Qu’est-il arrivé exactement ici? Comment une obscure dynastie de chefs nubiens
issue d’un village proche de l’ancienne Napata a-t-elle pu en deux ou trois
générations devenir la 25ème dynastie de l’Egypte? Ceci semblerait être l’une
des questions non résolues de notre discipline ainsi que de l’égyptologie.
Les questions concernant les origines des temples et des cultes napatéens sont
directement en relation avec les questions concernant les origines de l’état
napatéen lui-même. A la fois les temples et l’état sont apparus simultanément,
mystérieusement, presque complets, à la fin d’un hiatus culturel/archéologique
de près de 3 siècles les séparant de la fin du Nouvel Empire. On peut donc
penser aux temples napatéens comme à « l’empreinte » archéologique des
évènements sociaux et politiques obscurs qui ont donné naissance à l’état. En ce
sens, leurs restes fournissent des « fondations » critiques pour comprendre les
origines napatéennes. Au Gebel Barkal, les connexions entre la période
napatéenne et le Nouvel Empire sont spécialement vives, et j’ai choisi d’utiliser
cet article pour examiner les implications archéologiques et historiques de cette
relation, qui sont profondes.
Le contenu de mon article peut être résumé comme suit. Il commence par un
examen de l’enregistrement archéologique provenant du Gebel Barkal et
conclut, à partir de ceci, que le site était d’une importance bien plus grande pour
les pharaons égyptiens du Nouvel Empire qu’on ne l’avait suspecté jusqu’à
présent. Une utilisation extensive de talatates sur le site révèle, par exemple,
que, juste comme Karnak, il avait été un lieu de culte majeur durant les
premières années du règne d’Akhenaton. Les structures d’Akhenaton à Barkal,
comme à Karnak, furent démantelées par ses successeurs immédiats et les blocs
furent ré-utilisés dans les restaurations majeures des temples d’Amon qui eurent
lieu dans la période post-amarnienne au début de la dynasyie 19. Des siècles
plus tard, les rois napatéens construisirent leurs propres temples ainsi que leur
palais directement au-dessus des fondations des temples et palais du Nouvel
Empire, qui étaient alors tombés en ruine. Leur but fut clairement de restaurer le
sanctuaire du Gebel Barkal exactement comme il avait été durant le Nouvel
Empire. Cette restauration, croyaient-ils apparemment, leur conférait le droit de
réclamer la royauté de l’Egypte (spécialement la Haute Egypte). Puisque leurs
croyances et leurs conduites étaient modelées sur celles des pharaons, ce fait
nous conduit à la conclusion presque inimaginable que les pharaons égyptiens,
également, avant leur abandon du Gebel Barkal, utilisaient le site comme une
justification de leur propre ptétention à la royauté de la (Haute) Egypte.
L’article examine les données textuelles concernant le Gebel Barkal, ce qui révèle
que le sanctuaire, depuis au moins l’époque de Thoutmosis III (et probablement
Thoutmosis I), était appelé par le même nom que Karnak ("Nswt-T3wy") et que son
temple était appelé par le même nom que le temple de Karnak ("Ipt-Swt"). Les textes
rendent clair qu’à la fois les Egyptiens et les Koushites à la suite considéraient le
Gebel Barkal comme étant une manifestation méridionale de Karnak et comprenaient
la montagne nubienne comme étant la résidence du « ka » d’Amon de Karnak. A
partir de leurs premières incursions en Haute Nubie, semble-t-il, les Egyptiens ont
considéré le Cebel Barkal comme étant le Karnak d’origine et la demeure de l’aspect