autre fois par l'un ou l'autre. Je propose de noter où nous en
sommes et de reprendre une grille un peu difficile la fois d'après (ce qui est refusé : « on
cherche encore ! »). Les élèves ont semble t-il bien compris que je ne leur donnerai pas la
solution, que je veux les voir chercher et que cela est source de progrès pour eux
J'encourage toute réflexion à haute voix, je suis à l'affût de toute remarque intéressante
et demande à son auteur de la répéter pour le bénéfice de tous, en l'aidant à reformuler si
nécessaire. Ainsi j'essaie de montrer que pour moi, leur cheminement, "ce qu'ils se disent dans
leur têtes " est aussi important que de trouver la carte qu'il convient de poser. En revanche, je
ne veux pas favoriser la compétition entre les enfants par des phrases comme "Qui va trouver
le premier ?" car ce serait les conforter dans leur désir de solution immédiate, dans leur
impulsivité qui empêche la mise en place de la réflexion et du raisonnement.
3 – 7 Nécessité de passer à la grille 6x6.
Le jeu avec les grilles 4x4 est bien maîtrisé par les quatre élèves, qui arrivent même à
compléter les grilles avec un certain automatisme, ce qui n’est pas mon but. Il est donc temps,
peu avant Noël , de proposer des parties plus difficiles pour les mettre en situation à nouveau
de réfléchir avant d'agir et pour leur permettre de raisonner de façon plus complexe.
Les parties 6x6 étant plus longues, une seule partie par séance est possible, par
groupes de deux ou de quatre. Les premières se jouent avec 12 cases vides, ensuite nous
passons à 18 puis 24 cases vides.
Il va être utile de rajouter au "scénario" que les élèves ont construit pour les grilles
4x4, un cinquième point : anticiper sur le "blocage" possible de la suite du jeu par l'action
choisie. En effet, les élèves se rendent bien vite compte qu'à un stade du jeu, plusieurs choix
peuvent être faits pour une même case, et que ce n’est que par la suite que l’erreur éventuelle
va apparaître en empêchant de placer d’autres cartes : « la chèvre bloque ! » (ligne 1). Et pour
éviter cela, une seule solution, anticiper : "on va avoir deux chats dans la colonne 3 !"
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VACHE
chèvre
dauphin
grenouille
POULE
dauphin
chat
VACHE CHEVRE
chèvre
GRENOUI
chat
poule
dauphin
POULE
dauphin
grenouille CHEVRE
DAUPHIN
vache
CHAT
POULE
CHAT
DAUPHIN
grenouille
Dans ces situations de relatif échec, puisque la carte posée n’est pas la bonne, certains
enfants sont plus déstabilisés que d’autres et proposent tout de suite des solutions radicales
(Manuella : « il faut enlever tout ! » «on va tout recommencer ?» ). Les autres en viennent à
accepter de revenir sur leur choix et essaient une autre position. Le recours à l’adulte est un
autre moyen de se rassurer et Rémy me demande avec anxiété si j’ai bien fait la grille moimême, si j’ai bien placé les cartes à point vert comme prévu. Puis les élèves suggèrent de
permuter certains animaux, et reconstruisent un raisonnement en fonction des nouvelles
places occupées. La prudence est alors de mise et Mathilde affirme « pour l’instant ça va ».
Lorsque je demande à la fin de la partie pourquoi nous avons eu des difficultés pour
venir à bout de cette grille, les enfants ne font pas référence à la plus grande difficulté des
jeux proposés maintenant. Le constat de Mathilde « on parle trop, on veut parler tous en
même temps et on va trop vite ; il faut réfléchir d’abord . » est approuvé par tous. Elle
souligne alors, très fière, qu’elle avait bien dit déjà, au cours de la partie, qu’on allait trop vite
et ne réfléchissait pas assez … Lors des séances suivantes, je n’ai pas besoin de faire respecter
un moment de réflexion silencieuse, ni de régenter les tours de parole : les élèves le font euxmême en rappelant l’exemple négatif de la semaine précédente. Ils canalisent leur impulsivité
et verbalisent d’abord pour eux-mêmes leurs hypothèses.
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3 – 8 Evaluation.
Evaluer les processus cognitifs mis en œuvre lors de cette activité de jeux de sudokus
non numériques n'est pas quantifiable, cependant l'observation des comportements pendant le
jeu ainsi que le transfert des compétences construites pour résoudre des problèmes
numériques permet d'apprécier les progrès éventuels.
3 – 8 – 1 Evaluation au niveau de l'activité.
A ce stade, trois enfants sur 4 ont bien intégré la démarche à suivre, même si selon les
cas de figures il est plus ou moins facile de raisonner pour prévoir si la pose d’une carte va
gêner la suite du jeu. Ils sont capables de raisonner afin de placer une carte en respectant les
règles du jeu tout en anticipant sur les conséquences de leur choix pour la suite du jeu.
En revanche, une élève présente systématiquement des conduites d’évitement quand
les autres lui demandent si sa carte ne va pas bloquer, ou lui affirment qu’elle bloque et qu’il
faut la changer. Aussitôt, elle abandonne ce qu’elle avait choisi et se met à chercher à l’autre
bout de la grille, ignorant ce qui lui est dit. Cela prouve qu’elle ne s’est pas encore approprié
la démarche qui consiste à croiser des informations, formuler des hypothèses et raisonner par
élimination, même avec le support de la manipulation des cartes. Elle a sans doute du mal à
prendre de la distance par rapport à ce qu’elle fait et ne peut alors accepter cette remise en
cause. C’est donc à moi de la solliciter, de l’encourager à essayer en lui « tendant quelques
perches », de lui rappeler comment ont raisonné les autres dans une situation équivalente.
3 – 8 – 2 Evaluation au niveau du transfert des compétences acquises.
Parallèlement aux séances où les élèves ont joué, ont été menées en RGAD des
séances de résolution de problèmes numériques simples : problèmes niveau CE1, choisis dans
des manuels, où une seule opération est nécessaire pour répondre à la question posée. La
démarche était une recherche collective : lecture du problème, réalisation de schémas mettant
en évidence ce que l'on cherchait, puis discussion sur. le choix de l'opération à faire.
J'ai pu constater une évolution des capacités de trois élèves à réfléchir : choisir les
nombres utiles, choisir la bonne opération, proposer une représentation claire de la situation
mathématique. Cependant, comme avec le sudoku, la quatrième élève n'a pas vraiment
progressé dans ce domaine (impulsivité devant les tâches, manque de logique). Une
évaluation portant sur deux problèmes numériques simples, à résoudre seul après lecture par
l'enseignante, a confirmé ces résultats. Les évaluations faites dans les classes respectives des
10
élèves ont montré également des progrès pour les trois enfants qui ont réussi en adaptation à
améliorer leurs capacités de réflexion;
4 Conclusion.
A l'issue de ce projet, il apparaît que l'utilisation de jeux de Sudokus non numériques
pour travailler la réflexion et la logique en mathématiques peut aider à faire progresser les
élèves sur le plan des capacités cognitives, en évitant le blocage qu'ils connaissent parfois visà-vis des mathématiques. Ils ont appris à construire et mettre en œuvre une démarche
rigoureuse La verbalisation des démarches au sein du groupe m'a paru très importante, elle est
la source d'une prise de conscience pour chacun de sa propre réflexion. De plus, à plusieurs, le
jeu est moins mécanique car les élèves ne sont pas toujours d'accord entre eux. Cela souligne
l'intérêt de situations de recherche collective où les compétences se construisent par
l'interaction entre les participants, alors que le maître peut bien observer.
Les élèves ont compris qu'ils jouaient pour construire ces compétences, et pour les
réinvestir ensuite dans d'autres situations en classe. Un autre point positif est le respect de
l'autre et de sa parole, qui s'est amélioré de façon évidente au fil des séances. Cependant, une
des élèves de ce groupe n'a pas profité de ces situations ludiques, ses difficultés persistent.
Enfin, le risque existe lors de ces activités de créer chez les élèves des automatismes qui
permettent la réussite du jeu sans nécessiter de réflexion poussée. Pour éviter cet écueil
l'enseignant doit veiller à complexifier et varier suffisamment les situations proposées. Mon
but sera donc de trouver d'autres jeux amenant à développer les capacités de réflexion de
l'élève tout en possédant des règles très simples.
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