le jour des meurmeur tres dans william shakespeare rémi de vos éric vigner othello 17 fév—20 fév 2009 bernard-marie koltès avec thierry de peretti Bénédicte le jour desCerutti meurtres Michell’histoire dans Fau d’hamlet Samir 26 mar—28 Guesmi mar 2009 Nicolas Marchand Vincent Németh avec AurélienBarris Janine Patouillard ThomasNaymark Lola Scimeca CatherinedeTravelletti Thierry Peretti Jutta Johanna Pascal TagnatiWeiss création/Coproduction Centre Dramatique National Orléans/Loiret/Centre réservations 02 38 81 01 00 cdn-orleans.com l’hisl his toire d’hamd ham let Carré Saint-Vincent BlD Pierre Ségelle 45000 Orléans M/M (Paris) Centre Dramatique National Orléans/Loiret/Centre direction arthur nAuzyciel Le jeudi 26 mars 2009 à 20h30 Le vendredi 27 mars 2009 à 20h30 représentation suivie d’une rencontre avec l’équipe artistique Le samedi 28 mars 2009 à 17h00 Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet texte de Bernard-Marie Koltès mise en scène Thierry de Peretti RENDEZ-VOUS AUTOUR DU SPECTACLE CARTE BLANCHE AU CINEMA DES CARMES Mercredi 25 mars 2009 à 19h30 « Plaisirs inconnus » de Jia Zhang Ke, 2003 Durée 1h53 Entrée à tarif réduit puis 10 euros la place au CDN sur présentation de votre ticket de cinéma RENCONTRE SUR LE PLATEAU Vendredi 27 mars 2009 à l’issue de la représentation Le texte est publié aux Editions de Minuit. Tous les textes de la saison sont disponibles à la librairie Les Temps Modernes. Contact : Nathalie Dumon Relations avec les publics [email protected] 02 38 62 15 55 Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet texte de Bernard-Marie Koltès avec Thierry de Peretti Claudius Lola Naymark Ophélie Janine Barris Gertrude Pascal Tagnati Hamlet Dispositif scénique Thierry de Peretti, Yves Godin et Grégoire Faucheux Assistante à la mise en scène Elsa Chausson Créateur Musique/son Sylvain Jacques Créateur Lumière Yves Godin Créatrice Costumes Caroline de Vivaise Créateur Vidéo Cyrille Leclercq Régisseur général Antoine N’Guyen Dramaturgie Patrice Spinosi Productrice Claire Béjanin Production polimniA - Compagnie Thierry de Peretti. Coproduction CDDB-Théâtre de Lorient-Centre dramatique national, Théâtre de la Bastille-Théâtre de l’Agora-Scène nationale d’Évry et de l’Essonne dans le cadre des résidences de création soutenues par la région Ile-de-France, Théâtre Garonne, Centre dramatique national OrléansLoiret-Centre les Affaires Culturelles de la Mairie d’Ajaccio. Avec le soutien de la Collectivité Territoriale de Corse et la participation artistique de l’ENSATT. Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet texte de Bernard-Marie Koltès Réécriture, adaptation ou reprise – comme on dit d'un groupe de rock qu'il reprend un morceau déjà connu ? Il y a un peu de tout cela dans Le Jour des meurtres dans l'histoire d'Hamlet, pièce longtemps inédite de Bernard-Marie Koltès. Le prince de Danemark y est ce jeune homme rimbaldien écoeuré devant « les horreurs de ce monde ». Et le monde en question, c'est avant tout la cellule familiale chère à Koltès. Ce dernier a écrit ce condensé de la pièce de Shakespeare avec l'ardeur d'un jeune dramaturge avide de se pénétrer de l'esprit d'un auteur qu'il vénère. Mais en choisissant comme texte d'origine la traduction d'Yves Bonnefoy, il se place aussi sous la tutelle d'un poète contemporain. Dans le poème de Rimbaud, le jeune homme implore « sa soeur de charité » ; or, ici, Ophélie est celle qui va faire défaut, manipulée par les assassins du père que sont Claudius et Gertrude. Hamlet ne voit jamais le fantôme qui lui ordonne de le venger, il entend seulement ses paroles comme une injonction intérieure, intime, venue au-delà de la mort. « Ecrire des lettres, c'est se mettre à nu devant des fantômes », remarquait Kafka. Par son économie, sa tension extrême, cette “version” d'Hamlet a quelque chose d'une mise à nu. Un jeune auteur entreprend de trouver sa forme. Mais il le fait en se confrontant avec ce qui l'impressionne le plus, la voix lointaine d'un maître hautement emblématique. Ce faisant il ne cherche pas à s'identifier à l'auteur, mais c'est en s'immergeant au coeur même du questionnement shakespearien qu'il parvient à en extraire ses propres interrogations. Hugues Le Tanneur Bibliographie Théâtre Les Amertumes (1970) La Marche (1970) Procès Ivre (1971) L'Héritage (1972) Des voix sourdes (1973) Le Jour des meurtres dans l'histoire d'Hamlet (1974) Sallinger (1977) La Nuit juste avant les forêts (1977) Combat de nègre et de chiens (1979) Quai Ouest (1985) Dans la solitude des champs de coton (1985) Tabataba (1986) Le Retour au désert (1988) Roberto Zucco (1988) Fragments : Coco (1988) Récits La Fuite à cheval très loin dans la ville (1976) Prologue (1986) et autres textes (1986-1991) Une part de ma vie : Entretiens (1983-1989) Bernard-Marie Koltès Né à Metz en 1948, Bernard-Marie Koltès a été élevé au Collège jésuite de Saint-Clément jusqu'au baccalauréat. Il mène une vie violente, solaire et ancrée dans la révolte comme celle de Jean Genet. En 1970, il assiste à une représentation de Médée interprétée par Maria Casarès dans une mise en scène de Jorge Lavelli, c’est un choc. Il devient comédien au Théâtre national de Strasbourg, puis y réalise une dizaine de mises en scène. Il fonde la compagnie Le Théâtre du Quai pour laquelle il écrit : Les Amertumes (1970), La Marche - Le Procès ivre (1971) et Récits morts (1973) qu'il met en scène lui-même. Pour la radio, il écrit L'Héritage (1972), et Des Voix sourdes (1973). Après un voyage en URSS en 1973, il écrit le roman La Fuite à Cheval très loin dans la ville, puis Le Jour des meurtres dans l'Histoire d'Hamlet. En 1976, il écrit La Nuit juste avant les forêts qu'il mettra lui-même en scène en 1977 au Festival d'Avignon, puis Sallinger. Il voyage au Nicaragua, au Guatemala et au Salvador, puis écrit Combat de nègre et de chiens en 1979. Au début des années 1980,il rencontre Patrice Chéreau qui devient son metteur en scène et qui créera Combat de nègre et de chiens, Quai Ouest (1985), Dans la solitude des champs de coton (1986) et Le Retour au désert (1988). Ses pièces sont jouées dans toute l'Europe, notamment en Allemagne où il connaît un grand succès. Entre 1981 et 1985, il fait plusieurs séjours à New York, puis au Sénégal. Sa dernière pièce, Roberto Zucco (1988), a été créée à Berlin en 1990 par Peter Stein et mise en scène pour la première fois en France au TNP par Bruno Boeglin en 1991. L'écrivain, malade, décède à quarante ans. Bernard-Marie Koltès, dont les textes sont traduits dans une trentaine de langues, est un des dramaturges français les plus joués dans le monde. En février 2007, avec Le Retour au désert, il entre au répertoire de la Comédie-Française, dans une mise en scène de Muriel Mayette. Une controverse avec ses ayants droit met fin à la suite des représentations. « Je suis là par hasard. » Il dit cela le plus naturellement du monde. Quelques minutes plus tôt déjà, il avait lâché cette remarque un peu étrange : « Je ne suis pas d’ici ». En prononçant ces mots, Thierry de Peretti s’est peut-être souvenu de Kafka, dont il interprétait au Théâtre de la Bastille, il y a de ça un an, la Lettre au père dans une mise en scène de son ami Thibault de Montalembert. Se confronter à la littérature conduit parfois à prendre conscience de l’étrangeté de sa situation. « J’ai mis du temps à savoir que je voulais faire de la mise en scène », dit Thierry de Peretti. Et il y a dans ce constat une touche de méfiance, la peur de s’enfermer dans un role trop défini. Après avoir enchaîné plusieurs spectacles en tant que metteur en scène, Thierry de Peretti a traversé une période de doute. Est-ce que sa place n’était pas ailleurs qu’au théâtre ? Et voilà que, dans une librairie, il tombe sur un petit livre au long titre, Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet de Bernard-Marie Koltès. Lui-même avait monté Shakespeare et surtout à plusieurs reprises des pièces de Koltès dont Le Retour au désert présenté il y a quelques années au Théâtre de la Bastille. Aussitôt quelque chose s’est dénoué. Sous ses yeux, il avait tout d’un coup les deux dramaturges réunis. Quelques heures plus tard, il avait fini de lire le livre et pris la décision de le créer à la scène. Revenir à Koltès en choisissant ce texte écrit en 1974 par un dramaturge encore incertain de son talent fut évidemment riche de sens. Quand il considère Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet, il se dit que c’est une pièce qui surgit d’outre-tombe. «Koltès ne souhaitait pas qu’elle soit publiée, ce qui explique son apparition tardive. C’est une pièce qui m’a d’abord beaucoup intrigué. Par certains côtés, j’ai l’impression que je fouille un peu les poubelles ; il y a quelque chose qui est de l’ordre du sacrilège et j’aime bien ça. Alors on se demande si on a le droit de monter ça. Et, évidemment, je pense que oui, même si l’oeuvre appartient encore à la période du Koltès qui se trouve. On sent bien que l’auteur est déjà entièrement là. Et cela devient très excitant. En lisant la pièce assez vite, on oublie Shakespeare, on est bien chez Koltès. Détail important, il n’a pas travaillé à partir de la traduction d’Yves Bonnefoy. » Comme tous les grands héros de la littérature, Hamlet est un personnage qui traverse le temps. Cette histoire d’un jeune homme méditatif et mélancolique qui, malgré – ou à cause de – sa lucidité, s’empêtre dans ses atermoiements sans se résoudre à passer à l’acte résonne puissamment. Hamlet, pour Koltès, c’est d’abord une histoire de famille, un fait divers comme l’explique Thierry de Peretti : « On retrouve dans la pièce ces rapports familiaux qui sont si importants dans Le Retour au Désert. C’est presque du vaudeville par moments. L’image de soi, la réputation dans les petites villes y sont un souci constant. Je crois que de toutes ses pièces, c’est celle ou j’ai perçu l’émotion la plus nette, la plus directe. L’intrigue se resserre autour des quatre seuls personnages que sont Gertrude, Claudius, Ophélie et Hamlet. Je crois que c’est la pièce où Koltès avance le moins masqué. Et puis les personnages ont quelque chose d’irréel, ils sont comme des avatars de célébrités, comme s’ils n’étaient pas tout à fait eux-mêmes. Cela les rend plus libres et plus burlesques à mes yeux ! » T. de Peretti. Thierry de Peretti metteur en scène Il a mis en scène Illuminations-Coloured Plates d’A. Rimbaud (Théâtre de la Ville 2006); Le Mystère de la rue Rousselet d’E. Labiche et Gengis chez les Pygmées de G. Motton (Comédie-Française, 2004) ; Richard II de Shakespeare (Théâtre de laVille, 2004) ; Valparaiso de D. DeLillo (Théâtre de la Bastille, 2002) ; Les Brouillons d'une saison en enfer d’après A.Rimbaud (2002) ; Le Retour au désert de B-M. Koltès (Théâtre de la Bastille, 2001) ; Sallinger de B-M. Koltès (1998) ; Une envie de tuer sur le bout de la langue de X. Durringer (1995 ) ; Quai Ouest de B.-M. Koltès (1991) ; L’Heure de lynx de P. O. Enquist (1990). En tant que comédien, il a joué au théâtre dans la plupart des spectacles qu'il a mis en scène ainsi que dans, entre autres : Lettre au père de F. Kafka, mise en scène de T. de Montalembert ; Duralex de Stephen Guirguis, mise en scène de M. Groves ; Huis Clos de Jean-Paul Sartre, mise en scène de G. Gallienne ; L’Etreinte de Pirandello, mise en scène de F. Orsoni ; La Mouette de Tchekhov, mise en scène de P. Calvario ; Le Soulier de satin de Paul Claudel, mise en scène de P. Vial ; Saleté de Paix d’A. Langhoff, mise en scène de C. Cohendy. Au cinéma, il a tourné sous la direction de B. Bonello, A. Raoust, O. Miret, P. Chéreau, C. Berri, S. Moati, V. Ravalec, JC. Jamer, M. Teodori. Par ailleurs, il a reçu le Prix de la révélation théâtrale 2000/2001 du Syndicat national de la critique pour le Retour au désert de B-M Koltès et est le lauréat de la Villa Médicis hors-les-murs. Il est artiste intervenant pour le Pavillon du Palais de Tokyo en 2007. Au cinéma, il a réalisé Le Jour de ma mort en 2006 (20’Why Not Productions). Il produit en 2006 un Atelier de Création radiophonique « Coloured PlatesRetour » pour France Culture. Enfin, il mettra en scène en 2010 au 7Stages d’Atlanta une version américaine du Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet. Janine Barris comédienne Janine Barris est une actrice américaine, elle joue habituellement à New York et Los Angeles. Elle a récemment joué à Broadway dans Bobbi Boland de F. Fawcett mis en scène par D. Esbjornson, Suzan Lori-Parks 365 Days Project au Public Theatre, NYC), Amadeus au PA Shakespeare Festival. Elle a joué en anglais et en français le rôle d’Andromaque dans une mise en scène d’A. Recoing : The Trojan Women. (Corse). Au cinéma elle a joué sous la direction de M. Knight Shamalyan, A. Bennett, M. Newell, M. Lang, notamment aux cotés de J. Roberts dans Mona Lisa Smile ; de T. Lhermitte dans Nothing Sacred et plus récemment dans All me all the time : scénario de K. Dullea (scénariste de l’Odyssée de l’espace de S. Kubrick) et S. Parker. Elle jouera prochainement dans Brividi réalisé par J. McGary Elle jouera le rôle de Gertrude dans la version US de Day of Murders in the history of Hamlet au 7Stages d'Atlanta, mise en scène par T. de Peretti, en mars 2010. Pascal Tagnati comédien Pascal Tagnati a suivi les cours de théâtre de l’école Le Magasin à Paris. Il a participé au stage Ondinook sous la direction de Y. Sioui Durand et C. Joncas (technique théâtrale amérindienne liée au Chamanisme); à un stage dirigé par C. Blue (méthode Actor’s Studio) ; au stage Cifas avec comme intervenant T. de Peretti et A. Marcowicz autour de Platonov de Tchekhov ; à un stage dirigé par F. Orsoni autour du Soulier de satin de Paul Claudel. Il a également suivi un stage caméra sous la direction de T. de Peretti. Au théâtre, il a joué dans Kaléidoscope écrit et mis en scène par C. Blue; Ecrits de J. Morrison mis en scène par J-E. Pagni ; Jeunes Barbares d’aujourd’hui de F. Arrabal, mis en scène par C. Nesa ; Être une île écrit et mis en scène par L. Boffie ; Ulysse de D-G. Gabily, mis en scène par P. Grenier. Il a joué le rôle de Roberto Zucco dans la pièce éponyme de B-M. Koltès, mis en scène par S. Lagunas. Il a tourné pour le cinéma et la télévision. En musique, il est co-auteur pour le groupe Blague à part. A été édité un single autour des lumières, un CD de cinq titres Les Cent Pas (2006) et un album doit sortir courant 2009. Lola Naymark Née en 1987. Elle démarre sa carrière à la télévision, dans deux téléfilms de Roger Vadim, La nouvelle tribu en 1996 et Un coup de baguette magique en 1997 où elle tourne avec Marie-Christine Barrault et Ludmila Mikaël. Elle joue dans La colère du diable de Chris Vander Stappen en 2001. Au cinéma, elle tient le rôle principal de Riches belles, etc… de Bunny Godillot en 1998, se fait ensuite remarquer dans Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran de François Dupeyron, aux côtés notamment d’Omar Sharif, Gilbert Melki et Isabelle Adjani en 2003. En 2004, elle interprète l’un des rôles principaux de Brodeuses de Eléonore Faucher, qui lui vaudra le prix Michel-Simon 2004 et pour lequel elle a été nominée aux Césars 2005 dans la catégorie « Meilleur espoir féminin ». En 2005, elle joue dans La maison de Nina de Richard Dembo. La presse Le « HAMLET » cru et à nu de Koltès Pièce de 1973, mise en scène de Thierry de Peretti Bernard-Marie Koltès, l’auteur de Dans la solitude des champs de coton, aimait Shakespeare et Rimbaud. En 1973, à 25 ans, bien avant les grandes pièces des années 1980, il écrit Le jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet, où se croisent ces deux influences, et encore une troisième : celle du poète Yves Bonnefoy, traducteur d’Hamlet en français. La pièce, longtemps inédite, est aujourd’hui mise en scène par Thierry de Peretti au Théâtre de la Bastille à Paris. Koltès resserre l’intrigue sur le nœud familial et ne garde que les quatre personnages principaux : Hamlet et Ophélie, Claudius et Gertrude. C’est Koltès avant Koltès, mais l’essentiel est déjà là : la langue, poétique, splendide, comme l’attestent d’emblée les toutes premières lignes de la pièce : « Esprit, esprit inquiet ! L’heure est morte. Ne te réveille pas. La mer veut m’attirer au-dessus de ses rives, pour que je la regarde là où elle est profonde, et l’écoute rugir au-dessous de moi ». Thierry de Peretti a plutôt la main heureuse avec Koltès : il avait signé, il y a quelques années, une intéressante mise en scène du Retour au désert – bien plus réussie que celle de Muriel Mayette, la saison passée, à la Comédie-Française. Un univers délétère Son Hamlet, dans sa beauté nocturne, mérite le détour. Même s’il est en partie plombé par un problème pas mince : le comédien qui devait jouer Claudius a lâché l’équipe une semaine avant la première. Thierry de Peretti a repris le rôle au débotté, et ce n’est pas ça. Mais n’empêche : le spectacle dans son âpreté, sa tension, ne vous lâche pas. Peretti utilise la cage de scène du théâtre de manière presque brute. Dans une obscurité trouée de rares lumières, habitée de rares éléments de décor qui prennent tout leur sens – le lit de Gertrude et de Claudius -, il installe un univers délétère, toxique, où la génération des pères a renoncé à tout idéal, et le pouvoir à toute conscience. Et où le théâtre ne peut même plus être, pour un Hamlet irrémédiablement seul, le piège où attraper la conscience des rois. Les trois autres comédiens, excellents, sont pour beaucoup dans cette atmosphère sourde, prenante, qui s’installe insensiblement : Lisa Martino, Gertrude vénéneuse et décervelée en manteau de panthère années 1960, une mère trop jeune mariée à un homme trop vieux. Annabelle Hettmann, Ophélie en blouson de cuir, dans toute la pureté et l’exigence de la jeunesse, trop faible pour lutter face à ces monstres. Et surtout, l’étonnant Hamlet de Pascal Tagnati, visage d’étudiant émacié à la John Lennon, phrasé rocailleux, comme inassimilable à la « normalité » pervertie, corrompue, qu’on lui propose. Il faudra le suivre : il donne toute sa force et son urgence, son climat de nuit, à cet Hamlet. Fabienne Darge. Le Monde, vendredi 11 avril 2008. La critique de Pariscope Une pièce de jeunesse de Koltès longtemps restée inédite ? La proposition de Thierry de Peretti a déjà de quoi séduire sur le papier. Sur scène, le metteur en scène a cherché à rendre la modernité de l’œuvre par tous les moyens. Le décor, des plus minimalistes, s’apparente à un hangar désaffecté, où ne subsistent que quelques accessoires : une chaise, un poste de radio et un miroir posé à même le sol. L’utilisation de vidéos projections nous indique sobrement et lapidairement les changements d’actes. L’esthétisme glacé du spectacle trouve aussi son écho dans le jeu des lumières et des sons qui offre un rythme saccadé. Au diapason aussi, le jeu énigmatique et percutant des comédiens. Annabelle Hettmann, Lisa Martino et Pascal Tagnati habitent honorablement les personnages d’Ophélie, Gertrude et Hamlet. Thierry de Peretti place la barre un cran au-dessus pour interpréter avec brio le roi Claudius. Sa mise en scène est des plus déstabilisantes. Au sortir, reste donc une impression étrange qui nous laisse entre enthousiasme et détachement. Mais on reconnaît avoir assisté à une intéressante expérience théâtrale. Dimitri Denorme Les cœurs battent, la peau frémit « Hamlet, rôle pour comédien ! » Justement, il est là, il arrive, le comédien, avec ses cheveux longs et son tatouage, et un T-shirt sur lequel il y a écrit « I Love New York »… Sans qu’on s’en aperçoive, Hamlet est monté sur le plateau, à jardin. La lumière n’a pas bougé. Les mots ont commencé à sortir. On entend la voix enregistrée du père, qui ordonne le crime. Un projecteur tombe, une trappe s’ouvre, une neige de cendres embaume Hamlet de deuil et de vengeance… La démesure d’un commun accord s’établit dans la salle et propulse le quatrième mur à un point qui l’en rend magique : l’intrigue pénètre, les choses sont données, on entend la tragédie au mieux. Le lieu est investi, de part en part. Tout le contexte structurel est utilisé. On grimpe sur l’escalier à cour ; on sort par toutes les issues. Les nœuds se font et se défont au travers d’un plateau quasiment vide, mais à la densité folle. On est surpris. Il y a constamment des connotations à ce qui est exposé, l’ensemble fait référence, interpelle sans cesse. À l’instar du treillis vert d’Hamlet, qui fait directement référence à celui de Roberto Zucco, tout est signifiant, rien ne semble avoir été déterminé par un ordre qui serait celui du hasard. Ainsi, tout ce qui est sur le plateau est utile. Les choses sont réfléchies et cohérentes. L’esthétique, franche, tranche ; s’affirme comme une entité qui tient largement la route. Le rudimentaire de ce qu’on utilise (des bâches, des chaises, un tapis et une couverture de survie) nous donne une représentation nette et arrêtée de l’univers qu’on nous expose. Chaque chose est nécessaire au dispositif dramatique qu’a créé Thierry de Peretti, rien n’est de trop, rien ne manque non plus. La désuétude du radiocassette et du poste stéréo posé plus loin intemporalisent le propos ; et la musique qui semble s’en échapper appuie la dramaturgie avec force. La lumière d’Yves Godin est indescriptible tant elle est constamment adéquate. La projection des indications des lieux et des endroits sur le mur du fond rythme la tragédie sur l’allure des actes. La convention théâtrale se déplace sans cesse. Néanmoins, elle reste toujours compréhensible et pertinente. Les comédiens prennent possession de l’espace, qui en sort grandi, empli, habité et transcendé par ces quatre pôles qui s’y déplacent. Le mythe s’actualise, se dévergonde. Les corps existent ; sous une allure vestimentaire plutôt trash et décalée, les cœurs battent, la peau frémit. Le propos est servi et la phrase se tisse avec une justesse et une habileté folles. Tout est clair, vif et limpide. Les mots existent tous, les virgules sont respectées. La musicalité de l’auteur imprègne de sa candeur et de son insolence ce qui nous est raconté. On entend chaque phrase. On comprend chaque geste, chaque bruit. Telle Ophélie qui glisse contre le mur du fond après qu’on l’y ait déposée – entre deux paroles d’Hamlet –, chaque mouvement est d’une justesse incroyable. Les interprètes excellent. Pascal Tagnati (Hamlet) est bien souvent traversé par le génie. Lisa Martino (Gertrude) est formidable de vérité et d’écoute, de spontanéité et de fantaisie. Quant à Ophélie (Annabelle Hettmann), bien que peu bavarde dans la version koltésienne du drame, elle a autant de force que la vidéo qu’on trouve sur le site web du metteur en scène (www.thierrydeperetti.com/) – plan serré sur le visage de la jeune fille en train de se noyer dans le fond d’une baignoire… Peut-être, éventuellement, l’humour de Koltès aurait pu être un peu moins sousjacent dans le traitement qui a été fait de la partition de Claudius. Il aurait pu, ainsi, de comique gagner en tragique. Néanmoins, la subtile faiblesse qui émane de l’incarnation de ce dernier est plus qu’à sa place. Tout comme les trois autres comédiens, Thierry de Peretti – qui en outre a eu l’audace de la mise en scène – est là où il faut être. Les lacets verts d’Hamlet, les bruits judicieux des néons qui s’éteignent et se rallument sans cesse à la fin, la justesse du jeu font de ce spectacle une œuvre qui a le mérite d’en être une, et dont les contours sont aussi clairs que la direction qui a été prise. Je crois que c’est l’une des modernités vers lesquelles doit se tourner le théâtre pour n’être pas submergé de médiocrité et d’archaïsme, pour s’authentifier clairement comme déterminé dans la dynamique d’un courant artistique qui avance au rythme des heures et des minutes, avec ou sans mot, mais dont le corps est plein. Louise Pasteau Les Trois Coups www.lestroiscoups.com http://theatre-danse.fluctuat.net/blog/29802-le-jour-des-meurtres-dans-lhistoire-d-hamlet.html - commentaires Tiercé Gagnant jeudi 10 avril 2008 On croyait tout savoir de Koltès, avoir tout vu, tout lu ! Voici pourtant un texte rare, dont on ne parle jamais et qui vaut le détour ; l’histoire d’Hamlet revue par Koltès, sorte de ré-écriture condensée, dans laquelle l’auteur cherche le suc de la tragédie. Tout cela mené d’une main de maître par Thierry de Peretti. Je ne vous avais jamais parlé de Thierry de Peretti ? Ce metteur en scène héritier de Chéreau, contemporain et juste comme c’est pas permis, monte son auteur fétiche (Koltès !) au Théâtre de la Bastille. Non Seulement le texte, Le jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet, est pour ainsi dire inconnu, et donc à découvrir, mais en plus il serait déraisonnable de manquer un des travaux de cet artiste qui a su s’imposer dans la création contemporaine. Nulle théorie sur le genre humain, pas d’innovation juste pour innover, mais du travail, du sens et un habile exercice de surf sur la vague textuelle caractérisent son théâtre. Car il s’agit bien d’un théâtre qui lui est propre. D’abord dans son panthéon d’auteur comme Shakespeare ou Koltès, ici réunis dans cette visite d’Hamlet par l’auteur français, mais aussi dans ses images scéniques, avec cet art d’utiliser les plateaux quasiment nus, avec leur imperfection et leur fonctionnalité, et de réussir à les rendre beaux et essentiels pour le spectacle ; enfin, on reconnaît le « style Peretti », dans le travail de relief textuel, ce mélange minutieux de respect et de trahison qui donne à la langue une saveur nouvelle. Mais trêve de présentation. Il est temps de parler du spectacle. D’abord, il y a Shakespeare et son héros en proie à une crise existentielle conséquente ; puis il y a Koltès, lui aussi en proie à une crise existentielle mais avec une capacité artistique qui lui garantit une zone d’échappement et de tempérance. Pour finir, nous avons Peretti (est-il en crise ?) qui sait jongler avec toutes ces belles choses par le prisme des acteurs. Shakespeare, Koltès, Peretti, un tiercé gagnant pour un Hamlet contemporain, incisif et cruel, comme un Feydeau mais avec des morts… Du côté des interprètes, Lisa Martino trouve sa place en une Gertrude étonnante et très juste. Pascal Tagnati m’a d’abord inquiété, pour finalement me ravir, dans cet Hamlet adolescent ingrat et pas fini. Annabelle Hettmann est savoureuse comme un bonbon mais peut glacer le sang. Peretti, quand à lui, trouve un équilibre étrange, révélateur de l’acteur en recherche ; il est parfois d’un sincérité et d’une justesse ahurissante et parfois assume une artificialité totale : c’est une oscillation entre sa place d’homme et son métier de roi, entre l’être et le paraître. De ce fait coup la tragédie d’Hamlet devient celle de Claudius, qui paie inexorablement pour ses crimes. L’acte meurtrier plonge les quatre personnages dans une inquiétude constante dont le pas hésitant et les trajets incertains rendent tout à fait compte. Avec cela, une alternance de lumière et d’ombre, qui habille les corps divinement, et une rudesse des ruptures (des objets qui tombent, des bascules de lumières, des images violentes). Pour être tout à fait franc, d’autres spectacles de Thierry de Peretti furent plus convaincants, mais celui-ci a la force rare de l’instabilité du présent. Rodolphe Corrion Hamlet débarque d’on ne sait où, sans doute des coulisses, tantôt militaire, tantôt torse nu ; sa mère Gertrude est très jolie, bien que tirée à quatre épingles, voire plus, vêtue de son manteau léopard ou de sa nuisette bleu nuit. Tandis qu’Ophélie a dû chiper son look à une lycéenne rebelle des alentours de Bastille, le nouveau roi Claudius, non content d’avoir emprunté un long manteau à un vieux marin, a volé couronne, reine et royaume à son frère. Cela, on le savait déjà ; mais il est bien rare de rencontrer un Claudius pieds nus. Le spectacle a déjà ce mérite : nonchaussé, le fratricide et régicide nous fait sourire tout en mettant bien mal à l’aise. Thierry de Peretti ne s’est pas contenté de mettre en scène la pièce écrite par Bernard-Marie Koltès en 1974 et publiée en 2006 ; on le retrouve qui joue le roi qui va nus pieds. Après quatre mises en scène de l’un par l’autre, les deux semblent bien se connaître. Et Shakespeare dans tout ça ? J’y viens, bien sûr. L’enjeu est rare : réussir à monter une pièce inédite sur les planches, réussir à traduire ce que voulait l’auteur, réécrire le drame connu depuis 1598 sans le trahir, l’ajuster sans le réduire. Avec Le jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet, Koltès n’était pas un débutant en réécriture ; des Amertumes (en 1970), transposant Enfance de Gorki, à Sallinger (1977) qui s’inspirait de Salinger, le dramaturge s’est montré l’un des rares à faire du théâtre avec les autres - pas seulement avec une troupe et un public, mais avec d’autres écrivains. Pour mener à bien son projet, il reprit la traduction du poète Yves Bonnefoy, tout en réécrivant de sa plume et en mélangeant le tout. Sur scène, plusieurs chaises en bois comme autant de trônes à pourvoir, à défendre. Autour, le béton des murs glace, le noir des échafaudages inquiète. Deux autres chaises, imbriquées, seront découvertes de leur bâche. Par ici, on révèle la chose ; quoi de plus naturel dans une pièce de sang et de sexe, de mort et de folie ? Nous sommes bien à la cour du Danemark ; quelque chose y serait-il pourri ? Les jeunes Hamlet (Pascal Tagnati) et Ophélie (Annabelle Hettmann), le premier plus que la seconde, ont leur diction propre, originale. Notre héros peste ses premiers mots, crache ; rien d’étonnant, et rien de plus lucide, pour quelqu’un que la vie a si bien meurtri. L’aspect rustre des quatre personnages gardés par Koltès rappelle vite l’aspect primaire de tout ce qui anime ce petit monde. S’ils ont peut-être fait les fonds de tiroir pour trouver de quoi s’habiller, ce sont bien les bas-fonds que l’on nous donne à visiter. Là encore, quoi de plus logique pour une histoire si crasseuse qu’elle en devient terrible ? A ce propos, c’est peut-être cet aspect malsain qui attire plus le lecteur chez Shakespeare que chez Racine : “Chez l’un, ça sent mauvais, chez l’autre, ça pue.“ résume bien Pierre Assouline. Mais revenons à notre jour des meurtres. Du matin à la nuit la plus noire, vous assisterez à la fin d’un monde. Un projecteur qui s’écrase, une trappe qui se dérobe, un sac qui éclate nous effraient quand, bien que l’on connaisse la fin, un fusil pointé sur Claudius nous laisse dans une tension des plus fortes. Les aspects visuels, des étranges voiles d’aluminium aux derniers néons qui s’affolent puis se taisent, et sonores, rendus par une bande-son vive et des jeux de voix répétés, animent la pièce entière. On ne s’ennuie guère. C’est un spectacle rock, inconfortable, libéré comme ses violents personnages, aux allures décalées, tentent de se délivrer de leurs pulsions. La reine (Lisa Martino) se promène en courte robe, Ophélie en culotte. Certes, vous n’y trouverez pas la fameuse scène du cimetière, où la tragédie se mêle à un humour grinçant, ce mélange de sublime et de grotesque défendu par Hugo. En revanche, vous découvrirez que le spectre du père d’Hamlet est remplacé par une voix, et que cette voix sonne tout aussi fort sur un répondeur - coupé parce que son message est trop long, le père révélant au téléphone les circonstances de sa mort est la trouvaille du spectacle. D’autres, aussi, comme le cauchemar de Claudius qui tourne à vélo autour du lit ; comme ce lit central, lit de mort et lit d’amour, lit du meurtre et lit de l’inceste sans que rien, finalement, ne s’y passe. Ce lit, éclairé de bougies funèbres, est bien révélateur de tout ce qui se passe sous nos yeux. La bouchée est bée. C’est bien une journée de meurtres qui nous est présentée, bien que celui du père d’Ophélie, Polonius, y soit évacué. Ecourtée à une heure vingt, l’œuvre n’a pas été réduite. On y retrouve l’essentiel. Du moins ce qui préoccupe Koltès. En réécrivant, il ramène à lui le thème qui est cher. Hamlet garde sa trame familiale ; plus, c’est l’intimité des protagonistes, découverte, qui est au cœur de l’ensemble. La réécriture étant ici une création à part entière, et non une imitation car Koltès se garde bien de jouer à ce jeu, elle devient rapidement une critique littéraire, un regard sur l’œuvre lorsqu’elle permet d’éclairer certains de ses aspects. La chose est rare, et donne un coup de poing : contre les archaïsmes, contre ceux qui demeurent figés sur un texte et sa forme traditionnelle. Que n’ont-ils dû penser en apprenant que Hugo, Déprats et Bonnefoy ont tour à tour traduit, et donc modifié la montagne de sens, puisque tellement poétique, qu’est Shakespeare ! L’hommage du lecteur Koltès est là, l’expression de ses obsessions aussi. Un véritable théâtre de combat, dirait-on. (Images : Bernard-Marie Koltès et Shakespeare, 1609) Être ou non Intense, inquiétant, intriguant. Sombre. Drôle aussi, parfois. Tel est le spectacle que Thierry de Peretti a conçu pour ce fulgurant condensé d’Hamlet issu de la plume du jeune Bernard-Marie Koltès et resté longtemps inédit. Des profondeurs d’un plateau vide, le metteur en scène extrait une force particulière pour animer une intrigue réduite à la trame intime et familiale de l’œuvre de Shakespeare pour un quatuor de personnages à la férocité d’une tragédie antique. Le texte que Bernard-Marie Koltès, à l’âge de vingt-six ans, construit à partir de la traduction d’Hamlet d’Yves Bonnefoy est, pourrait-on dire, expérimental. Son projet n’apparaît pas clairement, si ce n’est, au début surtout, le désarroi de la jeunesse en situation d’opposition générationnelle. Mais l’envoûtante course vers la fin tragique l’emporte sur toute « lecture » d’Hamlet. Le poète donne l’impression de chercher à dire, de se chercher dans sa composition. Et c’est tant mieux. Les cinq actes sont condensés dans cinq moments d’une seule journée, se succédant entre les remparts et les sombres couloirs du château d’Elseneur. Il n’y a personne d’autre qu’Hamlet (Pascal Tagnati) et son oncle, l’usurpateur Claudius (Thierry de Peretti), que sa mère Gertrude et l’amoureuse mais trop obéissante Ophélie (belles présences féminines de Lisa Martino et Annabelle Hettmann) pour ressasser la haine, la peur et le remords. Et pour en mourir. Si Claudius, dans la belle interprétation de Thierry de Peretti, apeuré et étouffé sous sa couronne, est un roi, Hamlet a moins d’un prince que d’un adolescent mal dans sa peau. De Peretti donne à voir un personnage que Koltès a dessiné plus nihiliste que torturé et pour qui le doute s’est transformé en dégoût. C’est un Hamlet menaçant et peut-être encore plus solitaire, plus incompris que l’original, qui profitait au moins de la compagnie d'Horatio et pouvait voir en Laërte un égal tout en jouissant de l’amour, même abstrait, de son peuple. Chez Koltès, Hamlet est un jeune complètement seul errant dans un couloir obscur. La mise en scène, ingénieuse sans être très originale, est riche en images, mais elle se fonde sur le jeu vibrant, nerveux, comme possédé des comédiens. Un jeu qui ne dédaigne pas le versant comique de toute bonne figure tragique. La boîte noire du plateau, presque vide, se remplit de leurs présences que des éclairages transversaux (d’Yves Godin) projettent dans l’infini, leur donnant parfois une dimension cinématographique. Les costumes, les accessoires, les discrètes projections vidéo sont à leur service. C’est de leur travail, grâce à la bonne direction de Thierry de Peretti, que naissent des moments de grande intensité, de beaux instants de théâtre. Photos : © Pierre Grosbois Guillermo Pisani par Valérie Maureau Une splendide pièce que ce Hamlet oublié de Koltès. Sombre et poétique, on la croirait spécialement écrite pour la verve de Thierry de Peretti tant il sait la servir. Les Jours des meurtres dans l'histoire d'Hamlet ne pouvait qu’inspirer le metteur en scène qui déjà avait brillé avec ses Illuminations de Rimbaud et intrigué avec Richard II de Shakespeare. La puissance qui émane de cette version pourtant aride du mythe shakespearien est magnétique. De Peretti exhale avec intelligence et sensibilité la violence et la folie du quatuor Gertrude, Claudius, Ophélie, Hamlet. Dans sa clairvoyance, il fait renaître les corps et Pascal Tagnati, Lisa Martino, Annabelle Hettmann tout comme lui-même troublent et captivent le spectateur par leur justesse et habileté de jeu. Chacun de leur geste est habité, justifié, chaque mot claque sur leur langue de désespoir. L’espace comme la lumière apportent par leur sobriété une densité qui emprisonne sous une lourde chape la tension du plateau. Entièrement happé par cette mise en scène rugueuse, on ne perd pas un mot du verbe koltésien. Un spectacle baigné avec génie dans le clair-obscur conjugué de Koltès et de Shakespeare.