GT VACHES : exposé 3
Virgile Ducet
12 février 2015
Objectif : Construire une famille de surfaces abéliennes principalement polarisées
sur Cet interpréter leur espace de module comme une courbe de Shimura.
On se donne une algèbre de quaternions indéfinie Bsur Qde discriminant D. Comme
nous supposons que Best indéfinie, on a un isomorphisme BQR
=M2(R). Soit φ:
B M2(R) un plongement de Bdans M2(R).
1 Isomorphismes entre surfaces abéliennes complexes
Une matrice a b
c d!M2(R) agit sur ω1
ω2!C2suivant la règle
a b
c d!· ω1
ω2!= 1+2
1+2!.
Rappelons également que le sous-groupe GL+
2(R) de GL2(R) des matrices à déterminant
positif agit sur Hcomme suit :
a b
c d!·τ=+b
+d.
Un ordre est un Z-module libre de rang 4 qui est aussi un anneau. On appelle ordre
maximal tout ordre n’étant inclus strictement dans aucun autre ordre.
Soit u= ω1
ω2!C2. Nous allons considérer l’orbite de usous l’action de O:
Λu=φ(O)·u.
Lemme 1.1. L’ensemble Λuest un réseau de C2si et seulement si ω1ω26= 0 et =(ω12)6=
0.
Preuve. Soit αiM2(R), i = 1,...,4 une base du Z-module φ(O) telle que les αisoit
R-linéairement indépendant. Si ω1ou ω2est nul, ou si ω1et ω2sont multiples réels l’un
de l’autre, on peut trouver une relation de dépendance linéaire
4
X
i=1
aiαiu= 0, aiR.
1
Inversement, supposons que =(ω12)6= 0. En multipliant par w1
2, on se ramène au cas
u= τ
1!,
τ=ω12. Dans ce cas, le fait que les αisoient R-linéairement indépendants et la
relation
= 12+b
12+d!=ad bc
|12+d|2=(z)
impliquent qu’il est impossible de trouver une relation de dépendance linéaire.
Soit
u= ω1
ω2!C2
tel que ω1ω26= 0 et =(ω12)6= 0. L’ensemble Λuest donc un réseau et Au=C2/Λuest
un tore complexe. Nous allons maintenant construire une forme de Riemann sur Au, ce
qui prouvera que Auest une variété abélienne. Pour cela, notons tout d’abord le théorème
suivant (voir le livre de Vignéras pour une preuve) :
Théorème 1.2. Un corps quadratique K/Qse plonge dans Bsi et seulement si tout
nombre premier pBest ramifiée ne se décompose pas dans K.
Ainsi on voit par exemple que tout corps quadratique imaginaire Q(d) où D|dse
plonge dans B. Il existe donc toujours un élément γBtel que γ2=1/D < 0, γ2Q
et ¯γ=γ. On définit une application E: Λu×ΛuQpar
E(φ(α)u, φ(β)u) = trd(γα ¯
β).
Rappelons que comme ¯
·est une involution, pour deux éléments x, y Bon a xy = ¯y¯xet
donc trd(xy) = trd(xy) = trd(¯y¯x).
Proposition 1.3. L’application Eest une forme de Riemann.
Preuve. 1. Eest anti-symétrique :
E(φ(α)u, φ(β)u) = trd(γα ¯
β) = γα ¯
β+β¯α¯γ=γα ¯
ββ¯αγ
et de même
E(φ(β)u, φ(α)u) = γβ ¯αα¯
βγ.
Ainsi
E(φ(α)u, φ(β)u) + E(φ(β)u, φ(α)u) = γtrd(α¯
β)trd(α¯
β)γ= 0
car trd(α¯
β)Q, donc E(φ(α)u, φ(β)u) = E(φ(β)u, φ(α)u).
2. E(iz, z0) est symétrique : vu notre choix de u,φ(BR)·u=C2, donc il existe
ηBRtel que η2=1 et ¯η=η. En notant que (α)u=φ(αη)u, on obtient
donc
E((α)u, φ(β)u) = trd(γαη ¯
β) = trd(βη ¯αγ),
puis
E((α)u, φ(β)u)E((β)u, φ(α)u) = γ·trd(βη ¯α)trd(βη ¯α)·γ= 0
car trd(βη ¯α)Q.
2
3. E(iz, z0) est définie positive : comme ci-dessus on a
E((α)u, φ(α)u) = trd(γαη ¯α) = trd(αη ¯αγ).
Soit sRpositif tel que γ2=s2. On a (γ1s)2=1, donc par le théorème des
automorphismes intérieurs il existe δBRtel que
γ1s=δ1ηδ.
Pour tout µB×, notons µ=γ1¯µγ. Comme γ2<0, un lemme de Lang implique
que l’application
µ7→ trd(µµ)
est définie positive. Maintenant, le terme trd(αη ¯αγ) est égal à
s·trd(αδγ1δ1¯αγ) = s·trd(αδγ1δ1¯
δ1¯
δ¯αγ) = s·nrd(δ)1trd((αδ)(αδ)),
donc en remplaçant si besoin est Epar c·Epour un réel ctel que c·nrd(δ)1>0,
on obtient que Eest définie positive.
4. Eest entière : comme Oest un Z-module de dimension 4, il suffit de considérer
c·E, où cest un entier tel que les c·E(γαiβj), pour des éléments αiet βjparcourant
une Z-base de O, soient à valeurs entières. Notons que l’on prendra garde au signe
de cpour que c·Esoit définie positive.
5. Es’étend en une forme sesquilinéaire. On a
E((α)u, iφ(β)u) = E(γαη¯η¯
β) = nrd(η)E(φ(α)u, φ(β)u) = E(φ(α)u, φ(β)u),
car nrd(η) = 1.
Corollaire 1.4. Le quotient C2/Λuest une surface abélienne principalement polarisée.
Preuve. Il reste à montrer que la polarisation donnée par Eest principale. Pour cela,
considérons une base b1, . . . , b4de O. Les vecteurs φ(bi)·uforment une base de Λu,
donc on peut évaluer le déterminant de Esur cette base. On peut supposer que γvérifie
γ2=1/D. On obtient :
det(E(φ(bi)u, φ(bj)u) = det(trd(γbi¯
bj))
= nrd(γ)2det(trd(bi¯
bj))
=D2Disc(O)2
=D2D2
= 1,
ce qui montre que la polarisation induite par Eest principale.
La preuve montre que le choix de γest fondamental : le fait que γ2soit négatif est
nécessaire pour que E(iz, z0) soit définie positive, et le fait que γ2=1/D est nécessaire
pour que Einduise une polarisation principale.
3
Finalement, nous décrivons les isomorphismes entre deux variétés abéliennes construites
comme ci-dessus. Soit
u= u1
u2!.
D’après le théorème des normes d’Eichler,
nrd(O×) = Z×.
Prenons ∈ O×tel que nrd() = 1 si u1/u2est dans H, et tel que nrd() = 1 sinon.
Alors
φ()·u= ω1
ω2!
avec τ=ω12∈ H, et on a un isomorphisme
C/Λu
=
C/Λu0, où u0= τ
1!,
défini pour tout zC2par
z7→ ω1
2φ()z.
On peut donc se ramener au cas où
u= τ
1!et u0= τ0
1!
pour deux éléments τ, τ0∈ H. On note Aτ=Auet Λτ= Λu.
Le plongement φétant fixé, considérons un homomorphisme
ψ: (Aτ, φ)(Aτ0, φ)
qui commute avec φ. Un tel morphisme ψpeut être représenté par une matrice complexe
MM2(C) qui commute avec φ(α) pour tout α∈ O. Ainsi
M=m·Id
pour un élément mC. Supposons que ψ6= 0. Comme MΛτΛτ0, il existe λ∈ O tel
que
M· τ
1!=m· τ
1!=φ(λ)· τ0
1!.
Notons
φ(λ) = a b
c d!.
On obtient
m· τ
1!= a b
c d!· τ0
1!= (0+d)· φ(λ)·τ0
1!,
d’où
0+d=met τ=φ(λ)·τ0.
Vu que les parties imaginaires de τet τ0ont le même signe, on voit alors que
nrd(λ) = det φ(λ)>0.
4
Théorème 1.5. Soient τ, τ0∈ H. Deux triplets (Aτ,φ,E) et (Aτ0,φ,E0) sont isomorphes
si et seulement s’il existe un élément λ∈ O×de norme réduite 1tel que φ(λ)τ0=τ, et
tous les isomorphismes sont décrits par les φ().
Preuve. Supposons que ψest un isomorphisme ; on a donc MΛτ= Λτ0. De manière
équivalente
φ(O)φ(λ) = φ(O),
ou encore Oλ=O, ce qui signifie que λest une unité, donc nrd(λ) = 1. Nous avons déjà
vu que φ(λ)·τ0=τ.
Inversement, étant donné un élément λ∈ O×tel que φ(λ)·τ0=τ, notons
φ(λ) = a b
c d!,
et m=0+d. On a donc
φ(λ)· τ0
1!=m· τ
1!.
Comme λest une unité, m.Λτ= Λτ0et λinduit ainsi un isomorphisme.
Il reste à vérifier qu’un isomorphisme préserve la polarisation. La polarisation associée
au morphisme décrit par Mvérifie
E(φ(α)·(M·u), φ(β)·(M·u)) = E(φ(αλ)u0, φ(βλ)u0)
= trd(γαλ¯
λ¯
β)
= nrd(λ)E0(φ(α)u0, φ(β)u0)
=E0(φ(α)u0, φ(β)u0),
qui est bien la polarisation de Aτ0.
On définit le groupe
O1={x∈ O : nrd(x) = 1},
et son image
Γ1=φ(O1)SL2(R).
On voit donc que les classes d’isomorphisme de triplets (Aτ, φ, E) sont paramétrisées par
le quotient Γ1\H.
2 Compacité du quotient Γ\H
Le groupe Γ1est un groupe Fuchsien du premier ordre, c’est-à-dire qu’il est discret et
que le quotient Γ1\H est de volume fini. On a le théorème fondamental suivant (voir par
exemple Katok pour une preuve).
Théorème 2.1. Supposons que B6= M2(Q). Alors le quotient Γ1\H est compact.
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