Qui est « l’autre » ?
Le Barbare est-il présenté comme l’« être soumis par nature » dont parle Aristote dans
La Politique ? Eratosthène avait-il des prédécesseurs quand il écrivit dans le second livre de la
Geographica que les hommes ne devraient pas être divisés en Grecs et Barbares, mais en bons
et mauvais, « car de nombreux Grecs sont mauvais, et de nombreux barbares sont civilisés,
notamment les Indiens et les Ariens, et encore les Romains et les Carthaginois, qui bénéficient
de formes de gouvernements admirables ». « Etre l’autre » est-il alors la présentation « en
creux » de soi ? Par préservation de sa propre identité « l’autre » se définit-il par l’inverse de
soi, par l’inversion de ses propres coutumes, lois et valeurs ? « Etre l’autre » n’est-ce pas
aussi, parfois, la perte de soi pour devenir autre, tel Alexandre devenant roi perse… ou
Antoine « s’orientalisant » ? N’arrive-t-il pas de voir que le Barbare n’est pas nécessairement
celui que l’on pense et que la sagesse barbare découverte par Alexandre peut nourrir la
sagesse grecque ? Les Romains pouvaient-ils concevoir ce rapprochement avec les
« Barbares » ?
Le contact avec « l’autre »
Comment s’établit le premier contact ? Quelle perception les Anciens se faisaient-ils
des « autochtones » ? Face à ce kaléidoscope de peuples, est-ce une image globale et
stéréotypée qui nous est renvoyée ou une image spécifique liée aux espaces naturels ? Une
volonté d’affirmation d’identité ou au contraire un désir de rejoindre le plus possible le
« moule » proposé ou imposé ? Déplacements de population, butins de conquêtes, émigration
– de Troie à Rome -, que fut ce brassage des populations ? Quel fut le rôle du mariage dans la
perspective de la conquête de « l’autre » et de son territoire ? Se situe-t-on par rapport à un
pouvoir contre lequel il faut lutter ou au service duquel on peut mettre son talent ?
L’hospitalité antique fonctionne comme un « marqueur de civilisation », et pourtant
les termes grec xenos et latins hospes/hostis ne reposent-ils pas sur l’ambivalence de
« l’hôte » qui peut devenir « un ennemi » ? Quelle est la nature du lien qui s’établit dans la
lutte avec « l’autre » ou contre « l’autre » ?
Une politique d’intégration ?
« On appelle Grecs ceux qui participent à notre culture », écrit Isocrate dans le
Panégyrique. Parle-t-on d’intégration de l’étranger dans la cité grecque ou romaine ?
Comment définit-on juridiquement le métèque ou l’étranger ? A quels devoirs sont soumis les
étrangers à Athènes ou à Rome, et – inversement - le citoyen grec ou romain en terre
étrangère ?
Quelle est la politique menée envers les métèques ? Politique de repli ou politique
d’ouverture ? Une intégration est-elle possible ou reste-t-on toujours métèque ? Quel statut
ont leurs enfants ainsi que les enfants nés d’étrangers sur terre grecque ou romaine, nés d’un
couple mixte ou nés sur terre colonisée ? Comment acquiert-on le droit de cité et est-ce une
véritable intégration à la communauté civique ? Comment se définissent le panhellénisme et
la citoyenneté romaine par rapport au citoyen de souche ?
En fait cherchait-on réellement à intégrer les étrangers ? Etre promoteur du
panhellénisme ou de l’impérialisme romain paraît exclure tout intérêt porté à l’autochtone en
tant que personne ; cela répond-il à une volonté de l’assimiler ou de le faire exister, et à
quelles conditions ?
La quête d’un idéal
Construire une appartenance commune au sein d’une politique impérialiste, n’est-ce
pas engendrer la construction d’un contre-modèle commun : le Barbare ? Cependant les
interpénétrations, les mises en contact de populations et les échanges ont eu une incidence sur