L’expertise civile et la notion de discernement Jacques Gasser Département de psychiatrie du CHUV Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 La procédure menant à une interdiction civile • Point de départ : – une demande volontaire ou – une dénonciation (famille, médecin, tout tiers, …) • Le Juge de Paix enquête • L’expertise psychiatrique • La décision Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 La capacité de discernement Art. 16 CC : Discernement • Elle est définie par l’art. 16 du Code civil • C’est la condition fondamentale de l’exercice des droits civils • Cela résulte de ce que le comportement d’une personne ne doit avoir des conséquences juridiques que si cette personne « sait et veut » ce qu’elle fait • Toute personne qui n’est pas dépourvue de la faculté d’agir raisonnablement à cause de son jeune âge, ou qui n’en est pas privée par suite de maladie mentale, de faiblesse d’esprit, d’ivresse ou d’autres causes semblables, est capable de discernement dans le sens de la présente loi. Etat le 17 décembre 2002 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Conditions de l’incapacité de discernement 1. L’absence de la faculté d’agir raisonnablement 2. Cette absence doit être causée par le jeune âge, la maladie mentale, la faiblesse d’esprit, l’ivresse ou d’autres causes semblables Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 La faculté d’agir raisonnablement • Elle comprend deux éléments Pourquoi une expertise psychiatrique? • Doute sur la capacité de discernement • Attester de la présence d’un trouble psychique (maladie mentale ou faiblesse d’esprit) à l’aide d’un avis de spécialiste en la matière Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 La capacité de discernement • Elle est supposée présente chez chaque citoyen jouissant de ses droits civils • C’est l’incapacité de discernement qui doit être prouvée • Cette incapacité est subordonnée à deux conditions cumulatives Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 L’élément intellectuel • Il s’agit de la faculté d’apprécier le sens et la portée d’un acte déterminé. – Un élément intellectuel – Un élément volontaire Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 • C’est l’aptitude d’une personne à savoir et à comprendre ce qu’elle fait. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 L’élément volontaire • Il s’agit de la faculté d’agir en fonction de d’une appréciation raisonnable d’un acte déterminé, selon sa libre volonté. • C’est la capacité d’une personne de résister normalement aux tentatives d’influencer sa volonté Les causes légales d’altération de la faculté d’agir raisonnablement • Les causes durables : – Le jeune âge – La maladie mentale ou la faiblesse d’esprit • Les causes passagères : – L’ivresse ou les « autres causes semblables » Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 La faiblesse d’esprit Les maladies psychiques au sens des art. 16, 369 et 397a du Code civil • Syndrome déficitaire (débilité mentale) • Tendance constitutionnelle à une réactivité psychique particulière (trouble de la personnalité) Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Conséquences d’une absence de discernement • Art. 17 CC « Les personnes incapables de discernement, les mineurs et les interdits n’ont pas l’exercice des droits civils » • Art. 18 CC « Les actes de celui qui est incapable de discernement n’ont pas d’effet juridique; demeurent réservées les exceptions prévues par la loi » Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 au sens de l’art. 397b du Code Civil • • • • • Maladies mentales Alcoolisme Toxicomanie Grave état d’abandon Faiblesse d’esprit Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 • La privation porte sur les droits de nature patrimoniale • Les droits strictement personnels (mariage, reconnaissance d’un enfant, testament, ...) demeurent du ressort de l’interdit, s’il est capable de discernement • L’incapacité de discernement n’est pas juridiquement synonyme d'interdiction Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 La maladie mentale au sens des art. 16, 369 et 397a du Code civil • Affection qui se manifeste par la dynamique évolutive d’une symptomatologie chronique – « psychoses endogènes » : schizophrénie, psychose maniaco-dépressive – troubles psychiques provoqués par des modifications organiques du cerveau – démences – manies Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 La capacité de discernement est relative • Le juge ou le médecin doit rechercher « in concreto » (dans tel cas précis et à tel moment) si le patient possédait ou possède ou non la capacité de discernement et non « in abstracto » (d’une façon générale) • La capacité de discernement ne possède pas de niveaux pour le Code civil, elle existe ou n’existe pas Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Qui peut représenter une personne incapable de discernement ? • Le représentant légal – Tuteur, curateur – Curatelle thérapeutique • Les proches de la personnes • Le représentant thérapeutique • Le conseiller accompagnant • Les directives anticipées (testament thérapeutique) Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Choix de la mesure tutélaire • Attention à respecter le principe de proportionnalité • Toute mesure ne doit être instaurée que si aucune autre mesure, portant moins atteinte aux droits et libertés de l’individu, ne peut être mise en place pour assurer une protection juridique et une assistance personnelle appropriée • La mesure ne doit être appliquée que si elle permet vraiment d’atteindre le but visé La curatelle de représentation Art. 392 du Code civil L’autorité tutélaire institue une curatelle soit à la requête d’un intéressé, soit d’office, dans les cas prévus par la loi et, en outre: 1. 2. 3. Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Lorsqu’un majeur ne peut, pour cause de maladie, d’absence ou d’autres causes semblables, agir dans une affaire urgente, ni désigner lui-même un représentant; Lorsque les intérêts du mineur ou de l’interdit sont en opposition avec ceux du représentant légal; Lorsque le représentant légal est empêché. Pour qui? • Sont concernées les personnes majeures qui se trouvent dans l’incapacité d’agir elle-même ou de gérer une affaire d’une manière conforme à ses intérêts à cause d’une maladie physique, d’une infirmité ou d’une affection mentale légère ou passagère Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Pour quoi? L’expertise psychiatrique L’expertise psychiatrique • Elle est destinée, dans les cas urgents, à suppléer une carence légère ou passagère • Elle permet d’accepter ou de refuser un traitement thérapeutique chez une personne incapable de discernement • C’est l’art. 374 du Code civil qui institue la nécessité d’une expertise psychiatrique pour prononcer une « interdiction pour cause de maladie mentale ou de faiblesse d’esprit » • L’expertise peut être demandée contre l’avis de l’intéréssé • La forme de l’expertise n’est pas prescrite, elle doit simplement contenir les «constations nécessaires» • Le juge n’est pas lié par les conclusions de l’expert Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 L’expertise psychiatrique • • • • • • • • Faits /Affection actuelle Anamnèse Indications sujectives de l’expertisé Status psychique Examens complémentaires Diagnostic Discussion Réponses formelles aux questions Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Les questions • • • • • • • • • 1. La dénoncée est-il atteint de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit ? Réponse : 2. Dans l’affirmative, s’agit-il d’une affection momentanée et curable dans un laps de temps plus ou moins bref ou, au contrainte, d’une maladie dont la durée ne peut être prévue ? 3. Cette affection est-elle de nature à empêcher le dénoncé d’apprécier sainement la portée de ses actes et de gérer ses affaires sans les compromettre ? Réponse : • • • • • • • • • • S’agit-il d’une affection curable dans un délai plus ou moins bref ou d’une maladie dont la durée ne peut être prévue ? • • 4. L’audition dela personne dénoncé, par les Autorités judiciaires, est-elle ou non admissible du point de vue médical ? Réponse : • • • Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 1. La dénoncée est-il atteint de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit ? Réponse : 2. Dans l’affirmative, s’agit-il d’une affection momentanée et curable dans un laps de temps plus ou moins bref ou, au contrainte, d’une maladie dont la durée ne peut être prévue ? 3. Cette affection est-elle de nature à empêcher le dénoncé d’apprécier sainement la portée de ses actes et de gérer ses affaires sans les compromettre ? Réponse : S’agit-il d’une affection curable dans un délai plus ou moins bref ou d’une maladie dont la durée ne peut être prévue? 4. L’audition de la personne dénoncé, par les Autorités judiciaires, est-elle ou non admissible du point de vue médical ? Réponse : Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Mainlevée de la mesure Mainlevée de la mesure art. 431-440 du Code civil art. 431-440 du Code civil • L’interdiction pour maladie mentale ou faiblesse d’esprit (art. 369 CC) ne peut être levée que sur la base d’une expertise attestant soit qu’il n’y a plus de maladie mentale, ou que s’il elle existe, elle n’a plus les effets prévus par la loi • L’interdiction à cause d’un comportement déficient (art. 370 CC) ne peut être levé que s’il est prouvé que le comportement qui a justifié la mesure n’a plus fait l’objet de plaintes depuis un an au moins Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 L’admission volontaire Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 L’admission volontaire • Les modalités d’hospitalisation en milieu psychiatrique Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 L’admission volontaire • Modalités de sortie • Eléments nécessaires: • Absence de loi fédérale • Grandes variétés dans les dispositions cantonales Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 L’admission non volontaire • Cadre juridique : – Code Civil Suisse : « privation de liberté à des fins d’assistance » – Lois cantonales spécifiques Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 – La volonté du patient – Le certificat médical – L’accord du responsable médical de l’établissement Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 L’admission non volontaire • Conditions générales : – Présence de troubles mentaux – Le traitement et les soins doivent être faits dans un établissement psychiatrique – La personne est considérée comme dangereuse pour elle-même ou pour les autres Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 – accord entre le patient et le responsable médical – si désaccord, 2 possibilités : – la sécurité du patient et de la société prédomine – l’autonomie du patient est privilégiée Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 L’admission non volontaire • Le certificat médical nécessaire à ce type d’hospitalisation doit être rédigé par un médecin autorisé à pratiquer • Le contenu du certificat est variable d’un canton à l’autre • Le patient doit être informé des motifs justifiant la mesure et de son droit de recours Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Privation de liberté à des fins d’assistance • Cadre juridique : – Convention européenne des droits de l’homme – Code civil suisse (art 397a-f CC) Privation de liberté à des fins d’assistance Privation de liberté à des fins d’assistance • Permet de placer ou de retenir une personne dans un établissement approprié. • La personne doit avoir besoin d’« assistance personnelle » qui ne peut lui être fournie autrement. • Cinq situations possibles: • Il faut encore tenir compte « des charges que la personne impose à son entourage » • La personne doit être libérée dès que son état le permet • La décision est prise par une autorité tutélaire du domicile de la personne en cause • La personne doit être informée des motifs justifiant la mesure et de son droit de recours – Droit cantonal – Maladie mentale, faiblesse d’esprit, alcoolisme, toxicomanie, grave état d’abandon Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Modalités d’hospitalisation d’une personne interdite • Si la personne est interdite et qu’elle a sa capacité de discernement, elle, seule, peut décider de son hospitalisation ou la refuser • Si la personne n’a pas sa capacité de discernement, le consentement à l’hospitalisation est donné par le représentant légal. Si la personne n’accepte pas cette décision, on se trouve dans le cas d’une hospitalisation non volontaire ou d’un PLAFA Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Principales dispositions de la loi vaudoise sur la santé publique, au sujet de l’hospitalisation dans un établissement psychiatrique type d’admission à l’hôpital décision d’ hospitalisation volontaire (LSP art. 58) le malade demande lui-même l’admission d’office (LSP art. 59) l’admission est ordonnée par un médecin extérieur à l’hôpital autoriser la sortie à la justice de paix, contre la décision d'hospitalisation ou le refus d’autoriser la sortie ordonnée par l’autorité de tutelle (CC art. 397 a et b) l’hospitalisation est un placement à des fins d’assistance ordonné par la justice de paix informer le juge de paix à la chambre des tutelles du tribunal cantonal, contre l’ordonnance de placement ou le refus de mainlevée imposée par un magistrat de l’ordre judiciaire l’hospitalisation est ordonnée par un juge pour observation médicale renseigner le magistrat et signaler la fin des investigations au tribunal compétent en fonction de la procédure, contre l’hospitalisation (CPP art. 233 et 313) Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006 compétence médicale a l’hôpital possibilité de recours accepter ou refuser l’admission à la justice de paix, en cas de refus d’autoriser la sortie accepter ou refuser d'autoriser la sortie Cours de psychiatrie légale - Faculté de droit et des sciences criminelles, UNIL, novembre 2006