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de la Création, le mythe éternel. C’est pourquoi la voie
qui traverse une ville ou un temple d’est en ouest, à
l’exemple du soleil, est leur « ligne de vie ».
Cet axe, qui donne au lieu son énergie spirituelle propre,
est appelé decumanus depuis la tradition étrusque et
romaine. Le second geste rituel du bâtisseur est de tracer
une ligne perpendiculaire à l’axe est/ouest : la voie
nord/sud, que les Romains appelaient cardo. Ainsi naît
la croix cardinale propre à chaque ville. De son centre
partiront toutes les voies et toutes les significations
de la cité. Chaque branche de la croix est chargée
d’une symbolique particulière, liée aux quatre étapes
journalières du soleil dans le ciel : c’est l’orientation
sacrée de la ville. Tous les monuments construits sur ces
deux axes participent de cette symbolique.
L’est, où le soleil se lève, nous rappelle les origines, l’aube
de la création, mais aussi l’amour de la force divine
capable de faire émerger la vie, qui nous fait passer de
l’invisible au visible. Le sud symbolise l’apogée du cycle
solaire. L’ouest, la fin du cycle, le passage du visible à
l’invisible. Le nord, où le soleil continue sa course derrière
l’horizon, représente les profondeurs, le point de départ
au cœur de la nuit de l’invisible vers le visible. C’est le
chemin de l’ascension.
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En reproduisant dans les cités, les temples et les palais
sa vision mythique, les civilisations anciennes rendaient
l’homme contemporain de la naissance du monde. Le
retour à l’origine était toujours vécu comme une source
de régénération. Les fêtes du calendrier réactualisent
annuellement la puissance des commencements. Les
rites des fêtes du nouvel an clôturent le cycle temporel,
en ouvrent un nouveau et favorisent la régénération
totale des temps.
Le « dies festus » latin,contient le radical fes qui signifie
« consacré » ; le jour de fête rend donc sacré et sort du
temps profane. Il établit ainsi un contact avec les forces
invisibles ou de l’au-delà qui président à la création. La
géographie sacrée permet de connecter les hommes de
manière permanente avec l’ordre du monde.
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La plupart des civilisations anciennes ont conçu
des matrices représentant leur vision de l’ordre du
monde. Nous les appelons aujourd’hui des psycho-
cosmogrammes. Il s’agit d’une représentation de l’univers
qui permet aux hommes leur réintégration au sein des
forces cosmiques. L’exemple le plus connu aujourd’hui
est celui des mandalas tibétains. Le psychologue Carl G.
Jung démontra que le mandala est une représentation
universelle qui répond au besoin naturel de l’espèce
humaine, au-delà des différentes formes culturelles, de se
situer dans l’ordre du monde et de retrouver son propre
centre. Pour décrypter la ville de Thèbes en Égypte, nous
tâcherons de comprendre la symbolique du psycho-
cosmogramme égyptien.
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Pour l’Égypte, le Nil est un axe fondateur, sa source est au
« commencement du monde ». Son cours sépare les terres
égyptiennes en rive Est (celle des vivants) et rive Ouest
(celle des morts). Les Égyptiens s’orientent en regardant
vers le sud, direction mystérieuse des sources du Nil.
Pour eux, les eaux vivifiantes du fleuve proviennent de
la Douat, région invisible entre le monde terrestre et le
monde spirituel, qui est la source de toute vie ici-bas.
Osiris, qui règne sur la Douat en tant que dieu des morts
et de la renaissance, s’identifie d’ailleurs au pouvoir
fertilisant de la crue. Il annonce la crue et l’éternel retour
de la vie.
Ce jour victorieux détermine le début de l’année (le 17 ou
18 juillet). Pour les Égyptiens, le Nil est en effet le reflet
sur terre de la Voie lactée. Cet amas d’étoiles représente
la source de vie céleste qui, projetée sur terre, devient la
source du bonheur et de l’abondance. Si la crue régit le
calendrier, elle influence également l’organisation de
l’État. En effet, pour tirer bénéfices de l’inondation, il faut
la canaliser dans des bassins et canaux d’irrigation.
L’État égyptien a créé une extraordinaire administration
pour anticiper l’ampleur de la crue et organiser les
travaux grâce à un système de stations et de mesure
installées tout au long du fleuve, depuis Assouan jusqu’à
Memphis. Grâce à ces « nilomètres », les scribes sont en
mesure de calculer la hauteur de la crue, de prévenir
les populations d’éventuels dangers et d’organiser les
travaux des champs.
Toutes ces activités sont coordonnées par le pharaon et
son conseil, responsables de la gestion de la crue et qui ont
pour devoir de garantir le bon ravitaillement du peuple.
L’axe du Nil est en profonde relation avec la fonction
de la royauté qui est de gérer l’État-Providence égyptien.
Grâce à cet axe, la précarité est vaincue et l’espérance
demeure. C’est pourquoi l’axe nord-sud s’appelle axe de
la royauté ou du pouvoir terrestre.
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Le Nil, divisant clairement les terres entre l’Orient et
l’Occident, crée le cadre naturel et métaphysique propice
à la naissance quotidienne du dieu-soleil Rê et de sa
route cosmique.
L’horizon oriental symbolise le point de rencontre des
énergies créatrices. Appelé « lieu du grand combat »,
« mer de sang », ce point signale la victoire de la lumière
sur les ténèbres et de l’ordre sur le chaos. De lui surgit la
vie. L’horizon occidental reçoit le soleil dans sa vieillesse.
Sur cette rive, il change de barque, et sous le nom du dieu
Atoum, entame d’ouest en est, le chemin du retour.
Grâce à sa volonté et à son habileté, il récupère son
éternelle jeunesse pour renaître à l’horizon oriental,
engendrant ainsi un jour nouveau. Perpendiculaire à
l’axe aquatique du Nil, se trouve l’axe de lumière du
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