juridique de la cité, et notamment de celle des Solon, Clisthène ou Périclès, que le problème fut seulement
envisagé : nous autres marseillais gardons particulièrement le souvenir de la thèse de Michel Clerc sur les
métèques athéniens. On n’en est plus là.
Même si la cité reste bien - tout le livre l’atteste - ce cadre de vie si résistant, même à l’époque des vastes
royaumes hellénistiques, elle est désormais vue davantage comme “une réalité sociologique” : par delà
l’arsenal des réglementations et des lois, par delà les statuts mouvants, différents d’une ville à l’autre, et
d’une époque à une autre, c’est désormais au vécu du citoyen et de “l’Autre”, au demeurant fort divers
(barbare, ennemi, brigand, banni, errant, mercenaire, voyageur, pèlerin, mais aussi souvent étranger
domicilié, métèque, souvent indispensable dans la vie de tous les jours, au travail comme à la guerre, etc)
que Marie-Françoise Baslez s’est attachée. Et ce, au sein de ces trois grandes périodes “classiques” :
l’archaïsme, essentiellement les temps homériques, puis l’âge de la cité, et notamment d’Athènes bien sûr,
enfin le monde hellénistique désormais dilaté de la Bactriane à l’Italie et à l’Espagne : divisions que tous les
historiens connaissent bien et utilisent toujours.
Parcourons rapidement ces trois parties.
La première nous conduit “d’Homère à Eschyle” : quand il s’affale, exténué et presque nu, sur la plage où,
non sans quelque trouble, va le découvrir Nausicaa (Odyssée, VI), Ulysse est bien le premier de cette longue,
très longue lignée ; d’étrangers qui ne vont plus cesser de susciter attirance et inquiétude, méfiance et
séduction. À l’aide de textes superbes, tous plus beaux les uns que les autres, que nous fréquentons depuis
nos premiers pas en grec (Les Suppliantes, les Perses, Hérodote, Hésiode et Pindare, et quelques-unes des
Vies de Plutarque), Marie-Françoise Baslez nous redit ce qu’était l’hospitalité, les voyages et les voyageurs
(cf p.51 la carte retraçant les voyages des sculpteurs de Naxos, d’Egine ou de Mégare), et pourtant la rareté
des mariages mixtes, plus encore des “naturalisations”.
La seconde partie, plus copieuse (130p.) – la documentation en est la cause, évidente – peut alors
approfondir davantage les rapports, complexes, entre citoyens et étrangers au sein des cités classiques.
Marie-Françoise Baslez peut ici tirer profit des travaux de Philippe Gauthier, de Claude Vatin, et
naturellement des siens. Elle commence par revenir avec bonheur sur le “malthusianisme de la cité
démocratique” (mais le terme est-il bien le plus approprié ?...) ; voir les lois de 403, 445, 451, 345 et 338,
entre autres, ici rappelées. Le chapitre suivant analyse très finement le statut de “proxène”, ce “quasi
citoyen”
, puis de métèque (“invention de la démocratie” ?)
. et les deux derniers passent alors en revue les
différentes sortes de visiteurs étrangers : hérauts, ambassadeurs, théores
(le terme ne vous dit rien ? vous
n’aurez qu’à vous reporter à l’un des précieux lexiques en fin d’ouvrage), intellectuels (Hérodote bien sûr,
mais aussi les Sophistes, toujours à l’affut, ceux-là, de la cité qui allait se révéler la plus accueillante, et -
surtout -la plus “rentable” !), gens de mer et marchands, souvent inquiétants, mais ils amenaient avec eux
tant de choses “étranges”, auxquelles on ne savait résister, la gent féminine surtout, eh oui : étoffes, parfums,
bijoux, sans parler des saveurs “exotiques” de leurs épices et aromates ! Mais à côté subsistait pourtant “le
barbare”, c’est à dire l’exclu par excellence : l’ennemi, depuis les Guerres médiques surtout, et puis celui qui
ne sait pas le grec, l’estropie, baragouine (voir la “comédie nouvelle” et Ménandre, puis Plaute), s’habille,
vit, mange “autrement” : “Rouquins”, “Ethiopiens” (déjà la couleur de peau !), autant dire les “basanés”
d’hier ! Tiens donc, et voilà que soudain ce livre nous ramène à des questions bien actuelles : assimilation ?
ghetto ? pluralisme culturel, voire communautarisme ?
Mais repartons plutôt vers des terres moins brûlantes (mais au second siècle, qui sait ?), celles de ce monde
hellénistique donc, si passionnant, si proche de nous (mais oui ! et par tant d’aspects !) (150 p. dans le livre)
qui invente tant de choses que Rome et le christianisme vont récupérer : le cosmopolitisme, une classe
politique internationale (les “empourprés”, les “amis” et les “parents” des souverains), ces nuées de
“fonctionnaires” et de militaires, éparpillés dans la trentaine d’”Alexandries” semées par le Conquérant, et
qui tous, d’un bout de ce monde à l’autre, se veulent “grecs” par le nom, la langue, le mode de vie. Certes,
hier encore, ils étaient Thraces ou Iraniens, et se battaient à Kouropédion (281), pour Séleucos ou pour
Lysimaque (allez savoir, mais pour les deux, voyons !), mais aujourd’hui ? Et les marchands bien sûr ne sont
pas en reste : à Délos, à Rhodes, dans les villes de foires (Gerrha, Petra, Séleucie du Tigre), dans les escales
caravanières, pullulent désormais ces “Levantins” : en plein VIIe siècle, ici, dans notre Provence, à Fos, on
les nommera encore Syri, des marchands, toute une colonie, des orientaux, des basanés donc, donc
inquiétants !
Problème : dans les iles de l‘Égée, à Chypre, à Délos ou à Athènes, tous ces “estrangiers du dehors“ (comme
nous disons encore à Marseille !), ont-ils ou non réussi à s‘intégrer ? Dans le roman de Pétrone, Trimalcion
reste un personnage grossier et ridicule, et donc encore répulsif. Les choses n‘auraient-elles donc pas changé
?
Naturellement, le livre se garde bien de toute “correspondance“ avec notre temps ; et avec raison. Il reste un