© Masson, Paris, 2002 REV. PNEUMOL. CLIN., 2002, 58, 6-4S30-4S39 Infection tuberculeuse épidémique en milieu institutionnel Épidémiologie et clinique de la tuberculose épidémique en milieu institutionnel B. DECLUDT (Institut de Veille Sanitaire, Saint-Maurice) HISTORIQUE DE LA SURVEILLANCE DE LA TUBERCULOSE DANS LA POPULATION GÉNÉRALE Les sources d’information En 1964, la tuberculose devient une maladie à déclaration obligatoire. Entre 1964 et 1984, la collecte et la validation des cas se font dans les dispensaires antituberculeux et l’Unité INSERM U179 centralise les déclarations à l’échelon national. En 1982, les lois de décentralisation ont pour conséquences un partage des compétences entre l’Etat et les départements : la surveillance épidémiologique relève de la Direction Départementale des Actions Sanitaires et Sociales (DDASS) (soit à l’Etat) et la lutte antituberculeuse du Conseil Général (soit au Département). En 1985, l’Unité INSERM U 179 est fermée et à partir de 1987, le rôle des dispensaires devient moins important En effet, la Direction Générale de la Santé avait mis l’accent sur la responsabilisation du médecin traitant dans la prise en charge du malade, avec un recours facultatif aux structures de lutte antituberculeuse. Cette réorganisation a laissé la France pendant quelques années sans centralisation exhaustive des données de surveillance de la tuberculose. Entre 1987 et 1995, la Direction Générale de la Santé centralisait les données de surveillance et depuis 1996, l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), ex-Réseau National de Santé Publique, a repris le système de surveillance des maladies à déclaration obligatoire. Les modes de collecte des données En 1987, la fiche de déclaration obligatoire est modifiée : elle devient indirectement nominative, prend une orientation épidémiologique et exclut la déclaration des virages tuberculiniques. En 1990, le logiciel “BK” est diffusé dans les DDASS. Il est destiné à identifier les doubles déclarations, analyser les informations à un niveau départemental et faciliter le transfert de données pour une analyse nationale. Exhaustivité de la déclaration obligatoire Une enquête d’exhaustivité a été réalisée sur les années 1992-93 dans 15 départements : les cas de tuberculose déclarés représentaient 50 % des cas diagnostiqués. En Gironde, où un réseau tuberculose a été créé afin de disposer d’un meilleur système de surveillance et de lutte contre la tuberculose, l’exhaustivité atteignait 50,4 % en 1998 et 59,3 % en 1999. Une estimation de l’exhaustivité de la DO peut être faite à partir de la comparaison des données de la DO et de celles du CNR pour la surveillance des infections à mycobactéries et de leur résistance aux antituberculeux qui recense l’ensemble des cas à culture positive. Par cette méthode, l’exhaustivité de la DO serait comprise entre 65 % et 70 %. Les Centres Nationaux de Référence (CNR) Il en existe deux en France : INFECTION TUBERCULEUSE ÉPIDÉMIQUE EN MILIEU INSTITUTIONNEL 4S31 – le CNR des mycobactéries (Institut Pasteur), qualifié dans l’expertise et le typage des souches, et qui participe à la surveillance épidémiologique, Les personnes âgées sont considérées comme étant plus à risque de développer une tuberculose pour plusieurs raisons : – le CNR pour la surveillance des infections à mycobactéries et de leur résistance aux antituberculeux (Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris), qui assure la surveillance de la résistance et de la multirésistance en collaboration avec le CNR Pasteur et réalise des enquêtes ponctuelles (méningites tuberculeuses, M. xenopi...). – beaucoup d’entre elles ont été atteintes d’une infection tuberculeuse et sont porteuses de BK quiescents : 80 % des plus de 70 ans ont été infectés dans leur enfance (2), Bases réglementaires – les personnes âgées auraient des facteurs favorisant la réactivation, comme l’altération des défenses immunitaires ou l’utilisation de médicaments immunosuppresseurs, – enfin, la durée de vie augmente. Les décrets du 9/6/1999 et du 16/5/2001 précisent que le signalement du cas de tuberculose doit être fait sans délai par le clinicien ou le biologiste, ce qui permet la mise en route de l’investigation et des mesures de prévention de l’entourage, et qu’il doit être suivi d’une notification à visée épidémiologique. Mais, concernant les tuberculoses en milieu institutionnel, il existe peu de données disponibles à partir des déclarations obligatoires et dans la littérature. Actuellement, une nouvelle fiche de déclaration obligatoire est en cours d’élaboration afin d’améliorer sa complétude. Les infections tuberculeuses (primoinfection) chez les enfants de moins de 15 ans devront également être déclarées. TUBERCULOSE CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES VIVANT EN INSTITUTION Le risque relatif de contracter une tuberculose-infection lors d’un séjour en institution est de 4 fois supérieur à celui d’une personne âgée vivant à domicile (3). TUBERCULOSE DES PERSONNES ÂGÉES Dans les pays industrialisés, le risque de développer une tuberculose augmente avec l’âge, résultant le plus souvent d’une réactivation endogène (figure 1). En France, l’incidence atteint 22 cas pour 100 000 personnes de 75 ans et plus (1). 25 Épidémiologie La vie en institution est donc en elle-même un facteur de risque d’infection ou de maladie tuberculeuse. Les facteurs proposés pour expliquer ce risque sont : – propres à la personne âgée : qui présente un état immunitaire déficient, – dus à la vie en communauté : promiscuité et risque d’être contaminé par un cas-index, – relatifs à la prise en charge d’une personne âgée vivant en institution : le tableau clinique, souvent peu évocateur, entraîne un retard diagnostique, pour 100 000 – inhérents aux cas décédés sans diagnostic qui ont pu contaminer d’autres sujets dans l’institution. 20 15 D’après le CDC, 80 % des cas de tuberculose survenant dans les résidences pour personnes âgées sont dus à une réactivation. 10 5 0 0-4 5-14 15-24 25-39 40-59 60-74 >= 75 Clinique Classes d’âge Fig. 1. — Incidence de la tuberculose selon l’âge, France métropolitaine, 2001. La présentation clinique de la tuberculose est souvent atypique chez les personnes âgées : la fièvre, les sueurs nocturnes et la toux sont parfois absentes ; on 4S32 8ème WORKSHOP DE PNEUMOLOGIE retrouve plus volontiers une dyspnée, une perte d’appétit, une perte de poids et une désorientation temporo-spatiale. Au plan radiologique, la miliaire est proportionnellement plus fréquente ; les lobes les plus souvent atteints sont les lobes moyen et inférieurs. Les patients sont plus souvent bacillifères et l’on retrouve plus fréquemment des antécédents de tuberculose. Aux USA, parmi 12 946 nouveaux résidents d’une maison de retraite, 12 % avaient une intradermo-réaction positive. Parmi 13 441 anciens résidents, 21 % avaient une intradermo-réaction positive. LA TUBERCULOSE DANS LES RÉSIDENCES POUR PERSONNES ÂGÉES : REVUE DE LA LITTÉRATURE – 5 % par an dans les résidences ayant un cas de tuberculose dans les trois années précédentes, A propos d’un cas (4) En 1975, est identifié un cas de tuberculose-infection chez une personne vivant dans une résidence pour personnes âgées. Aucun traitement préventif n’est entrepris. En 1979, la personne commence à se plaindre de perte de poids, d’une toux. La recherche de BAAR n’est pas faite. En novembre 1980, le diagnostic de tuberculosemaladie est porté sur la présence de BAAR dans l’expectoration. Un dépistage est alors entrepris dans la maison de retraite : – 59/91 résidents (65 %) avaient une intradermoréaction positive. Parmi eux, 5 ont développé une tuberculose-maladie. Le profil génomique des souches des malades était le même que celui de la souche du casindex, – 38/87 employés (44 %) avaient une intradermoréaction positive, dont un a développé une tuberculose-maladie avec une souche identique à celle du casindex. A propos de deux tuberculoses bacillifères (5) A la suite de deux cas de tuberculose bacillifère, un dépistage a été réalisé dans la maison de retraite : 213 sujets-contacts ont été identifiés. Parmi eux, 23 employés et 11 résidents présentaient un virage tuberculinique : il n’a été retrouvé aucun autre cas de tuberculose-maladie ; il n’a pas été possible d’identifier le cas-index. L’étude de Stead et al. (6) Il y avait donc 80 % de sujets indemnes de tuberculose-infection et susceptibles d’être infectés s’ils se trouvaient exposés. Le taux de conversion des sujets ayant une intradermo-réaction négative à l’entrée était estimé à : – 3,5 % par an dans les résidences n’ayant pas de cas de tuberculose connu. La tuberculose représente donc bien un risque d’infection de type nosocomial dans les résidences pour personnes âgées. EN CONCLUSION La tuberculose est fréquente chez les sujets âgés. Il peut s’agir d’une réactivation ou d’une infection acquise récemment. Parmi les cas de tuberculose des sujets de plus de 75 ans, 17 % sont identifiés dans les collectivités. Les caractéristiques cliniques ne sont pas spécifiques, et font parfois errer le diagnostic, quand celui-ci n’est pas purement et simplement posté post-mortem. Plus de la moitié de ces cas sont contagieux, car bacillifères. RÉFÉRENCES 1. Decludt B, Campese C, Institut de Veille Sanitaire : Les cas de tuberculose déclarés en France 2000. Bull Epidemiol Hebd 2002;16:68-70. 2. Dutt AK, Stead WW : Tuberculosis in the elderly. Med clin North Amer 1993;77:1353-68. 3. Stead WW, Dutt AK : Tuberculosis in elderly persons. Annu Rev Med 1991;42:267-76. 4. CDC : MMWR 11 1983;32(9):121-2. 5. Kovach CR, Shore B : Managing a tuberculosis outbreak. Geriatr Nurs 1991;1:29-30. 6. Stead WW, Lofgren JP, Warren E, Thomas C : Tuberculosis as an endemic and nosocomial infection among the elderly in nursing homes. N Engl J Med 1985;312:1483-7. INFECTION TUBERCULEUSE ÉPIDÉMIQUE EN MILIEU INSTITUTIONNEL 4S33 Prise en charge et prévention de la tuberculose épidémique en milieu institutionnel E. BOUVET (Paris) Les données spécifiques sur les personnes en institution manquent. Les règles appliquées en population générale s’appliquent aussi dans ces situations. CLINIQUE – la présence d’une toux importante ou l’exécution de manœuvres expiratoires, – la détection de BAAR à l’examen direct des sécrétions bronchiques, ce qui témoigne d’une concentration bacillaire > 10 000/ml, – la présence d’excavations sur la radiographie thoracique, Mycobacterium tuberculosis peut provoquer une “primo”-infection tuberculeuse ou une tuberculose maladie. – l’absence de traitement efficace ou le retard diagnostique, La tuberculose infection est dépistée par l’intradermoréaction (IDR) à la tuberculine. Ce test est le seul validé pour les sujets de plus de trois ans. Le monotest n’est pas recommandé. Le problème majeur qu’il pose en France est celui de son interprétation lorsque le sujet testé a été vacciné par le BCG (aux USA, en l’absence de vaccination systématique obligatoire, l’IDR est un précieux outil). – leur statut immunitaire (VIH, traitements immunosuppresseurs, diabète, alcoolisme, malnutrition), La tuberculose maladie est la conséquence d’une infection aiguë ou d’une réactivation de bacilles quiescents qui peut survenir dans un délai allant de 1 à 70 ans après l’infection. Elle se manifeste au plan clinique par des symptômes variables selon l’organe atteint, le plus souvent respiratoires (toux, expectoration, hémoptysie) accompagnés ou non de signes généraux (fièvre, amaigrissement, asthénie, anorexie). Les examens complémentaires, comme la radiographie thoracique et la recherche de BAAR dans les sécrétions bronchiques, peuvent orienter et même affirmer le diagnostic en cas de découverte de bacilles. La contagiosité de la tuberculose dépend de plusieurs facteurs impliquant : • au niveau du sujet malade, émetteur de bacilles : – les localisations pulmonaires et laryngée qui sont les seules contagieuses, • au niveau des sujets-contacts : – l’âge (enfants, adolescents, vieillards), – l’existence d’une vaccination antérieure par le BCG, – l’étroitesse du contact : dans une méta-analyse concernant 8 000 cas de tuberculose à BAAR positifs à l’examen direct, on a retrouvé 20,2 % de nouvelles infections parmi les personnes vivant dans le même foyer, 3,7 % parmi les proches parents ou amis et 0,3 % parmi les collègues. Une étude familiale réalisée dans les Pays-Bas entre 1950 et 1960 a évalué le taux d’infections parmi les sujets-contacts : il y avait 65 % de sujets infectés (IDR+) quand le patient-contact avait des BAAR à l’examen direct dans ses sécrétions bronchiques, 26,8 % quand l’examen direct était négatif, mais les cultures positives et 17,6 % quand examen direct et cultures étaient négatifs. PRISE EN CHARGE Pour diagnostiquer l’infection tuberculeuse Il n’existe qu’une seule méthode : l’IDR à la tuberculine. On utilise 0,1 ml de tuberculine qui est injecté 4S34 8ème WORKSHOP DE PNEUMOLOGIE dans le derme sur la face antérieure de l’avant-bras. La lecture de la réaction se fait 72 heures plus tard : on mesure le diamètre transversal de l’induration en millimètres. On peut répéter le test 2 mois plus tard s’il est négatif initialement. En effet, le délai d’apparition de la réponse immunitaire s’échelonne entre 2 à 14 semaines après le contact potentiellement infectant. Il existe de nombreuses difficultés d’interprétation de ce test : l’existence d’une vaccination antérieure par le BCG, d’une immunosuppression, l’effet booster qui est mal évalué pour les sujets de plus de 50 ans. Quelles sont les recommandations pour la population générale ? Lors de la première visite chez un sujet-contact* IDR 10 UI Induration ≥ 10 mm Induration < 10 mm Examen clinique et radiographie thoracique Normale Comment authentifier une infection chez les sujets-contacts ? Chez les sujets n’ayant pas été vaccinés : l’IDR passe d’un diamètre < 10 mm à un diamètre > 10 mm avec au moins 10 mm de différence. Chez les sujets ayant été vaccinés : l’induration augmente d’au moins 10 mm, quelle que soit sa valeur de départ. La surveillance des sujets-contacts doit durer deux ans, délai pendant lequel le risque infectieux est maximal. Si examen clinique normal : chimioprophylaxie à discuter chez < 15 ans en contact étroit Anormale Si examen clinique normal : chimioprophylaxie à discuter Bilan complet et traitement Deuxième visite à 2 mois IDR 10 UI Induration < 10 mm Induration augmentée de > 10 mm Stop Examen clinique et radiographie thoracique Qui doit-on dépister ? On pratique tout d’abord une sélection des sujetscontacts par la méthode du caillou dans la mare : les contacts sont classés en “étroit”, “régulier” et “occasionnel”. Si un cas d’infection est détecté dans le premier cercle, on élargit le dépistage au deuxième cercle et ainsi de suite. Si au contraire, aucun cas n’est dépisté dans le premier cercle, on stoppe le dépistage. Dans le cas particulier de l’institution, deux populations sont à distinguer : le personnel soignant et les autres membres résidents de l’institution. Mais la méthode du caillou dans la mare reste adaptée pour ces deux types de population. Comment doit-on dépister ? On pratique une IDR et si l’IDR est > à 10 mm ou s’il s’agit d’un enfant de moins de 5 ans ou d’un sujet âgé ou immunodéprimé, on réalise une radiographie thoracique. Normale Si examen clinique normal : chimioprophylaxie à discuter Anormale Bilan complet et traitement * Ces recommandations sont à adapter et à moduler en fonction de deux critères majeurs : la contagiosité du cas-index (non bacillifère à très bacillifère) et le terrain du sujet contact (VIH, immunodéprimé, âge, etc.). PRÉVENTION Les mesures à prendre pour diminuer le risque de transmission nosocomiale sont : 1) faire un diagnostic précoce des patients infectés et donner une chimioprophylaxie aux sujets immunodéprimés et au personnel soignant ; 2) donner un traitement adapté dans les cas de tuberculose-maladie ; 3) appliquer les mesures d’isolement respiratoire : – en cas de forte suspicion de tuberculose-maladie, INFECTION TUBERCULEUSE ÉPIDÉMIQUE EN MILIEU INSTITUTIONNEL – pour les patients contagieux : jusqu’à négativation de l’expectoration, ce qui nécessite en général deux à trois semaines, – dans les zones à risque ou lors de procédures particulières : expectorations induites, aérosols de pentamidine, fibroscopie bronchique, intubation et ventilation mécaniques, 4S35 – le nombre de visiteurs doit être réduit au minimum et ceux-ci doivent porter un masque. Il faut faire particulièrement attention à éviter les visites des sujets VIH positifs, – le personnel médical doit porter un masque, – toute procédure induisant une toux doit être proscrite : aérosol, kinésithérapie, expectoration induite, etc. 4) surveiller la tuberculose dans l’établissement : – déclaration obligatoire, – identification du bacille en cause et de la souche, – surveillance de la résistance, – enquête pour évaluer la tuberculose en rétrospectif, – enquête dans le personnel soignant. Quelques remarques sur les bonnes pratiques concernant l’isolement respiratoire des patients contagieux : – le patient doit être isolé en chambre seule. La porte doit rester fermée. Les déplacements du patient hors de la chambre doivent être réduits au minimum. Si le patient se déplace, il doit porter un masque, RÉFÉRENCES 1. Tattevin P, Casalino E, Fleury L, Egmann G, Ruel, Bouvet E : The validity of medical history, classic symptoms, and chest radiographs in predicting pulmonary tuberculosis. Chest 1999;115:1248-53. 2. Schwoebel V, Hubert B, Desenclos JC : Investigations à conduire autour d’un cas de tuberculose ou de primo-infection tuberculeuse récente. Bull Epidémiol Hebd 1994;9:39-43. 3. Behr MA, Warren SA, Salamon H, et al. : Transmission of Mycobacterium tuberculosis from patients smear-negative for acid-fast bacilli. Lancet 1999;353:444-9. 4. Bouvet E, Desenclos JC : Recommandations pour la prévention de la transmission de la tuberculose dans les lieux de soins. Méd Mal Infect 1993;23:99-102. 5. Bouvet E : Tuberculose pulmonaire nosocomiale. Rev Pneumol Clin 2001;57:139-44. Infection tuberculeuse épidémique en milieu institutionnel : conclusions, synthèse et perspectives S. BIROLLEAU, B. DAUTZENBERG (Paris) Le terme “institution” est mal défini. Le moyen et le long séjour sont des “institutions”, mais les maisons de retraite médicalisées posent des problèmes voisins. Les personnes “âgées” par définition ont plus de 65 ans. Mais en fait, le plus souvent, l’âge moyen est de 80 ans, voire plus. ÉPIDÉMIOLOGIE On manque de données spécifiques concernant les sujets vivant en institution en France. Cependant, on dispose de données sur la tuberculose en France, la tuberculose des personnes âgées en France et la tuberculose des personnes âgées vivant en institution aux USA. En France, les données épidémiologiques sont basées sur la déclaration obligatoire (DO) qui ne recense que les cas de tuberculose-maladie. Elle est indirectement nominative. Depuis 1990, il existe un logiciel BK dans tous les départements. L’exhaustivité varie de 27 à 68 % selon les départements. En 1999, elle était de 59,3 % en Gironde. Mais il n’existe actuellement aucun registre national. Jusqu’à présent, on observait depuis une vingtaine d’années une diminution de l’incidence de la tuberculose de 6 % par an. Depuis 1997, l’incidence est de 11/100 000 habitants. La tuberculose touche beaucoup plus les sujets immigrés que les Français. En ce qui concerne les personnes âgées, l’incidence est de 19/100 000 habitants pour les plus de 65 ans et de 27/100 000 pour les plus de 75 ans. 4S36 8ème WORKSHOP DE PNEUMOLOGIE A noter que même chez les personnes âgées, l’incidence de la tuberculose diminue de 2 % par an. Parmi les tuberculoses déclarées touchant les personnes âgées, 17 % proviennent d’institutions ; 63 % d’entre elles sont des tuberculoses bacillifères. La grande majorité (80 %) des plus de 70 ans a été infectée avant 1950. dans 58 % des cas. Dans 16 % des cas, les sujets âgés ont des antécédents de tuberculose. Il existe quelques données dans la littérature sur la tuberculose en institution. D’après ces études, le risque relatif pour une personne âgée vivant en institution de développer une tuberculose est de quatre par rapport à une personne âgée vivant à son domicile. Aucune définition de l’âge n’est donnée. La promiscuité vis-à-vis du cas-index augmente le risque de tuberculose. La clinique, souvent trompeuse, entraîne un retard diagnostique ; il existe des décès avant que le diagnostic n’ait été posé. Quatre-vingt pour cent des cas de tuberculose survenant en institution sont des réactivations et 20 % des infections de novo. Il y a 700 décès par an en France dus à la tuberculose. Chez les hommes, la mortalité par tuberculose est de 200/million de décès. Chez les femmes, elle est de moitié. Un cas a été décrit dans la littérature d’une personne âgée tuberculeuse vivant en institution et pour laquelle le diagnostic n’a été porté que 1 an après le début des signes cliniques et 5 ans après le contage. Ce patient avait infecté 65 % des résidents et 44 % des membres du personnel soignant, dont respectivement 6 % et 2 % ont développé une tuberculose-maladie. Une autre étude rapporte deux cas de tuberculose bacillifère responsable, dans une institution, de l’infection de 23 personnes parmi le personnel soignant et de 11 résidents sur 213 sujets-contacts. Une étude de Stead et al. portant sur 12 196 sujets âgés entrant en institution aux USA a retrouvé 12 % d’IDR positives, alors que 21 % des sujets déjà résidents avaient une IDR positive. Il existe donc une augmentation de 5 % par année de vie en résidence du taux d’IDR positives lorsqu’un cas de tuberculose-maladie est diagnostiqué dans les trois ans précédant et de 3,5 % par an lorsque aucun cas n’a été déclaré dans l’institution. En conclusion, les données sur la tuberculose des personnes vivant en institution en France manquent. Des études portant sur l’incidence de l’infection et de la maladie pourraient être utiles pour établir des schémas de décision afin d’assurer un meilleur contrôle. La fièvre est souvent absente. Il y a peu de toux. Les sujets se plaignent de dyspnée, de perte de poids et ont des signes généraux. La miliaire semble plus fréquente. Les lobes moyen et inférieur sont plus souvent touchés. En conclusion, compte tenu de ces particularités cliniques, il existe probablement souvent un retard diagnostique, ce qui accroît le risque d’infection chez les sujets-contacts. DÉPISTAGE DE LA TUBERCULOSE CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES VIVANT EN INSTITUTION L’utilisation des tests tuberculiniques chez les personnes âgées se résume à celle de l’IDR à la tuberculine. Mais l’IDR présente des problèmes : de fiabilité et d’approvisionnement, mais aussi d’interprétation avec le possible effet booster. Il n’y a pas de données portant sur les IDR tuberculiniques chez les personnes âgées en France. Il n’existe que des données pour les USA où la tuberculine utilisée est différente. En ce qui concerne la radiographie thoracique, il n’existe pas en France de données justifiant ou non son utilisation. Or, l’intérêt du traitement préventif d’une tuberculose-maladie à partir de lésions fibreuses radiographiques n’ayant jamais été traitées auparavant, est démontré (par INH pendant 9 mois ou PZA + RMP pendant 2 mois). Par ailleurs, on ne connaît pas le risque d’évolution de la tuberculose-infection vers la tuberculose-maladie chez la personne âgée. Le taux de protection du BCG n’est pas non plus connu à cet âge. CLINIQUE La surveillance des sujets-contacts doit se faire par l’IDR. Celle-ci vire entre 2 et 4 semaines après le contage. Si elle est négative initialement, il faut la refaire 2 mois plus tard, en tenant compte du fait que l’effet booster est plus important chez la personne âgée. La localisation de la tuberculose des personnes âgées est pulmonaire dans 73 % des cas. Des BAAR sont retrouvés à l’examen direct des sécrétions bronchiques Faut-il faire un dépistage des sujets à l’entrée en institution ? Parmi les avantages, on compte sur le fait que l’on dépisterait aussi les sujets malades et les formes séquellaires ou quiescentes. Mais, du fait du BCG, on ne INFECTION TUBERCULEUSE ÉPIDÉMIQUE EN MILIEU INSTITUTIONNEL dispose pas d’outil d’interprétation facile pour dépister l’infection. Dans ce cas, faut-il dépister l’infection ? Aux USA, la réponse est oui, car l’IDR est interprétable et conduit à une prophylaxie. En France, la réponse est inconnue. Il faudrait pour y répondre faire une étude comparant l’intérêt d’un dépistage par la radiographie thoracique systématique versus l’IDR versus l’IDR + la radiographie versus abstention (pas de dépistage) et suivre les sujets pendant un à deux ans après l’entrée en institution. 4S37 surveillance radiologique et biologique de l’efficacité et des effets secondaires. Sinon, il est préférable de faire hospitaliser une quinzaine de jours la personne malade. L’isolement respiratoire nécessite la mise du patient en chambre seule, le port d’un masque de protection respiratoire (ayant moins de 25 % de fuites, filtrant plus de 99 % des particules de moins de 1 micron) (masque P2). A noter que, concernant la qualité des masques, il n’y a pas de recommandation officielle. La durée de l’isolement est en général de 15 jours en institution pour les sujets BAAR positif. PRÉVENTION AUTOUR D’UN CAS Seules les tuberculoses pulmonaires ou laryngées sont contagieuses. Le risque est maximum si : – il y a des excavations sur la radiographie thoracique, – il y a plus de 10 000 BAAR/ml (examen direct positif), – il n’y a pas de traitement efficace, – il existe une toux importante. EN CONCLUSION Le débat sur la tuberculose des sujets âgés vivant en institution est difficile en raison du manque de données. Des études sont nécessaires pour aider au contrôle de cette maladie. Il est important de faire des tubages lorsque le patient ne crache pas. DISCUSSION ET COMMENTAIRES Le risque est maximum pendant les deux premières années. On surveille la variation de l’induration de l’IDR qui doit être supérieure à 10 mm pour être considérée comme décelant une infection. P. PETITPRETZ : Concernant l’effet booster, a-t-on une idée du délai au-delà duquel il n’est plus à prendre en compte ? Qui doit-on dépister ? Les pensionnaires et les soignants, en suivant la méthode du caillou dans la mare décrite précédemment. Comment doit-on procéder ? En s’aidant de la clinique, de l’IDR et de la radiographie thoracique. Faut-il traiter systématiquement les primo-infections tuberculeuses à cet âge ? La réponse est oui aux USA. En France, c’est oui si le virage est récent et non dans les autres cas. Quelles sont les mesures à prendre pour diminuer le risque d’épidémie ? la chimioprophylaxie, le diagnostic précoce des cas de maladie, l’isolement respiratoire des sujets malades et la surveillance de la tuberculose dans l’établissement. TRAITEMENT Le traitement est le même que pour les sujets jeunes. On peut instaurer le traitement dans l’institution à condition qu’il soit possible d’isoler le patient, de conduire une E. BOUVET : En fait, il semblerait que ce délai soit très variable de quelques semaines à quelques mois. Les données concernant spécifiquement les sujets âgés manquent. B. DAUTZENBERG : Faut-il traiter systématiquement les infections tuberculeuses, en particulier chez les sujets âgés entrant en institution. Les recommandations, formellement en faveur du traitement aux USA, sont moins claires en France. Une étude a cependant montré que l’incidence de la survenue d’une tuberculose-maladie après chimioprophylaxie baissait de moitié, surtout si le sujet avait été infecté avant l’introduction des antituberculeux en France. Le rapport bénéfice/risque plaide en faveur du traitement des lésions fibreuses, mais par un régime contenant de la rifampicine. P. PETITPRETZ : Sur quoi repose la durée de 15 jours préconisée pour l’isolement des patients contagieux ? Certaines équipes isolent les patients pendant ce délai, alors que d’autres maintiennent l’isolement jusqu’à la négativation de l’examen direct de trois prélèvements consécutifs de sécrétions bronchiques. Certaines 4S38 8ème WORKSHOP DE PNEUMOLOGIE maisons de repos ou de convalescence exigent d’ailleurs ces résultats avant d’accepter un malade. E. BOUVET : En général, les patients qui ont été traités pendant deux semaines ne sont plus contagieux. B. DAUTZENBERG : Il faut peut-être nuancer la durée d’isolement en fonction des sujets que le patient traité va côtoyer. Elle pourrait être prolongée si les sujets-contacts étaient VIH positifs ou immunodéprimés ou s’il s’agissait de jeunes enfants. S. BIROLLEAU : Par qui doit être traité un patient tuberculeux lorsqu’il est en institution et qu’il existe des difficultés d’accès aux examens complémentaires ? Il semble plus raisonnable de transférer les patients dans un centre hospitalier. M.C. DOMBRET : La situation peut être évaluée au cas pas cas. Il n’est pas toujours nécessaire d’instituer un traitement antituberculeux en milieu hospitalier. A. TAYTARD : Le problème majeur pour prendre une décision en institution est que l’on ne dispose d’aucune donnée concernant le nombre de personnes âgées ayant des IDR positives ou négatives, ou la fréquence des anomalies radiographiques à leur entrée en institution. Cela gêne considérablement le dépistage après la découverte d’un cas de tuberculose-maladie. B. DAUTZENBERG : Cela pourrait faire l’objet d’une enquête : combien de sujets entrant en institution en France ont une IDR positive et/ou des anomalies radiographiques ? Sans ces données préalables, il est difficile de recommander une conduite à tenir en cas de découverte d’un cas de tuberculose-maladie dans une institution. Il faudrait aussi s’intéresser au bénéfice de traiter systématiquement les sujets infectés et ayant des séquelles radiologiques d’infection tuberculeuse, surtout si la primoinfection a eu lieu avant 1950. J. GAILLAT : Quelle est la fréquence des IDR négatives chez les sujets âgés, y compris en cas de tuberculose confirmée ? B. DAUTZENBERG : On ne sait pas. Il semble que d’un côté la fréquence des IDR positives diminue avec l’âge du fait de la baisse d’efficacité du BCG, mais que d’un autre côté elle augmente du fait de l’augmentation de la fréquence de la tuberculose dans cette population. En tout cas, il ne faut pas faire d’IDR chez un patient qui a une tuberculose évolutive et confirmée, car c’est inutile et elle peut être à l’origine d’une réaction de nécrose cutanée très douloureuse. C. CATTENOZ : Le problème des personnes âgées est qu’elles sont souvent atteintes de plusieurs patholo- gies en même temps et de malnutrition. L’IDR négative est même utilisée comme reflet de la malnutrition ; 80 % des personnes âgées sont dénutries et 70 % d’entre elles sont très dénutries. B. DAUTZENBERG : Il semble que 12 % des sujets de plus de 80 ans aient une IDR positive. J. BELMIN : Une étude personnelle réalisée avec le multitest a révélé que 15 à 20 % des sujets étaient totalement anergiques. En revanche, sur les radiographies thoraciques, les séquelles fibreuses sont très communes. B. DAUTZENBERG : Il faudrait distinguer les personnes infectées avant 1970 de celles infectées après cette date. Avant 1970, la rifampicine n’était pas utilisée. Dans ce cas, les séquelles de tuberculose peuvent contenir des bacilles encore quiescents et une chimioprophylaxie pourrait éviter ou diminuer le risque de passage à la tuberculose-maladie évalué, sans traitement, à 10 % par 5 ans. R. AZARIAN : Le schéma thérapeutique prophylactique de deux mois associant PZA et RPM est-il validé ? B. DAUTZENBERG : Ce schéma est validé chez le sujet VIH ; il n’y a pas de données chez le sujet âgé. En tout cas, les 2 schémas, de 9 mois et de 2 mois, sont recommandés par l’OMS. P. PETITPRETZ : La tuberculose représente-t-elle un réel problème significatif pour les gériatres ? Est-ce fréquent ? Les gériatres sont-ils préoccupés par une épidémie ? J. BELMIN : Il est vrai que dans notre service de 185 lits dont 105 lits de long séjour, le diagnostic est souvent évoqué, mais en fait, peu de cas sont documentés en raison surtout de difficultés d’exploration. Il ne s’agit pas d’un problème fréquent : un cas par an, voire moins. La durée moyenne de séjour est de trois ans ; et l’on ne sait pas si la tuberculose est acquise en long séjour ou existait avant l’admission. B. DAUTZENBERG : On repose donc le problème de savoir si les lésions fibreuses doivent être traitées. C. MAYAUD : Il faut considérer les sujets âgés comme des sujets immunodéprimés et dans cette dernière population, il a été montré que la chimioprophylaxie en cas de lésions fibreuses diminuait le passage à la tuberculose-maladie. Ainsi, par analogie, on pourrait escompter un bénéfice du traitement similaire chez les sujets âgés, mais le risque en serait différent ; il conviendrait donc d’évaluer le rapport bénéfice/risque du traitement prophylactique dans cette situation. INFECTION TUBERCULEUSE ÉPIDÉMIQUE EN MILIEU INSTITUTIONNEL B. DAUTZENBERG : Combien d’entrées par an y at-il dans les long séjours ? J. BELMIN : Dans notre service, il y a environ 30 entrées par an. C. CATTENOZ : Dans notre unité de long séjour comprenant 350 lits, il y a environ 100 à 120 entrées par an. Il y est diagnostiqué un cas par an de tuberculose sans 4S39 que l’on puisse différencier une primo-acquisition d’une réactivation. Mais, il est vrai qu’il y a vis-à-vis de la tuberculose un réel problème de tolérance de la part du personnel soignant, des autres malades et des familles. B. DAUTZENBERG : Avec autant d’entrées annuelles, l’étude de prévalence IDR/radiographie devient sérieusement envisageable. © Masson, Paris, 2002 Le Directeur de la Publication : Gérard Kouchner Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle faite sans l’autorisation de l’éditeur des pages publiées dans le présent ouvrage, par quelque procédé que ce soit, est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la Propriété intellectuelle). Des photocopies payantes peuvent être réalisées avec l’accord de l’éditeur. S’adresser au : Centre français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris, France. Tél. : +33 (0)1 44 07 47 70. Fax : +33 (0)1 46 34 67 19. Imprimé par Technic Imprim, Les Ulis (91) N° 309008Y : 4e trimestre 2002. 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