Universités des Maires de France Lundi 2 juin 2008 – Antibes Juan-les-Pins Responsabilités du maire Annick PILLEVESSE Conseil Juridique et Documentation Introduction Facteurs expliquant les mises en cause pénales d’élus 1) la décentralisation, qui a opéré, en de nombreux domaines, un transfert du pouvoir de décision de l’Etat vers les autorités locales. Les compétences, et par là même les responsabilités de ces autorités locales, se sont trouvées accrues. 2) la complexité croissante de la gestion publique locale, due à l'évolution de la réglementation et aux moyens dont disposent les élus locaux. La décentralisation a généré une inflation de textes. Quant aux moyens financiers, techniques, humains dont disposent les élus, ils ne sont pas toujours suffisants pour assumer les obligations qui sont les leurs, et qui ne cessent de croître avec la protection de l'environnement notamment. 3) la pénalisation accrue des rapports sociaux : notre société tend à vouloir systématiquement identifier un coupable, mettre un visage sur ce coupable. En outre les victimes agissent de plus en plus au pénal pour obtenir une indemnisation qu'elles auraient pu rechercher par d'autres voies. I. LA RESPONSABILITE CIVILE DU MAIRE Dans l’exercice de leurs fonctions, les élus sont susceptibles d’encourir : 1. Une responsabilité civile (entraînant le versement de dommages et intérêts aux personnes qui ont subi un préjudice) • Du fait des de décisions illégales • Du fait d’actes matériels • Du fait d’instruction aux agents les conduisant à commettre des fautes Une faute mettant en cause la responsabilité civile est commise dans le cadre de : La fonction d’administration locale et de représentant de la commune La fonction d’officier de police judiciaire La fonction d’officier d’état civil - faute de service Distinction possible entre : Pas de distinction possible : - faute personnelle détachable - faute personnelle - faute personnelle détachable mais non dépourvue de tout lien avec le service - faute de service la faute engage toujours la responsabilité personnelle de son auteur Distinction possible entre : Fautes : Exemples • Faute de service : un maire qui ne fait pas usage de ses pouvoirs de police pour faire cesser des bruits de voisinage • Faute personnelle non détachable du service : détournements de deniers publics • Faute personnelle : manquements au devoir de probité, commission d’un délit de faux et d’escroquerie Mise en cause selon la faute Faute de service Faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service Faute personnelle La collectivité publique en assume la responsabilité et le coût de la réparation La responsabilité personnelle aussi bien que la responsabilité communale peuvent être recherchées mais, dans ce cas, la commune pourra se retourner contre son agent L’intéressé en répond personnellement Critères de distinction entre ces catégories de fautes : > les circonstances de temps et de lieu > les mobiles de l’agent > les moyens utilisés et leur lien avec le service > les compétences de l’agent Déroulement de la procédure Devant le juge administratif Devant le juge judiciaire en cas de faute de service ou comportant un lien avec le service en cas de responsabilité personnelle ou si la faute (quelle que soit sa nature) est commise dans le cadre de la fonction d’OPJ Garantie des condamnations civiles En cas de faute personnelle En cas de faute de service l’agent public doit supporter la condamnation sur ses biens propres l’agent peut prétendre au remboursement des sommes qu’il a dû verser au titre de sa condamnation. La collectivité doit donc souscrire une assurance pour couvrir ce risque Dans l’exercice de leurs fonctions, les élus sont susceptibles d’encourir : 2. Une responsabilité comptable ou financière (débouchant sur des amendes et éventuellement la démission d'office) Le maire est l’ordonnateur de la commune, c’est-à-dire la personne habilitée à donner au comptable public l’ordre de percevoir ou de verser des fonds au nom d’un organisme public. Le comptable public est un agent nommé par le ministre des Finances dont la mission est d’assurer le maniement (perception, versement) des fonds publics et de tenir la comptabilité des opérations effectuées. Un principe important gouverne les finances publiques, celui de la séparation de l’ordonnateur et du comptable : UNE MEME PERSONNE NE PEUT PAS LEGALEMENT CUMULER LES FONCTIONS D’ORDONNATEUR ET DE COMPTABLE DES DENIERS PUBLICS Responsabilité pour gestion de fait : La gestion de fait consiste, pour un ordonnateur, à ne pas respecter la séparation des ordonnateurs et des comptables en s’immisçant dans la manipulation ou la détention des deniers publics Gestion de fait relative aux recettes : Elle revient à encaisser – même pour les reverser dans un délai très court - des recettes destinées à l’organisme public Gestion de fait relative aux dépenses : Elle consiste à délivrer pour une dépense un mandat qui est qualifié de fictif : - parce que le service auquel elle correspond est fictif, - parce que le créancier n’est pas le véritable créancier, - parce que la date de la prestation n’est pas la date réelle, - parce que le montant de la dépense ne correspond pas au montant réel Responsabilité devant la cour de discipline budgétaire et financière : Elle n’est pas la même selon que le maire agit en tant qu’ordonnateur dans le cadre de l’exercice de son mandat, ou dans le cadre de fonctions qui ne sont pas obligatoirement exercées par un maire Dans l’exercice de ses fonctions de maire ou de fonctions liées à son mandat (par exemple président du CCAS) Dans le cadre de d’autres fonctions (par ex : président de SEM ou d’association para-administrative) les maires ne sont responsables devant la CDBF que dans deux cas : - s’ils ne s’acquittent pas de l’obligation de mandater ou d’ordonnancer dans les quatre mois le paiement d’une somme d’argent que la commune a été Condamnée à verser, - s’ils donnent l’ordre au comptable d’effectuer une opération ayant pour effet de procurer un Avantage injustifié à autrui. La CDBF sanctionne les irrégularités financières qu’ils peuvent commettre en tant qu’ordonnateurs : infractions aux règles à l'exécution des recettes et des dépenses, imputations irrégulières de dépenses destinées à masquer un dépassement de crédit, omissions de déclarations devant être faites aux administrations fiscales, avantages octroyés de façon injustifiée, etc. II. GESTION DE FAIT ET ASSOCIATION Si plusieurs des critères ci dessous sont réunis, il y a probablement gestion de fait Absence d’existence réelle Absence ou insuffisance d’autonomie de fonctionnement par rapport à la collectivité publique L’association : - n’est pas déclarée - ou n’a pas de réelle activité statutaire (pas de membres, pas d’organe délibérant) - ou ne fonctionne pas conformément à ses statuts - modalités d’adhésion : nécessité d’un parrainage ou d’un accord préalable de la commune - assemblée générale : composée majoritairement d’élus - exécutif : majoritairement composé d’élu et d’agents communaux Absence ou insuffisance d’autonomie financière : - les ressources de l’association proviennent essentiellement de subventions - l’association ne détermine pas librement l’utilisation de ces subventions III. FORMALISATION DES RELATIONS COMMUNES – ASSOCIATION : LA CONVENTION Contenu d’une convention - objet de la convention - objectifs de la convention - obligations réciproques des parties - moyens de contrôle (production des comptes et de pièces justificatives) Mise à disposition de locaux Elle constitue une subvention en nature, correspondant à une dépense qui devrait être payée par l’association, mais qui est prise en charge sur le budget communal - la convention règle les droits et devoirs des parties, notamment en matière de paiement des charges (EDF, téléphone, etc.), d’entretien, de responsabilité - l’objet poursuivi par l’association doit présenter pour la commune un intérêt général suffisant - cas particulier : mise à disposition d’équipement sportif Si cette mise à disposition est liée à la dévolution à l’association d’une mission de service public de la compétence de la commune - une convention particulière doit porter sur ce service, qui ne peut être simplement mentionné dans la convention de mise à disposition des locaux - selon la nature de la convention, la commune devra suivre la procédure du code des marchés publics ou celle de dévolution de délégation de service public - s’il s’agit d’un SPIC (service public industriel et commercial), la commune doit tenir compte du principe de l’équilibre budgétaire, et du fait qu’elle ne peut, sauf exception, prendre en charge les dépenses de ce service (ce qu’elle fait en mettant des locaux à disposition de l’association) IV. PROCEDURE DE GESTION DE FAIT La Chambre régionale des comptes (CRC) se saisit ou est saisie d’un acte constitutif de gestion de fait. Le délai de prescription est de 10 ans. La CRC fixe d’abord le périmètre de la gestion de fait, en déterminant les personnes physiques ou morales concernées, qu’elle déclare « gestionnaires de fait ». Puis elle examine les comptes produits par les intéressées. IV. PROCEDURE DE GESTION DE FAIT Déclaration de gestion de fait 1er jugement Jugement provisoire déclarant la comptabilité de fait : il peut être accepté ou contesté par les intéressés 2e jugement Jugement définitif : - soit la CRC admet le bien-fondé de la contestation) et déclare un non-lieu, - soit elle déclare définitivement la gestion de fait ; les intéressés deviennent comptables publics, sont soumis aux même obligations et responsabilités, et doivent rendre compte de leur gestion. IV. PROCEDURE DE GESTION DE FAIT Reddition de comptes 3e jugement Jugement provisoire fixant la ligne de compte : examen des comptes et des pièces produits par les intéressés 4e jugement Jugement définitif : - soit la CRC constate que les sommes irrégulièrement maniées ont réintégré la caisse de la commune, et rend un jugement de quitus, - soit elle constate que les comptables de fait n’ont pas reversé la totalité des sommes en cause, et elle rend un jugement de débet. Le débet entraîne pour le gestionnaire de fait l’obligation de reverser les sommes dans la caisse de la commune sur ses propres deniers. C’est seulement lorsqu’il aura procédé au versement qu’il pourra obtenir un jugement de quitus. - la CRC peut en outre prononcer une amende, que la décision rendue soit un quitus ou un débet. IV. PROCEDURE DE GESTION DE FAIT Sanctions Depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2001-1248 du 21 décembre 2001, l’élu déclaré définitivement comptable de fait, est suspendu en qualité d’ordonnateur jusqu’à ce qu’il ait reçu quitus de la gestion. Pendant cette période, le Conseil municipal doit confier à un adjoint de son choix, les attributions d’ordonnateur (émettre des mandats, tenir la comptabilité de l’engagement des dépenses). Poursuites pénales éventuelles : - La procédure de gestion de fait peut entraîner la saisine de la CDBF (cf. ci-dessus) - Des poursuites pourraient être engagées pour usurpation de fonction (immiscion dans l’exercice d’une fonction publique sans y avoir été habilité), mais elles sont peu probables. - Le délit d’ingérence peut par contre aller de pair dans certains cas. V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE 1. Les infractions spécifiques V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE 1. Obstruction à l'application de la loi (art. 432-1 du CP) Il consiste, dans l'exercice de ses fonctions, à faire échec à l'exécution des lois (par une circulaire en sens contraire adressée aux subordonnés, ou par décision de bloquer un dossier établi en application d'une loi, ou en apportant directement et systématiquement son aide à des personnes en situation irrégulière par rapport à la loi par exemple. 2. Atteinte à la liberté individuelle (art. 432-4 à 432-6 du CP) Il couvre essentiellement la liberté d’aller et venir et un certain nombre de droits (droit de propriété, droit à la santé, droit à l’instruction…) et il est nécessaire que l’action soit arbitraire c’est-à-dire décidée en dehors des cas légaux (interdiction arbitraire de quitter une localité ou une résidence par exemple). . 3. Discrimination (art. 432-7 du CP) Il vise les discriminations qui consistent à refuser sciemment à quelqu'un le bénéfice d'un droit accordé par la loi, ou à entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque au motif que cette personne à telle origine (ethnie, nation, race ou religion) ou à raison de son sexe, de sa situation de famille, de son état de santé, ou handicap, de ses mœurs ou opinions politiques ou activités syndicales. Un maire s'est ainsi trouvé condamné pour avoir rejeté une demande de logement en se fondant uniquement sur la race et la religion du demandeur). V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE 4. Atteinte à l’inviolabilité du domicile (art. 432-8 du CP) Cette infraction suppose la conscience de s’introduire dans l’habitation d’une personne contre son gré et hors les cas où la loi l’autorise. (Le domicile, au sens de cet article, n’est pas seulement le lieu d’habitation, c’est aussi tout endroit où la personne, qu’elle y habite ou non, peut se dire chez elle (résidence secondaire, appartement loué en meublé, chambre d’hôtel, camping-car ou caravane) y compris les dépendances (balcon, garage, débarras, cours et jardins attenants et clos). La tentative est également punissable. 5. Concussion (article 432-10 du CP) Le commet celui qui - soit reçoit ou ordonne de percevoir, « à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics une somme qu'il sait ne pas être due ou excéder ce qui est dû », même s'il agit dans un autre but que son profit personnel, - soit accorde une exonération injustifiée. 6. Corruption passive et trafic d'influence (article 432-11 du CP) La corruption passive consiste pour un élu à solliciter ou accepter, directement ou indirectement, des « offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques » pour accomplir, ou au contraire s'abstenir d'accomplir, un acte qui est de sa compétence ou qui est facilité par sa fonction. Il suppose un accord préalable entre les deux personnes. Le trafic d'influence est le fait d'abuser de son influence, réelle ou supposée, pour faire obtenir de la part d'une administration, une décision favorable, un emploi, un marché, une décoration, à une personne. V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE 7. Détournement de biens (articles 432-15 et 432-16 du CP). II consiste, pour une personne exerçant une fonction publique, à détruire, détourner ou soustraire, volontairement ou par négligence, un acte ou un titre (arrêté municipal, délibération, pièces de comptabilité, registre d’état civil…) ou des fonds publics ou privés, ou tout autre objet qui lui avait été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission. A noter que l’article 12122-21 du code général des collectivités territoriales impose au maire la conservation et la gestion du patrimoine de la commune. 8. Favoritisme ou avantages injustifiés (article 432-14 du CP) Ce délit concerne tous les élus locaux, mais peut également impliquer des agents administratifs ou techniciens ayant participé à la mise en œuvre et à l'attribution d'un marché public ou d'une délégation de service public conclus par une personne publique ou une SEM.Il consiste à procurer ou à tenter de procurer à autrui un avantage injustifié, par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires qui garantissent la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés ou contrats de délégation de service public. 9. Ingérence (ou prise illégale d'intérêt) (article 432-12 du CP) Aux termes de l'alinéa 1 de l’article visé ci-contre, c’est "Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectemen4 un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement" 2. Précisions concernant le délit d’ingérence A. Trois conditions doivent être simultanément remplies au moment des faits pour que le délit d'ingérence soit constitué V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE 1. l'intéressé devait être dépositaire de l'autorité publique, être chargé d'une mission de service public ou être investi d'un mandat électif Les maires sont considérés remplir la première condition au sens de l'article 432-12 du code pénal pendant toute la durée de leur mandat. En outre, de par leur fonction, ils ont la surveillance de toutes les affaires de la commune. C'est dire que dès qu'il y a prise d'intérêt de leur part, le délit d'ingérence est constitué, et le fait que le maire ait été de bonne foi est sans influence sur la constitution du délit. En effet, l'intention délictueuse nécessaire en droit pénal à l'existence d'un délit n'est nullement constituée par une faute morale impliquant un esprit de fraude ou de cupidité ; Il suffit que la personne ait accompli sciemment l'acte considéré, même si elle ignorait que cet acte constituait une prise d'intérêt. Tout au plus le désintéressement incitera-t-il le juge à faire preuve d’indulgence quant à la peine applicable. V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE 2. il devait avoir la surveillance ou l'administration ou le paiement de cette affaire. Ces dispositions concernent les élus municipaux dans la mesure où ils sont effectivement chargés de missions d'administration active (lorsqu'ils agissent en vertu d'une délégation du maire, d'un mandat spécial du conseil municipal, en suppléance du maire, ou encore en tant que membres d'une commission chargée de suivre l'exécution de décisions, ou chargée d'une mission d'étude spécifique à partir de laquelle le. conseil municipal prendra sa décision). Le cas des adjoints – et notamment celui du premier adjoint – est à signaler, dès lors qu'ils peuvent parfois être assimilés au maire, en dehors même des domaines où ils ont pu recevoir délégation, par le seul fait qu'ils sont appelés, dans l'ordre du tableau, à "le remplacer sans délai ni autres formalités en cas d'empêchement". V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE 3. il doit avoir pris, reçu ou conservé un intérêt dans une affaire publique Le commentaire ci-après, relevé dans une note de doctrine, expose ce qu'il faut entendre par "prendre un intérêt personnel". "Cette prise d'intérêt personnel peut donc être pécuniaire, morale, politique ... ; Ce peut être une satisfaction de vanité, un intérêt d'affection. D'emblée, on voit que, concrètement, la notion de prise d'intérêt n'est nullement liée à celle de bénéfice matériel, d'intérêt pécuniaire établi et direct. L'intérêt peut être important, minime, insignifiant..; ou encore : "Il y a en réalité mise d'intérêt, au sens de l'article 175 du code pénal, du seul fait que le fonctionnaire se met dans une position telle qu'il puisse être seulement soupçonné d'avoir une intérêt personnel à l'affaire, même si en réalité il n'en a aucun. La "prise d'intérêt" est constituée par le fait même de s'exposer au soupçon d'avoir un intérêt personnel à l'affaire, même si cet intérêt est en fait inexistant". Il faut en fait ne mêler en rien ses propres affaires avec celles de la commune, y compris par personne interposée. B. Délit d’ingérence : dérogations et sanctions V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE Des dérogations sont toutefois organisées pour les communes dont la population est inférieure ou égale à 3 500 habitants. L'article 432-12 prévoit dans ce cas deux types d'opérations possibles : • L'élu peut passer des contrats pour la fourniture de services ou le transfert de biens avec la commune, mais dans la limite de 100 000 F par an, et à condition de ne pas participer aux délibérations qui s'y rapportent. • L'élu peut acquérir un bien immobilier appartenant à la commune pour créer ou développer son activité professionnelle ; il peut également, pour son habitation personnelle, acquérir un lot de lotissement communal ou conclure un bail d'habitation avec la commune ; le prix du bien ne peut être inférieur à l'évaluation des domaines dans le premier cas et, en toutes hypothèses, l'élu ne saurait participer aux délibérations concernées. A cet égard il convient tout de même de relever que si l'achat d'un bien communal par un élu De commune de moins de 3500 habitants n'est pas sanctionné pénalement, puisque l'article 432-12 du nouveau code pénal organise une dérogation pénale, l'article 1596 du code civil, lui, demeure en vigueur. Or ce dernier interdit de telles acquisitions sous peine de nullité de la vente. On ne peut donc que conseiller de s'abstenir pour l'instant. V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE Quant au délai de prescription du délit, il était de 3 ans à compter du jour où il avait été commis (jour de signature du marché par exemple). Il s'agissait en effet d'une infraction instantanée qui se trouvait réalisée au moment précis de la prise d'intérêt. Les dispositions du nouveau code pénal ont ajouté à la notion de "prise d'intérêt" deux autres notions, puisqu'elle sanctionne le fait de prendre, recevoir ou conserver un intérêt. Or, conserver n'est pas une action instantanée mais durable, qui fait du délit une infraction continue. On peut dès lors penser que le délai de prescription de 3 ans ne commencera à courir que du jour où la personne aura cessé de conserver l'intérêt qu'elle a pris ou reçu, ce qui est beaucoup plus long. Les sanctions du délit peuvent être assorties de peines complémentaires : déchéance des droits civils, civiques et de famille (donc inéligibilité) pour une durée maximale de 5 ans, confiscation des sommes irrégulièrement perçues... Enfin, il convient de noter qu'outre les peines principales et peines complémentaires prévues au code pénal, qui peuvent être infligées par le juge, l'article L 7 du Code Electoral (réintroduit par la loi n°95-65 du 19 janvier 1995) interdit l'inscription sur les listes électorales, pendant un délai de 5 ans, des personnes condamnées définitivement pour l'une des infractions prévues aux articles 432-10 à 432-16 et 433-1 à 433-4 du nouveau code pénal, c'est-à-dire pour les délits de concussion, corruption passive ou trafic d'influence, ingérence, favoritisme, détournement de biens ou pour le recel de l'une de ces infractions. 3. Cette responsabilité pénale générale peut être rangée en deux grandes catégories A. Celle où la responsabilité est encourue à l'occasion des fonctions de gestion du patrimoine et des services de la commune (fonctionnement défectueux des ouvrages ou des services) V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE Délit de pollution de l'eau Le déversement de substances pouvant porter préjudice à la vie des poissons ou à leur milieu donne lieu à une responsabilité pénale. Les opérations, installations, ouvrages et activités qui entraînent des prélèvements d'eau, des modifications de niveau ou d'écoulement, ou des déversements, rejets, dépôts dans les eaux. (article L 232 2 du code rural – art. 22 et 23 de la loi sur l'eau) Délit d'homicide ou blessures involontaires - Concernant des équipements sportifs Concernant le service d'éclairage public Concernant la voirie Concernant des travaux communaux Concernant d’autres ouvrages communaux (banc public, élément d'ornement sur un monument aux morts, puits communal…) Délit de mise en danger d’autrui L’article 223-1 du code pénal réprime les manquements graves et délibérés à une obligation particulière de sécurité et de prudence imposée par la loi ou les règlement qui pourraient être de nature à exposer quelqu'un à un risque immédiat de mort ou de blessure, même si aucun accident n'en est résulté en réalité. Malgré l'emploi du terme « délibéré » (qui signifie « en connaissance de cause », c'est à dire connaissance du risque que l'on fait courir en agissant ainsi ou en s'abstenant d'agir) il s'agit d'un délit non intentionnel. Le maire qui, sachant que les travaux envisagés sont périlleux, parce que situés à 10 mètres du sol par exemple, prends le risque de les faire exécuter sans respecter les règles particulières édictées en matière de sécurité du travail (harnais de sécurité, casque...) commet le délit. V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE Délits de faux en écriture Le faux est une « altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit dans un écrit ou dans tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques » (art 441 1 du code pénal). - Le faux en écriture publique ou authentique (art. 441 4 du code pénal). Les documents concernés sont essentiellement les actes d'état civil, y compris les extraits, les délibérations de conseils municipaux, les listes électorales et les procès verbaux adressés par les présidents des bureaux de vote, les livres, registres et pièces de comptabilité publique. - Les faux documents administratifs (art 441 2 du code pénal). Il doit s'agir d'un document délivré par une administration publique pour constater un droit, une identité, une qualité, ou lorsqu'il s'agit d'accorder une autorisation. Les documents concernés sont : la carte d'identité, de séjour, carte grise, permis de conduire, certificat d'immatriculation, carte d'électeur, récépissé constatant l'accomplissement d'une formalité (de déclaration d'exercice d'une activité ambulante par exemple), permis de construire, de chasser... - Les faux certificats et attestation (art 441 7 du code pénal). Ce sont des écrits « contenant l’affirmation d'un fait, formulée par une personne qui en assume la responsabilité et qui, par là même, prétend entraîner l'adhésion des tiers » (M. Vitu). il faut en outre que le document soit signé, et établi au profit d'un tiers. Le maire pourra se voir appliquer cette incrimination particulière lorsque sciemment il établit un certificat ou une attestation relatant des faits matériellement inexacts, ou falsifie une attestation ou certificat sincères à l'origine, ou fait usage d'une attestation ou certificat falsifiés V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE Les infractions relatives à l'informatique et aux libertés Toute information de données nominatives, et toute utilisation de fichier de personnes physiques doit respecter les dispositions de la loi n°78 17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. • Collecte des données : l'article 27 de la loi impose une information des personnes auprès desquelles des données nominatives sont recueillies. • Mise en œuvre du fichier automatisé d'informations nominatives : avant toute mise en œuvre le maire doit effectuer certaines formalités et en particulier obtenir un avis préalable de la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés). • Protection et confidentialité du fichier : nécessité de « prendre toutes les précautions utiles pour préserver la sécurité de ces informations et notamment empêcher qu'elles ne soient déformées, endommagées, ou communiquées à des tiers non autorisés ». Aussi convient il : De bien recenser les traitements envisagés, mais aussi les utilisations d'appareils faisant appel à des procédés informatiques de traitement de l'information (autocommutateurs téléphoniques, cartes magnétiques d'accès ou de gestion des horaires, messageries ou services télématiques...) ; D'actualiser régulièrement la déclaration à la CNIL ; Ne pas utiliser les données à des fins autres que celles déclarées, et imposer cette obligation dans les conventions conclues avec des prestataires en cas de sous-traitance. B. celle où la responsabilité est liée à l'exercice des pouvoirs de police V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE En application des articles L. 2212 1 et suivants du code général des collectivités territoriales (C.G.C.T.), le maire est chargé de la police municipale et de la police rurale sur le territoire de la commune. Au titre de ses pouvoirs de police générale, il doit notamment assurer la sécurité publique dans les lieux publics et réprimer les atteintes à la tranquillité publique. Il est également chargé de la salubrité publique et du soin de prévenir et de faire cesser les fléaux calamiteux et les pollutions de toute nature. En outre, le premier élu dispose de pouvoirs de police portant sur des domaines particuliers (police des baignades, de la circulation, des établissements recevant du public, immeubles menaçant ruine...) Le domaine d'élection de cette responsabilité est l'environnement, mais les maires l'encourent aussi dans d'autres secteurs. V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE Environnement et risques majeurs - Réseaux d'assainissement et stations d'épuration : Les rejets polluants d'un réseau d'assainissement communal exploité en régie peuvent conduire un maire à être pénalement condamné pour pollution de l'eau en tant que gestionnaire du réseau. Mais le défaut ou l’insuffisance d'utilisation de ses pouvoirs de police pour prévenir ou mettre fin à cette pollution peuvent également être retenus séparément ou concomitamment pour l'incriminer. - Déchets : Les décharges irrégulières constituent un risque pénal important dès lors que le maire ne prends pas les mesures nécessaires pour les rendre conformes à la réglementation ou les supprimer, sachant que les décharges d'ordures, même sauvages, constituent des installations classées. - Tranquillité publique : L'article L2212 2 du code général des collectivités territoriales charge le maire d'assurer la tranquillité publique, en particulier en ce qui concerne les bruits de voisinage (provenant d'activités professionnelles, de loisirs, de chantiers et les bruits domestiques) qui troublent le repos des habitants. - Dangers d'origine naturelle - Risques majeurs : Le décret n°90-218 du 11 octobre 1990 pris pour l'a pplication de l'article 21 de la loi n°87-565 du 22 juillet 1987 charge le maire d'assurer pour partie l'information des citoyens sur les risques encourus. V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE Urbanisme et construction Le maire est le premier garant de la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP), et se trouve investi de responsabilités importantes en matière d'urbanisme, aussi bien en ce qui concerne l'élaboration de la réglementation locale que son application par la délivrance des autorisations d'occupation du sol, ou le contrôle du respect de ces réglementations dans le cadre des procédures instituées par le code de l'urbanisme. • Les établissements recevant du public : En premier lieu, l'ERP fait l'objet d'un permis de construire, délivré par le maire au nom de la commune lorsque celle ci est dotée d'un POS. Or ce permis sanctionne non seulement le respect des règles d'urbanisme mais aussi les règles de sécurité propres à ce type d'établissement (art. L 421¬3, 8421 5 1, R 421 38 20, R 460 7 du code de l'urbanisme). En outre, les modifications ou les travaux non soumis à permis de construire ne peuvent être exécutés qu'après autorisation du maire et avis de la commission de sécurité (art L 111 8 1 et R 123 23 du code de la construction). Même si le constructeur n'a pas demandé cette autorisation, il suffit que le maire ait eu connaissance des travaux et de la mise en service sans réagir, pour que sa responsabilité soit engagée en cas de sinistre. En second lieu la responsabilité du maire peut résulter de sa compétence pour délivrer les certificats de conformité. En troisième lieu la responsabilité du maire peut découler des pouvoirs de police spéciale dont il dispose pour contrôler le respect de la réglementation par les ERP (art 8123 27 du code de la construction). • Les permis de construire : L'édification ou l'extension de bâtiments communaux est soumise, comme c'est le cas pour les particuliers, à la délivrance d'un permis de construire. En outre, ce permis doit être régulier. V. LA RESPONSABILITE PENALE DU MAIRE 3. Cette responsabilité pénale générale peut être rangée en deux grandes catégories Equipements communaux Citons le cas d'un maire déclaré coupable du délit de blessures involontaires au motif que, responsable de la sécurité des skieurs sur les pistes de la station, il n'avait pas assuré une protection suffisante à la base d'un pylône de remontée mécanique (Cris. Crim. 18 janvier 1990 n°89 92873). Manifestations festives • Condamnation d'un maire à une peine d'amende pour insuffisance des mesures de sécurité prises lors d'un tir de feu d'artifice, l'explosion intempestive d'une fusée ayant blessé de nombreuses personnes. ( TC Montpellier23 déc. 1993). • Mise en examen de deux maires du sud de la France pour imprudence et manquement à une obligation de sécurité à la suite de deux accidents mortels survenus lors d'une « abrivade » (manifestation taurine) correspondant à une tradition locale. Conclusion La peur du juge ne doit pas constituer un frein à l’action publique locale. Conseils de prévention: • la plus grande prudence quant à vos rapports d’intérêts avec votre collectivité, ainsi que dans l’utilisation des deniers publics ; • une surveillance attentive de l’état de vos équipements (en particulier ceux susceptibles d’entraîner des atteintes à la sécurité ou à l’environnement) ; • dès la connaissance d’un dysfonctionnement : mettre en œuvre dans les plus brefs délais, les mesures adaptées de nature à pallier les déficiences, verbaliser les contrevenants si nécessaire en cas d’infraction ; • laisser des traces mêmes informelles qui montrent un plan d’action ; • contracter une police d’assurance personnelle (payée sur les deniers personnels du maire)