Infection tuberculeuse épidémique en milieu

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© Masson, Paris, 2002
REV. PNEUMOL. CLIN., 2002, 58, 6-4S30-4S39
Infection tuberculeuse épidémique
en milieu institutionnel
Épidémiologie et clinique de la tuberculose épidémique
en milieu institutionnel
B. DECLUDT (Institut de Veille Sanitaire, Saint-Maurice)
HISTORIQUE DE LA SURVEILLANCE
DE LA TUBERCULOSE DANS LA POPULATION
GÉNÉRALE
Les sources d’information
En 1964, la tuberculose devient une maladie à déclaration obligatoire.
Entre 1964 et 1984, la collecte et la validation des cas
se font dans les dispensaires antituberculeux et l’Unité
INSERM U179 centralise les déclarations à l’échelon
national.
En 1982, les lois de décentralisation ont pour conséquences un partage des compétences entre l’Etat et les
départements : la surveillance épidémiologique relève de
la Direction Départementale des Actions Sanitaires et
Sociales (DDASS) (soit à l’Etat) et la lutte antituberculeuse du Conseil Général (soit au Département).
En 1985, l’Unité INSERM U 179 est fermée et à partir de 1987, le rôle des dispensaires devient moins
important En effet, la Direction Générale de la Santé
avait mis l’accent sur la responsabilisation du médecin
traitant dans la prise en charge du malade, avec un
recours facultatif aux structures de lutte antituberculeuse. Cette réorganisation a laissé la France pendant
quelques années sans centralisation exhaustive des données de surveillance de la tuberculose.
Entre 1987 et 1995, la Direction Générale de la Santé
centralisait les données de surveillance et depuis 1996,
l’Institut de Veille Sanitaire (InVS), ex-Réseau National
de Santé Publique, a repris le système de surveillance
des maladies à déclaration obligatoire.
Les modes de collecte des données
En 1987, la fiche de déclaration obligatoire est modifiée : elle devient indirectement nominative, prend une
orientation épidémiologique et exclut la déclaration des
virages tuberculiniques.
En 1990, le logiciel “BK” est diffusé dans les DDASS.
Il est destiné à identifier les doubles déclarations, analyser
les informations à un niveau départemental et faciliter le
transfert de données pour une analyse nationale.
Exhaustivité de la déclaration obligatoire
Une enquête d’exhaustivité a été réalisée sur les années
1992-93 dans 15 départements : les cas de tuberculose
déclarés représentaient 50 % des cas diagnostiqués.
En Gironde, où un réseau tuberculose a été créé afin
de disposer d’un meilleur système de surveillance et de
lutte contre la tuberculose, l’exhaustivité atteignait
50,4 % en 1998 et 59,3 % en 1999.
Une estimation de l’exhaustivité de la DO peut être
faite à partir de la comparaison des données de la DO et
de celles du CNR pour la surveillance des infections à
mycobactéries et de leur résistance aux antituberculeux
qui recense l’ensemble des cas à culture positive. Par
cette méthode, l’exhaustivité de la DO serait comprise
entre 65 % et 70 %.
Les Centres Nationaux de Référence (CNR)
Il en existe deux en France :
INFECTION TUBERCULEUSE ÉPIDÉMIQUE EN MILIEU INSTITUTIONNEL
4S31
– le CNR des mycobactéries (Institut Pasteur), qualifié dans l’expertise et le typage des souches, et qui participe à la surveillance épidémiologique,
Les personnes âgées sont considérées comme étant
plus à risque de développer une tuberculose pour plusieurs raisons :
– le CNR pour la surveillance des infections à mycobactéries et de leur résistance aux antituberculeux
(Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris), qui assure la surveillance de la résistance et de la multirésistance en collaboration avec le CNR Pasteur et réalise des enquêtes
ponctuelles (méningites tuberculeuses, M. xenopi...).
– beaucoup d’entre elles ont été atteintes d’une infection tuberculeuse et sont porteuses de BK quiescents :
80 % des plus de 70 ans ont été infectés dans leur
enfance (2),
Bases réglementaires
– les personnes âgées auraient des facteurs favorisant
la réactivation, comme l’altération des défenses immunitaires ou l’utilisation de médicaments immunosuppresseurs,
– enfin, la durée de vie augmente.
Les décrets du 9/6/1999 et du 16/5/2001 précisent
que le signalement du cas de tuberculose doit être fait
sans délai par le clinicien ou le biologiste, ce qui permet
la mise en route de l’investigation et des mesures de prévention de l’entourage, et qu’il doit être suivi d’une notification à visée épidémiologique.
Mais, concernant les tuberculoses en milieu institutionnel, il existe peu de données disponibles à partir des
déclarations obligatoires et dans la littérature.
Actuellement, une nouvelle fiche de déclaration obligatoire est en cours d’élaboration afin d’améliorer sa
complétude. Les infections tuberculeuses (primoinfection) chez les enfants de moins de 15 ans devront également être déclarées.
TUBERCULOSE CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES
VIVANT EN INSTITUTION
Le risque relatif de contracter une tuberculose-infection lors d’un séjour en institution est de 4 fois supérieur
à celui d’une personne âgée vivant à domicile (3).
TUBERCULOSE DES PERSONNES ÂGÉES
Dans les pays industrialisés, le risque de développer
une tuberculose augmente avec l’âge, résultant le plus
souvent d’une réactivation endogène (figure 1). En
France, l’incidence atteint 22 cas pour 100 000 personnes de 75 ans et plus (1).
25
Épidémiologie
La vie en institution est donc en elle-même un facteur
de risque d’infection ou de maladie tuberculeuse. Les
facteurs proposés pour expliquer ce risque sont :
– propres à la personne âgée : qui présente un état
immunitaire déficient,
– dus à la vie en communauté : promiscuité et risque
d’être contaminé par un cas-index,
– relatifs à la prise en charge d’une personne âgée
vivant en institution : le tableau clinique, souvent peu
évocateur, entraîne un retard diagnostique,
pour 100 000
– inhérents aux cas décédés sans diagnostic qui ont
pu contaminer d’autres sujets dans l’institution.
20
15
D’après le CDC, 80 % des cas de tuberculose survenant dans les résidences pour personnes âgées sont dus à
une réactivation.
10
5
0
0-4
5-14
15-24
25-39
40-59
60-74
>= 75
Clinique
Classes d’âge
Fig. 1. — Incidence de la tuberculose selon l’âge, France métropolitaine, 2001.
La présentation clinique de la tuberculose est souvent atypique chez les personnes âgées : la fièvre, les
sueurs nocturnes et la toux sont parfois absentes ; on
4S32
8ème WORKSHOP DE PNEUMOLOGIE
retrouve plus volontiers une dyspnée, une perte
d’appétit, une perte de poids et une désorientation
temporo-spatiale. Au plan radiologique, la miliaire est
proportionnellement plus fréquente ; les lobes les plus
souvent atteints sont les lobes moyen et inférieurs.
Les patients sont plus souvent bacillifères et l’on
retrouve plus fréquemment des antécédents de tuberculose.
Aux USA, parmi 12 946 nouveaux résidents d’une
maison de retraite, 12 % avaient une intradermo-réaction
positive. Parmi 13 441 anciens résidents, 21 % avaient
une intradermo-réaction positive.
LA TUBERCULOSE DANS LES RÉSIDENCES
POUR PERSONNES ÂGÉES :
REVUE DE LA LITTÉRATURE
– 5 % par an dans les résidences ayant un cas de
tuberculose dans les trois années précédentes,
A propos d’un cas (4)
En 1975, est identifié un cas de tuberculose-infection chez une personne vivant dans une résidence pour
personnes âgées. Aucun traitement préventif n’est
entrepris.
En 1979, la personne commence à se plaindre de
perte de poids, d’une toux. La recherche de BAAR n’est
pas faite.
En novembre 1980, le diagnostic de tuberculosemaladie est porté sur la présence de BAAR dans l’expectoration.
Un dépistage est alors entrepris dans la maison de
retraite :
– 59/91 résidents (65 %) avaient une intradermoréaction positive. Parmi eux, 5 ont développé une tuberculose-maladie. Le profil génomique des souches des
malades était le même que celui de la souche du casindex,
– 38/87 employés (44 %) avaient une intradermoréaction positive, dont un a développé une tuberculose-maladie avec une souche identique à celle du casindex.
A propos de deux tuberculoses bacillifères (5)
A la suite de deux cas de tuberculose bacillifère, un
dépistage a été réalisé dans la maison de retraite : 213
sujets-contacts ont été identifiés.
Parmi eux, 23 employés et 11 résidents présentaient
un virage tuberculinique : il n’a été retrouvé aucun autre
cas de tuberculose-maladie ; il n’a pas été possible
d’identifier le cas-index.
L’étude de Stead et al. (6)
Il y avait donc 80 % de sujets indemnes de tuberculose-infection et susceptibles d’être infectés s’ils se
trouvaient exposés. Le taux de conversion des sujets
ayant une intradermo-réaction négative à l’entrée était
estimé à :
– 3,5 % par an dans les résidences n’ayant pas de cas
de tuberculose connu.
La tuberculose représente donc bien un risque d’infection de type nosocomial dans les résidences pour personnes âgées.
EN CONCLUSION
La tuberculose est fréquente chez les sujets âgés. Il
peut s’agir d’une réactivation ou d’une infection acquise
récemment.
Parmi les cas de tuberculose des sujets de plus de
75 ans, 17 % sont identifiés dans les collectivités.
Les caractéristiques cliniques ne sont pas spécifiques,
et font parfois errer le diagnostic, quand celui-ci n’est pas
purement et simplement posté post-mortem. Plus de la
moitié de ces cas sont contagieux, car bacillifères.
RÉFÉRENCES
1. Decludt B, Campese C, Institut de Veille Sanitaire : Les cas
de tuberculose déclarés en France 2000. Bull Epidemiol
Hebd 2002;16:68-70.
2. Dutt AK, Stead WW : Tuberculosis in the elderly. Med clin
North Amer 1993;77:1353-68.
3. Stead WW, Dutt AK : Tuberculosis in elderly persons. Annu
Rev Med 1991;42:267-76.
4. CDC : MMWR 11 1983;32(9):121-2.
5. Kovach CR, Shore B : Managing a tuberculosis outbreak.
Geriatr Nurs 1991;1:29-30.
6. Stead WW, Lofgren JP, Warren E, Thomas C : Tuberculosis
as an endemic and nosocomial infection among the elderly
in nursing homes. N Engl J Med 1985;312:1483-7.
INFECTION TUBERCULEUSE ÉPIDÉMIQUE EN MILIEU INSTITUTIONNEL
4S33
Prise en charge et prévention de la tuberculose épidémique
en milieu institutionnel
E. BOUVET (Paris)
Les données spécifiques sur les personnes en institution manquent. Les règles appliquées en population
générale s’appliquent aussi dans ces situations.
CLINIQUE
– la présence d’une toux importante ou l’exécution
de manœuvres expiratoires,
– la détection de BAAR à l’examen direct des sécrétions bronchiques, ce qui témoigne d’une concentration
bacillaire > 10 000/ml,
– la présence d’excavations sur la radiographie thoracique,
Mycobacterium tuberculosis peut provoquer une
“primo”-infection tuberculeuse ou une tuberculose
maladie.
– l’absence de traitement efficace ou le retard diagnostique,
La tuberculose infection est dépistée par l’intradermoréaction (IDR) à la tuberculine. Ce test est le seul
validé pour les sujets de plus de trois ans. Le monotest
n’est pas recommandé. Le problème majeur qu’il pose
en France est celui de son interprétation lorsque le sujet
testé a été vacciné par le BCG (aux USA, en l’absence
de vaccination systématique obligatoire, l’IDR est un
précieux outil).
– leur statut immunitaire (VIH, traitements immunosuppresseurs, diabète, alcoolisme, malnutrition),
La tuberculose maladie est la conséquence d’une
infection aiguë ou d’une réactivation de bacilles quiescents qui peut survenir dans un délai allant de 1 à 70 ans
après l’infection. Elle se manifeste au plan clinique par
des symptômes variables selon l’organe atteint, le plus
souvent respiratoires (toux, expectoration, hémoptysie)
accompagnés ou non de signes généraux (fièvre, amaigrissement, asthénie, anorexie).
Les examens complémentaires, comme la radiographie thoracique et la recherche de BAAR dans les sécrétions bronchiques, peuvent orienter et même affirmer le
diagnostic en cas de découverte de bacilles.
La contagiosité de la tuberculose dépend de plusieurs
facteurs impliquant :
• au niveau du sujet malade, émetteur de bacilles :
– les localisations pulmonaires et laryngée qui sont
les seules contagieuses,
• au niveau des sujets-contacts :
– l’âge (enfants, adolescents, vieillards),
– l’existence d’une vaccination antérieure par le BCG,
– l’étroitesse du contact : dans une méta-analyse
concernant 8 000 cas de tuberculose à BAAR positifs à
l’examen direct, on a retrouvé 20,2 % de nouvelles
infections parmi les personnes vivant dans le même
foyer, 3,7 % parmi les proches parents ou amis et 0,3 %
parmi les collègues. Une étude familiale réalisée dans les
Pays-Bas entre 1950 et 1960 a évalué le taux d’infections parmi les sujets-contacts : il y avait 65 % de sujets
infectés (IDR+) quand le patient-contact avait des
BAAR à l’examen direct dans ses sécrétions bronchiques, 26,8 % quand l’examen direct était négatif,
mais les cultures positives et 17,6 % quand examen
direct et cultures étaient négatifs.
PRISE EN CHARGE
Pour diagnostiquer l’infection tuberculeuse
Il n’existe qu’une seule méthode : l’IDR à la tuberculine. On utilise 0,1 ml de tuberculine qui est injecté
4S34
8ème WORKSHOP DE PNEUMOLOGIE
dans le derme sur la face antérieure de l’avant-bras.
La lecture de la réaction se fait 72 heures plus tard :
on mesure le diamètre transversal de l’induration en
millimètres. On peut répéter le test 2 mois plus tard
s’il est négatif initialement. En effet, le délai d’apparition de la réponse immunitaire s’échelonne entre 2 à
14 semaines après le contact potentiellement infectant. Il existe de nombreuses difficultés d’interprétation de ce test : l’existence d’une vaccination antérieure par le BCG, d’une immunosuppression, l’effet
booster qui est mal évalué pour les sujets de plus de
50 ans.
Quelles sont les recommandations
pour la population générale ?
Lors de la première visite chez un sujet-contact*
IDR 10 UI
Induration ≥ 10 mm
Induration < 10 mm
Examen clinique et
radiographie thoracique
Normale
Comment authentifier une infection
chez les sujets-contacts ?
Chez les sujets n’ayant pas été vaccinés : l’IDR passe
d’un diamètre < 10 mm à un diamètre > 10 mm avec au
moins 10 mm de différence. Chez les sujets ayant été
vaccinés : l’induration augmente d’au moins 10 mm,
quelle que soit sa valeur de départ. La surveillance des
sujets-contacts doit durer deux ans, délai pendant lequel
le risque infectieux est maximal.
Si examen clinique normal :
chimioprophylaxie à discuter
chez < 15 ans en contact étroit
Anormale
Si examen clinique normal :
chimioprophylaxie à discuter
Bilan complet
et traitement
Deuxième visite à 2 mois
IDR 10 UI
Induration < 10 mm
Induration augmentée de > 10 mm
Stop
Examen clinique et radiographie thoracique
Qui doit-on dépister ?
On pratique tout d’abord une sélection des sujetscontacts par la méthode du caillou dans la mare : les
contacts sont classés en “étroit”, “régulier” et “occasionnel”. Si un cas d’infection est détecté dans le premier cercle, on élargit le dépistage au deuxième cercle
et ainsi de suite. Si au contraire, aucun cas n’est dépisté
dans le premier cercle, on stoppe le dépistage. Dans le
cas particulier de l’institution, deux populations sont à
distinguer : le personnel soignant et les autres membres
résidents de l’institution. Mais la méthode du caillou
dans la mare reste adaptée pour ces deux types de population.
Comment doit-on dépister ?
On pratique une IDR et si l’IDR est > à 10 mm ou
s’il s’agit d’un enfant de moins de 5 ans ou d’un sujet
âgé ou immunodéprimé, on réalise une radiographie
thoracique.
Normale
Si examen clinique normal :
chimioprophylaxie à discuter
Anormale
Bilan complet
et traitement
* Ces recommandations sont à adapter et à moduler en fonction de deux
critères majeurs : la contagiosité du cas-index (non bacillifère à très bacillifère) et le terrain du sujet contact (VIH, immunodéprimé, âge, etc.).
PRÉVENTION
Les mesures à prendre pour diminuer le risque de
transmission nosocomiale sont :
1) faire un diagnostic précoce des patients infectés et
donner une chimioprophylaxie aux sujets immunodéprimés et au personnel soignant ;
2) donner un traitement adapté dans les cas de tuberculose-maladie ;
3) appliquer les mesures d’isolement respiratoire :
– en cas de forte suspicion de tuberculose-maladie,
INFECTION TUBERCULEUSE ÉPIDÉMIQUE EN MILIEU INSTITUTIONNEL
– pour les patients contagieux : jusqu’à négativation
de l’expectoration, ce qui nécessite en général deux à
trois semaines,
– dans les zones à risque ou lors de procédures particulières : expectorations induites, aérosols de pentamidine, fibroscopie bronchique, intubation et ventilation
mécaniques,
4S35
– le nombre de visiteurs doit être réduit au minimum et
ceux-ci doivent porter un masque. Il faut faire particulièrement attention à éviter les visites des sujets VIH positifs,
– le personnel médical doit porter un masque,
– toute procédure induisant une toux doit être proscrite : aérosol, kinésithérapie, expectoration induite, etc.
4) surveiller la tuberculose dans l’établissement :
– déclaration obligatoire,
– identification du bacille en cause et de la souche,
– surveillance de la résistance,
– enquête pour évaluer la tuberculose en rétrospectif,
– enquête dans le personnel soignant.
Quelques remarques sur les bonnes pratiques
concernant l’isolement respiratoire des patients contagieux :
– le patient doit être isolé en chambre seule. La porte
doit rester fermée. Les déplacements du patient hors de
la chambre doivent être réduits au minimum. Si le
patient se déplace, il doit porter un masque,
RÉFÉRENCES
1. Tattevin P, Casalino E, Fleury L, Egmann G, Ruel, Bouvet E : The validity of medical history, classic symptoms,
and chest radiographs in predicting pulmonary tuberculosis.
Chest 1999;115:1248-53.
2. Schwoebel V, Hubert B, Desenclos JC : Investigations à
conduire autour d’un cas de tuberculose ou de primo-infection
tuberculeuse récente. Bull Epidémiol Hebd 1994;9:39-43.
3. Behr MA, Warren SA, Salamon H, et al. : Transmission of
Mycobacterium tuberculosis from patients smear-negative
for acid-fast bacilli. Lancet 1999;353:444-9.
4. Bouvet E, Desenclos JC : Recommandations pour la prévention de la transmission de la tuberculose dans les lieux
de soins. Méd Mal Infect 1993;23:99-102.
5. Bouvet E : Tuberculose pulmonaire nosocomiale. Rev Pneumol Clin 2001;57:139-44.
Infection tuberculeuse épidémique en milieu institutionnel :
conclusions, synthèse et perspectives
S. BIROLLEAU, B. DAUTZENBERG (Paris)
Le terme “institution” est mal défini. Le moyen et le
long séjour sont des “institutions”, mais les maisons de
retraite médicalisées posent des problèmes voisins.
Les personnes “âgées” par définition ont plus de
65 ans. Mais en fait, le plus souvent, l’âge moyen est de
80 ans, voire plus.
ÉPIDÉMIOLOGIE
On manque de données spécifiques concernant les
sujets vivant en institution en France. Cependant, on dispose de données sur la tuberculose en France, la tuberculose des personnes âgées en France et la tuberculose
des personnes âgées vivant en institution aux USA.
En France, les données épidémiologiques sont basées
sur la déclaration obligatoire (DO) qui ne recense que les
cas de tuberculose-maladie. Elle est indirectement nominative. Depuis 1990, il existe un logiciel BK dans tous
les départements. L’exhaustivité varie de 27 à 68 %
selon les départements. En 1999, elle était de 59,3 % en
Gironde. Mais il n’existe actuellement aucun registre
national.
Jusqu’à présent, on observait depuis une vingtaine
d’années une diminution de l’incidence de la tuberculose
de 6 % par an. Depuis 1997, l’incidence est de 11/100 000
habitants. La tuberculose touche beaucoup plus les sujets
immigrés que les Français. En ce qui concerne les personnes âgées, l’incidence est de 19/100 000 habitants pour
les plus de 65 ans et de 27/100 000 pour les plus de 75 ans.
4S36
8ème WORKSHOP DE PNEUMOLOGIE
A noter que même chez les personnes âgées, l’incidence
de la tuberculose diminue de 2 % par an. Parmi les tuberculoses déclarées touchant les personnes âgées, 17 % proviennent d’institutions ; 63 % d’entre elles sont des tuberculoses bacillifères. La grande majorité (80 %) des plus de
70 ans a été infectée avant 1950.
dans 58 % des cas. Dans 16 % des cas, les sujets âgés ont
des antécédents de tuberculose.
Il existe quelques données dans la littérature sur la
tuberculose en institution. D’après ces études, le risque
relatif pour une personne âgée vivant en institution de
développer une tuberculose est de quatre par rapport à
une personne âgée vivant à son domicile. Aucune définition de l’âge n’est donnée. La promiscuité vis-à-vis du
cas-index augmente le risque de tuberculose. La clinique, souvent trompeuse, entraîne un retard diagnostique ; il existe des décès avant que le diagnostic n’ait été
posé. Quatre-vingt pour cent des cas de tuberculose survenant en institution sont des réactivations et 20 % des
infections de novo.
Il y a 700 décès par an en France dus à la tuberculose. Chez les hommes, la mortalité par tuberculose
est de 200/million de décès. Chez les femmes, elle est
de moitié.
Un cas a été décrit dans la littérature d’une personne
âgée tuberculeuse vivant en institution et pour laquelle le
diagnostic n’a été porté que 1 an après le début des
signes cliniques et 5 ans après le contage. Ce patient
avait infecté 65 % des résidents et 44 % des membres du
personnel soignant, dont respectivement 6 % et 2 % ont
développé une tuberculose-maladie.
Une autre étude rapporte deux cas de tuberculose
bacillifère responsable, dans une institution, de l’infection de 23 personnes parmi le personnel soignant et de
11 résidents sur 213 sujets-contacts.
Une étude de Stead et al. portant sur 12 196 sujets
âgés entrant en institution aux USA a retrouvé 12 %
d’IDR positives, alors que 21 % des sujets déjà résidents
avaient une IDR positive. Il existe donc une augmentation de 5 % par année de vie en résidence du taux d’IDR
positives lorsqu’un cas de tuberculose-maladie est diagnostiqué dans les trois ans précédant et de 3,5 % par an
lorsque aucun cas n’a été déclaré dans l’institution.
En conclusion, les données sur la tuberculose des
personnes vivant en institution en France manquent. Des
études portant sur l’incidence de l’infection et de la
maladie pourraient être utiles pour établir des schémas
de décision afin d’assurer un meilleur contrôle.
La fièvre est souvent absente. Il y a peu de toux. Les
sujets se plaignent de dyspnée, de perte de poids et ont
des signes généraux. La miliaire semble plus fréquente.
Les lobes moyen et inférieur sont plus souvent touchés.
En conclusion, compte tenu de ces particularités cliniques, il existe probablement souvent un retard diagnostique, ce qui accroît le risque d’infection chez les
sujets-contacts.
DÉPISTAGE DE LA TUBERCULOSE
CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES VIVANT
EN INSTITUTION
L’utilisation des tests tuberculiniques chez les personnes âgées se résume à celle de l’IDR à la tuberculine.
Mais l’IDR présente des problèmes : de fiabilité et d’approvisionnement, mais aussi d’interprétation avec le
possible effet booster. Il n’y a pas de données portant sur
les IDR tuberculiniques chez les personnes âgées en
France. Il n’existe que des données pour les USA où la
tuberculine utilisée est différente.
En ce qui concerne la radiographie thoracique, il
n’existe pas en France de données justifiant ou non son
utilisation. Or, l’intérêt du traitement préventif d’une
tuberculose-maladie à partir de lésions fibreuses radiographiques n’ayant jamais été traitées auparavant, est
démontré (par INH pendant 9 mois ou PZA + RMP pendant 2 mois).
Par ailleurs, on ne connaît pas le risque d’évolution
de la tuberculose-infection vers la tuberculose-maladie
chez la personne âgée. Le taux de protection du BCG
n’est pas non plus connu à cet âge.
CLINIQUE
La surveillance des sujets-contacts doit se faire par
l’IDR. Celle-ci vire entre 2 et 4 semaines après le
contage. Si elle est négative initialement, il faut la refaire
2 mois plus tard, en tenant compte du fait que l’effet
booster est plus important chez la personne âgée.
La localisation de la tuberculose des personnes âgées
est pulmonaire dans 73 % des cas. Des BAAR sont
retrouvés à l’examen direct des sécrétions bronchiques
Faut-il faire un dépistage des sujets à l’entrée en institution ? Parmi les avantages, on compte sur le fait que
l’on dépisterait aussi les sujets malades et les formes
séquellaires ou quiescentes. Mais, du fait du BCG, on ne
INFECTION TUBERCULEUSE ÉPIDÉMIQUE EN MILIEU INSTITUTIONNEL
dispose pas d’outil d’interprétation facile pour dépister
l’infection. Dans ce cas, faut-il dépister l’infection ? Aux
USA, la réponse est oui, car l’IDR est interprétable et
conduit à une prophylaxie. En France, la réponse est
inconnue. Il faudrait pour y répondre faire une étude
comparant l’intérêt d’un dépistage par la radiographie
thoracique systématique versus l’IDR versus l’IDR + la
radiographie versus abstention (pas de dépistage) et
suivre les sujets pendant un à deux ans après l’entrée en
institution.
4S37
surveillance radiologique et biologique de l’efficacité et
des effets secondaires. Sinon, il est préférable de faire
hospitaliser une quinzaine de jours la personne malade.
L’isolement respiratoire nécessite la mise du patient
en chambre seule, le port d’un masque de protection respiratoire (ayant moins de 25 % de fuites, filtrant plus de
99 % des particules de moins de 1 micron) (masque P2).
A noter que, concernant la qualité des masques, il n’y a
pas de recommandation officielle.
La durée de l’isolement est en général de 15 jours en
institution pour les sujets BAAR positif.
PRÉVENTION AUTOUR D’UN CAS
Seules les tuberculoses pulmonaires ou laryngées
sont contagieuses. Le risque est maximum si :
– il y a des excavations sur la radiographie thoracique,
– il y a plus de 10 000 BAAR/ml (examen direct
positif),
– il n’y a pas de traitement efficace,
– il existe une toux importante.
EN CONCLUSION
Le débat sur la tuberculose des sujets âgés vivant en
institution est difficile en raison du manque de données.
Des études sont nécessaires pour aider au contrôle de
cette maladie.
Il est important de faire des tubages lorsque le patient
ne crache pas.
DISCUSSION ET COMMENTAIRES
Le risque est maximum pendant les deux premières
années. On surveille la variation de l’induration de l’IDR
qui doit être supérieure à 10 mm pour être considérée
comme décelant une infection.
P. PETITPRETZ : Concernant l’effet booster, a-t-on
une idée du délai au-delà duquel il n’est plus à prendre
en compte ?
Qui doit-on dépister ? Les pensionnaires et les soignants, en suivant la méthode du caillou dans la mare
décrite précédemment.
Comment doit-on procéder ? En s’aidant de la clinique, de l’IDR et de la radiographie thoracique.
Faut-il traiter systématiquement les primo-infections
tuberculeuses à cet âge ? La réponse est oui aux USA.
En France, c’est oui si le virage est récent et non dans les
autres cas.
Quelles sont les mesures à prendre pour diminuer le
risque d’épidémie ? la chimioprophylaxie, le diagnostic
précoce des cas de maladie, l’isolement respiratoire des
sujets malades et la surveillance de la tuberculose dans
l’établissement.
TRAITEMENT
Le traitement est le même que pour les sujets jeunes.
On peut instaurer le traitement dans l’institution à condition qu’il soit possible d’isoler le patient, de conduire une
E. BOUVET : En fait, il semblerait que ce délai soit
très variable de quelques semaines à quelques mois. Les
données concernant spécifiquement les sujets âgés manquent.
B. DAUTZENBERG : Faut-il traiter systématiquement les infections tuberculeuses, en particulier chez les
sujets âgés entrant en institution. Les recommandations,
formellement en faveur du traitement aux USA, sont
moins claires en France. Une étude a cependant montré
que l’incidence de la survenue d’une tuberculose-maladie après chimioprophylaxie baissait de moitié, surtout
si le sujet avait été infecté avant l’introduction des antituberculeux en France. Le rapport bénéfice/risque plaide
en faveur du traitement des lésions fibreuses, mais par un
régime contenant de la rifampicine.
P. PETITPRETZ : Sur quoi repose la durée de
15 jours préconisée pour l’isolement des patients contagieux ? Certaines équipes isolent les patients pendant ce
délai, alors que d’autres maintiennent l’isolement jusqu’à la négativation de l’examen direct de trois prélèvements consécutifs de sécrétions bronchiques. Certaines
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8ème WORKSHOP DE PNEUMOLOGIE
maisons de repos ou de convalescence exigent d’ailleurs
ces résultats avant d’accepter un malade.
E. BOUVET : En général, les patients qui ont été
traités pendant deux semaines ne sont plus contagieux.
B. DAUTZENBERG : Il faut peut-être nuancer la
durée d’isolement en fonction des sujets que le patient
traité va côtoyer. Elle pourrait être prolongée si les
sujets-contacts étaient VIH positifs ou immunodéprimés
ou s’il s’agissait de jeunes enfants.
S. BIROLLEAU : Par qui doit être traité un patient
tuberculeux lorsqu’il est en institution et qu’il existe des
difficultés d’accès aux examens complémentaires ? Il
semble plus raisonnable de transférer les patients dans
un centre hospitalier.
M.C. DOMBRET : La situation peut être évaluée au
cas pas cas. Il n’est pas toujours nécessaire d’instituer un
traitement antituberculeux en milieu hospitalier.
A. TAYTARD : Le problème majeur pour prendre
une décision en institution est que l’on ne dispose d’aucune donnée concernant le nombre de personnes âgées
ayant des IDR positives ou négatives, ou la fréquence
des anomalies radiographiques à leur entrée en institution. Cela gêne considérablement le dépistage après la
découverte d’un cas de tuberculose-maladie.
B. DAUTZENBERG : Cela pourrait faire l’objet d’une
enquête : combien de sujets entrant en institution en France
ont une IDR positive et/ou des anomalies radiographiques ?
Sans ces données préalables, il est difficile de recommander une conduite à tenir en cas de découverte d’un
cas de tuberculose-maladie dans une institution. Il faudrait aussi s’intéresser au bénéfice de traiter systématiquement les sujets infectés et ayant des séquelles radiologiques d’infection tuberculeuse, surtout si la primoinfection a eu lieu avant 1950.
J. GAILLAT : Quelle est la fréquence des IDR négatives chez les sujets âgés, y compris en cas de tuberculose confirmée ?
B. DAUTZENBERG : On ne sait pas. Il semble que
d’un côté la fréquence des IDR positives diminue avec
l’âge du fait de la baisse d’efficacité du BCG, mais que
d’un autre côté elle augmente du fait de l’augmentation
de la fréquence de la tuberculose dans cette population.
En tout cas, il ne faut pas faire d’IDR chez un patient
qui a une tuberculose évolutive et confirmée, car c’est
inutile et elle peut être à l’origine d’une réaction de
nécrose cutanée très douloureuse.
C. CATTENOZ : Le problème des personnes âgées
est qu’elles sont souvent atteintes de plusieurs patholo-
gies en même temps et de malnutrition. L’IDR négative
est même utilisée comme reflet de la malnutrition ; 80 %
des personnes âgées sont dénutries et 70 % d’entre elles
sont très dénutries.
B. DAUTZENBERG : Il semble que 12 % des sujets
de plus de 80 ans aient une IDR positive.
J. BELMIN : Une étude personnelle réalisée avec le
multitest a révélé que 15 à 20 % des sujets étaient totalement anergiques. En revanche, sur les radiographies
thoraciques, les séquelles fibreuses sont très communes.
B. DAUTZENBERG : Il faudrait distinguer les personnes infectées avant 1970 de celles infectées après
cette date. Avant 1970, la rifampicine n’était pas utilisée.
Dans ce cas, les séquelles de tuberculose peuvent contenir des bacilles encore quiescents et une chimioprophylaxie pourrait éviter ou diminuer le risque de passage à
la tuberculose-maladie évalué, sans traitement, à 10 %
par 5 ans.
R. AZARIAN : Le schéma thérapeutique prophylactique de deux mois associant PZA et RPM est-il validé ?
B. DAUTZENBERG : Ce schéma est validé chez le
sujet VIH ; il n’y a pas de données chez le sujet âgé. En
tout cas, les 2 schémas, de 9 mois et de 2 mois, sont
recommandés par l’OMS.
P. PETITPRETZ : La tuberculose représente-t-elle un
réel problème significatif pour les gériatres ? Est-ce fréquent ? Les gériatres sont-ils préoccupés par une épidémie ?
J. BELMIN : Il est vrai que dans notre service de 185
lits dont 105 lits de long séjour, le diagnostic est souvent
évoqué, mais en fait, peu de cas sont documentés en raison surtout de difficultés d’exploration. Il ne s’agit pas
d’un problème fréquent : un cas par an, voire moins. La
durée moyenne de séjour est de trois ans ; et l’on ne sait
pas si la tuberculose est acquise en long séjour ou existait avant l’admission.
B. DAUTZENBERG : On repose donc le problème
de savoir si les lésions fibreuses doivent être traitées.
C. MAYAUD : Il faut considérer les sujets âgés
comme des sujets immunodéprimés et dans cette dernière population, il a été montré que la chimioprophylaxie en cas de lésions fibreuses diminuait le passage à la
tuberculose-maladie. Ainsi, par analogie, on pourrait
escompter un bénéfice du traitement similaire chez les
sujets âgés, mais le risque en serait différent ; il conviendrait donc d’évaluer le rapport bénéfice/risque du traitement prophylactique dans cette situation.
INFECTION TUBERCULEUSE ÉPIDÉMIQUE EN MILIEU INSTITUTIONNEL
B. DAUTZENBERG : Combien d’entrées par an y at-il dans les long séjours ?
J. BELMIN : Dans notre service, il y a environ 30
entrées par an.
C. CATTENOZ : Dans notre unité de long séjour
comprenant 350 lits, il y a environ 100 à 120 entrées par
an. Il y est diagnostiqué un cas par an de tuberculose sans
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que l’on puisse différencier une primo-acquisition d’une
réactivation. Mais, il est vrai qu’il y a vis-à-vis de la
tuberculose un réel problème de tolérance de la part du
personnel soignant, des autres malades et des familles.
B. DAUTZENBERG : Avec autant d’entrées annuelles, l’étude de prévalence IDR/radiographie devient
sérieusement envisageable.
© Masson, Paris, 2002
Le Directeur de la Publication : Gérard Kouchner
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Imprimé par Technic Imprim, Les Ulis (91)
N° 309008Y : 4e trimestre 2002.
Dépôt légal : à parution
Printed in France
ISSN 0761-8417 — Commission paritaire : 1004T82157
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