Art as experience (1934), de John Dewey Tom Stockton 08.01.13

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Commentaire : Art as experience (1934), de John Dewey
Tom Stockton 08.01.13
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C'est moi qui ai traduit toutes les citations dans ce document, pour cette raison je vous déconseille
de les réemployer tel que vous les trouvez ici.
Pour toute question : [email protected]
I Remarques initiales par rapport au texte et à l’œuvre de John Dewey:
a) Qui est John Dewey ?
Pour commencer qui est John Dewey ? Né à Burlington dans le Vermont en 1859, John Dewey
est selon les mots de Jean-Pierre Cometti, “l'un des piliers du pragmatisme américain”, un
philosophe de premier plan dont nous ne commençons que maintenant à dire l'importance en
France. Témoignage de ce fait: il ait fallu attendre 2012 pour que la revue philosophique Critique
“retourne à Dewey” selon les mots du titre de l'édition en question.
b) l'expérience au centre de la pensée de John Dewey
Mais pourquoi s'intéresser dans un cours d'art contemporain à un homme qui n'est ni artiste ni
critique ? Voilà ce que nous allons essayer de découvrir:
Au centre de la philosophie de Dewey est la notion de l'expérience, notion que l'on retrouve dans
les titres de ses œuvres majeures et dans le titre de l'ouvrage qui nous intéresse tout particulièrement
ici l'art comme expérience. C'est véritablement cette notion centrale qui fait que Dewey s'inscrit
dans le courant de la philosophie pragmatiste, courant fondée par Charles Sanders Peirs au tournant
du XIXe siècle.
Dans Experience and Nature , Dewey déclarait:
“Things are what they are experienced as”
Littéralement: “Les choses sont tel que nous en faisons l'expérience”.
Avant de continuer j'aimerai tout de suite adopter la proposition de Stéphane Madelrieux qui
traduit “experience” par le néologisme expériencer pour que nous puissions dire:
“les choses sont telles que nous les expérioncons”.
Plutôt que:
“Les choses sont tel que nous en faisons l'expérience”
Pourquoi ? En fait ce néologisme est plus proche de l'idée de Dewey, qui voit une continuité
entre le sujet et l'objet “expériencé”. “Faire l'expérience de” à le tord d'introduire une barrière entre
le sujet et l'objet voilà pourquoi il est bon d'abandonner cette expression.
Pour revenir au sens de cette proposition,
“les choses sont telles que nous les expérioncons”,
nous pouvons dire qu'il y a parenté entre l'expérience qu'un sujet fait d'une chose du monde et
cette chose. Autrement dit, et ceci devrait éclairer le titre de l'ouvrage, l'art n'existe pas en dehors de
notre expérience de l'art. Dans ce sens, dire qu'un objet est intrinsèquement artistique n'a pas de
sens. Si l'on veut comprendre l'art il faut comprendre l'expérience esthétique que vit le sujet en
présence des œuvres d'art.
Dans ce sens l'esthétique de Dewey est non essentialiste.
c) les limites du refus de l'essentialisme
Cette position est tout à fait novatrice dans la théorie philosophique de l'art. Mais la simple
nouveauté ne fournit pas une raison suffisante pour étudier ce texte de Dewey. Si nous précisons le
mot chose dans cette expression. pour limiter sa porté à l'art nous obtenons “ l'art est tel que nous
l'expérioncons”. Or une première analyse révèle cette proposition comme tautologique. Elle ne
semble pas nous avancer dans une compréhension de l'art. Les qualités qui font d'un objet, une
œuvre d'art ne sont pas explicités. A première vue il semble alors difficile pour l'historien de l'art de
se servir de cette définition pour identifier ce qui est artistique où non.
d) Des références artistiques limités
Autre fait initialement déconcertant: dans le texte que nous allons lire, John Dewey n'aura
recours, pas à une seule fois à une œuvre d'art pour servir de fondation aux arguments esthétiques
qu'il y énonce. La lecture de l'Art comme expérience que l'on n'hésite plus aujourd'hui à proclamer,
l'un des plus innovants et influents traités d'esthétique écrit aux États-Unis, se révèle être décevante
pour l'historien de l'art qui aimerait y trouver des exemples précis d’œuvres d'art en accord avec les
idées révolutionnaires qui y sont développés.
Dans la postface de la plus récente édition française de l'art comme expérience, intitulé John
Dewey et les arts visuels aux États-Unis, Stewart Buettner écrit et je cite :
“Il ne fait aucun doute que nombre des profondes transformations qui ont traversé les arts et les
lettres aux États-Unis depuis la seconde guerre mondiale seraient bien difficiles à saisir sans
référence aux théories esthétiques de John Dewey.”
En écrivant ceci Buettner rend hommage à l'importante postérité et influence que la philosophie
de Dewey a eu sur l'art américain d'après guerre. Influence tout à fait déterminante pour les artistes
post expressionnisme abstrait, qui gravitaient autour de John Cage, et que nous étudions dans ce
cours.
Pourtant, c'est difficile de faire l'inverse, d'essayer de comprendre les révolutions opérés par la
philosophie esthétique de Dewey à travers les exemples déployés par l'auteur dans son ouvrage.
D'abord parce qu'elles n'abondent pas, mais aussi parce que les exemples présents, semblent
presque relever d'une autre époque, du fait de leur relative conventionna lité, contrastant ainsi avec
les théories quasiment “avant-gardistes” de Dewey.
Les artistes les plus cités sont presque exclusivement européens, et bien que très innovants en
leur temps, ils ne peuvent plus être considérés dans les années 1930 comme étant à la pointe de
l'avant garde.
En littérature c'est William Wordsworth (1770-1850) qui est le plus cité. Pour les arts plastiques
la référence semble plutôt être Paul Cézanne (1839-1906).
Pourtant, quand Dewey prononce pour la première fois ses opinions esthétiques lors d'une
dizaine de conférences organisés à Harvard au printemps 1931, des exemples plus frappants d'arts
qui transcendent les barrières délimitant les catégories essentialistes comme: peinture, sculpture,
musique, poésie etc. sont visibles et commencent à être connus dans les cercles intellectuels
américains.
e) l'extension du domaine de l'art permis par le refus de l'essentialisme
Nous venons de dire qu'une des idées clefs de l'esthétique de Dewey réside dans un refus de
définir l'art selon un critère essentialiste. C'est-à-dire, qu'il ne vas plus proposer une définition de
l'art qui exhibe une qualité intrinsèque à l'objet d'art dans le but de le séparer des autres objets du
monde environnant. La conséquence de cette position ontologique, sera que l'on ne bornera plus
l'art à des catégories définis a priori, et l'on arrivera même à mettre en doute la nécessité de parler
de l'art en tant qu'objets. (d'où le titre du livre de Dewey “l'art comme expérience”).
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Les développement de l'art post guerre vont mener des artistes comme Cage, Kaprow ou
Rauschenberg à produire plutôt que des objets classiquement identifiables comme œuvre d'arts, des
“expériences” multi sensoriels que l'on appellera des happenings ou des performances. En
regroupant ces nouvelles pratiques qui naissent à la toute fin des années 50 sous le nom de “Theatre
of mixed means”, c'est-à-dire de “théâtre des moyens mélangés”, le critique Richard Kostelanetz
insiste, en rapprochant le happening du théâtre sur l'importance de l”'expérience”- c'est évidemment
la forme artistique traditionnelle qui enjambe je plus facilement le fossé entre l'art et la vie. Mais il
insiste aussi sur le mélange des genres comme en témoigne l'expression “moyens mélangés”.
Certes les happenings n'existent pas avant 1958, mais il faut considérer le travail de Kaprow, qui
emploi pour la première fois le vocable cette année là, comme l'aboutissement d'un long processus
qui petit à petit à rogné les frontières entre les “différents” arts.
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En 1931, lorsque Dewey écrit, cela fait déjà presque 20 ans que l'Armory Show de 1913, à révélé
à New York l'art européen et ses avant gardes. Le choc initial qu'avait causé la déconstruction
formelle de la figuration dans la peinture de Duchamp, est passé. Une œuvre aussi révolutionnaire
soit t elle dans sa représentation du temps et de l'espace, comme le nu de Duchamp, demeure tout de
même fixement cloîtré dans le genre de la peinture.
Selon le critère du médium, il n y a guerre de rupture entre la peinture de Duchamp et la peinture
de Cézanne que Dewey cite très souvent. Toutes deux rompent avec la tradition dans la manière
formelle d'exploiter le médium peinture sans en atteindre à ce médium.
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En comparaison le readymade de Duchamp refusé en 1917 à l'exposition de la fondation des
artistes indépendants de New York, amorce la problématique du médium de l'art, en défiant toute
catégorisation. S'agit-t-il d'une sculpture ? Et est ce seulement une œuvre d'art ?
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Dans le champ littéraire, les poètes surréalistes proposent dans le même temps des œuvres qui ne
sont plus simplement à lire mais à regarder. En comparaison les strophes de Wordsworth cités par
Dewey ne transcendent pas la catégorie de la poésie et restent alignés sur une conception ancienne
de l'art.
Au regard de ces exemples nous pouvons être déçus par le spectre restreint et parfois démodé
des références de Dewey. Mais si j'ai choisi ces exemples ce n'est pas dans le but de montrer que
déjà à son époque Dewey n'était plus pertinent pour un monde de l'art en perpétuel métamorphose,
au contraire. J'ai choisi ces exemples:
– premièrement parce que Duchamp et les surréalistes vont être comme Dewey, les catalystes
du changement dans le monde de l'art qui aura lieu aux États-Unis.
Pollock va par exemple insister sur le fait que ce sont les surréalistes qui ont permis de penser la
peinture en tant qu'acte plutôt que simplement en tant qu'objet.
– Mais aussi parce que l'on va trouver chez ces artistes, des perspectives communes à celles de
Dewey.
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f) Dewey et Duchamp
Avec son installation pour l'exposition de 1942, Duchamp semble combattre une perception
purement rétinienne de l'art et ce qu'il nomme la tyrannie de la vision. En obstruant la vision des
peintures au moyen de ses cordes Duchamp pousse le spectateur à interagir avec l'environnement et
les œuvres. L’œuvre d'art est plus que le simple objet que l'on suspend au mur et que l'on regarde
passivement, l’œuvre d'art est un expérience une interaction entre le spectateur l'objet et
l'environnement. Nous verrons que Dewey insistera également sur la notion d’échange et de contact
entre l’œuvre l'environnement et le spectateur.
Dewey est donc dans sa théorie tout à fait en accord voir en avance sur la pensée des artistes de
son temps. Ce qui initialement apparaissait comme une faiblesse de l'esthétique de Dewey, à savoir
la définition de l'art qui ne dit rien sur la nature de l'art, devient une qualité dans l'environnement
artistique post guerre. Avec une définition non essentialiste de l'art, les artistes vont pouvoir
explorer de nouveaux médiums.
Donc c'est en étant une anticipation théorique de dans certains cas une cause des transformations
de l'art que la philosophie de Dewey à un intérêt pour l'historien. Pour faire état de l'importance de
Dewey je vais au risque d'être anachronique essayer de montrer à l'appui d'exemples pris dans l'art
qui à suivi John Dewey quels conséquences la pensée de cet auteur à sur la manière de faire, de voir
et de commenter l'art.
Le Texte
II Première partie du Texte: l'expérience “normale” au fondement et comme voie d’accès à
l'esthétique
§1
Lecture
a) Première introduction à “l'esthétique naturalisée” de Dewey.
Nous allons voir que Dewey pose ici les fondations de ce que Jean-Pierre Cometti nomme une
“esthétique naturalisé”, avec cette expression il veut dire que pour Dewey l'expérience esthétique
est seulement une interaction élémentaire entre le sujet et le monde qui l'entoure, tout à fait
comparable avec n'importe quelle autre expérience ordinaire.
En fait c'est plus fort qu'une simple parenté entre les deux types d'expérience. L'idée vraiment
fondamentale que Dewey énonce ici, c'est que l'expérience artistique, donc l’interaction élémentaire
entre un sujet et quelque chose dans le monde qui entoure le sujet et qui produit sur ce sujet une
certaine satisfaction que l'on dit esthétique, est à la base une expérience tout à fait ordinaire qui a
évolué. Donc l'idée principale à retenir ici je vous la donne avec les mots de Dewey:
“[...] la qualité esthétique et artistique demeure dans chaque expérience ordinaire”.
De cette idée nous pouvons déjà tirer une première conséquence à savoir qu'il n y a pas de
différence fondamentale entre l’œuvre d'art et le reste des choses qui nous entourent dans ce monde.
b) Deux questions sur les méthodes de Dewey
Mais, comment fait il pour en arriver là ? Et aussi pourquoi est ce que Dewey parle de plantes,
dans un texte sur l'art ?
(Réponse à la deuxième question:)
Je vais commencer par répondre à la deuxième question parce qu'elle nous ouvre la voie pour
répondre à la première.
Dans l'introduction j'ai annoncé que Dewey n'allait pas parler d’œuvres d'art concrètes dans ce
texte. Il écrit un texte théorique
Or comme il l'explique au par avant:
“la théorie est affaire de compréhension. Son objectif est de découvrir la nature de la production
des œuvres d'art et du plaisir que leur perception procure.”
Comme tout autre philosophe il veut donc comprendre et formuler une théorie qui explique
pourquoi une œuvre d'art produit sur nous un effet si agréable et comment l'on peut produire des
objets qui ont également cet effet sur nous.
Mais:
Il nous dit avant cela : “Ce n'est pas […] par un intérêt exclusif porté immédiatement aux
grandes œuvres d'art reconnues comme telles que l'on favorisera la compréhension de l'art et de son
rôle dans la civilisation.”
Donc on trouve ici une explication aux exemples botaniques qui inaugurent ce texte : en fait les
exemples d'arts sont des obstacles à une première compréhension de l'expérience esthétique.
Pour Dewey c'est un problème de méthodologie. Nous verrons dans le paragraphe suivant que la
philosophie de Dewey est une philosophie de l’évolution. Il est évident pour lui que l'expérience
commune à précédé généalogiquement les expériences particulières, tel que l'expérience esthétique.
Il faut donc commencer par comprendre l'expérience ordinaire et comprendre de quelle manière elle
contient les germes de l'expérience esthétique pour comprendre cette forme évolué de l'expérience,
qu'est l'expérience esthétique.
(Résponse à la première question:)
C'est ici que nous retrouvons notre première question qui était: comment fait-il pour montrer que
les qualités esthétiques sont déjà présentes dans les expériences ordinaires?
Et bien tout simplement, Dewey commence par analyser une expérience ordinaire. Cette
expérience est celle de toute personne qui cultive une plante. Il en tire deux constats:
Le premier est fort simple comme le souligne l'emploi du mot “banal” qui l'introduit, et consiste
en l’affirmation qu'il est nécessaire de comprendre “les conditions d'existence” d'une plante pour
pouvoir contrôler sa croissance et sa floraison. Ce qu'il veut dire tout simplement c'est que : Pour
faire pousser une plante dans mon appartement j'ai besoin de savoir quel quantité d'eau et de
lumière lui fournir et dans quelle type de terre la planter pour la faire pousser, si je ne sais pas
précisément ce dont la plante à besoin, la survie de la plante ne dépendra pas de moi mais du
hasard. Soulignons tout de suite cette idée qu'il faut comprendre l'effet de nos actions pour nous
considérer “auteur” d'un effet.
Jusqu'ici, ce constat semble tout à fait banal. Pourtant un détail fait que ce constat n'est pas aussi
banal que Dewey le suggère. La plante Dewey nous indique est aussi “source de beauté et de
plaisir”.
“Comprendre” pour Dewey nous l'avons déjà dit, consiste à identifier et reconnaître les
interactions entre le sujet et le monde. Identifier qu'il faut arroser une fois par semaine sa plante,
revient donc à comprendre les conditions d'existence de la plante. Et en sachant quels sont les
conséquences de nos actions sur la plante, nous en avons une expérience que Dewey nomme
“achevée”.
Cette notion de l'expérience comme “chose achevée” est à la clef de la notion d'expérience
esthétique chez Dewey. Une expérience est dite achevée lorsque “le matériau expériencé est arrivé à
son terme de manière satisfaisante”.
Dans un article sur l'esthétique de Dewey D. W. Gotshalk écrit : « L'esthétique existe lorsque un
sens de la totalité entre dans l'expérience. Une expérience doit se développer naturellement et avoir
un point de culmination, une fin mais également un milieu et un début. Mais lorsque l'expérience se
joue dans son entier, cette expérience est alors une expérience esthétique. »
Dans l'exemple de la plante comprendre que le fait d'arroser la plante est la cause de sa
croissance et donc du plaisir que j'en dérive, fait que l'expérience est achevé. L'expérience
quelconque devient une expérience délimité parmi toutes les autres et devient une expérience, qu'il
faut comprendre comme singulière dans l'esprit du sujet. C'est parce que je prends conscience que
mes actions, ou les actions d'autrui, produisent un effet final, c'est-à-dire que l'on ne progresse pas
ensuite à autre chose, que l'on a une expérience achevée. La beauté de la plante est un point final
dans le développement. Cette intuition de l'achevé est au centre de l'expérience artistique, lorsqu'un
peintre étale de la peinture sur une toile, il le fait en vue de l'effet final, qui est l'expérience
satisfaisante du tableau. Mais Dewey le montre , l'achevé ce trouve aussi dans l'expérience ordinaire
seulement dans une moindre mesure.
c) L'influence de Dewey sur la pédagogie du Black Mountain College et sur Joseph Albers en
particulier.
Quels sont alors les conséquences pour le monde de l'art ?
– D'abord cela veut dire que n'importe quel expérience peut devenir une expérience esthétique.
L'art n'est plus alors limité aux formes traditionnelles.
Stewart Buettner le résume très bien lorsqu'il écrit:
“Dans la formulation la plus simple [de l'art comme expérience], cette définition recouvre
toutes les définitions antérieures de l'art de sorte que beaucoup d'objets et d'activités humaines
considérés hors des limites de l'art possèdent désormais certaines qualités esthétiques”.
– Ensuite, en montrant qu'il est possible de comprendre esthétiquement un objet, comme une
plante en comprenant les conditions et facteurs qui en sont à son origine, Dewey ouvre la voie à une
pédagogie de l'art, qui explique comment sont faits les objets d'art, d'après l'expérience que nous en
faisons. Cette idée est tout à fait déterminante dans l'élaboration de la pédagogie du Black Mountain
College. Nous avons dit la semaine dernière que la pensée pédagogique de dewey était très bien
connu par le fondateur du collège, John Andrew Rice. Dewey qui a siégé au conseil consultatif du
college au début des années 1930, a également eu une influence considérable sur Joseph Albers.
( => )
Celui ci à écrit en 1935, un article sur la pédagogie de Black Mountain, au quel il donna le titre
de Art as experience, et ce titre n'est pas du tout une coïncidence.
Voici un passage de cet article:
“La vie est variations – jour et nuit, froid et chaud, beau temps et pluie. La vie est plus entre les
faits que les faits eux mêmes. Les règles sont les résultats de l'expérience et viennent après, et la
découverte des règles se révèle être plus abondant de vie, que leur application. Linnaeus, le
botaniste, construit ses classifications après bien des expériences et bien des investigations.
Comment aurions nous pu commencer les études en botaniques d'enfants en commençant avec les
résultats finaux ! Je pense que l'heure est maintenant arrivé d'opérer un changement de méthode
semblable dans la manière dont nous enseignons l'art: il nous faut dépasser l'étude de l'art
comme une partie de la science historique pour arriver à une compréhension de l'art comme une
partie de la vie.”
L'influence du texte de Dewey est tout à fait manifeste, les expériences de la vie sont les
matériaux de l'art et l'art est une partie intégrante de la vie. On retrouve aussi ici cette idée
fondamentale du cours préparatoire que Albers apporte du Bauhaus. L'artiste doit commencer par
expérimenter avec les formes, les matières pour déterminer empiriquement, quels effets esthétiques
sont produits par quels combinaisons. Souvenons nous Dewey dit qu'il faut comprendre la
conséquence de nos actions pour pouvoir nous dire auteur des effets produits. Albers s'inscrit
clairement dans la continuité de cette pensée.
( => )
On retrouve ces idées dans ces propres tableaux
(Hommage au carré, série entre 1950 – 1976 (mort de l'artiste) dimensions des carrés déterminés
mathématiquement, travail expérimental sur les interactions de couleurs.
Albers publie Interaction of color, de “l'interaction des couleurs”)
Mais cette idée que l'on peut trouver les conditions physiques de l'expérience esthétique, est une
vision qui dans un sens déspritualise l'art, et est aux antipodes des idées romantique de l'artiste et du
génie, où la beauté ne peut s'expliquer, et l'artiste demeure toujours incompris. Dewey à conscience
que sa position ne sera pas apprécié de tous, il écrit ainsi:
“la comparaison entre la naissance d’œuvres d'art à partir d'expériences ordinaires et l'affinage
des matériaux bruts qui en fait des produits de valeur peut sembler à certains une comparaison
indigne voire une véritable tentative de réduction des œuvres d'art au rang d'articles fabriqués à
des fins commerciales.”
Ce qu'il veut comprendre, et c'est dans ce sens qu'il faut lire la fin du paragraphe, c'est pourquoi
avons nous dans un sens oublié l'origine de nos expériences esthétiques. Et pourquoi en sommes
nous arrivés à cette idée que les qualités esthétiques d'un tableau sont tirés ex-nihilo de l'intériorité
de l'artiste et sont dans ce sens “artificiels”, c'est-à-dire générés par l'artiste. Dans les paragraphes
qui vont suivre ce n'est pas tant cette question qui va préoccuper Dewey, il va donner une première
réponse à cette question dans le dernier paragraphe du texte pour ensuite la développer dans le
chapitre suivant. Ici c'est la question de comment l'on passe d'une expérience ordinaire à une
expérience esthétique qui va l'intéresser en premier lieu.
§2
Lecture
a) l'être vivant
( => )
Pour comprendre ce deuxième paragraphe il n'est pas inutile de s'intéresser brièvement au
découpage en chapitres de l'art comme expérience:
Le premier chapitre d'où est extrait notre texte est intitulé, l'être vivant. Avec ce titre Dewey fait
référence au sujet qui “expérience”. Classiquement dans un traité d'esthétique, comme la Critique
de la faculté de juger de Kant l'homme seul est capable, de formuler des jugements de goût.
Si Dewey avait écrit un livre dans la lignée kantienne il aurait sans doute choisi un autre titre
pour ce chapitre fondateur qui traite de l'expérience esthétique. Il faut remarquer que ce n'est
seulement qu'a partir du chapitre X que Dewey recours à un titre qui place l'homme au centre de son
esthétique, les premiers chapitres sont décidément “naturaliste”. Malgré tout l'Art pour Dewey reste
une activité proprement humaine comme en témoigne le titre du chapitre final “art et civilisation”.
Pourquoi parle-t-il alors d'un “être vivant” ? Pourquoi ne limite-t-il pas le sujet “expérienceur”
au seuls humains?
b) Dewey et Aristote
( => )
En fait Dewey renoue ici avec la philosophie d'Aristote, qui dans une certaine mesure donne aux
animaux, non pas une faculté de juger esthétique mais la possibilité de ressentir le plaisir et la peine,
et donc d'avoir une notion cognative de l'agréable. Comme en témoigne cet extrait du traité de l'âme
d'Aristote:
“Les plantes ne possèdent que la faculté nutritive, d'autres êtres [les animaux] possèdent celleci et, en outre, la faculté sensitive ; et, s'ils possèdent la faculté sensitive, ils possèdent aussi la
faculté désirante, car sont du désir l'appétit, le courage et la volonté ; or les animaux possèdent
tous, au moins l'un des sens […], et là où il y a sensation, il y a aussi plaisir et douleur, et ce qui
cause le plaisir et la douleur ; et les êtres qui possèdent ces états ont donc, aussi l'appétit, car
l'appétit est le désir de l'agréable.”
Ce qu'il faut retenir de ce passage d'Aristote pour comprendre Dewey c'est cette idée que
l'animal présente dans un état embryonnaire un certain sens esthétique dans la mesure ou la nature
l'a doté de sensations lui permettant de distinguer l'agréable du désagréable. L'animal d’Aristote
entretient un rapport de communication direct avec son environnement. Il est capable de fuir tout ce
qui lui est désagréable et donc potentiellement dangereux, tout comme il va rechercher ce qui lui est
agréable et qui peut donc lui faire du bien. L'animal ne peut pas avoir des expériences esthétiques
dans le sens humain, mais il n'est pas pour autant coupé du monde.
Il faut ce rappeler que pour Dewey, “'expérience normale” et antérieure généalogiquement aux
expériences esthétiques. Si Dewey parle de l'être vivant et non seulement de l'homme c'est parce
qu'il pense qu'il faut d'abord comprendre l'expérience normale avant que de passer à l'expérience
esthétique comme il l'explique au début de ce paragraphe. Ce n'est pas le fait d'être humain qui nous
donne accès par nos sensations au monde qui nous entoure mais le fait que nous sommes des êtres
biologiques que nous sommes des êtres vivants.
c) Dewey et Darwin
La dernière phrase de ce paragraphe:
“les organes avec lesquels (l'homme) se maintient en vie ne viennent pas uniquement de lui mais
existent grâce aux luttes et aux avancées d'une longue lignée d'animaux qui l'on précédé”.
Révèle l'autre influence sur Dewey, qui est la théorie darwinienne de l'évolution des espèces. Le
corps de l'homme est celui évolué des animaux, et comme ce corps animal, le corps de l'homme est
en quelque sorte programmé archaïquement pour réagir de manière viscérale au monde qui
l'entoure. Comprendre ces réactions, qui sont des réactions biologiques entre les organes et
l'environnement c'est comprendre à terme l'expérience esthétique et l'art.
d)Dewey et le corps
d i) body art américain
Le corps et les sensations bestiales, vont alors prendre dans l'esthétique de Dewey une place
d'importance qu'ils n'avaient pas historiquement. Jean-pierre Cometti écrit dans ce sens :
“l'esthétique traditionnelle a été marquée par une conception du goût ou du plaisir qui en a
souvent évacué la dimension sensible ou plus exactement sensorielle. […] Les conséquences de
cette sous-évaluation, voire de cette méconnaissance, sont multiples; ses répercussions affectent
aussi bien nos concepts d'art et d'expérience esthétique que leur point d'application, leur étendue, la
hiérarchie des arts et des modalités d'évaluation, voire notre propre rapport au corps et les
représentations qui lui sont liées dans le contexte sociale et politique.”
( => )
la “redécouverte” du corps et de l'instinct primitif et animal qui l'anime, va être tout à fait
déterminant pour l'art américain, post guerre. On peut se demander si toutes les émanations du body
art américain, ne doivent pas d'une certaine manière une partie de leur pensée révolutionnaire
indirectement à Dewey. Il ne faut évidemment pas pousser trop loin la filiation, mais tout de même.
Chez Vitto Acconci et Bruce Nauman, n y a-t-il pas dans cette manière d'éprouver et montrer le
corps en vidéo, une manière d'enregistrer les expériences de l'artiste ?
Paul Mcarty Hot Dog,
Cet artiste exploite véritablement nos instincts les plus primitifs, qui nous poussent à la
conservation de soi. Il y a une communication directe entre l'artiste et son publique.
( => )
Pour Shusterman, l'idée que Dewey trouve les germes de l'esthétique dans le corps que nous
partageons avec l'animal, doit également être rapproché de la pensée de Nietzsche. Et effectivement
dans la naissance de la tragédie « Nietzsche défend le point de vue que l'art est née de racines
naturelles, que l'art est une expression de « la vie débordante » ou de « l'action vivante » émergeant
des « plus profonds ressources de l'homme », « des plus profondes abîmes de la nature ». Avec le
généalogiste, Dewey insiste comme Nietzsche sur une origine primitive et fondamentale de l'art.
Dans ce sens, nous pouvons comprendre l'influence que Dewey à eu sur l'école de New York
dans les années 1940. Nous pouvons le lire dans la fameuse déclaration, d'un retour en peinture vers
les sujets tragiques et éternels, et d'une affinité avec l'art archaique et primitif, de Rothko, Gottlieb
et Newman. Ce dernier avait très certainement connaissance de la philosophie de Dewey.
( => )
d ii) Pollock
Mais c'est l'influence de Dewey sur Polock qui à le plus interrogé les historiens de l'art.
Il est intéressant de relire les déclarations de Polock rapportés par Rosenberg dans son article,
American Action painters, (1952), dans le prisme de Dewey. En fait bien plus que l'artiste il semble
que c'était le critique qui à été influencé par le philosophe. Rosenberg lui même reconnaît que les
artistes ne sont pas très intéréssés par la philosophie. Mais il ne faut pas négliger la manière dont
Rosenberg à façonné l'image de Pollock et des artistes de New York, contribuant à changer
radicalement l'expérience que l'on pouvait en avoir de leurs œuvres.
On lit dans le Pollock de Rosenberg, qui dit:
“Ma peinture n'est pas de l'art, c'est un être”, “Ce n'est pas une image d'une chose, c'est la
chose en elle même.”; “Ma peinture ne reproduit pas la nature, c'est la nature.”
Une sorte de volonté d'ancrer l'art dans le monde réel. Une importance de l'intinct animal.
She Wolf:
– influence des surréalistes dans les signes (Miro) comme les pictograph de Gottlieb =>
l'expérience, se libère, sorte de transe ritualisé.
§3
Mais c'est avec la notion d'environnement, que nous allons découvrir dans le paragraphe suivant
que l'on va trouver une véritable continuité entre la peinture de Pollock et la philosophie de Dewey.
Lecture
a) définition de l'expérience.
“L'expérience sous sa forme élémentaire” Dewey nous dit va nous servir de “point de départ”
pour élaborer une théorie esthétique. Mais avant d'aller plus loin, essayons de repréciser ce qu'est
l'expérience pour Dewey. Nous avons vu que, l'expérience résultait d'interactions élémentaires entre
le sujet et son environnement. Mais ne pouvons nous pas trouver une définition plus précise de
l'expérience ?
Il faut savoir que Dewey propose une toute nouvelle entente de l'expérience, Stéphane
Madelrieux en comparant l'expérience de Dewey avec les définitions historiques de l'expérience
écrit:
“les philosophes passés ont abusivement sélectionné et valorisé un aspect de l'expérience en en
faisant l'essence de toute expérience, alors que toute expérience [selon Dewey] est à la fois sensible
et pratique, passive et active, en même temps appuyée sur le passé des habitudes acquises et tendue
vers le futur des vérifications à faire dans le présent d'une interaction constante avec le monde.”
Il faut comprendre que l'expérience de Dewey n'est pas à prendre seulement dans le sens :
- de l'antiquité, comme la connaissance “empirique” c'est-à-dire un savoir faire pratique acquis avec
l'age et l'habitude.
- de l'age classique, comme empirisme, c'est-à-dire le donné passivement reçu par les sens, c'est le
sens de Descartes dans l'expérience du morceau de cire des méditations métaphysiques
- de l'époque moderne et scientifique, comme ce qui confirme au moyen d'un protocole scientifique
un modèle théorique.
En fait l'expérience de Dewey englobe toutes ces définitions historiques. Ces définitions
historiques ne sont, en fait que des formes particulières d'expérience, et des moyens variés
d'interpréter les interactions entre le corps biologique de l'être vivant et le monde. Dans ce sens
notre définition initiale est à retenir. En fait l'expérience est la totalité de l'existence de l'homme.
L'existence est ce flux perpétuel d'expérience indifférenciés dans lequel parfois des objets ou des
événements se démarquent et deviennent “une expérience”.
De la nous pouvons comprendre ce que Dewey dit avec: “l'existence se déroule dans un
environnement; pas seulement dans cet environnement mais aussi à cause de lui, par le biais de ses
interactions avec lui.”
Puisque l'existence est ce flux d'expériences et ces expériences sont l’interaction entre l'être
vivant et le monde, l'on peut dire que sans ce monde sans cet environnement l'homme n'existerait
pas. L'homme comme la plante du premier paragraphe est affecté par son environnement, son
environnement lui donne une existence. Voilà l'idée qu'il faut retenir de ce paragraphe.
( => )
b) l'art comme action
Mais quel peut en être alors la conséquence de cette pensée pour l'art ?
Si l'homme et son environnement sont dans une dialectique dynamique, où les deux s'influencent
mutuellement. L'art ne peut plus que prendre le statut d'action. L'art résulte de l'action de l'homme
sur son environnement et les matériaux qui le compose et de l'action retour de l'environnement.
La sculpture sur caoutchouc de Richard Serra, nous donne une illustration assez parlante de cette
nouvelle façon de ce comporter devant les matériaux de l'environnement.
- D'abord il faut remarquer, le choix étonnant du matériau. Serra a réalisé dans les années 60
une série importante de ces sculptures uniquement faits dans ces “feuilles de caoutchouc”. L'artiste
puise donc sans restriction dans son environnement.
– Ensuite c'est véritablement de l'art comme action, que Serra nous offre. => Il a déterminé un
certain nombre de verbes d'action comme par exemple “To lift”, “soulever” et c'est actions il décide
de les imprimer dans sa sculpture.
"l'idée m'a frappé, à la place de me demander comment serrait la sculpture et comment cette
sculpture serait réalisé du point de vue de sa composition; et si je mettait en action ces verbes en
relation du matériau, sans me soucier du resultat ?”
– On a vraiment cette idée de retenir des traces laissés par une expérience sur un
environnement et influencés par l'environnement, plutôt qu'une simple représentation d'une
expérience physique.
( => )
C'est dans cette idée que réside le lien entre Dewey et Pollock, je vous livre un extrait de
American Action Painters de Rosenberg.
“ A un certain moment la toile à commencé à apparaître à un peintre américain après un autre
comme une arène dans lequel agire – plutôt qu'un espace dans lequel reproduire, re-configurer,
analyser ou “exprimer” un objet véritable ou imaginé. Ce qui allait être mis sur le tableau n'était
plus une image mais un événement.”
Harold Rosenberg dans, American Action Painters, 1952
Lorsque Pollock parle lui même de sa peinture il révèle l'importance de son interaction avec
l'environnement :
“Ma peinture ne vient pas du chevalet. Je préfère accrocher, ma toile sur le mur dur ou le sol.
J'ai besoin de la résistance d'une surface dure. Par terre je suis plus à l'aise. Je me sens plus
proche, plus une partie de la peinture, puisque de cette manière je peux marcher autour, travailler
depuis les quatre côtés et littéralement être dans la peinture.”
Jackson Pollock
§4
Dans le prochain paragraphe nous allons voir qu'un rythme naturel scande l'existence de
l'homme dans son environnement. Au moyen d'exemples pris dans le monde de tous les jours,
Dewey nous donne à voir le fonctionnement de l'existence, en faisant ceci Dewey nous explique
pourquoi la délimitation d'expériences singulières est importante pour notre survie :
lecture:
a) partie 1 : “ le grognement […] a domestiqué ”
Dewey choisit ici l'image du chien, sans doute parce que c'est un des animaux domestiques les plus
courants et les plus expressifs. Ce qu'il veut montrer, c'est que nos pulsions les plus vitales, nos
émotions pures et simples, à nous hommes sont, en fait des réactions élémentaires à des changement
dans notre environnement. Pour ce faire il poursuit sa thèse d'une continuité biologique entre
l'homme et l'animal, qu'il nous a donné à voir dans les paragraphes précédents. C'est dans
l'expérience commune d'un chien, que Dewey pense situer les fondements, que l'on peut dire
“généalogiques” de l’expérience esthétique de l'homme. Si le chien, grogne, hurle ou bas de la
queue c'est la manifestation directe, d'un changement important dans son milieu. Ce changement
peut être perçus par le chien comme un changement positif (le retour du maître) alors le chien bas
de la queue, ou ce changement peut être perçus comme un changement négatif (le maître
l'abandonne) dans ce cas le chien hurle.
Poursuivons la lecture
Lecture
b) partie 2 : “Chaque besoin, […] un heureux hazard”
Dewey explique ici, que l'existence est un cycle qui alterne entre une adéquation et une
inadéquation de l'être vivant à son milieu. L'être vivant actif, n'est jamais comblé de manière
durable par son environnement. Comme le chien l'homme qui ne se trouve pas en adéquation avec
son environnement éprouve une sensation physique directement produite par l'environnement. C'est
une sensation de besoin. Au contraire lorsqu'il est en adéquation, le besoin disparaît et est remplacé
par une sensation de satisfaction.
L'exemple de Dewey est la respiration. L'être vivant a besoin de respirer. Retenez votre souffle
et vous n'êtes plus en adéquation avec le milieu. Très vite vous sentez le besoin de respirer, aussi tôt
fait une sensation de satisfaction vous envahit. Comme le cycle respiratoire, la vie est rythmé de
moments de besoin qui laissent place à des moments de satisfaction. C'est ce rythme qui pousse
l'être vivant à l'action, à rechercher ce qui lui est agréable, c'est-à-dire l'adéquation avec
l'environnement.
( => )
On commence ici à mieux comprendre ce qu'est le plaisir esthétique, en fait c'est ce sentiment
qui est produit lorsque l'être vivant entre en adéquation avec son environnement.
L'artiste lui aussi ressent des besoins d'interagir avec la matière de son environnement. Dans le
cas de Pollock une vitalité expressive en résulte
She Wolf semble avoir été peint avec la matière même, regarder le plâtre qui a été incorporé dans
le tableau et qui donne un physicalité au tableau.
Pollock déclare à ce propos:
“She Wolf, en est arrivé à exister, parce que j'avais besoin de le peindre.”
Lecture
c) partie 3 : “Au cours d'une vie […] qui gouverne son existence.”
Nous venons de dire que la vie est un cycle, une alternance entre adéquation et inadéquation de
l'être vivant à son environnement. Nous avons également dit qu'une tension entre l'être vivant et son
environnement provoque des sensations pour l'être vivant de besoin ou de satisfaction.
Ici enfin il faut comprendre que bien que l'on oscille entre adéquation et inéquation il n y a pas
un retour constant au point de départ. Dans le rythme vient la notion de progres et d'évolution. A
chaque fois que l'être vivant est obligé d'agir pour se remettre en en phase avec son environnement
une expérience singulière se délimité. La première fois que l'on met la main dans le feu, la brûlure
provoque de la douleur et motive le retrait de la main. La première brûlure constitue une expérience
des plus singulières. Son souvenir permettra à l'être vivant d'anticiper l'effet du feu et de ne pas se
brûler à nouveau.
L'expérience est alors ce qui met en lien passé et présent en vue d'une adéquation future entre
l'être vivant et son milieu.
§5
Mais quel rapport entre ce qui vient d'être énoncé et l'expérience esthétique ? C'est dans ce
prochain paragraphe que l'on va le découvrir.
Lecture
( => )
a) L'art c'est la vie
Dewey nous dit : “Ces lieux communs biologiques sont en fait plus que cela : ils atteignent les
fondements de l'esthétique situés dans l'expérience”
Avant de continuer j'aimerai vous lire un autre passage de l'art comme expérience de Joseph
Albers.
“Je pense que nous devons opérer un déplacement du donné à l'esprit, de la personne à la
situation, ou encore de la biographie à la biologie dans son sens le plus véritable. Pour ce qui
concerne les résultats de l'art, nous devons plus penser en termes de contenu mais en termes de
sensations, nous ne devons plus nous demander “quoi” mais “comment”; le but de l'art ne sera
plus de représenter mais de révéler.”
On y retrouve de manière évidente un lien avec le texte de Steinberg.
“ Parfois, il semblait même que la surface de travail de Rauschenberg pouvait être assimilée au
cerveau lui-même : entrepôt, réservoir, centre de communication, riche en références concrètes
librement associées, comme dans un monologue interne. Une surface qui apparaîtrait comme le
symbole du cerveau dans sa fonction de transformation du monde extérieur, absorbant sans cesse
des données brutes qui viennent s'inscrire sur un tableau surchargé.”
et avec la volonté déclaré de Rauschenberg de réduire l'écart entre l'art et la vie.
Reprise de l'exposé
15/02/13.
Pour résumer ce qui a été dit la semaine dernière :
– Dewey propose une esthétique centré sur l'expérience. => C'est parce que nous expérionçons
certains objets et événements d'une certaine manière, que nous nommons certains objets ou
certains événements « œuvre d'arts ».
– Dans ce sens Dewey propose une définition non essentialiste de l'art, c'est à dire que Dewey
refuse de penser qu'il y a dans les œuvres d'art des propriétés particulières essentielles qui distingue
ces objets comme étant des œuvres d'art.
– De ce fait, tout peut être expériencé de manière artistique. Tout peut donc dans des
conditions favorables ce révéler être de l'art. Plus rien ne pourra alors être écarté du domaine de l'art
à cause du moyen employé.
– Pourquoi ? Dewey l'explique dans le paragraphe 1, il dit : « la qualité esthétique demeure
dans chaque expérience ordinaire ».
– l'expérience ordinaire a donc le potentiel de devenir une expérience esthétique, puisque les
germes de l'expérience esthétique sont déjà dans l'oeuvre d'art.
– Nous en sommes au paragraphe 5 j'avais expliqué la semaine dernière, que chez Dewey
comme chez des artistes comme Rauschenberg que l'art et la vie se confondent. Maintenant je vais
essayer d'expliquer que l'art est une expérience vitale singulière, qui à évolué à partir de l'expérience
normale.
(relire le paragraphe 5?)
b) l'expérience artistique est une expérience vitale singulière.
Ce qu'il faut comprendre c'est que les simples réactions d'ajustement des animaux à leur
environnement, vont évoluer chez l'homme pour devenir un désir d'harmonie et d’équilibre. Et c'est
l'art qui en premier lieu nous ouvre le chemin vers cette harmonie.
“Néanmoins, si la vie demeure et ainsi se développe, ( malgré les obstacles et les difficultés
engendrés par l'environnement,) si “les facteurs d'opposition et de conflit sont surmontés et il se
produit alors une transformation de ces facteurs en aspects distincts d'une vie plus signifiante et plus
puissante. Le miracle de l'adaptation organique et vitale a alors lieu par le biais d'une expansion.”
Ce qu'il veut dire c'est qu'en surmontant les difficultés de la vie, l'être vivant accroît son stock
d'expériences particulières et distinctes. Il faut s’arrêter sur cette notion de distinction. En effet c'est
lorsque un événement ou un objet se singularise pour devenir une expérience distincte, donc,
distincte du flux continuel d'interactions avec le monde, que l'expérience devient une expérience
mémorable. Ce ne sont que ces expériences là qui sont porteuses de sens.
(Tous les jours en prenant le tram ou en marchant dans la rue, on voit beaucoup de gens, mais la
plus part ne seront pas du tout mémorables. Ils ne vont pas être les vecteurs d'une quelconque
signification. Maintenant si, l'une de ces personnes vous bouscule, mais ne prends pas la peine de
s'excuser. Vous allez avoir une brève expérience délimité de cette personne. Cette personne ne sera
plus simplement un anonyme du tram, mais un rustre qui manque de politesse.
Une situation plus frappante à lieu lorsque dans la même situation nous avons une expérience
esthétique, au lieu d'une expérience plus ordinaire. Imaginez que vous êtes à nouveaux dans le tram,
et que vous êtes en train de penser au manque de courtoisie, qui règne à Grenoble. Vous êtes assis et
soudain en face de vous, vous remarquez une très belle personne. Il est probable que votre attention
se fixe sur cette personne, il se peut que vous viviez une expérience très intense. De retour chez
vous, l'expérience de ce voyage en tram se délimite dans votre esprit, ce sera la fois où vous avez vu
cette belle personne. Parce que vous aurez remarqué cette personne, elle se délimitera dans votre
esprit, et deviendra une personne au lieu d'une simple extension vivante dans votre environnement.
Avec cette expérience votre vie quotidienne à connu une expansion.)
Ce que Dewey pense c'est que ce sont les expériences artistiques qui nous fournissent le modèle
pour avoir des expériences plus riches et significatives, qui enrichissent notre existence.
( => )
c) la nouveauté comme moyen de rendre l'expérience singulière.
On retrouve chez John Cage ce désir de proposer, le nouveau et inattendu. Dans Experimental
music: Doctrine de 1955, Il explique que l'expérimental est simplement “un acte dont l'issue est
inconnue.” En faisant de la musique expérimentale, il crée à chaque représentation d'une nouvelle
pièce, une expérience unique et délimité. Pour moi il faut lire cet extrait de sa conférence sur la
musique expérimentale à l'aune de cette idée.
« Autrefois, j'objectai systématiquement, si quelqu'un disait que la musique que je présentai était
expérimentale. Il me semblait que les compositeurs savaient ce qu'ils faisaient, et que les
expérimentations qui avaient été faites avaient eu lieu avant la présentation de l’œuvre finie. […]
Maintenant, par contre, les temps ont changé ; la musique a changé ; et je n'ai plus d'objections
en ce qui concerne le mot « expérimentale ». Au contraire, je l'emploi pour décrire toutes les
musiques qui m'intéressent particulièrement et aux quels je suis dévoué, que ce soit l’œuvre de
quelqu'un d'autre ou mon propre travail. Ce qui c'est passé c'est que je suis devenu un
« auditeur » et la musique est devenue quelque chose à entendre. »
En devenant, “auditeur” Cage c'est ouvert à l'expérience, à la nouveauté. Comme l'a démontré
4'33'' le silence n'existe pas et donc, le compositeur qui compose avec le silence ne peut jamais
contrôler tout à fait la représentation de sa musique. Avec ces nouvelles expériences, le sujet gagne
en expériences et enrichit sa vie.
Dewey explique que:
“l'équilibre ne s'établit pas de façon mécanique et inerte, mais avec pour origine et pour cause
une tension.”
Cette tension dans l'art américain d’après guerre apparaît sous la forme de la nouveauté et la
rupture. Remarquons que Cage a écrit ce texte en 1958, l'année du premier happening au Black
Mountain College.
Très éclairant à ce sujet Stewart Buettner écrit:
“Au même titre que les autres compétences cognitives humaines, l'art relève de la tension entre
la conscience et un monde tenace et consistant. Partant de là, l'intégration complète de l'organisme
humain dans son milieu produit une harmonie ou une union dans les affaires humaines. Mais en
tant qu'organisme, l'homme ne saurait réaliser son potentiel de croissance à défaut d'un état de
tension entre lui et son milieu. Dewey défend que ces moments de tension doivent être cultivés par
l'artiste, pour constituer “le théatre dans lequel action, sentiment et sens ne font qu'un”.
Dans cette première partie du texte nous avons découvert la notion d'expérience commune et son
lien fonctionnel pour l'expérience esthétique. Nous venons de voir que l'existence de l'être vivant est
rythmée par des moments d'adéquation et d'inadéquation avec son milieu, ce rythme et cette tension
sont à l'origine de l'harmonie du monde. Dans la deuxième partie du texte, Dewey va développer
cette idée d'harmonie en précisant que la reconnaissance de cette harmonie est au fondement de
l'expérience esthétique.
§ 6-7
lecture
a) Sans désordre il ne peut y avoir d'ordre et donc il ne peut y avoir d'art
En écrivant “on ne peut qu'admirer l'ordre dans un monde constamment menacé par le
désordre”, Dewey nous dit une chose tout à fait fondamentale.
Notre monde, notre environnement est un espace incertain, un monde en équilibre qui risque à
tout moment de tomber dans le désordre. C'est important, parce qu'un monde qui admet une
instabilité, admet le mouvement, le changement et le progrès vers autre chose. Nous ne sommes pas
dans un monde statique, mais dans un univers de “flux et de transformations”. Dans ce désordre et
peut être à cause du désordre il y a selon Dewey de l'ordre et de l'harmonie. Or c'est précisément du
fait de cette opposition entre le désordre et l'ordre que l'ordre prends de la valeur. Dans un monde ou
tout est ordonné l'ordre ne peut avoir de valeur. Dans ce sens l'ordre et le désordre dépendent
mutuellement l'un de l'autre. Dewey écrit dans ce sens:
“Un environnement qui serait toujours et partout propice à l'exécution immédiate de nos
impulsions mettrait fin au développement tout aussi sûrement qu'un environnement toujours hostile
contrarierait ce développement et le détruirait.”
Je pense que pour comprendre John Cage, cette idée est fondamentale. Ce n'est que par contraste
avec le désordre que l'être vivant “admire l'ordre”.
((((rejoint son interprétation du Rasa indien avec la tranquillité (ordre) qui ne peut qu'exister au
milieux des 8 autres émotions esthétiques du Bhava)))))
Mais que veut dire Dewey en nous parlant d'ordre et de désordre ? De manière tout à fait
simpliste l'on peut opposer les conséquences de l'ordre et du désordre. En effet Dewey explique
dans le paragraphe 7:
“c'est seulement lorsqu'un organisme participe aux relations ordonnés qui régissent son
environnement qu'il préserve la stabilité essentielle à son existence.”
Dans cette phrase Dewey montre que la conséquence de l'intégration de l'ordre dans l'être vivant,
est la vie. Par opposition trop de désordre résulte en la mort.
L'on dit souvent que l'on n'apprécie pas notre santé tant que nous l'avons, et que ce n'est que face
au danger de la mort que nous chérissons la vie.
Reprenons l'exemple de la respiration : tant que j'ai de l'oxygène dans les poumons un certain
ordre règne : j'ai besoin d'oxygène pour vivre, c'est une condition aléatoire de mon existence,
lorsque j'inspire je réalise l'ordre qu'exige cette condition.
Au contraire lorsque j'expire, je suis en proies au désordre.
Mais ce qui me pousse à respirer et reconquérir l'ordre, c'est justement le contraste entre la
satisfaction que me procurait l'ordre et le besoin que me fait sentir le désordre.
Nous sommes jusqu'à preuve du contraire tous en vie dans cette salle donc tout porte à croire
que l'ordre ne manque pas pour nous. Pourtant nous ne sommes pas toujours envahis par une
sensation de satisfaction perpétuel.
Pourquoi ?
Dewey l'explique dans la dernière phrase du paragraphe 7:
“lorsque cette participation (c'est-à-dire, communion harmonieuse entre l'organisme et son
environnement) se produit après une phase de perturbation et de conflit, elle amène avec elle les
germes d'une perfection proche de l'esthétique.”
Pour qu'il y ait plaisir esthétique il faut que le contraste entre le désordre et l'ordre retrouvé soit
suffisamment fort.
( => )
Cette idée que le plaisir esthétique est engendré par un rétablissement de l'ordre après le
désordre, sous entend que l'expérience esthétique se déroule dans le temps. Cette idée est tout à fait
contraire au modernisme de Michael Fried comme énoncé dans Art et Objectité. Dans cet article
Fried déclare que l'art minimal trouve sa qualité dans “l'intérêt” nécessitant une expérience
temporelle de l'objet. On se demande alors si l’œuvre d'art va pouvoir maintenir l'intérêt initial que
le spectateur lui porte dans la durée.
Au contraire l'art moderniste trouve sa qualité dans la confrontation de l’œuvre avec les chef
d’œuvre du passé, posant ainsi la question : Cette œuvre moderne a-t-elle fait avancer et progresser
l'art ? Dans ce sens l’œuvre est hors du temps, et peu être jugée immédiatement, si l'on est
infiniment perspicace.
Dewey ne fait pas de l'intérêt comme le fait Judd son critère d'appréciation, mais il insiste sur la
dimension temporelle de l'expérience esthétique et place ainsi l'objet esthétique au centre d'un
réseau de relations entre l'objet le sujet qui l'expérience et l'environnement dont l'objet fait partie.
A l'inverse de Fried Dewey pense que l'art ne peut pas être coupé de son environnement. La
signification des objets d'art ne provient pas simplement de leur relation avec les autres objets de
leur catégorie, à savoir peinture, sculpture, poésie etc. Dans le paragraphe qui suit Dewey va
expliquer comment les objets, parmi lesquels les objets d'art sont comptés, aquièrent leur
signification. Nous allons voire que la signification des objets ne leur est pas intrinsèque mais que
c'est l'homme qui investit dans les objets, émotionnellement, physiquement, intellectuellement, etc.
§8
Lecture
a) partie 1: « Non seulement […] ses propres objectifs. »
Nous avons vu dans les paragraphes précédents que l'être vivant, sous entendu animal, était pris
dans un balancement entre adéquation et inadéquation, avec le monde. Dewey nous dit ici que dans
la continuité de l'évolution des espèces, l'homme est également pris comme les animaux dans ce
balancement. Ce que l'homme à de plus par rapport à l'animal c'est la conscience de ce fait. Il sait
qu'il est par alternance en accord et en désaccord avec le monde. L'homme va donc consciemment
désirer ce qui lui apparaitera comme le mettant en phase avec le monde et activement fuir ce qui lui
cause d'être en désaccord. Dans ce sens l'homme n'est plus animé par un magnétisme animal, mais
par des objectifs conscients. Nous verrons que le fait que nous réfléchissons avant d’agir, au lieu de
ressentir, va très souvent causer un déphasage avec le monde.
Les objets n'ont selon Dewey pas d’intérêt direct pour les hommes. On peut alors se demander
comment l'homme fait pour savoir quels objets désirer ou rejeter? Dewey nous donne la réponse
dans les lignes qui suivent
Lecture
b) partie 2: « L'émotion est […] constitue leur signification. »
Tout simplement lorsqu'il y a rupture ou qu'il va y avoir rupture de l'harmonie entre le sujet et
l'environnement, cette perte de l'harmonie se manifeste émotionnellement dans le sujet. Imaginez
que l'on vous maintient la tête sous l'eau, très rapidement vous aurez une réaction émotionnelle de
panique, tout à fait naturellement la panique va se convertir en désir de retrouver l'objet qui
garantissait l'harmonie, à savoir l'oxygène. Ce désir pour l'objet va vous pousser à l'action, par
exemple vous allez gesticuler. Admettons que l'on vous tire la tête de l'eau, vous inspirer et vous
vous dites que jamais une bouffé d'air n'a été aussi bonne. L’oxygène que jusqu'à présent vous
n'aviez jamais pris le temps d'apprécier se charge de signification, vous l'associer alors à la vie, à
l’absence de douleur etc.. Le fait de respirer à cet instant devient une expérience tout à fait
singulière. Toute la volonté a été dirigé vers la réalisation de cet objectif, et la satisfaction une fois
l'objectif atteint est tout à fait énorme. C'est ainsi que les objets, ou les événements se chargent de
signification. Grâce à ce genre d'expérience l'homme va pouvoir évoluer et chercher de manière
informé ce qui lui est vital. Les réactions émotionnelles que nous avons face aux objets, sont
directement produits par la nature de la relation entre le sujet et l'objet. En soi un caillou n'a pas de
valeur intrinsèque mais dans l'expérience humaine, le caillou se charge émotionnellement.
Mais quel rapport avec les beaux arts ? Poursuivant la lecture
Lecture
c) partie 3: « Puisque l'artiste […] unifiée et totale. »
( => )
L'artiste va essayer de créer un objet qui aura une certaine manière d’interagir avec le sujet, et
qui sera investit par le spectateur de l'émotion que l'on ressent lorsque l'on est en harmonie avec le
monde. Il devra donc expériencer les moments de confusion pour mieux comprendre l'ordre.
Cette idée que l'artiste cherche à arriver avec son œuvre à un état d'harmonie est intéressante. On
retrouve cela chez John Cage qui va dire qu'il cherche à exprimer la tranquillité dans sa période
influencé par l'hindouisme.
Il est intéressant de voir que des artistes de la génération de Cage ont cherché à voir dans les
œuvres d'artistes du passé une ambition commune.
Kaprow qui a soutenu une thèse de master sur Mondrian, considère qu'en regardant les toiles du
peintre une harmonie progressive était atteinte par l'opposition puis la dématérialisation des signes
picturales. Il écrit ainsi:
« J'ai imaginé Mondrian comme un artiste philosophique – un peintre qui utilisa la peinture pour
détruire la peinture, dans le but d'arriver à un état de conscience essentiel et mystique. »
J'ai choisi cette photo de Mondrian dans son atelier, parce que l'on y voit une évidente confusion
entre l'environnement et l’œuvre d'art, chose que l'on retrouve dans l'expérience esthétique de
Dewey. l'environnement de travail de Mondrian était organisé selon sa pensée néoplastique.
Mais outre ce fait, il faut remarquer le tableau au centre de la photo. Ce tableau est
particulièrement intéressant. Il s'agit de composition dans losange avec quatre lignes jaunes de
1933. C'est l'un des premiers tableaux disposés par Mondrian de manière à former un losange, et du
fait de cette disposition, les lignes de force de ce tableau se croissent en dehors de l'espace pictural,
invitant le spectateur à faire l'expérience du tableau, à ressentir l'harmonie, plutôt que de la voir.
Mais ce jeux sur l'environnement ce trouve de manière encore plus prononcé chez Pollock.
( => )
Pollock construit son tableau en laissant un moment de confusion précéder l'harmonie picturale.
En ce faisant il se fond intégralement dans son environnement.
Kaprow à ceci à dire à propos des méthodes de travail de Pollock:
« Parce qu'il se noyait dans ses tourbillons de peinture et l'immense format qu'il ne pouvait
appréhender d'un seul regard, il finit par mettre tout le bazar par terre en se plaçant au centre de la
toile. Il créa un quasi-environnement dans lequel des pulsations de peinture déversées et traînées
semblaient causer une sorte de transe, une perte presque ritualisé du soi, premièrement dans lui
même, plus tard, dans le spectateur. Ceci n'est plus de la peinture. »
Kaprow semble suggérer que Pollock réalise plus qu'un simple objet. Qu'il se perds dans une
communion avec l’œuvre et le spectateur. Kaprow énonce véritablement ici l'idée de l'expérience
artistique de l'harmonie comme perte de soi dans le monde.
Lecture
d)
partie 4 : « Par contraste […] recherches plus poussées. »
Sans rentrer dans les détails, Dewey marque ici la différence entre la manière dont le
scientifique, qui se sert aussi des tensions de l'expérience pour travailler, et l'artiste opèrent. La
différence importante est que pour l'artiste la résolution de la tension est la fin architectonique de
son travail: il veut produire un objet esthétiquement satisfaisant, alors que pour le scientifique, la
résolution de la tension n'est qu'un moyen pour progresser.
Ceci met en relief une idée importante chez Dewey : Il y a une différence entre un moyen et un
médium. Alors que tous les médiums sont des moyens, tous les moyens ne sont pas des médiums.
Pour comprendre commençons par dire ce qu'est un moyen:
un moyen est une instance intermédiaire grace à laquelle une chose absente devient présente.
La fin que se propose le moyen est externe au moyen. Au contraire:
Un médium est un moyen qui sert ses propres fins. Les fins du médium sont donc internes au
médium.
Par exemple si l'encre d'un stylo sert seulement à un scientifique à écrire et à garder une trace de
ses recherches, alors l'encre est un moyen.
Si au contraire l'encre est employé pour faire une œuvre d'art, et donc ne sert pas d'autre fin que
de produire une satisfaction esthétique alors l'encre peut être considéré comme un médium.
Cette idée de médium est importante car Dewey pense que seuls les médiums, mènent à des
expériences esthétiques.
Dans le chapitre VII: “la substance commune des arts” Dewey propose comme définition de l'art
que l'art est une activité qui possède ses propres médiums. C'est pratiquement la seule définition de
l'art qu'il nous donne. C'est une définition très large qui va permettre à l'art de s'ouvrir à
énormément de nouveaux médiums.
Nous allons retrouver cette distinction dans le paragraphe suivant :
§9
Lecture
Après avoir distingué le travail de l'artiste de celui du chercheur, Dewey va dans ce paragraphe
rapprocher leur travail. Tous deux cherchent l'harmonie entre le sujet et le monde. Tous les deux
mènent une activité intellectuelle et une activité esthétique.
Si il est évident que le scientifique mène une activité intellectuelle, Dewey pense que l'activité
intellectuelle de l'artiste n'est pas reconnue par la majorité des gens . C'est dans ce sens qu'il parle
d'une :
“étrange notion qui veut que qu'un artiste ne pense pas et qu'un chercheur scientifique, lui, ne
fasse que cela”.
L'artiste pense et cherche des solutions à ses problèmes plastiques. Seulement les moyens de
l'artiste deviennent des médiums car les problèmes qu'il se pose sont directement liées aux moyens
qu'il utilise. Lorsqu'il réfléchit c'est en terme plastique, c'est une réflexion sur des problèmes
plastiques. Comme la réponse s'exprime également en termes plastiques, sa pensée s'incarne dans
l'objet plastique qu'il emploie et donc une confusion entre sa réponse aux problèmes et l'objet qu'il
produit à lieu.
a) le « décoratif » de Matisse une illustration de l'idée de « médium »
Pour illustrer cette idée prenons pour faire plaisir à Dewey comme exemple la peinture de
Matisse. Je dis cela parce que outre Cézanne, Matisse est la grande référence en peinture pour
Dewey.
( => )
Dans Notes d'un peintre de 1908, Matisse écrit :
“ La pensée d'un peintre ne doit pas être considérée en dehors de ses moyens, car elle ne vaut
qu'autant qu'elle est servie par des moyens qui doivent être d'autant plus complets […] que sa
pensée est plus profonde. Je ne puis pas distinguer entre le sentiment que j'ai de la vie et la façon
dont je le traduis.
L'expression, pour moi, ne réside pas dans la passion qui éclatera sur un visage ou qui
s'affirmera par un mouvement violent. Elle est dans toute la disposition de mon tableau : la place
qu'occupent les corps, les vides qui sont autour d'eux, les proportions, tout cela y a sa part. La
composition est l'art d'arranger de manière décorative les divers éléments dont le peintre dispose
pour exprimer ses sentiments. […]. ”
Voyez on trouve déjà chez Matisse cette idée que la pensée de l'artiste s'incarne dans son activité
picturale.
( => )
-notion du décoratif => en peignant le peintre qui arrange de manière décorative les éléments de
son tableau réponds à la question: Comment atteindre l'harmonie et l’expressivité dans ma
composition ?
b) l'activité esthétique du chercheur
Mais comment l'activité du chercheur peut elle devenir esthétique ?
Sans nous attarder nous pouvons dire que pour Dewey, le scientifique à aussi une activité
esthétique: Les idées du chercheur ne sont ordinairement que des moyens, ce sont comme des
marches d'un escalier, chaque idée lui permet d'avancer vers une autre idée comme une marche
permet d'arriver à la prochaine. Mais parfois une idée que le chercheur se fait d'un objet devient
dans la conscience commune une qualité de l'objet, c'est ce qui ce passe lorsque un chercheur trouve
une nouvelle définition d'un objet, dans ce cas cette idée qui était un moyen devient un médium. Il
projette dans l'objet une nouvelle signification, en ce faisant il fait une création esthétique.
§ 10
Lecture
Dans ce paragraphe Dewey nous explique et je paraphrase :
“ [la] pensée [de l'artiste] est incarnée dans l'objet de manière immédiate” au contraire “parce
que ces objectifs sont plus éloignés, le scientifique opère avec des symboles, des mots et des signes
mathématiques.”
Ce que Dewey veut dire, c'est que l'objet esthétique ne traduit pas symboliquement, la pensée de
l'artiste, elle devient, la pensée de l'artiste. Le spectateur qui fait l'expérience d'un objet esthétique
n'interpréte pas cette pensée mais la ressent émotionnellement ou physiquement.
( => )
a) un art non « symbolique », l'exemple des pictographs de Gottlieb
Pour comprendre, l'exemple le plus démonstratif se trouve dans les pictographs d'Adolf Gottlieb.
A partir de 1941 et jusqu'au début de années 50 Gottlieb c'est mis à peindre une série de tabeaux
qu'il nommait ses pictographs. Ce sont des toiles quadrillés dans lequel des sortes d'idéogrammes
primitifs sont peints. Seulement pour Gottlieb ce que l'on voit n'est pas un vocabulaire symbolique
mais la matérialisation de sa pensée. Selon lui, l'on ne lit pas son tableau, comme l'on peut lire des
caractères dans un livre, mais l'on le ressent.
Harry Rand sur le site du MoMA nous donne une explication de cette pensée, la voici :
“A chaque fois que Gottlieb découvrait que l'un de ces signes avait en fait un précédent dans une
culture passé, il l'éliminait de son vocabulaire pictural, en ce faisant il rendait son travail “muet”.
Ceci constituait son apport à la grammaire universelle, ou si vous voulez son apport à un principe
d'ordre, qui serait commun à toute l'humanité. Gottlieb espérait qu'en déplaçant l'attention sur
les propriétés fondamentales du langage, il impliquait les spectateurs dans une expérience
universelle.”
Il y a vraiment cette idée que l'expérience que nous faisons des objets produit sur nous des effets
naturellement. C'est en cela que la communication artistique est possible. Dewey nous explique
dans le paragraphe suivant que certains objets de la nature sont hostiles à la vie comme certains
objets sont favorables. Nous reconnaissons les objets favorables parce qu'il produisent sur nous ce
sentiment d'ordre et d'harmonie.
Lecture
Voyer l'on n'a pas besoin d'interpréter émotionnellement le monde, l'on ressent les vibrations du
monde directement sous forme d'émotions. Un serpent, potentiellement dangereux, réveil en nous
une émotion primitive de peur, qui est censé nous pousser à l'éviter. Dans ce sens il n y a rien
d'artificiel dans l'expérience esthétique, comme Dewey le dit à la fin du deuxième paragraphe.
§ 11
Jusqu'ici nous avons considéré l'expérience de l'être vivant face aux objets et aux situations du
monde présent. Dewey nous a expliqué que ces expériences étaient le fruit de tensions entre l'être
vivant et son environnement. C'est le rythme entre adéquation et inadéquation qui “organise” le flux
continuel de la perception pour en faire des expériences singulières. Ce sont les ruptures d'harmonie
entre l'être vivant et le monde qu'il perçoit dans le temps présent qui cause cette tension et ce
rythme. Dans le prochain paragraphe Dewey va nous montrer que ces ruptures peuvent également
apparaître entre l'être présent et son passé ou son futur. Inscrivant ainsi l'expérience dans une
dimension temporelle.
Lecture.
a) partie 1: « la plupart des êtres mortels […] d'aller de l'avant avec confiance. »
Dewey nous explique donc qu'il peut y avoir une inadéquation entre le présent de l'être et son
passé ou son futur.
L'exemple du regret lui sert à expliquer cette inadéquation.
Imaginez, que ce matin avant le cours, quelqu'un vous a proposée un pain au chocolat, vous avez
refusé parce que vous veniez juste de déjeuner et de toute façon vous aviez prévu de manger un
sandwitch dés votre sortie de cours. Seulement maintenant, vous êtes là dans le temps présent, vous
êtes en cours, vous vous ennuyer, vous vous dites que cet exposé traîne en longueur, et vous
commencer à avoir vraiment faim. Vous vous souvenez du pain au chocolat, et vous vous dites: “si
seulement, j'avais mangé ce pain au chocolat”.
La rupture entre le temps passé et le temps présent, prends alors la forme d'une inadéquation que
l'on nomme le regret.
Lecture
b) partie 2 : « Mais l'être vivant adopte son passé ; […] les ''réverbérations silencieuses'' »
Dans ce paragraphe, Dewey pose une différence fondamentale entre l'être vivant et l'être mortel.
Alors que l'être mortel se laisse assommer par la rupture entre son être présent et son être passé ou
futur, l'être vivant, se sert de son passé et de son futur pour informer son présent.
Si l'on revient à notre exemple du pain au chocolat, au contraire de l'être mortel qui se noie dans
le regret, l'être vivant, va apprendre de son erreur, et la semaine prochaine va s'assurer de ne pas
venir en cours sans avoir bien mangé.
En exploitant ces ruptures, pour en tirer de la sagesse, l'être vivant acquiert de l'expérience dans
le sens le plus commun du terme. Les erreurs et les réussites du passé, informent le présent, et nous
permettent d'affronter le futur avec confiance. C'est donc bien l'influence sur le présent, du passé et
du futur, qui donne une consistance et une richesse aux expériences de l'être vivant. Vivre c'est donc
reconnaître ces ruptures, et apprendre de ces ruptures.
§ 12
Nous trouvons confirmation de cette idée dans le début du paragraphe suivant.
Lecture
a) partie 1: « Pour l'être vivant qui vit pleinement […] tout s'imbrique et se mêle. »
Celui qui vit, et qui à tiré des expériences des ruptures du passé, peut affronter le futur avec
confiance. La vie digne de ce nom est une vie où il y a communication entre passé présent et futur,
et entre le sujet et son environnement. L'être vivant vie alors sans regrets et sans peur du futur, et
peu pleinement profiter de l'instant présent.
( => )
Soulignons cette idée de l'imbrication et du mélange qui est selon Dewey, à la clef de la vie
bonne. C'est véritablement cette idée, qui peut sembler naive, qu'il faut que l'homme recherche à
entrer en harmonie avec la nature. On va retrouver cette idée de manière caricaturale dans les
mouvements « peace and love » des années 1960. Mais attention il ne faut pas comprendre « la
nature » ; comme une entité spiritualisé, une figure personnifié, car pour le pragmatiste il n y a rien
en dehors de nos expériences, la nature c'est notre expérience de la nature. Dans ce sens nous
sommes la nature, nous pouvons la pénétrer. Pour ceux qui veulent comprendre cette idée
épistémologique, je vous renvois à l'ouvrage de Jean-Pierre Cometti, Qu'est ce que le pragmatisme,
ou encore au Texte de Karl Popper objective Knowledge.
Pour nous c'est une idée importante car elle donne à voir la dimension proprement participative
de l'art. En effet, l'art que nous expérioncons est autant une partie de nous qu'une partie de l'artiste.
Nous nous mélangeons au moyen de l'expérience avec l'art. Dans ce sens nous créons l'art autant
que l'artiste en en faisant l'expérience. Sans le spectateur, l'art selon la définition de Dewey ne
pourrait pas exister.
Pour comprendre je vais vous lire un extrait de l'entretient accordé par Rauschenberg à Richard
Kostelanetz :
« Même au risque d'être ennuyeux, celà me plairai, qu'il y ait une zone d'activitée
inintéressante, où le spectateur pourrait se comporter de manière unique. Vous voyez, je suis contre
le divertissement préparé et monotone. Le théatre n'a pas besoin d'être divertisant tout comme la
peinture n'a pas besoin d'être belle.”
“Je n'aime pas l'idée que la tradition se fait des spectateurs – celle qui dit qu'ils ne devraient
pas assumer autant que l'artiste la responsabilité de rendre la soirée intéressante.”
Nous comprenons que pour Rauschenberg l'art ne prends tout son intérêt que lorsque le
spectateur est pleinenment intégré dans l'oeuvre, c'est à dire lorsqu'il a une véritable expérience
esthétique.
Lecture
b) partie 2: « Mais bien trop souvent […] à ce qui est absent. »
Seulement Dewey nous explique que cet état de félicité, d'harmonie dans le présent est très
souvent refusé à l'être vivant.
Lecture
c) partie 3: « A cause de cet abandon […] par conséquent pleinement vivant. »
Dewey répète ici que c'est l'union de l'être vivant et de son environnement qui donne lieu à une
vie qui vaut véritablement la peine d'être vécue. Sans cette union, sans cette harmonie entre le sujet
et les objets qui l'entoure, l'être vivant ne fait que survivre péniblement. Malheureusement en
laissant le passé et le futur agir négativement sur son présent l'être vivant ne réside pas
harmonieusement dans le présent en accord avec son environnement.
Si par exemple, vous êtes paralysé de peur à chaque fois que vous voyez un chien parce que le
souvenir d'une morsure dans l'enfance revient vous hanter. Vous ne pouvez pas vous dire en
harmonie avec le monde.
Dans ces moments de trouble et de rupture, lorsque vous avez une expérience totale, sous
entendu lorsque vous êtes en paix avec votre passé et votre futur, cette expérience constitue un idéal
esthétique.
Mais pourquoi est- ce un idéal esthétique?
Précédemment j'ai expliqué que l'emploi de médiums, c'est-à-dire des moyens qui ont pour fin
leur propre existence, résulte toujours en une expérience esthétique. En fait c'est l'expérience du
médium qui est déterminant. Souvenons nous: un médium, délimite le début de sa propre existence
mais aussi met un point final à son existence. Dans ce sens l'expérience d'un médium est unifié et
total. Un artiste qui fait de la peinture son médium, commence avec de la peinture et termine avec
de la peinture. L’emploi de la peinture n'est pas causé par autre chose qu'un désir de peindre et la
peinture n'est pas cause d'autre chose à son tour. La peinture n'est justement pas “un moyen” pour
atteindre autre chose. Mais une réalisation du soi par soi.
Or, nous l'avons déjà dit l'emploi d'un médium, résulte toujours en une expérience esthétique.
La répétition de cette expérience deviendra alors l'objectif à atteindre. L'idéal esthétique comme
point de repère donnera du sens à la vie. Mais dans quels circonstances ressentons nous cet idéal
esthétique? Dewey nous livre la réponse dans ce qui suit.
Lecture
( => )
d) partie 4: « L'art célébre […] dans le présent. »
C'est ici que nous découvrons la fonction essentielle de l'art. L'art nous donne à voir l'idéal
esthétique. L'art nous donne à voir ce que peut être une vie pleinement vécue.
Je trouve que l'on retrouve cette idée dans l'interview de John Cage par Richard Kostelanetz.
Lorsque Kostelanetz demande à Cage :
“ K- Est ce que vous considérer cela comme étant le rôle du théâtre – Que d'augmenter notre
conscience perceptive du monde ?”
Cage réponds tout simplement “oui”.
L'art apparaît donc comme ce qui nous donne une meilleure perspective du monde. Cette
conception de l'art va également étendre le domaine de l'art au-delà de l'objet, c'est une expérience.
On retrouve également cette idée dans l'interview :
K- Est ce que vous considéraient ceci – ici, maintenant – une situation théâtrale ?
C – Certainement, Il y a des choses à entendre et des choses à voire, et c'est précisément ça que le
théâtre.
K – Diriez vous alors que toute la vie est théâtre ? Que tout ce qui est du théâtre est de la vie ?
C – Nous pourrions le considérer ainsi, si nous transformions nos esprits.
K- Un jeux d'échec est ce du théâtre ?
C – Et bien il faut se demander, “qu'est ce que le théâtre ?” Je répondrai que le théâtre est voire et
entendre.
( => )
En fait pour Dewey l'art devient le centre d'une pédagogie de la vie et de la démocratie. L'art
nous montre, à quel point c'est bénéfique pour nous d'entrer en harmonie avec notre environnement,
et donc avec les autres humains qui nous entourent.
Dewey a écrit ce livre pendant la grande dépression des années 30. Et cette idée de la fonction
sociale de l'art à eu un retentissement considérable sur ses contemporains, notamment Holger
Cahill, qui a été entre autre administrateur du « Federal Arts Project ».
Ce projet a consisté à commissionner un grand nombre de projets d'arts publics, non seulement
pour aider les artistes particulièrement touchés par la dépression, mais aussi pour donner au public à
voir cette idéal esthétique d'harmonie.
Parmi les artistes qui ont profité de cette opportunité on retrouve les noms des plus grands
expressionnistes abstraits:
Arshile Gorky, Adolf Gotlieb, Willem De Kooning, Lee Krasner, Jackson Pollock, Ad Reinhardt
et Mark Rothko, entre autres.
Rien que cette influence indirecte sur les artistes, suffit pour marquer l'importance de la
philosophie de Dewey
§ 13
Dans cet avant dernier paragraphe, Dewey développe sur son idée de ce qu'est cet idéal qui est
au fondement de l'expérience esthétique. Ce n'est pas un idéal éthéré d'une beauté transcendante,
l'idéale de l'expérience esthétique c'est cette communion avec le monde que l'on discerne chez les
animaux.
Dewey écrit:
“En observant l'animal, on voit le mouvement fondre avec les sens et les sens avec les
mouvements.”
Les sensations sont ce qui donnent aux êtres vivants, l’accès au monde. L'animal qui se meut, et
donc qui agis en fonction de ce que ces sens lui rapporte, est en accord parfait avec son
environnement. Avec cet accord l'animal atteint la grâce et l'équilibre qui caractérise la vie pleine.
Son passé, lui permet de ne pas renouveler ses erreurs, et le futur lui permet d'anticiper les joies de
la vie. Nous humains qui pensons nous sommes isolés du monde qu'il suffirait de ressentir. Nous
avons besoin de l'art pour nous montrer ce qui nous manque.
( => )
Avant de poursuivre j'aimerai m'attarder sur cette idée que: “Le chien n'est jamais pédant ni
académique.”
Qu'est ce que cela veut dire pour les arts ?
La lecture du texte d'Albers va encore une fois nous donner la réponse
“Nous donnons trop d'importance au passé et souvent nous nous préoccupons plus d'essayer
de dessiner la ligne continue du développement historique que de déterminer quels sont les
problèmes historiques de l'art qui sont pertinents pour notre vie.”
“Voir l'art seulement dans les musées, ou utiliser l'art seulement comme source d'amusement ou
de récréation est une attitude paresseuse, et démontre une incompréhension totale de l'art.”
“Si l'art est une partie essentielle de la vie et de la culture, alors nous ne devons plus éduquer
nos étudiants soit dans la voie de l'historien de l'art soit dans la voie des imitateurs de l'antiquité,
mais nous devons leur apprendre a voir artistiquement, travailler artistiquement, et plus encore, a
vivre artistiquement. Puisque voir artistiquement et vivre artistiquement, sont des façons plus
profondes de voir et vivre – et que l'école doit être la vie - puisque nous savons que la culture c'est
plus que le savoir, nous dans l'école nous avons le devoir de sortir tous les champs de l'art de leur
place périphérique pour leur donner la place centrale dans l'éducation - Comme nous essayons de
le faire au black mountain college.”
§ 14
Dans ce dernier paragraphe Dewey fait une sorte de résumé des idées principales qu'il a énoncé
dans ce texte.
Lecture
a) partie 1 : « Mais il y a dans la vie […] lointaine et différée. »
Ici Dewey essaye de réhabiliter, les sensations qui servent l'expérience. Chez l'homme et dans la
philosophie en générale les sens sont négligés au profit de la pensée et de la rationnalité. Pour
montrer l'importance des sens Dewey, rapproche l'observation et la sensation à une forme de pensée
, 'la pensée immédiate”. Nous avons vu au par avant, que la pensée introduit souvent un décalage
entre le monde et le sujet, pour être en phase il faut donc plutôt observer le monde que de penser au
monde. La sensation est aussi “l'avant poste de l'action”. En écrivant cela Dewey tire un trait sur la
conception traditionnelle de l'observation et de la sensation comme modes passifs.
Cette revalorisation de la sensation lui permet de revaloriser l'expérience.
Lecture
b) partie 2: « C'est l'ignorance pure […] de leur dignité. »
A la fin du premier paragraphe Dewey demandait pourquoi l'on hésitait à voir l'esthétique
comme découlant de l'expérience. Ici il réponds, en fait c'est simplement l'ignorance de la manière
dont fonctionne l'expérience ordinaire qui est la cause de ce malentendu, qui place l'esthétique dans
le champ de l'artificiel.
Lecture
c) partie 3 : « L'expérience, […] l'expérience esthétique. »
( => )
Ici, après tout ce qui viens d'être dit les mots de Dewey sont relativement explicites, donc je ne
vais pas m'attarder.
Ce qu'il faut retenir, c'est cette idée que c'est l'expérience qui est au fondement de l'art, que l'art
nous donne à voir ce que l'expérience de la vie peut nous réserver de plus intense lorsqu'il y a une
harmonie parfaite entre le soi et le monde.
L'expérience la plus ordinaire peut alors servir de fondement à l'art et c'est cette idée qui va être
véritablement déterminante pour l'art de la deuxième moitié du XXe siecle.
Simplement pour illustrer j'aimerai vous montrer l'exemple de l'art de Ray Johnson. Dans un
texte très intéressant sur l'influence de Dewey sur le Black Mountain College, Johanna Gosse
analyses quelques déclarations de Johnson pour montrer l'importance de la théorie esthétique de
Dewey sur cette insitution.
Elle rapporte Ray Johnson qui aurait déclaré :
“La quasi destruction de cette tradition (de la peinture) par Pollock ce pourrait bien être un
retour au moment où l'art était plus activement impliqué dans le rituel, la magie et la vie que ce
que nous avons connu dans notre passé récent... Mais que faisons nous maintenant ? Il y a deux
alternatives. Une consiste à continuer dans la même veine... L'autre est d'abandonner tout court la
création de tableaux.”
Dans cette déclaration nous pouvons comprendre toutes les difficultés que les artistes post
expressionnistes abstraits, ont eu pour trouver à renouveller et continuer l'art après la révolution des
peintres de l'école de New York. Souvenons nous pour comprendre de Erased de Kooning de
Rauschenberg.
“Peut être que c'est incorecte que les moticos soient regardés en terme de peinture ou de
créativité ou de beauté ou de n'importe quel autre critère. Il se pourrait qu'il s'agisse simplement
d'objets utiles comme une voiture ou une chaise. Et il se trouve simplement que ces choses soient
suspendus à un mur. Je n'ai jamais au par avant cru en l'idée qu'une oeuvre d'art devait être
achetée. J'ai pensée qu'ils devaient seulement être fabriqués et non chéri ni vendu.”
Pour Johanna Gosse, le fait que Ray Johnson refuse de faire de ses créations des idoles de la
culture capitaliste en déclarant qu'il ne doivent être ni chéri ni vendus, montre qu'il concoit l'art
comme une expérience, plutôt qu'en terme d'objets. Selon elle cette pensée est due à l'influence de
Dewey. Et cela semble probable car Ray Johnson a étudié au Black Mountain College avec Joseph
Albers. Johanna Gosse pense que pour Dewey et cet artiste, la seule chose qui ait de la valeur qui ne
soit pas commercialisable dans les sociétés ce sont les performances rituels des cérémonies,
religieuses ou autre. Selon elle, Johnson et les autres artistes de cette génération, ont commencé à
penser l'art comme performance. Dans ce sens Johnson a mis en place son oeuvre d'art postale. Avec
la New York Correspondence School.
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