Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet
texte de Bernard-Marie Koltès
Réécriture, adaptation ou reprise – comme on dit d'un groupe de rock qu'il
reprend un morceau déjà connu ?
Il y a un peu de tout cela dans Le Jour des meurtres dans l'histoire
d'Hamlet, pièce longtemps inédite de Bernard-Marie Koltès.
Le prince de Danemark y est ce jeune homme rimbaldien écoeuré devant «
les horreurs de ce monde ». Et le monde en question, c'est avant tout la
cellule familiale chère à Koltès. Ce dernier a écrit ce condensé de la pièce
de Shakespeare avec l'ardeur d'un jeune dramaturge avide de se pénétrer
de l'esprit d'un auteur qu'il vénère. Mais en choisissant comme texte
d'origine la traduction d'Yves Bonnefoy, il se place aussi sous la tutelle
d'un poète contemporain. Dans le poème de Rimbaud, le jeune homme
implore « sa soeur de charité » ; or, ici, Ophélie est celle qui va faire
défaut, manipulée par les assassins du père que sont Claudius et
Gertrude. Hamlet ne voit jamais le fantôme qui lui ordonne de le venger,
il entend seulement ses paroles comme une injonction intérieure, intime,
venue au-delà de la mort. « Ecrire des lettres, c'est se mettre à nu devant
des fantômes », remarquait Kafka.
Par son économie, sa tension extrême, cette “version” d'Hamlet a quelque
chose d'une mise à nu. Un jeune auteur entreprend de trouver sa forme.
Mais il le fait en se confrontant avec ce qui l'impressionne le plus, la voix
lointaine d'un maître hautement emblématique. Ce faisant il ne cherche
pas à s'identifier à l'auteur, mais c'est en s'immergeant au coeur même
du questionnement shakespearien qu'il parvient à en extraire ses propres
interrogations.
Hugues Le Tanneur