LICENCE DROIT – 1ÈRE ANNÉE
SECTION A
ANNÉE UNIVERSITAIRE 2006/2007
PRINCIPES GÉNÉRAUX DU DROIT CONSTITUTIONNEL
Cours du Professeur Xavier VANDENDRIESSCHE
FICHE 4 : SÉPARATION DES POUVOIRS ET TYPOLOGIE DES RÉGIMES
LA THÉORIE DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS
- Montesquieu, De l'Esprit des Lois - Livre XI, Chapitre VI : De la Constitution d'Angleterre
LA SÉPARATION STRICTE
Aspects théoriques
- Georges VEDEL, « Le régime présidentielle », Encyclopædia Universalis 1995
Aspects pratiques
- Le système présidentiel aux USA :
La Constitution du 17 septembre 1787 (extraits)
Discours de Richard NIXON, le 8 Août 1974
- Le régime “présidentiel” en France : L'exemple de la pratique de la Constitution de 1791
LES RÉGIMES PARLEMENTAIRES
Aspects théoriques :
- Maurice HAURIOU, Précis de Droit constitutionnel
- Léon DUGUIT, Manuel de Droit Public français
- Monisme ou dualisme : J.C. ZARKA, LGDJ 1992 p. 28
Aspects pratiques :
- Le régime britannique :
Les attributions du monarque : "Les systèmes politiques des pays de l'Union européenne", sous la direction de Yves
GUCHET, Ed. armand Colin, 1992.
Institutions du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord
- Le régime parlementaire en Allemagne :
Le constitutionnalisme allemand : Michel FROMONT. Revue POUVOIRS n°66
L'engagement de la responsabilité politique du gouvernement fédéral : Michel FROMONT et Alfred RIEG,
Introduction au droit allemand, T.II.CUJAS. 1984
Le régimes des crises intérieures.
Une démocratie du Chancelier : "Le système politique ouest-allemand" Constance GREWE. PUF 1986, Coll. Que
sais-je?"
- Le régime parlementaire en France
La III° République
La crise du 16 mai 1877
La fonction présidentielle
L'affaire Millerand
L'instabilité ministérielle sous la IIIème République (René CARRÉ DE MALBERG)
La IV° République :
Rapport général sur les institutions par Georges VEDEL, pages 13 à 21 (extraits).
La pratique de la question de confiance sous la IVème République, par Claude-Albert COLLIARD, R.D.P. 1948, p. 220 et s
(extraits).
La dissolution de l'Assemblée nationale, René CAPITANT, Le conflit de la souveraineté populaire et de la souveraineté
parlementaire, Avril-Juin 1954, Les écrits constitutionnels, C.N.R.S, p. 281.
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Séparation des pouvoirs et typologie des régimes 2
LA THÉORIE DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS
Montesquieu
De l'Esprit des Lois - Livre XI, Chapitre VI : De la Constitution d'Angleterre
"C'est une expérience éternelle tout
homme qui a du pouvoir est porté à en
abuser. Il va jusqu'à ce qu'il trouve des
limites ... La vertu même a besoin de
limites".
"Pour qu'on ne puisse abuser du
pouvoir, il faut que, par la disposition
des choses, le pouvoir arrête le
pouvoir".
"Il y a dans chaque Etat trois sortes de
pouvoirs : la puissance législative, la
puissance exécutrice des choses qui
dépendent du droit des gens et la
puissance exécutrice de celles qui dé-
pendent du droit civil.
Par la première, le prince ou le
magistrat fait des lois pour un temps ou
pour toujours, et corrige ou abroge
celles qui sont faites. Par la seconde, il
fait la paix ou la guerre, envoie ou
reçoit des ambassadeurs, établit la
sûreté, prévient les invasions. Par la
troisième, il punit les crimes ou juge les
différends des particuliers. On appellera
cette dernière la puissance de juger et
l'autre simplement la puissance
exécutrice de l'Etat.
La liberté politique, dans un citoyen, est
cette tranquillité d'esprit qui provient de
l'opinion que chacun a de sa sûreté ; et,
pour qu'on ait cette liberté, il faut que le
gouvernement soit tel qu'un citoyen ne
puisse pas craindre un autre citoyen.
Lorsque dans la même personne ou
dans le même corps de magistrature, la
puissance législative est réunie à la
puissance exécutrice, il n'y a point de
liberté parce qu'on peut craindre que le
même monarque ou le même sénat ne
fasse des lois tyranniques pour les
exécuter tyranniquement.
Il n'y a point encore de liberté si la
puissance de juger n'est pas séparée de
la puissance législative et de
l'exécution. Si elle était jointe à la puis-
sance législative, le pouvoir sur la vie et
la liberté des citoyens serait arbitraire ;
car le juge serait législateur. Si elle était
jointe à la puissance exécutrice, le juge
pourrait avoir la force d'un oppresseur.
Tout serait perdu si le même homme
ou le même corps des principaux, ou
des nobles ou du peuple exerçaient ces
trois pouvoirs : celui de faire des lois,
celui d'exécuter les résolutions
publiques et celui de juger les crimes ou
les différends des particuliers.
Comme dans un Etat libre, tout homme
qui est censé avoir une âme libre doit
être gouverné par lui-même, il faudrait
que le peuple en corps eût la puissance
législative ; mais, comme cela est im-
possible dans les grands Etats et est
sujet à beaucoup d'inconvénients dans
les petits, il faut que le peuple fasse par
ses représentants tout ce qu'il ne peut
faire par lui même.
L'on connaît beaucoup mieux les
besoins de sa ville que ceux des autres
villes, et on juge mieux de la capacité
de ses voisins que de celles de ses
autres compatriotes. Il ne faut donc pas
que les membres du Corps législatif
soient tirés en général du corps de la
nation. Mais il convient que, dans
chaque lieu principal, les habitants se
choisissent un représentant.
Le grand avantage des représentants,
c'est qu'ils sont capables de discuter les
affaires. Le peuple n'y est point du
tout propre : ce qui forme un des
grands inconvénients de la démocratie.
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Séparation des pouvoirs et typologie des régimes 3
Il y a toujours dans un Etat des gens
distingués par la naissance, les
richesses ou les honneurs ; mais s'ils
étaient confondus parmi le peuple, et
s'ils n'y avaient qu'une voix comme les
autres, la liberté commune serait leur
esclavage, et ils n'auraient aucun intérêt
à la défendre, parce que la plupart des
résolutions serait contre eux. La part
qu'ils ont à la législation doit donc être
proportionnée aux autres avantages
qu'ils ont dans l'Etat : ce qui arrivera
s'ils forment un corps qui ait droit
d'arrêter les entreprises du peuple,
comme le peuple a le droit d'arrêter les
leurs.
Ainsi, la puissance législative sera
confiée, et au corps des nobles, et au
corps qui sera choisi pour représenter le
peuple, qui auront chacun leurs
assemblées et leurs délibérations à part,
et des vues et des intérêts séparés.
Des trois puissances dont nous avons
parlé, celle de juger est en quelque
façon nulle. Il n'en reste que deux ; et,
comme elles sont besoin d'une
puissance réglante pour les tempérer, la
partie du Corps législatif qui est
composée de nobles est très propre à
produire cet effet.
Le corps des nobles doit être
héréditaire. Il l'est premièrement par sa
nature ; et d'ailleurs, il faut qu'il ait un
très grand intérêt à conserver ses
prérogatives, odieuses par elles-mêmes
et qui, dans un Etat libre, doivent
toujours être en danger.
Mais, comme une puissance héréditaire
pourrait être induite à suivre ses intérêts
particuliers et à oublier ceux du peuple,
il faut que dans les choses où l'on a un
souverain intérêt à la corrompre,
comme dans les lois qui concernent la
levée de l'argent, elle n'ait de part à sa
législation que par sa faculté de statuer.
J'appelle "faculté de statuer" le droit
d'ordonner par soi-même ; ou de
corriger ce qui a été ordonné par un
autre. J'appelle "faculté d'empêcher"
le droit de rendre nulle une résolution
prise par quelque autre : ce qui était la
puissance des tribuns de Rome. Et,
quoique celui qui a la faculté
d'empêcher puisse avoir aussi le droit
d'approuver, pour lors cette approbation
n'est autre chose qu'une déclaration
qu'il ne fait point d'usage de sa faculté
d'empêcher, et dérive de cette faculté.
La puissance exécutrice doit être entre
les mains d'un monarque, parce que
cette partie du gouvernement, qui a
presque toujours besoin d'une action
momentanée, est mieux administrée par
un que par plusieurs ; au lieu que ce qui
dépend de la puissance législative est
souvent mieux ordonné par plusieurs
que par un seul.
Que s'il n'y avait point de monarque, et
que la puissance exécutrice fût confiée
à un certain nombre de personnes tirées
du Corps législatif, il n'y aurait plus de
liberté, parce que les deux puissances
seront unies, les mêmes personnes
ayant quelquefois et pouvant toujours
avoir part à l'une et à l'autre.
La puissance exécutrice doit prendre
part à la législation par sa faculté
d'empêcher ; sans quoi elle sera bientôt
dépouillée de ses prérogatives. Mais si
la puissance législative prend part à
l'exécution, la puissance exécutrice sera
également perdue.
Si le monarque prenait part à la
législation par la faculté de statuer, il
n'y aurait plus de liberté.
Mais, comme il faut pourtant qu'il ait
part à la législation pour se défendre, il
faut qu'il y prenne part par la faculté
d'empêcher (...)".
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Séparation des pouvoirs et typologie des régimes 4
LA SÉPARATION STRICTE
Aspects théoriques :
G. VEDEL « Le régime présidentiel » 1995 Encyclopædia Universalis (Extraits)
La classification juridique des divers
systèmes constitutionnels peut s’opérer d’après
des points de vue différents. Selon les cas,
certains auteurs les classent en s’appuyant sur
le principe de légitimité retenu (dictature du
prolétariat, souveraineté du peuple,
souveraineté nationale, par exemple) ; d’autres,
en se référant au degré de mutabilité des
institutions (constitutions souples ou rigides).
Cependant, encore qu’elle soit susceptible de
se combiner avec d’autres et qu’elle ne
recouvre qu’un aspect partiel des systèmes
constitutionnels, la classification qui est la plus
fréquemment utilisée et que rappellent tous les
ouvrages de droit constitutionnel s’opère par
référence au principe de la séparation des
pouvoirs.
Après avoir recensé les régimes qui
méconnaissent la séparation des pouvoirs, soit
au profit de l’exécutif (dictature), soit au profit
du législatif (gouvernement d’assemblée, dit
aussi gouvernement conventionnel), les auteurs
classiques distinguaient, parmi les régimes
respectueux du principe de séparation, deux
variétés :
D’une part, les régimes pratiquant une
séparation souple des pouvoirs se
caractérisent par le fait que, si le législatif et
l’exécutif ont des compétences et des champs
d’action distincts, ils n’exercent pas moins l’un
sur l’autre une influence réciproque ; cela se
réalise notamment là où les Chambres
contrôlent l’action gouvernementale, peuvent
renverser le gouvernement, et là où le
gouvernement participe à l’élaboration des
lois, peut poser la question de confiance et, le
cas échéant, recourir à la dissolution de l’une
des Chambres.
D’autre part, les régimes pratiquant une
séparation stricte ou rigide des pouvoirs se
manifestent en ce que chaque pouvoir, enfermé
dans des compétences et un champ d’action
déterminés, ne saurait influencer activement
l’autre pouvoir. Tel était notamment, au moins
d’un point de vue théorique, le régime institué
en France par la Constitution de 1791. On
pourrait aussi ranger parmi les régimes de
séparation rigide des pouvoirs, ceux dans
lesquels l’exécutif, ainsi séparé du législatif,
est de forme collégiale, ce qui a amené certains
auteurs à employer pour les désigner l’épithète
« directorial », car c’est la Constitution
française de l’an III qui en fournit le modèle.
Le régime présidentiel, dans l’analyse
juridique classique, est le régime de séparation
rigide des pouvoirs dans lequel l’exécutif est
confié à un président. Pourtant, s’il n’était pas
inutile, ne serait-ce que pour comprendre le
vocabulaire, de rappeler comment se situe et
s’articule dans l’analyse juridique
traditionnelle le régime présidentiel, il faut
bien dire que la réalité politique qu’il offre aux
États-Unis, qui en est le modèle le plus parfait,
et peut-être le seul, est très différente du
schéma qu’on vient de rappeler. Les
institutions et la vie politique ne sont que
partiellement dessinées par les règles
constitutionnelles qui prétendent les régir. La
pratique politique a fortement transformé et
déformé le système de cloisonnement entre
exécutif et législatif qui fonde juridiquement le
régime et dont l’assouplissement, sinon
l’effraction sont nécessaires pour la conduite
des affaires nationales et internationales d’un
État. Le système de partis , d’autre part, est un
élément déterminant de la réalité politique.
Aux États-Unis, la corrélation est étroite entre
l’agencement vécu des pouvoirs et des forces
politiques et le système de partis américain.
Enfin, les transformations et la véritable
mutation qu’ont subies les régimes
parlementaires à l’époque moderne, combinées
avec celles éprouvées par le régime
présidentiel, ont abouti à un résultat
paradoxal : le régime présidentiel à
l’américaine présente aujourd’hui certains
traits que, naguère, on relevait comme
caractéristiques du parlementarisme (et
notamment la recherche incessante de
compromis entre législatif et exécutif),
cependant que, dans le régime parlementaire
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Séparation des pouvoirs et typologie des régimes 5
anglais contemporain, caractérisé par le
leadership gouvernemental et
l’inconditionnalité de la majorité, fruits l’un et
l’autre du système de partis, des observateurs
politiques notent un « présidentialisme » larvé.
1. Les règles juridiques
Ce sont essentiellement les vues de Locke et
de Montesquieu sur la séparation des pouvoirs
qui constituent le fondement même des règles
constitutionnelles gouvernant le régime
présidentiel : les deux pouvoirs « politiques »,
législatif et exécutif, sont indépendants l’un de
l’autre, chacun exerçant ses compétences de
façon autonome.
Mais c’est un accident de l’histoire qui a
donné à l’exécutif la forme d’une présidence
élective. En effet, les États-Unis, qui, les
premiers, appliquèrent systématiquement le
principe de séparation, étaient une fédération
de colonies révoltées contre leur monarque et
donc condamnées à un gouvernement
républicain. Dans le même temps, la
monarchie britannique, qui, sur la lancée de la
révolution de 1688 et du Bill of rights, avait
fourni le modèle de la séparation des pouvoirs,
commençait, en infléchissant celle-ci, à
inventer le régime parlementaire.
Le législatif et l’exécutif
Comme tout système démocratique, un
régime présidentiel comporte une ou deux
assemblées élues. Dans le système américain,
la dualité des Chambres au sein du Congrès
tient au fédéralisme qui veut que l’une des
deux Chambres (la Chambre des représentants)
représente les citoyens des États-Unis en tant
que tels et que, par suite, chaque État y envoie
des députés en raison de son importance,
cependant que l’autre (le Sénat) représente les
États membres eux-mêmes, ayant chacun,
quelles que soient son étendue ou sa
population, un nombre uniforme de deux
sénateurs. Néanmoins, la Constitution
française de 1848 (cf. infra ), dans la logique
de l’État unitaire, n’avait prévu qu’une seule
Chambre. L’essentiel est que le pouvoir
législatif est confié dans sa totalité à une ou
deux assemblées.
L’exécutif est, quant à son origine et à sa
nature, caractérisé par deux traits. En premier
lieu, la désignation du président n’appartient
pas aux membres du législatif et, en fait, a lieu
au suffrage universel. Sans doute, dans la
Constitution américaine de 1787, la
désignation des membres du collège électoral
devant désigner, à leur tour, le président
incombait-elle aux législatures des États (c’est-
à-dire aux parlements locaux). Mais le double
effet des révisions constitutionnelles et de
l’évolution vers le suffrage universel a abouti à
ce que ce soient les citoyens qui élisent eux-
mêmes les membres du collège électoral, dont
le vote se porte en principe sur le candidat du
parti pour le compte duquel ils ont été élus.
Finalement, dans la plupart des cas, tout se
passe comme si les citoyens élisaient eux-
mêmes le président. L’essentiel est que
l’investiture de celui-ci ne procède en rien des
membres du législatif (sauf le cas, rarissime,
où une majorité absolue ne se dégagerait pas
au sein du collège électoral et où, en vertu de
la Constitution, le choix reviendrait alors à la
Chambre des représentants).
L’autre trait caractéristique de l’institution
est que le président n’est pas le « chef de
l’exécutif » ; il est l’exécutif. Il n’est pas
seulement chef de l’État, mais aussi chef du
gouvernement au sens le plus fort du terme et
réunit donc sur sa tête toutes les compétences
majeures de l’exécutif. Encore que le terme de
cabinet soit souvent employé pour désigner
l’ensemble des ministres, il n’existe pas de
« gouvernement de cabinet ». Le président
prend conseil de ses ministres, mais décide
seul. On verra plus loin qu’il nomme et
révoque à son gré les ministres.
Ainsi le régime présidentiel s’oppose-t-il sur
des points essentiels au régime parlementaire :
origine élective du président, étrangère à toute
intervention des Chambres ; absence de
distinction entre chef d’État et chef de
gouvernement ; direction « monarchique »,
sans gouvernement de cabinet.
L’autonomie de chacun des deux pouvoirs
L’autonomie de chacun des deux pouvoirs au
regard de l’autre se manifeste par deux
caractères, qui font de nouveau contraste avec
le régime parlementaire.
Tout d’abord, chaque pouvoir a ses
compétences propres dans l’exercice
desquelles l’autre n’intervient pas, sinon
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