REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
NEUROSCIENCES CONGNITIVES ET CLINIQUES 139
Actualités
en particulier sous l’angle de
l’éthique. Il a rappelé les deux
grandes dimensions dans l’exper-
tise : 1) l’évaluation du dommage
corporel en cas d’accident et 2)
l’évaluation de la compétence de
la personne âgée en diffi culté cogni-
tive. De toute évidence, le vieillisse-
ment de la population, l’existence
de pathologies dégénératives et de
blessures cérébrales acquises ont
pour conséquence l’augmentation,
dans la population et, en particulier
celle des personnes âgées, des pro-
blèmes de mémoire, langage, etc.
Ceci rend certaines populations
plus vulnérables et l’utilisation de
certains diagnostics médicaux met
en diffi culté les droits des person-
nes, singulièrement les personnes
âgées. Dans le cadre de l’expertise,
le questionnement est nécessai-
rement très étendu car il touche
de nombreux domaines de la vie
quotidienne. Il faut s’interroger sur
les capacités des personnes à : 1)
donner un consentement pour une
décision médicale ; 2) donner un
consentement pour la participation
à une recherche ; 3) gérer les fi nan-
ces ; 4) conduire une voiture ; 5) sui-
vre correctement un traitement ; 6)
vivre de manière autonome dans la
vie quotidienne ; 7) choisir un lieu
de résidence ; 7) se marier/adopter ;
8) défendre ses droits et devoirs en
justice. X. Seron précise que, selon
le Code civil belge, la capacité est
la règle et l’incapacité l’exception.
Dans le champ de l’expertise, l’in-
capacité résultera donc de la déci-
sion d’un juge de paix. Le premier
problème posé est celui de l’analy-
se de la capacité. X. Seron souligne
que la capacité n’est pas générale
mais spécifi que (on peut conduire
une voiture mais ne pas pouvoir
gérer son argent, par exemple).
L’analyse doit se faire selon 3 dimen-
sions : 1) les différentes compé-
tences mettent en jeux des pro-
cessus cognitifs/psychologiques
différents ; 2) de plus, la personne
peut, selon les domaines, avoir un
niveau d’expertise antérieur plus
ou moins résistant à la maladie ;
3) enfi n, certaines compétences
sont liées à des contextes particu-
liers qui mettent en jeu des acteurs
différents. Le second problème à
considérer est celui de la compé-
tence. La compétence à l’intérieur
d’un domaine doit être hiérarchi-
sée. En effet, elle peut être altérée
pour des tâches complexes mais
pas pour des tâches plus simples
(exemple : placement en bourse
versus faire ses courses dans le
magasin local). Malheureusement,
il n’existe pas, à l’heure actuelle,
d’outil qui permette cette évalua-
tion. Dans le cadre de situations
évolutives (de manière favorable ou
défavorable), la compétence doit
faire l’objet de réévaluations. Dans
le cadre d’une expertise, la com-
pétence doit être pensée comme
spécifi que à un domaine, limitée
à l’intérieur du même domaine
et établie pour une durée défi nie
avec réévaluation à l’issue. L’exper-
tise nécessite ici une évaluation fi ne
pour déterminer les limites, plus
de souplesse et de contrôle. Deux
situations d’expertise permettent
à X. Seron de montrer la comple-
xité de la position de l’expert
en neuropsychologie. Il souligne
en particulier que celui-ci ne doit
pas perdre de vue la question
posée, quels que soient les argu-
ments médicaux par ailleurs ex-
posés, validés, retenus. Un point
retient son attention : un diagnostic
médical n’est pas par défi nition et
d’emblée synonyme d’incapacité.
Expertise n° 1 : est-ce que Mme X.,
suspecte de présenter une démen-
ce fronto-temporale débutante, est
en mesure de gérer ses biens sans
léser ses enfants ? Une fois réalisée
l’évaluation neuropsychologique
qui retrouve des diffi cultés exécu-
tives, compatibles avec le diagnos-
tic médical, il convient ici de
répondre à plusieurs questions clés :
Est-ce que Mme X. peut décrire les
membres de sa famille ? A-t-elle
une représentation précise de ses
biens et de leur valeur ? Comment
conçoit-elle la transmission de ses
biens au travers de l’héritage et
les conséquences de la décision
de vendre la maison ? L’expert
conclura que si sur le plan cognitif,
les choses sont claires (la patiente
peut gérer ses biens), il ne peut
pas en l’état évaluer la dimension
émotionnelle avec certitude (il se
pourrait donc que pour de multi-
ples raisons, la patiente ne mesure
pas correctement les conséquen-
ces de ses décisions) et par consé-
quent répondre avec précision à la
question posée par l’expertise qui
a ensuite été confi ée à un autre
expert. Expertise n° 2 : est-ce que
M. A.P., hispanophone, suspect de
présenter une démence vasculaire,
peut défendre ses droits en justice ?
La première expertise a répondu par
la négative sur la base du diagnostic
médical. Lors de la seconde experti-
se, l’évaluation neuropsychologique
retrouve les diffi cultés mnésiques,
de compréhension et la fatigabilité.
Cependant, d’autres données, en
particulier verbales, laissaient pen-
ser que M. A.P. avait les capacités de
s’exprimer devant une cour de jus-
tice. Ceci étant, l’entretien d’exper-
tise ne permet pas d’objectiver l’ab-
sence de coopération et de conclure
avec certitude. Le juge décidera de
ne pas entendre le patient. Nous re-
tiendrons de la conférence de X. Se-
ron que d’un point de vue éthique,
le psychologue intervenant comme
expert en neuropsychologie doit se
livrer à un examen minutieux des
capacités et incapacités, présentées
par le patient qui lui est confi é, en
rapport avec ce qui motive l’exper-
tise, au-delà du diagnostic médical
éventuel, et indépendamment de la
position potentiellement adoptée
par le juge qui au fi nal doit trancher.
Inutile de dire aussi que ces jour-
nées représentent pour notre disci-
pline un moment d’une grande im-
portance. Les conférences, de haut
niveau, ont donné lieu à des échan-
ges nourris, parfois vifs, toujours
passionnants. Les moments de ré-
pit qu’offrent les pauses et autres
activités sociales ont permis des
rencontres, des retrouvailles aussi
et, la prolongation des débats !
« La neuropsychologie clinique est
une méthode et une discipline qui
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 03/06/2017.