UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES UNITE D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL MEMOIRE REALISE dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE, d’IMAGERIE et de MORPHOGENESE 2013-2014 UNIVERSITE DE NANTES Le cercle artériel péri-odontoïdien Par Amélie TOUBOL LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. O. HAMEL Enseignants : Pr. R. ROBERT Pr. O. ARMSTRONG Pr. A. HAMEL Dr. S. PLOTEAU Référent : Pr. O. HAMEL Laboratoire : S. LAGIER Y. BLIN 1 UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES UNITE D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL MEMOIRE REALISE dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE, d’IMAGERIE et de MORPHOGENESE 2013-2014 UNIVERSITE DE NANTES Le cercle artériel péri-odontoïdien Par Amélie TOUBOL LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. O. HAMEL Enseignants : Pr. R. ROBERT Pr. O. ARMSTRONG Pr. A. HAMEL Dr. S. PLOTEAU Référent : Pr. O. HAMEL Laboratoire : S. LAGIER Y. BLIN 2 Remerciements : Je tenais tout d'abord à remercier le Professeur Olivier HAMEL pour m'avoir proposé ce sujet d'une richesse incroyable, tant sur le plan anatomique que sur le plan des réalisations pratiques, et pour l'intérêt qu'il a bien voulu porter à mon travail. Je voulais également remercier l'ensemble de mes professeurs d'Anatomie, qui m'ont fait découvrir cette discipline définitivement passionnante. Merci aussi au Professeur Hubert DESAL pour les imageries qu'il a bien voulu me fournir et pour le temps qu'il a consacré à me les expliquer. Un grand merci à Stéphane LAGIER et Yvan BLIN pour leurs excellents conseils et pour leur sympathie tout au long de l'année. Bien entendu, merci aussi aux autres étudiants du Master, pour toutes ces matinées en leur compagnie. Et enfin, merci à mes adorables relectrices, d’une efficacité impressionnante. 3 Sommaire : Introduction…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………5 I. Généralités……………………………………………………………………………………………………………………………...……………………………………………………………….6 1) Rappels anatomiques Le complexe ostéo-ligamentaire de la jonction crânio-cervicale Vascularisation 2) Rappels embryologiques Formation de la jonction crânio-cervicale Mise en place de la vascularisation II. Matériels et méthodes………………………………………………………………………………………………………………………………………………….……………….12 1) Sujets anatomiques 2) Matériel utilisé 3) Méthodes Voies d’abord employées Tatouage à l’encre de Chine Injection au latex Injection à la gélatine mélangée à l’encre de Chine Coupes III. Résultats……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….14 1) Dissection des artères du cercle artériel péri-odontoïdien Artère vertébrale Naissance des artères ascendantes Les quatre piliers du cercle artériel péri-odontoïdien : les artères ascendantes Anastomose avec l’artère pharyngienne ascendante 2) Coupes 3) Imagerie IV. Discussion…………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………………….28 1) Intérêts et limites de l’étude 2) Fractures de type II de l’odontoïde Conclusion……………………………………………………………………………………………………………………………………………………….…………………………………………30 Références……………………………………………………………………… …………………………………………………………………………………………………………………..…….31 4 Introduction La vascularisation de l'apophyse odontoïde naît, à l'instar de la vascularisation des autres vertèbres cervicales, des artères vertébrales. Cependant, alors que les corps vertébraux de la troisième à la septième vertèbre cervicale sont vascularisés par des artères antérieures et postérieures indépendantes les unes des autres, l'apophyse odontoïde est emmaillée dans un véritable filet vasculaire. Ce réseau est composé de quatre axes verticaux, les artères ascendantes, qui remontent à la face antérieure et postérieure du corps vertébral de l'Axis et de sa dent pour se résoudre en une arcade apicale, formant ainsi le cercle artériel périodontoïdien. L'étude de ce cercle péri-odontoïdien est particulièrement intéressante, d'abord sur le plan anatomique - car c'est une organisation unique au niveau vertébral - mais aussi, et surtout, sur le plan fonctionnel car il prend en charge la vascularisation du processus odontoïde ainsi que des structures adjacentes, telles que le ligament transverse de l’Atlas, indispensable à la stabilité de la jonction crâniocervicale. Enfin, sur le plan clinique, ce réseau a intéressé plusieurs équipes dans le cadre de l’étude des fractures du col de l’odontoïde (ou fractures de type II). En effet, il a été constaté que ces fractures consolidaient moins bien que les autres types de fractures de l'odontoïde. Cela aurait-il à voir avec une lésion du cercle péri-odontoïdien ? L'objectif de ce travail était avant tout de mettre en évidence les différents composants du cercle péri-odontoïdien, ainsi que leurs rapports. Après quelques rappels anatomiques et embryologiques sur la jonction crânio-cervicale, nous décrirons les travaux que nous avons réalisés ainsi que les résultats obtenus. Pour terminer, nous reviendrons sur cette interrogation clinique concernant les fractures du col de l'odontoïde en nous appuyant sur les résultats obtenus sur le sujet. 5 I. Généralités 1) Rappels anatomiques Le complexe ostéo-ligamentaire de la jonction crânio-cervicale : [1, 2, 3] La jonction crânio-cervicale est un ensemble ostéo-ligamentaire complexe qui permet d'amarrer la boîte crânienne au rachis cervical. Elle est constituée de trois os : l'os occipital, l'Atlas et l'Axis, qui s'articulent entre eux par six articulations. Ces articulations sont stabilisées par un grand nombre de ligaments, ce qui permet notamment de protéger le système nerveux central contenu dans le crâne et dans le canal vertébral. Le premier os impliqué dans la jonction crânio-cervicale est l'os occipital, os impair médian participant à la formation de la base et de la voûte du crâne. Il est constitué de deux portions : une portion basilaire, entrant dans la constitution de l'étage postérieur de la base du crâne, et une portion squameuse, formant l'arrière de la voûte du crâne. C'est par sa portion basilaire que l’os occipital joue un rôle dans la jonction crânio-cervicale. L'os occipital est perforé en plusieurs endroits. Tout d'abord, à la jonction entre les portions squameuse et basilaire, se trouve le foramen magnum. Ce foramen, qui est de loin le plus gros des foramens de la base du crâne, permet le passage du système nerveux central – avec la moelle spinale qui se continue crânialement par la moelle allongée du tronc cérébral – ainsi que les branches spinales des nerfs accessoires et des artères vertébrales. Le tout est entouré par les méninges. En avant et latéralement par rapport au foramen magnum se trouvent les deux canaux hypoglosses. C’est par eux que, de chaque côté, le nerf hypoglosse sort de la base du crâne. Il est accompagné dans son trajet par l’artère hypoglosse, branche du tronc neuro-méningé de l’artère pharyngienne ascendante. La face externe de la portion basilaire de l’os occipital porte, de part et d’autre du foramen magnum, les reliefs de deux massifs articulaires allongés : les condyles occipitaux. Ces derniers, orientés vers l’avant et le dedans, sont légèrement convexes sur leur face interne. Le deuxième os appartenant à la jonction crânio-cervicale est la première vertèbre cervicale (C1) ou Atlas. L'Atlas est une vertèbre un peu particulière : en effet, à la différence des autres vertèbres, elle ne possède pas de corps vertébral. Elle est formée de deux arcs : un arc antérieur, qui correspond à la fusion des deux pédicules, et un arc postérieur, constitué des lames et du processus épineux qui est petit et légèrement bifide. L'arc antérieur de l'Atlas n'est pas parfaitement régulier : il est marqué par un relief antérieur et médian, le tubercule antérieur de l'Atlas. L'arc antérieur présente à sa face postérieure une surface articulaire, médiane également, que l'on appelle la fovea dentis. À la jonction entre les deux arcs se trouvent les masses latérales. Elles portent sur leur face supérieure les condyles atloïdiens, qui répondent parfaitement aux condyles occipitaux et regardent donc vers le haut et le dedans. Les masses latérales portent également chacune une facette articulaire inférieure, convexe vers le bas et le dehors. Enfin, elles portent sur leur face médiale un tubercule médial, et sur leur face latérale un processus transverse bifide et perforé par le foramen transversaire, dans lequel chemine l'artère vertébrale. 6 Avant Droite Tubercule antérieur Fovea dentis Masse latérale Foramen transversaire Massif articulaire supérieur Tubercule médial Fig.1 : Atlas en vue supérieure Le troisième et dernier os participant à la constitution de la jonction crânio-cervicale est la deuxième vertèbre cervicale (C2) ou Axis. Cette vertèbre se caractérise par un relief particulier, l’apophyse odontoïde, qui naît à la face supérieure de son corps vertébral. L'apophyse odontoïde est un processus vertical dans le plan frontal, légèrement orienté vers le haut et l'arrière dans le plan sagittal. Elle est composée de plusieurs portions avec, de bas en haut, la base, le col, le corps et enfin l'apex. La base de l'apophyse odontoïde correspond à son implantation au niveau du corps vertébral de C2. Le col, quant à lui, est une portion rétrécie, contrastant avec la dilatation du corps susjacent. La face antérieure de l'apophyse odontoïde présente une surface articulaire répondant à la fovea dentis de l'arc antérieur de l'Atlas. À sa face postérieure, une deuxième surface articulaire permet son articulation avec le ligament transverse de l'Atlas. Le corps vertébral de C2 est massif et porte, de part et d'autre de l'apophyse odontoïde, des facettes articulaires supérieures répondant aux facettes articulaires inférieures de l'Atlas. Il est intéressant de noter que, chez le jeune enfant, l'apophyse odontoïde n'est pas soudée avec le corps vertébral de C2 : il existe alors une synchondrose, qui s’ossifie vers l'âge de cinq ans. Le corps vertébral de C2 se prolonge postérieurement par deux pédicules épais auxquels font suite les processus transverses, bifides et perforés par le foramen transversaire. Les facettes articulaires inférieures, plus postérieures que les supérieures, se situent à la jonction entre les pédicules et les lames. Ces dernières donnent naissance à un processus épineux massif et bifide. Crânial Apex Apophyse odontoïde Corps Col Facette articulaire supérieure Gauche Base Corps vertébral Facette articulaire inférieure Fig.2 : Axis en vue antérieure La jonction crânio-cervicale est bien évidemment mobile, grâce aux diverses articulations entre les différentes pièces osseuses. Ces articulations, qui sont toutes des articulations synoviales, sont stabilisées par un grand nombre de ligaments. 7 L'articulation occipito-atloïdienne est une articulation de type bicondylienne stabilisée par plusieurs ligaments tendus entre les bords du foramen magnum et la face supérieure de l'Atlas. Il est notamment possible de citer parmi eux la membrane atlanto-occipitale antérieure entre le bord antérieur du foramen magnum et l'arc antérieur de l'Atlas, et la membrane atlanto-occipitale postérieure entre le bord postérieur du foramen magnum et l'arc postérieur de l'Atlas. À noter que la membrane atlanto-occipitale antérieure est doublée en avant par le ligament longitudinal ventral, qui part de la face externe du bord antérieur du foramen magnum pour se terminer au niveau de la deuxième vertèbre sacrée. L'articulation atlanto-odontoïdienne – ou atlanto-axoïdienne médiale – est une articulation trochoïde composée de deux articulations distinctes : une première entre la fovea dentis et la face antérieure de l'apophyse odontoïde, une seconde entre la face postérieure de l'apophyse odontoïde et le ligament transverse de l'Atlas. Les ligaments stabilisant cette articulation sont le ligament transverse de l’Atlas et les ligaments occipito-axoïdiens, parmi lesquels figurent : le ligament de l'apex de la dent, tendu entre le bord antérieur du foramen magnum et le sommet de l'apophyse odontoïde ; les ligaments alaires, tendus entre le bord médial des condyles occipitaux et le bord latéral de l'apophyse odontoïde ; le ligament cruciforme – en arrière de l’apophyse odontoïde – qui est en fait constitué de trois ligaments : deux longitudinaux et un transversal. La portion transversale du ligament cruciforme correspond au ligament transverse de l'Atlas. Ce dernier est tendu entre les deux tubercules médiaux des masses latérales de l'Atlas et est recouvert de cartilage métaplasique à sa face interne, ce qui permet son articulation avec la face postérieure de l'apophyse odontoïde. Les deux portions longitudinales du ligament cruciforme sont le ligament occipito-tranversaire – tendu entre la face interne du bord antérieur du foramen magnum et le bord supérieur du ligament transverse – et le ligament transverso-axoïdien – tendu entre le bord inférieur du ligament transverse et la face postérieure du corps vertébral de l'Axis ; le ligament cruciforme est doublé en arrière par la membrana tectoria, structure fibreuse et épaisse qui part de la face interne du bord antérieur du foramen magnum. Elle se prolonge à partir du corps vertébral de l'Axis par le ligament longitudinal postérieur, qui s’étend jusqu’à la première pièce coccygienne. Crânial Droite Canal de l’hypoglosse Membrana tectoria (sectionnée) Ligament occipito-transversaire Ligaments alaires Ligament tranverse de l’Atlas Ligament transverso-axoïdien Ligament longitudinal postérieur Fig.3 : Ligaments de la jonction crânio-cervicale, vue postérieure 8 Enfin, il existe des articulations atlanto-axoïdiennes latérales, entre les facettes articulaires latérales de l'Atlas et de l'Axis. Ces articulations, qui sont des arthrodies, ne sont pas congruentes du fait de la convexité opposée des surfaces articulaires qui les composent. Elles sont stabilisées par les ligaments atlanto-axoïdiens antérieur et postérieur, tendus respectivement du bord inférieur de l'arc antérieur de l'Atlas au corps vertébral de l'Axis et du bord inférieur de l'arc postérieur de l'Atlas aux lames de l'Axis. Pour terminer, la jonction crânio-cervicale est mobile grâce à un nombre important de muscles s'insérant sur l'os occipital et sur le rachis cervical. Il ne sera ici fait mention que du muscle longus colli car c'est un rapport important du cercle artériel péri-odontoïdien. Le muscle longus colli s'insère à la face antérieure du rachis cervical. Il est constitué de trois portions : une portion verticale s'insérant sur la face antérieure des corps vertébraux de C2 à C4 et se terminant sur la face antérieure des corps vertébraux de C5 à Th3 ; une portion oblique supérieure entre le tubercule antérieur de l'Atlas et les tubercules antérieurs des processus transverses de C3 à C5 ; une portion oblique inférieure entre le tubercule antérieur des processus transverses de C5 et C6 et la face antérieure des corps vertébraux de Th1 à Th3. Le muscle longus colli n’a que peu de rôle actif dans le mouvement de la jonction crânio-cervicale. Il joue essentiellement un rôle proprioceptif. Vascularisation : [1, 2] Deux artères entrent en jeu dans la constitution du cercle péri-odontoïdien. L'artère principale, celle d'où naissent les artères ascendantes, est l'artère vertébrale. Elle est suppléée par l'artère pharyngienne ascendante. L'artère vertébrale naît de l'artère subclavière peu après son origine et remonte jusque dans la boîte crânienne pour fusionner avec son homologue controlatérale, formant ainsi l'artère basilaire. Le trajet de l'artère vertébrale peut être divisé en quatre segments, numérotés de V1 à V4. Le segment V1 correspond à la portion initiale de l'artère vertébrale, juste après sa naissance de l’artère subclavière. L’artère vertébrale y décrit un trajet vertical. Elle traverse le ganglion cervicothoracique puis se dirige vers le foramen transversaire de C6, qu’elle pénètre ; le segment V2 correspond au trajet de l'artère vertébrale entre les foramens transversaires de C6 à C2. C'est une portion parfaitement rectiligne, très adhérente aux parois des foramens transversaires de par la gaine fibreuse qui l'entoure. Cette adhérence permet à l'artère d’être mobilisée en même temps que le rachis, ce qui la protège : ainsi elle n'est pas étirée ou cisaillée par les mouvements du rachis cervical. Tout au long de son trajet V2, l'artère vertébrale abandonne des branches destinées aux structures adjacentes. Elle abandonne notamment sur son bord médial, à chaque étage intervertébral, des branches destinées aux corps vertébraux - face antérieure et face postérieure -, des branches destinées à l'arc neural postérieur des vertèbres et des branches destinées au système nerveux, tout particulièrement aux racines. De son bord latéral naissent également des artères collatérales, destinées aux muscles de la nuque ; le segment V3 correspond à la portion d'artère vertébrale comprise entre le foramen transversaire de C2 et le point où elle perfore la dure-mère. Tout d’abord, au sein de la vertèbre C2, l'artère vertébrale se coude : elle décrit un trajet horizontal puis redevient verticale un peu plus latéralement. Ensuite, entre les foramens transversaires de C2 et de C1, l'artère vertébrale décrit un trajet relativement vertical dans le plan frontal. C’est à cette hauteur qu’elle s'anastomose avec l'artère occipitale. Enfin, après avoir traversé le foramen transversaire de C1, l'artère vertébrale est de nouveau horizontale : elle longe la face postérieure des condyles atloïdiens puis décrit un trajet 9 oblique vers l'avant, le haut et le dedans avant de perforer la membrane occipito-atloïdienne postérieure puis la dure-mère ; enfin, le segment V4 correspond à la portion intra dure-mérienne de l'artère vertébrale. Il se termine au niveau de la confluence entre les deux artères vertébrales, formant alors le tronc basilaire. Crânial Gauche Portion V3 de l’artère vertébrale Portion V2 de l’artère vertébrale Fig.4 : Artères vertébrales, vue antérieure L'artère pharyngienne ascendante naît de la face postérieure de l'artère carotide externe, juste après la bifurcation carotidienne. Elle se divise rapidement en deux troncs, un antérieur et un postérieur. Le tronc antérieur chemine à la face postérieure du pharynx et le vascularise via trois artères pharyngiennes. Le tronc postérieur, ou tronc neuro-méningé, donne deux branches : une branche vers le foramen jugulaire, qui abandonne des rameaux pour les nerfs glosso-pharyngien, vague et accessoire et qui devient l'artère méningée postérieure après avoir traversé le foramen jugulaire, ainsi qu'une branche hypoglosse qui se dirige vers le canal de l'hypoglosse. 2) Embryologie Formation de la jonction crânio-cervicale : [4, 5, 6] Au cours de l'embryogenèse, le mésoblaste para-axial subit la métamérisation : il se condense pour former les somites, 38 paires en tout, avec 4 paires occipitales, 8 cervicales, 12 thoraciques, 5 lombaires, 5 sacrées et 3 coccygiennes. Les premières paires de somites apparaissent au vingtième jour de vie embryonnaire. Elles se divisent ensuite en sclérotomes - qui donneront les vertèbres - et en myotomes - qui donneront les muscles para-vertébraux, du tronc et des membres. Par la suite, chaque sclérotome se divise transversalement en deux. Les vertèbres sont donc formées de deux demi-sclérotomes : la portion caudale d'un sclérotome et la portion crâniale du sclérotome sous-jacent. La jonction crânio-cervicale se forme à partir des somites 4 à 7, c’est-à-dire à partir du dernier somite occipital et des trois premiers somites cervicaux. La partie basilaire de l'os occipital ainsi que les condyles occipitaux proviennent de la portion crâniale du quatrième somite. La portion caudale du quatrième somite rejoint la portion crâniale du cinquième somite pour former le proatlas, qui peut soit entrer dans la constitution de l'os occipital en 10 formant un troisième condyle, soit former la portion apicale de l'apophyse odontoïde. L'Atlas dérive de la portion caudale du cinquième somite et de la portion crâniale du sixième somite. Ces deux demi-somites sont également à l'origine de la portion basale de l'apophyse odontoïde. Ainsi, l'apophyse odontoïde correspond embryologiquement au corps vertébral de C1. Enfin, l'Axis, hormis sa dent, dérive de la portion caudale du sixième somite et de la portion crâniale du septième somite. Mise en place de la vascularisation : [4, 5] À la fin de la troisième semaine de développement embryonnaire, des artères inter-segmentaires se forment à partir des faces postéro-latérales des aortes dorsales – cervicales – et de l’aorte descendante. Ces artères inter-segmentaires se positionnent dans chaque espace inter-somitique. De chaque côté, les sept premières artères inter-segmentaires, qui proviennent des aortes dorsales, s'anastomosent longitudinalement. Puis les six premières régressent, seule se maintient leur anastomose : l'artère vertébrale. Il existe également une anastomose entre les premières artères inter-segmentaires droite et gauche, à l'origine du tronc basilaire. La septième artère inter-segmentaire, quant à elle, persiste et s'allonge, donnant naissance à l'artère subclavière. Cette anastomose embryologique explique qu’une fois l’appareil circulatoire mature, l’artère vertébrale naisse de l’artère subclavière. 11 II. Matériels et méthodes 1) Sujets anatomiques Pour réaliser cette étude, nous avons travaillé sur cinq sujets, dont nous avons mis en évidence les artères péri-odontoïdiennes par différents procédés : Sujet 1 : Femme de 83 ans et 3 mois, tête rattachée au tronc, formolé. Sujet 2 : Homme de 81 ans et 2 mois, tête, frais. Sujet 3 : Femme de 85 ans et 2 mois, tête, frais. Sujet 4 : Homme de 76 ans et 10 mois, tête, frais. Sujet 5 : Homme de 62 ans et 3 mois, tête, frais. 2) Matériel utilisé Dissection : - porte-lames et lames de 23, 15 et 11 - ciseaux standard et ciseaux de microchirurgie - pinces à disséquer standard et pinces de microchirurgie - pince gouge - loupes binoculaires - scie vibrante - spatule pour décoller la dure mère Tatouage à l’encre de Chine : - encre de Chine - seringue de 20 cc avec une aiguille Injection au latex : - latex mélangé à du colorant rouge vermillon - seringue de 60 cc - acide acétique - cathéters - pinces à clamper Injection à la gélatine mélangée à l’encre de Chine : - encre de Chine - gélatine - plaque chauffante - casserole, fouet - seringue de 60 cc - cathéters - pinces à clamper Coupes : - congélateur - scies à ruban 12 3) Méthodes Voies d'abord employées : Voie d'abord postérieure : Nous avons utilisé la même voie d'abord pour les sujets 1, 2, 3 et 5. La tête du sujet était face retournée contre la table, nous donnant ainsi accès à la nuque. Nous avons pratiqué une incision verticale au niveau de la ligne médiane puis retiré les différents muscles de la région nucale pour avoir accès aux vertèbres cervicales. Nous avons ensuite ôté à l'aide d'une pince gouge les processus épineux, les lames et les processus transverses jusqu'à dégager les artères vertébrales. Puis la partie postérieure du crâne ainsi que le système nerveux central ont été retirés pour les sujets 2, 3et 5 (cela avait déjà été réalisé chez le sujet 1), nous donnant alors accès à la face postérieure des corps vertébraux, recouverte du ligament longitudinal postérieur. Voie d'abord antérieure : Cette voie a été utilisée chez le sujet 2. Nous avons commencé par sectionner la mandibule au niveau des branches montantes, puis nous avons incisé latéralement les joues jusqu'au pharynx afin de pouvoir retirer la partie inférieure du massif facial. Afin de dégager l'arc antérieur de l'Atlas, nous avons ensuite ôté le palais en décrochant la partie basse des os maxillaires. Puis nous avons réséqué le pharynx, ainsi que les muscles longus capitis et longus colli. La dissection des fibres du muscle longus colli a été particulièrement précautionneuse pour ne pas abîmer les artères ascendantes antérieures, juste sous-jacentes. Coupes : Après avoir congelé le sujet 4 - préalablement injecté à la gélatine mélangée à l'encre de Chine pendant 1 semaine, nous avons réalisé des coupes transversales de 0,5 cm d'épaisseur environ. Les résultats sont présentés en vue scanographique. Tatouage à l'encre de Chine : La méthode du tatouage à l'encre de Chine a été utilisée pour le sujet 1. Après avoir disséqué la région postérieure de la nuque jusqu'au ligament longitudinal postérieur, nous avons soigneusement retiré ce dernier afin de mettre à nu les deux artères ascendantes postérieures. La seringue a ensuite été remplie avec de l’encre de Chine puis de petites gouttes ont été déposées sur la paroi externe de l'artère, en suivant le trajet disséqué. Cette méthode a permis de faire ressortir les artères ascendantes postérieures dans leur portion entre l'artère vertébrale et le bord inférieur du foramen magnum. Injection au latex : La méthode de l'injection au latex a été utilisée pour les sujets 2, 3 et 5. La première étape a consisté à dégager les artères carotides communes et les artères vertébrales puis à les cathétériser. Pour les sujets 2 et 5, nous avons cathétérisé les artères vertébrales ainsi que les artères carotides communes. Puis nous avons injecté doucement du latex dans le réseau artériel en commençant par les artères carotides communes. Nous avons continué à injecter du latex dans le réseau vasculaire, clampant les trois artères dans lesquelles il n'y avait pas la seringue, jusqu'à sentir une résistance à la pression du piston. Il est important que l'injection soit progressive pour que le latex se répande au mieux dans l'ensemble de l'arbre artériel, sans léser les vaisseaux les plus fins. Enfin, la catalyse a été réalisée par l’injection d’acide acétique. Pour le sujet 3, nous avons injecté le latex dans l'artère vertébrale gauche uniquement. Injection à la gélatine mélangée à l'encre de Chine : Cette méthode a été utilisée pour le sujet 4. Comme pour l'injection au latex, nous avons commencé par dégager les artères carotides communes ainsi que les artères vertébrales, que nous avons toutes cathétérisées. Nous avons ensuite porté de l'eau à ébullition, puis dissous de la gélatine dedans. Une fois la préparation fluide, nous avons ajouté de l'encre de Chine en quantité importante jusqu'à obtenir un noir opaque. Enfin, quand la préparation est devenue tiède, nous l'avons injectée doucement et progressivement en commençant par le réseau carotidien. 13 III. Résultats 1) Dissection des artères du cercle péri-odontoïdien Le cercle artériel péri-odontoïdien naît de l’artère vertébrale dans sa portion comprise entre les foramens transversaires de C3 et de C2. Il est formé par quatre piliers vasculaires, les artères ascendantes, qui abandonnent de nombreuses branches, à la fois pour le processus odontoïde et pour les structures adjacentes. Pour décrire le cercle artériel péri-odontoïdien dans sa globalité, nous commencerons par décrire l’artère vertébrale ainsi que la naissance des artères ascendantes antérieures et postérieures. Ensuite nous nous intéresserons à ces artères en elles- mêmes, à leurs collatérales, à leurs anastomoses ainsi qu’à leurs rapports. Cette description sera enfin complétée par l’étude de l’anastomose du cercle péri-odontoïdien avec l’artère pharyngienne ascendante. Artère vertébrale : L’artère vertébrale chemine dans le canal transversaire des vertèbres C6 à C1. Elle décrit d’abord un trajet parfaitement rectiligne entre C6 et C2. Puis, au niveau du processus transverse de C2, comme nous avons pu le remarquer au cours de l’ensemble de nos dissections, l’artère vertébrale se coude à 90 degrés avant de se verticaliser de nouveau plus latéralement, à sa sortie du foramen transversaire de C2. Après avoir traversé le foramen transversaire de C1, l’artère vertébrale s’horizontalise une nouvelle fois et longe postérieurement les masses latérales de l’Atlas avant de pénétrer dans la dure-mère. Comme le montre la photographie ci-dessous, l’artère vertébrale passe en avant de la racine spinale du nerf accessoire. Il est à noter que l’artère vertébrale chemine en avant des racines nerveuses, qu’elle vascularise. Crânial Droite Bord antérieur du foramen magnum Branche spinale du nerf accessoire Processus odontoïde Corps vertébral de C2 Artère vertébrale gauche Ligament longitudinal postérieur Fig.5 : Artère vertébrale gauche, vue postérieure 14 Naissance des artères ascendantes : À hauteur de la jonction entre C2 et C3, chaque artère vertébrale donne naissance à une artère ascendante antérieure et une artère ascendante postérieure. Au cours de l’ensemble de nos dissections, nous n’avons pu observer aucune variation en ce qui concerne la hauteur de l’origine de ces artères. De même, elles provenaient toujours de la face médiale de l’artère vertébrale. Cependant, comme nous avons pu le constater, la naissance de ces branches à partir de l’artère vertébrale ne se présente pas toujours de la même façon : Les artères ascendantes peuvent naître de deux troncs distincts, un pour l’artère ascendante antérieure et un pour l’artère ascendante postérieure. Crânial Droite Artères ascendantes postérieures Naissance de l’artère ascendante antérieure Naissance de l’artère ascendante postérieure Fig.6 : Naissance des artères ascendantes via deux troncs distincts, vue postérieure 15 Les artères ascendantes peuvent aussi naitre d’un tronc commun se divisant secondairement en artères ascendantes antérieure et postérieure. Il est à noter que quelle que soit la configuration retrouvée chez le sujet, elle était identique des deux côtés. Crânial Gauche Artère ascendante antérieure Artère ascendante postérieure Tronc commun Artère vertébrale gauche Fig.7 : Naissance des artères ascendantes via un tronc commun, vue antérieure 16 Les quatre piliers du cercle artériel péri-odontoïdien : les artères ascendantes Les artères ascendantes postérieures : Les artères ascendantes postérieures semblent être les artères les plus importantes du cercle périodontoïdien, et ceci pour plusieurs raisons, dont la principale est que ce sont celles qui ont le calibre le plus important. De plus, elles abandonnent un grand nombre de collatérales et s’anastomosent entre elles, ainsi qu’avec la suppléance artérielle du cercle péri-odontoïdien. Rapports : Les artères ascendantes postérieures ont pour rapport antérieur le ligament transverse de l’Atlas et pour rapport postérieur la membrana tectoria, qui se prolonge par le ligament longitudinal postérieur à partir du corps vertébral de l’Axis. Crânial Droite Processus odontoïde Membrana tectoria Ligament longitudinal postérieur Fig.8 : Ligament longitudinal postérieur, vue postérieure des corps vertébraux 17 Les artères ascendantes postérieures cheminent à la face postérieure du corps vertébral de l’Axis puis à la face postéro-latérale de l’apophyse odontoïde. Elles décrivent un trajet relativement vertical. Crânial Droite Artères ascendantes postérieures Corps vertébral de C2 Branche collatérale de l’artère ascendante postérieure Fig.9 : Artères ascendantes postérieures tatouées à l’encre de Chine, vue postérieure 18 Tout au long de leur trajet, les artères ascendantes postérieures abandonnent plusieurs branches, à la fois sur leur bord médial et sur leur bord latéral. Les branches qui naissent de leur bord médial cheminent en arrière du corps vertébral de C2 et du ligament transverse de l’Atlas et les vascularisent : en effet, nous avons retrouvé des artères perforant la face postérieure du corps vertébral de l’Axis ainsi que des artères plongeant dans le ligament transverse de l’Atlas. Celles qui naissent de leur bord latéral se dirigent vers le cadre osseux en périphérie de l’apophyse odontoïde, notamment vers la face interne des masses latérales et vers les bords latéraux de la face interne du foramen magnum. Crânial Droite Arcade apicale Ligament transverse de l’Atlas Artères ascendantes postérieures C2 Fig.10 : Artères ascendantes postérieures injectées au latex, vue postérieure des corps vertébraux 19 Crânial Droite Bord antérieur du foramen magnum Collatérales latérales Artères ascendantes postérieures Processus odontoïde Artères transversales postéro-antérieures Fig.11 : Branches collatérales latérales à destinée de l’os, vue postérieure Les terminaisons des deux artères ascendantes postérieures s’anastomosent à hauteur de l’apex de l’apophyse odontoïde, formant ainsi l’arcade apicale de l’odontoïde. Cette dernière décrit une courbe discrètement concave vers le bas. Elle chemine légèrement en aval du bord antérieur du foramen magnum et abandonne des branches crâniales – vers la face interne de l’os occipital – et caudales – vers l’apex de l’apophyse odontoïde. Selon les équipes de FISCHER [7] ou de SCHIFF [8], l’arcade perfore l’apophyse odontoïde en son sommet, afin de permettre sa vascularisation. Anastomose entre les artères ascendante postérieure et hypoglosse droites Arcade apicale de l’odontoïde Crânial Droite Fig.12 : Arcade apicale de l’odontoïde injectée au latex, vue postérieure 20 Au cours de nos dissections, nous avons également mis en évidence des artères transversales partant des faces antérieure et antéro-interne des artères ascendantes postérieures. Ces artères, qui naissent à hauteur du col de l’apophyse odontoïde, en aval du ligament tranverse de l’Atlas, décrivent un trajet postéro-antérieur et se ramifient en donnant des branches destinées à l’apophyse odontoïde et aux structures ligamentaires adjacentes, telles que les ligaments alaires. Crânial Droite Artère postéroantérieure (naît de la face antérieure) Artère perforant le corps vertébral de C2 Artère postéroantérieure (naît de la face antéro-médiale) Fig.13 : Artères postéro-antérieures, vue postérieure des corps vertébraux 21 Les artères ascendantes antérieures : Rapports : Les artères ascendantes antérieures cheminent entre la face profonde du muscle longus colli et la face antérieure du rachis cervical, en avant du ligament longitudinal ventral. Crânial Gauche Artère carotide interne droite Muscles longus capitis Atlas Artère vertébrale gauche Muscles longus colli Fig. 14 : Partie crâniale des muscles longus colli, vue antérieure 22 Les artères ascendantes antérieures décrivent un trajet oblique vers le haut et le dedans et se terminent au niveau de la limite inférieure de l’arc antérieur de l’Atlas. Leur diamètre, de calibre plus réduit que celui des artères ascendantes postérieures, semble indiquer qu’elles sont fonctionnellement moins importantes que ces dernières. Tout comme les artères ascendantes postérieures, les artères ascendantes antérieures abandonnent des branches sur leur bord médial et latéral. Ces branches cheminent en avant du ligament longitudinal ventral. Contrairement à ce que nous avions observé au niveau des artères ascendantes postérieures, nous n’avons pas trouvé de branches perforantes destinées, par exemple, au corps vertébral de C2 en provenance des artères ascendantes antérieures. Nous n’avons pas non plus mis en évidence d’anastomose entre les deux artères ascendantes antérieures. Crânial Gauche Atlas Axis Artères ascendantes antérieures Artère vertébrale gauche Ligament longitudinal ventral Fig.15 : Artères ascendantes antérieures, vue antérieure 23 Anastomose avec l’artère pharyngienne ascendante : Au cours de nos dissections, nous avons également pu observer que le cercle artériel périodontoïdien est suppléé par des branches en provenance de l’artère pharyngienne ascendante. Ainsi, en disséquant le canal de l’hypoglosse, nous avons pu mettre en évidence l’artère hypoglosse au contact du nerf hypoglosse. Cette artère, qui est l’une des branches terminales du tronc neuro-méningé de l’artère pharyngienne ascendante, se prolonge dorsalement vers les vaisseaux méningés. Elle abandonne un rameau qui se dirige vers le bas et s’anastomose avec les artères ascendantes postérieures au niveau de la naissance de l’arcade apicale de l’odontoïde. Cette anastomose nous est apparue constante au cours de nos dissections. En effet, à chaque fois que l’artère hypoglosse a été retrouvée, cette branche l’était aussi. Crânial Droite Bord antérieur du foramen magnum Canal de l’hypoglosse avec le nerf hypoglosse Rameau anastomotique Artère ascendante postérieure droite Fig.16 : Anastomose entre l’artère ascendante postérieure et l’artère hypoglosse droites, vue postérieure 24 2) Coupes Afin de mettre en évidence l’ensemble des artères du cercle péri-odontoïdien ainsi que leurs différents rapports, nous avons réalisé des coupes à hauteur du processus odontoïde. Ventral Gauche Artère carotide commune droite Muscle longus colli gauche Artères ascendantes antérieures Rameaux transversaux gauches Artère vertébrale droite Artères ascendantes postérieures Ligament transverse de l’Atlas Membrana tectoria Fig.17 : Coupe transversale à hauteur de C1 Cette image nous permet de constater que : Les artères ascendantes antérieures cheminent bien à la face profonde des muscles longus colli, dont elles sont séparées par son fascia. Elles cheminent également en avant de l’arc antérieur de l’Atlas, de part et d’autre du tubercule antérieur de l’Atlas. Les artères ascendantes postérieures cheminent en avant du ligament longitudinal postérieur et de la dure-mère, en arrière du ligament transverse de l’Atlas. De petites branches sont visibles au bord latéral de l’apophyse odontoïde et se dirigent vers elle. Ce sont certainement des rameaux en provenance des artères transversales. 25 3) Imagerie Le cercle artériel péri-odontoïdien - et tout particulièrement les artères ascendantes postérieures peut être mis en évidence grâce à des techniques neuroradiologiques, notamment par des artériographies de l’artère vertébrale. Cette artériographie en vue frontale montre l’artère vertébrale abandonnant, à chaque étage vertébral, des artères pour les os et les structures adjacentes. Cette organisation est similaire pour chaque métamère du rachis cervical bas et moyen. Au niveau de la jonction crânio-cervicale, les artères ascendantes antérieure et postérieure sont nettement dinstingables. Nous pouvons constater que l’artère ascendante postérieure est bien plus visible que l’artère ascendante antérieure, ce qui coïncide avec ce qui a été retrouvé au cours de nos dissections : les artères ascendantes postérieures ont un calibre sensiblement supérieur à celui de leurs homologues antérieures et semblent donc fonctionnellement plus importantes. À noter également que la naissance des deux artères est ici distincte : il y a deux troncs en provenance de l’artère vertébrale - un antérieur et un postérieur. Crânial Gauche Artère ascendante postérieure Artère ascendante antérieure Artère vertébrale Rameaux destinés aux corps vertébraux Fig.18 : Artériographie, artère vertébrale droite, vue frontale 26 Sur cette artériographie en vue latérale, nous pouvons retrouver les mêmes branches que précédemment, abandonnées à chaque étage par l’artère vertébrale, ainsi que les artères ascendantes antérieures et postérieures. Il est intéressant de noter que dans le plan sagittal, les artères ascendantes postérieures décrivent une courbe convexe vers l’avant au cours de leur trajet le long de la face postérieure du corps vertébral de l’Axis puis du ligament transverse de l’Atlas. Crânial Dorsal Artère vertébrale Artère ascendante postérieure Artère ascendante antérieure Fig.19 : Artériographie, artère vertébrale droite, vue sagittale 27 IV. Discussion 1) Intérêts et limites de l'étude : [7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14] La vascularisation du processus odontoïde a déjà été étudiée à plusieurs reprises, notamment par les équipes de MINNE [9], de SCHIFF [8], de FISCHER [7] ou encore d'ALTHOFF [10] dans le courant des années 1970. Si toutes n'avaient pas abouti exactement aux mêmes conclusions, elles s'accordaient sur le fait que le cercle péri-odontoïdien est formé par les quatre artères ascendantes, les deux postérieures étant reliées par l'arcade apicale. Par notre travail, nous avons pu confirmer ce qui avait déjà été décrit : au niveau C2-C3, à droite comme à gauche, une artère ascendante antérieure et une artère ascendante postérieure naissent de l’artère vertébrale. Nous avons également pu montrer que le cercle péri-odontoïdien était sujet à des variations anatomiques. En effet, alors que dans la littérature les artères ascendantes antérieures et postérieures sont décrites comme deux branches de l'artère vertébrale distinctes dès leur naissance, nous avons mis en évidence chez le sujet 2 un tronc commun à l'origine de ces deux artères. La description des artères ascendantes antérieures, et notamment de leurs anastomoses, est très variable d’un auteur à l’autre. Ainsi, ALTHOFF considère qu’elles rejoignent l’arcade apicale de l’odontoïde, FISCHER qu’elles s’anastomosent en avant de l’arc antérieur de l’Atlas et SCHIFF qu’elles s’anastomosent en avant du corps de l’Axis. Nos travaux n’ont retrouvé aucune de ces anastomoses, mais deux artères ascendantes antérieures fines remontant séparément jusqu’à la face antérieure de l’arc antérieur de l’Atlas. En ce qui concerne la suppléance du cercle péri-odontoïdien, SCHIFF la décrivait comme venant de l'artère carotide interne. Cette affirmation avait été réfutée par FISCHER, qui la décrivait comme venant de l'artère pharyngienne ascendante. Grâce à une étude menée sur l’artère pharyngienne ascendante, l’équipe du Pr HAFFAJEE [11] avait ensuite confirmé l’hypothèse de FISCHER. Nos résultats concordent avec les résultats de Messieurs FISCHER et HAFFAJEE. En effet, chez le sujet 3, l’artère hypoglosse était injectée – par le biais du réseau méningé postérieur – et le latex s’est répandu localement dans l’artère ascendante postérieure homolatérale, alors que le reste de cette même artère ascendante n’était pas rehaussé, ce qui prouve une communication à ce niveau. Cette anastomose du cercle artériel péri-odontoïdien avec l’artère pharyngienne ascendante est assurée par des branches très grêles en conditions physiologiques. Cependant, en cas de d’insuffisance de l’artère carotide externe, une circulation collatérale, notamment par ces branches anastomotiques, se développe. De plus, chez certaines personnes, ces anastomoses sont naturellement développées, d’où l’importance de les rechercher avant une intervention neuroradiologique sur les branches de l’artère carotide externe. Malgré tout, notre étude présente certaines limites, importantes à prendre en compte pour une interprétation correcte de celle-ci. Tout d'abord, les artères du cercle péri-odontoïdien sont extrêmement fines et fragiles. Que ce soit au cours de nos dissections ou lors de la préparation des pièces - lors des injections notamment - tout n’a pas pu être mis en évidence. Ainsi, il se peut que, parfois, certaines branches naissant d'une artère ascendante aient été sectionnées, nous empêchant ainsi de constater leur existence. De même, certaines branches ont pu ne pas être injectées et par conséquent n’ont pu être révélées. C'est par exemple ce qui est arrivé avec le sujet 3 : la pression exercée lors de l’injection n'a pas été suffisante pour faire ressortir les artères ascendantes postérieures, ce qui nous a limité dans la mise en évidence de leurs collatérales. De plus, nous n'avons pu étudier qu'un nombre limité de sujets. Nous ne pouvons donc conclure quant à la cause d'une absence de branches : est-elle absente parce qu’elle a été sectionnée ou tout simplement parce qu'elle n'a jamais existé et auquel cas ne peut être retrouvée chez personne ? De même, dans ce qui a été retrouvé, nous ne pouvons déterminer ce qui relève du cercle péri-odontoïdien classique de ce qui relève de la variation anatomique sans l'aide des autres travaux menés sur le sujet. 28 Cette étude complète donc ce qui a déjà été retrouvé par les auteurs précédents mais ne se suffit pas à elle seule. Suite à l’étude de la vascularisation du cercle artériel péri-odontoïdien, une question se pose tout naturellement : est-elle lésée en cas de fracture de l’odontoïde ? C'est cette question que se sont posée les auteurs ayant déjà travaillé sur le cercle péri-odontoïdien. En effet, il a notamment été constaté que les fractures de type II de l'odontoïde consolidaient moins bien que les autres fractures de l'odontoïde. Cela aurait-il un lien avec une atteinte de sa vascularisation ? 2) Fractures de type II de l'odontoïde : [15, 16, 17, 18] Les fractures de l'odontoïde surviennent généralement lors d'un traumatisme en hyperflexion. Chez le sujet jeune, le risque de fracture de l'odontoïde apparaît au cours des traumatismes à haute énergie, notamment lors d'un accident de la route. Chez le sujet âgé, un traumatisme à basse énergie - une chute par exemple - suffit à provoquer une fracture de l'odontoïde. La présentation clinique des fractures de l'odontoïde est variable, mais leur gravité réside dans le risque de lésions neurologiques - avec une atteinte de la moelle spinale ou de la moelle allongée. En cas de pseudarthrose de la fracture, ce risque persiste à cause de l'instabilité de la jonction crânio-cervicale notamment provoquée par la pression de l'Atlas sur l'Axis. ANDERSON et D'ALONZO [15] ont établi en 1974 une classification des différents types de fractures de l'odontoïde. On distingue ainsi les fractures de type I – qui correspondent à une fracture au niveau de l'apex –, les fractures de type II – fracture au niveau de la jonction entre le corps vertébral de C2 et l'apophyse odontoïde –, et les fractures de type III – fracture passant par le corps vertébral de C2. Il a été constaté que les fractures de type II, les plus fréquentes, consolidaient moins bien que les autres types de fractures. Plusieurs auteurs se sont donc demandés si cette mauvaise consolidation voire non-consolidation était due à une nécrose avasculaire suite à une atteinte du cercle artériel périodontoïdien. L'équipe de GOVENDER [16] notamment a étudié 183 patients avec une fracture de l'odontoïde non opérée. Grâce à des techniques d'angiographie, ils ont cherché à visualiser le cercle périodontoïdien chez des patients dont la fracture avait consolidé et chez des patients chez qui elle n'avait pas consolidé. Les artères ascendantes postérieures, fonctionnellement dominantes, ont pu être visualisées chez tous les patients, ce qui n’a pas été le cas des artères ascendantes antérieures ni de l’arcade apicale de l’odontoïde. Toutefois, cela ne semble pas impacter la consolidation car ces dernières pouvaient manquer chez les patients des deux groupes. Les causes de pseudarthrose sont donc autres. Ainsi, la moindre densité osseuse et la moindre richesse en os spongieux au niveau de la jonction entre le corps de C2 et l’apophyse odontoïde pourraient expliquer que cette région soit moins propice qu'ailleurs à la consolidation. Une autre hypothèse à cette difficulté de consolidation pourrait également être la relative instabilité des fractures de type II de l’odontoïde, notamment en cas d’atteinte du ligament transverse de l’Atlas. Or si le foyer de fracture n'est pas stabilisé, la consolidation est extrêmement ralentie, voire impossible. Il est intéressant de noter que cette instabilité peut être appréciée en fonction de l’importance du déplacement, initial ou secondaire, et de l’angulation de l’apophyse odontoïde. Enfin, la consolidation dépend également de l'âge du patient. 29 Conclusion Le cercle artériel péri-odontoïdien est un réseau anastomotique s'étendant autour de l'apophyse odontoïde et naissant de l'artère vertébrale à hauteur de la jonction entre C2 et C3. C'est en effet à ce niveau que partent les quatre axes verticaux qui soutiennent le cercle : les artères ascendantes. Il est composé de deux artères ascendantes antérieures - qui cheminent à la face antérieure du corps de l'Axis puis de l'apophyse odontoïde - et de deux artères ascendantes postérieures - qui cheminent à la face postérieure du corps vertébral de l'Axis puis postérieurement et latéralement par rapport à l'apophyse odontoïde. Les artères ascendantes postérieures semblent dominer sur le plan fonctionnel. Les deux artères ascendantes postérieures s'anastomosent via l'arcade apicale de l'odontoïde, qui chemine à la face interne du bord antérieur du foramen magnum. Nous n’avons pas mis en évidence d’anastomose entre les deux artères ascendantes antérieures, ni d’anastomose antéro-postérieure entre les artères ascendantes homolatérales. Il existe enfin une suppléance vasculaire du cercle péri-odontoïdien assurée par l'artère pharyngienne ascendante via son tronc neuro-méningé : en effet, nous avons pu mettre en évidence l’anastomose de la branche hypoglosse de l’artère pharyngienne ascendante avec la portion latérale de l’arcade apicale de l’apophyse odontoïde. Pour terminer, lors d’une fracture de type II de l’odontoïde, que cette dernière consolide ou non, les artères ascendantes postérieures ne sont pas lésées. Ce n’est donc pas un défaut de vascularisation qui défavorise la consolidation, mais plutôt la grande instabilité de la fracture, accentuée par un déplacement important et la mauvaise composition osseuse de la région. 30 Références 1. GILROY A, MACPHERSON B, ROSS L. Atlas d’anatomie. Maloine, 2010. 2. KAMINA P. Anatomie Clinique, tome 2 (tête-cou-dos). Maloine, 2013. 3. PATURET G. Traité d'anatomie humaine, tome 1. Masson, 1951 ; 104-9, 350-61, 540-54. 4. DREWS U. Atlas de poche d'embryologie. Flammarion, 1994 ; 176, 178, 294. 5. LARSEN W. Embryologie humaine, 2ème édition. De Boeck, 2003 ; 195-209 6. PANG D, THOMPSON DN. Embryology and bony malformations of the craniovertebral junction. Child’s nervous system, 2011 Avril ; 27(4) : 523-64. 7. FISCHER LP, CARRET JP, GONON GP, SAYFI Y. Arterial vascularization of the axis. Bulletin de l'Association des anatomistes (Nancy), 1976 Juin ; 60(169) : 335-46. 8. SCHIFF DC, PARKE WW. The arterial supply of the odontoid process. 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LASJAUNIAS P. Surgical neuro-angiography, tome 1 : Functional anatomy of cranio-facial arteries. Springer, 1987 ; 132 15. ANDERSON LD, D'ALONZO RT. Fractures of the odontoid process of the axis. The Journal of bone and joint surgery, American volume, 1974 Décembre ; 56(8) : 1663-74. 31 16. GOVENDER S, MAHARAJ JF, HAFFAJEE MR. Fractures of the odontoid process. The Journal of bone and joint sugery, British volume, 2000 Novembre ; 82(8) : 1143-7. 17. GELINAS C, LEVINE AM. Upper cervical spine fractures and instability, chapter 139 of Chapman’s Orthopaedic Surgery (3rd edition). Disponible sur http://msdlatinamerica.com/ebooks/ChapmansOrthopaedicSurgery/sid1653448.html 18. STELTZLEN C, LAZENNEC JY, CANTONNE Y, ROUSSEAU MA. Unstable odontoid fracture : surgical strategy in a 22-case series, and literature review. Orthopaedics and traumatology, surgery and research, 2013 Sep ; 99(5) : 615-23. 32 RESUME LE CERCLE ARTERIEL PERI-ODONTOIDIEN Laboratoire d’Anantomie, Faculté de médecine de Nantes BUT Le cercle artériel péri-odontoïdien est intéressant à étudier car il permet la vascularisation non seulement de l’apophyse odontoïde mais également des structures adjacentes, osseuses – telles que le corps vertébral de l’Axis – ou ligamentaires – comme le ligament transverse de l’Atlas. Ces travaux ont pour but d’approfondir et de compléter les précédentes études réalisées sur le sujet. MATERIELS ET METHODES Cinq têtes ont été utilisées pour cette étude, elles provenaient d’un sujet formolé et de quatre sujets frais. La première, formolée, a été disséquée par voie postérieure puis les artères ont été tatouées à l’encre de Chine. Le réseau carotidien et vertébral de trois autres têtes ont été injectées avec du latex néophrène, puis abordées par voie postérieure. L’une d’entre elles a également été abordée par voie antérieure. Enfin, le réseau artériel de la cinquième pièce a été injecté avec de la gélatine mélangée à l’encre de Chine afin de réaliser des coupes à hauteur de l’Atlas et de l’Axis. RESULTATS Les dissections ici réalisées ont mis en évidence les quatre artères ascendantes. L’étude de ces dernières a permis de montrer leur naissance, leurs branches collatérales, leurs rapports ainsi que leurs anastomoses. CONCLUSION Le cercle artériel péri-odontoïdien est composé de quatre artères ascendantes, deux antérieures et deux postérieures, ces deux dernières s’anastomosant par une arcade apicale. Les artères ascendantes naissent de l’artère vertébrale à hauteur de C2-C3 - soit d’un tronc commun, soit séparément - et abandonnent des branches notamment pour l’Axis, le ligament transverse de l’Atlas ou les bords internes du foramen magnum. Enfin, il est à noter que les artères ascendantes postérieures s’anastomosent avec l’artère hypoglosse homolatérale. Mots clés Artères ascendantes, artère pharyngienne ascendante, artère vertébrale, cercle artériel péri-odontoïdien, processus odontoïde. 33