SELARL Fleurquin-Bouilloux-Albouy-Bosc-Bringer BP 108 12001 RODEZ CEDEX
ATCHOUM ! – LE JOURNAL DE L'ALLERGIE
N° 15 – MAI 2002
ALLERGIE AUX POISSONS ET AUX CRUSTACES
L’essentiel
L’allergie au poisson, déjà fréquente, devrait progresser étant donnée l’augmentation de sa consommation.
Les allergènes du poisson se trouvent dans le sarcolemne qui représente 20 à 30% du tissu musculaire. La cuisson diminue l’allerginicité du
poisson.
Théoriquement, les sujets allergiques à une espèce de poisson ne tolèrent pas les autres mais on peut observer des sensibilités électives à
une espèce particulière par les tests cutanés, les tests de provocation et dosage des IgE spécifiques.
Les poissons peuvent également entraîner de fausses allergies alimentaires par différents mécanismes.
La crevette constitue le prototype de l’aliment allergisant.
En règle général, les réactions adverses aux crustacés sont IgE dépendantes.
Les crustacés, et surtout la crevette, sont souvent des allergènes masqués.
Fréquence
La fréquence de l’allergie au poisson est mal connue ; elle varie selon les habitudes culinaires de chaque pays. Cette allergie est fréquente
dans les pays à forte consommation comme les pays scandinaves, mais aussi en Espagne et au Japon.
En France, elle touche 5% des enfants et 3% des adultes souffrant d’allergies alimentaires. Chez l’adulte, l’allergie au poisson se situe au
troisième rang après l’œuf et l’arachide.
Cependant, cette prévalence pourrait bien augmenter avec l’incorporation croissante de poisson dans les produits alimentaires industriels
(surimi, garniture de pizza, gélatine) et notamment l’utilisation d’huile de poisson dans certains aliments dans le but d’augmenter leur teneur en
acides gras poylinsaturés omega3 aujourd’hui très recherchés comme facteurs de protection cardio-vasculaire.
L’allergie aux crustacées touche 2% des enfants et 3% des adultes souffrant d’allergie alimentaire en France..
Allergènes des poissons et crustacés
Les allergènes des poissons appartiennent à la famille des parvalbumines, protéines musculaires.
L’allergie aux poissons peut être isolée à une seule espèce ou inclure tous les poissons : 40% des patients présentant ce type d’allergie
tolèrent au moins une espèce de poisson. 85% des enfants allergiques à la morue, le sont également à au moins une espèce de poisson.
Des sensibilisations croisées aux crustacées (crevette en particulier) ont également été associées à des allergies au poisson.
La cuisson ou le fumage en réduit l’allerginicité. A titre d’exemple, le saumon fumé peut être toléré chez l’allergique au saumon. A l’opposé, les
allergènes des crustacés sont thermostables.
Quelques exemples d’allergènes chez le poisson :
-morue : Gad c 1 (Gadus callarias) ou allergène M de la morue, protéine musculaire liant le calcium. Cet allergène est commun aux
allergènes des poissons d’autres espèces, avec une homologie de 30 à 50%.
-saumon : Sal s 1 (Salmo salar), extrait du muscle de saumon de l’Atlantique
Le principal allergène mis en cause chez les crustacés est une protéine musculaire thermo-résistante, la tropomyosine. On la retrouve dans
tous les crustacés d’où de fréquentes réactions croisées entre les différentes espèces de crustacés.
Quelques exemples d’allergènes chez les crustacées : crevette : Pen a 1, Pen i 1, Met e1
Des différences antigéniques existent entre la crevette blanche et la crevette grise.
Signes cliniques
Les symptômes de l’allergie au poisson, comme ceux de l’allergie à l’œuf, sont multiformes.
Les allergènes de poisson sont volatiles, expliquant les réactions de certains patients en passant devant un étalage de poisson ou en ouvrant
une boîte de poisson.Les symptômes cliniques sont principalement cutanés, suivis de manifestations respiratoires et digestives. L’allergie au
poisson est une cause classique d’anaphylaxie aiguë ou de choc. Il n’existe pas de données concernant l’allergie à l’huile de poisson.
L’allergie aux crustacés peut être grave, avec réaction anaphylactique. Les symptômes peuvent survenir après l’ingestion mais aussi le contact
(urticaire, conjonctivite, œdème de Quincke).
Réactions croisées
Les réactions croisées entre poissons et crustacés sont rares. Elles sont plus fréquentes entre les différentes espèces de poissons ou de
crustacées, ainsi qu’entre crustacés et mollusques. Des réactions croisées ont été démontrées entre , la crevette, les escargots et les acariens.
Diagnostic
Il faut différencier les allergies vraies, IgE-médiées, des manifestations pseudo-allergiques liées à la richesse en histamine des poissons*
(comme le thon et le saumon). De plus, la quantité d’histamine augmente parallèlement avec la perte de fraîcheur. Il existe aussi des allergies à
un parasite du poisson, Anisakis simplex**.
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L’enquête catégorielle alimentaire, couplée aux explorations complémentaires, permet de différencier l’allergie vraie au poisson d’une fausse
allergie alimentaire ou d’une allergie à Anisakis simplex.
La tenue d’un journal alimentaire quotidien est fort utile pour mener à bien une enquête catégorielle alimentaire. Pendant une semaine, le
patient conserve une alimentation normale et note tous les aliments et boissons ingérés en n’en négligeant aucun (assaisonnements,
grignotages…) avec la date et l’heure des repas et des encas, l’apparition et l’augmentation des symptômes éventuels.
*la scombroïdose (de scombridés, poissons de haute mer comme le thon et le maquereau) touche les personnes qui consomment des poissons bleus
(sardines, maquereaux, thons) mal conservés (rupture de la chaîne du froid). Sous l’influence de bactéries, l’histidine de la chair de ces poissons se transforme
en histamine. Lors de la consommation de tels poissons, les symptômes sévères du choc histaminique (malaises, céphalées, prurit, hypotension, choc) se
développent en quelques minutes.
**Anisakis simplex est un nématode qui parasite les gastéropodes et les poissons. Les larves, présentes dans les viscères et la chair, déterminent une
parasitose humaine (gastro-entéropathie) lorsque les poissons sont consommés crus ou peu cuits.
Cette affection est très fréquente en Espagne. Il s’agit d’une véritable allergie IgE dépendante au parasite et le sujet peut développer des symptômes d’allergie
à l’occasion d’une nouvelle consommation de poisson parasité.
Test cutanés
Il est nécessaire d’explorer la réactivité des patients pour les différentes espèces de poissons et de crustacés. La plupart des enfants
présentent une allergie à une ou plusieurs espèces de poissons ou de crustacés, sans intéresser toutes les espèces. Les tests cutanés, avec
l’extrait natif des différentes espèces de poissons, sont effectués successivement. Il est décrit, en cas d’allergie à de nombreuses espèces,
des réactions systémiques lors de la pratique des tests simultanés. Si la réaction a été particulièrement sévère, il est prudent de débuter les
tests avec le poisson cuit, mais le plus souvent les tests sont pratiqués avec le poisson cru. Les tests cutanés avec différentes espèces de
poissons orientent le complément d’enquête allergologique : ils permettent de limiter l’éviction aux espèces pour lesquelles il existe une allergie.
Tests cutanés à pratiquer en cas d’allergie aux poissons, crustacés et mollusques :
morue anchois crevette langoustine escargot coquille St Jacques
thon flétan crabe écrevisse calamar poulpe
saumon sole langouste moule seiche
sardine colin homard huître palourde
poisson d’eau douce
Tests de provocation par voie labiale ou par voie orale
Les tests de provocation sont indispensables mais ils peuvent engendrer des réactions retardées, parfois jusqu’à la 24
ème
heure. Ils doivent
donc être réalisés avec prudence.
Pour le poisson, les données de la littérature montrent des doses réactogènes variant de 6 mg à 10 g.
Le test de provocation labial (dépôt d’une très petite quantité d’allergène suspecté au bord de la lèvre) précède le test de provocation par voie
orale, ce dernier étant réalisé si le test labial s’avère négatif, et s’il n’y a pas de risque d’anaphylaxie.
IgE spécifiques
D’après Sampson, des IgE spécifiques pour la morue, dosées par la technique CAP system® > 20 kUA/L ont une valeur prédictive positive de
95% et des IgE < 0,9 kUA/L ont une valeur prédictive négative de 95%.
Lors du suivi d’un patient présentant une allergie prouvée au poisson, le test de provocation par voie orale n’a pas besoin d’être répété si les
IgE spécifiques restent supérieures à 20 kUA/L : l’allergie au poisson persiste alors très probablement.
Plusieurs mélanges de trophallergènes disponibles pour le diagnostic in vitro contiennent du poisson et des crustacées:
Fx5 qui contient f1 (œuf), f2 (lait de vache), f3 (poisson), f4 (blé), f13 (arachide), f14 (soja)
Fx2 (produit de la mer) qui contient f3 (morue), f24 (crevette), f37 (moule), f40 (thon), f41 (saumon).
Les IgE spécifiques dirigées contre les allergènes de nombreuses espèces de poissons ou crustacés peuvent être recherchées :
Anchois Rf 313 Maquereau Rf206 Sardine f61 Crabe f23 Langouste Rf304
Espadon Rf 312 Maquereau du pacifique f5O Saumon f41 Crevette f24 Homard f80
Flétan Rf303 Merluche Rf307 Sole Rf 337 Ecrevisse Rf320
Hareng f205 Truite arc en ciel f204 Thon f40
Les IgE spécifiques « poisson » classiquement recherchées sont f3 (cabillaud/morue). Une recherche négative ne doit pas faire écarter le
diagnostic d’allergie au poisson dans un contexte clinique évocateur.
Evolution et traitement
L’allergie aux poissons et aux crustacés semble être une allergie définitive. Il est recommandé de réitérer le test de provocation tous les 2 à 3
ans.
L’éviction est adaptée aux résultats de l’exploration allergologique. Le patient doit être prévenu du risque de réactions lié à l’inhalation de
particules d’allergène. Il faut se méfier des possibles contaminations pouvant aller jusqu’aux ustensiles de cuisine. Le surimi, d’origine
japonaise, mélange de petits poissons de différentes espèces, est à exclure chez l’allergique aux poissons. Le surimi peut également contenir
du blanc d’œuf, de l’amidon végétal et des épices…
Il n’existe pas d’immunothérapie spécifique.
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