conceptions du politique sont ébranlées. Les technologies de communication redéfinissent
frontières, institutions, normes, et critères de puissance.
La question est géoéconomique. Avec la guerre économique, la concurrence se fait conflit.
Sabotage ou espionnage, intoxication, déstabilisation ou manipulation se banalisent. La
mondialisation implique des zones d’influence et des stratégies planétaires ; on se bat pour
imposer les règles du jeu ; l’intelligence économique « offensive » mobilise de redoutables
panoplies. La nouvelle économie doit mondialiser et normaliser, donc conquérir des territoires.
Or, qu’il s’agisse d’espaces ou de têtes, les conquêtes se font rarement sans combats.
Le simple citoyen aurait tort de se croire à l’abri. Il est devenu « traçable » ; nul n’échappe à la
surveillance. Sur le Web, chacun peut tout dire, mais chacun est exposé. Après la peur de Big
Brother, voici la crainte des Little Brothers, les entreprises qui épient leurs clients. Invisibilité et
anonymat seraient-ils les premiers droits de l’homme numérique ? Nous hésitons entre diverses
craintes : les firmes qui nous « profilent », les épidémies numériques, le flicage génétique, le
fichage étatique, le vandalisme cybernétique, la caméra au coin de la rue, le satellite au-dessus de
nous. En retour, la technique offre aux groupes en guerre, les armes du faible pour mener actions
militantes et prédations. De nouvelles communautés se forment, de nouvelles tribus aux noms
bizarres, hackers, cyberpunks, lancent des attaques.
Plus déconcertant : les affrontements ne se déroulent pas seulement sur un plan horizontal (État
contre État, particuliers contre particuliers) mais « diagonalement » : moyens étatiques, voire
militaires contre entreprises, citoyens contre État ou entités économiques, etc., sans oublier le
rôle perturbateur d’organisations criminelles parfois aussi puissantes que des États.
Le conflit devient multiforme. Il y a un noyau dur, des agressions bien repérables. Tels des actes,
de destruction ou de prédation effectués sur des systèmes d’information. Souvent, il s’agit de
simples délits. Et puis, autour de ce noyau, s’organisent des cercles concentriques : tout ce qui
touche à l’action indirecte, toutes les formes de contrôle ou d’influence sur les esprits, tout ce qui
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