Licence Droit – 2006/2007 Principes généraux du Droit constitutionnel
Séparation des pouvoirs et typologie des régimes 5
anglais contemporain, caractérisé par le
leadership gouvernemental et
l’inconditionnalité de la majorité, fruits l’un et
l’autre du système de partis, des observateurs
politiques notent un « présidentialisme » larvé.
1. Les règles juridiques
Ce sont essentiellement les vues de Locke et
de Montesquieu sur la séparation des pouvoirs
qui constituent le fondement même des règles
constitutionnelles gouvernant le régime
présidentiel : les deux pouvoirs « politiques »,
législatif et exécutif, sont indépendants l’un de
l’autre, chacun exerçant ses compétences de
façon autonome.
Mais c’est un accident de l’histoire qui a
donné à l’exécutif la forme d’une présidence
élective. En effet, les États-Unis, qui, les
premiers, appliquèrent systématiquement le
principe de séparation, étaient une fédération
de colonies révoltées contre leur monarque et
donc condamnées à un gouvernement
républicain. Dans le même temps, la
monarchie britannique, qui, sur la lancée de la
révolution de 1688 et du Bill of rights, avait
fourni le modèle de la séparation des pouvoirs,
commençait, en infléchissant celle-ci, à
inventer le régime parlementaire.
Le législatif et l’exécutif
Comme tout système démocratique, un
régime présidentiel comporte une ou deux
assemblées élues. Dans le système américain,
la dualité des Chambres au sein du Congrès
tient au fédéralisme qui veut que l’une des
deux Chambres (la Chambre des représentants)
représente les citoyens des États-Unis en tant
que tels et que, par suite, chaque État y envoie
des députés en raison de son importance,
cependant que l’autre (le Sénat) représente les
États membres eux-mêmes, ayant chacun,
quelles que soient son étendue ou sa
population, un nombre uniforme de deux
sénateurs. Néanmoins, la Constitution
française de 1848 (cf. infra ), dans la logique
de l’État unitaire, n’avait prévu qu’une seule
Chambre. L’essentiel est que le pouvoir
législatif est confié dans sa totalité à une ou
deux assemblées.
L’exécutif est, quant à son origine et à sa
nature, caractérisé par deux traits. En premier
lieu, la désignation du président n’appartient
pas aux membres du législatif et, en fait, a lieu
au suffrage universel. Sans doute, dans la
Constitution américaine de 1787, la
désignation des membres du collège électoral
devant désigner, à leur tour, le président
incombait-elle aux législatures des États (c’est-
à-dire aux parlements locaux). Mais le double
effet des révisions constitutionnelles et de
l’évolution vers le suffrage universel a abouti à
ce que ce soient les citoyens qui élisent eux-
mêmes les membres du collège électoral, dont
le vote se porte en principe sur le candidat du
parti pour le compte duquel ils ont été élus.
Finalement, dans la plupart des cas, tout se
passe comme si les citoyens élisaient eux-
mêmes le président. L’essentiel est que
l’investiture de celui-ci ne procède en rien des
membres du législatif (sauf le cas, rarissime,
où une majorité absolue ne se dégagerait pas
au sein du collège électoral et où, en vertu de
la Constitution, le choix reviendrait alors à la
Chambre des représentants).
L’autre trait caractéristique de l’institution
est que le président n’est pas le « chef de
l’exécutif » ; il est l’exécutif. Il n’est pas
seulement chef de l’État, mais aussi chef du
gouvernement au sens le plus fort du terme et
réunit donc sur sa tête toutes les compétences
majeures de l’exécutif. Encore que le terme de
cabinet soit souvent employé pour désigner
l’ensemble des ministres, il n’existe pas de
« gouvernement de cabinet ». Le président
prend conseil de ses ministres, mais décide
seul. On verra plus loin qu’il nomme et
révoque à son gré les ministres.
Ainsi le régime présidentiel s’oppose-t-il sur
des points essentiels au régime parlementaire :
origine élective du président, étrangère à toute
intervention des Chambres ; absence de
distinction entre chef d’État et chef de
gouvernement ; direction « monarchique »,
sans gouvernement de cabinet.
L’autonomie de chacun des deux pouvoirs
L’autonomie de chacun des deux pouvoirs au
regard de l’autre se manifeste par deux
caractères, qui font de nouveau contraste avec
le régime parlementaire.
Tout d’abord, chaque pouvoir a ses
compétences propres dans l’exercice
desquelles l’autre n’intervient pas, sinon