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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - FÉVRIER 2011 - SUPPLÉMENT AU N°429
Le troisième gène isolé fut celui qui est responsable de la
maladie qui était appelée à l’époque èvre hibernienne,
parce que décrite pour la première fois en Irlande. La
découverte que la maladie résulte de mutations dans le
récepteur 1 du TNF (TNFR1) [1] a conduit à un change-
ment de son nom qui est devenu le syndrome TRAPS
pour tumor necrosis factor (TNF) receptor periodic syn-
drome. C’est dans cet article décrivant la découverte du
gène responsable qu’a été introduit le terme de syndrome
auto-in ammatoire. Bien sûr le diagnostic moléculaire fut
immédiatement mis en place et cette fois le mécanisme
impliqué était évident puisque le TNF est l’un des acteurs
majeurs de l’in ammation. La plupart des mutations sont
situées au niveau ou à côté de cystéines impliquées dans
des ponts disulfures et qui jouent un rôle majeur dans la
structure du récepteur. Le mécanisme semble cependant
différent suivant la mutation. Certaines mutations altèrent
le tra c intracellulaire du récepteur, d’autres pourraient
entraîner son auto-activation, d’autres en n conduisent
à une absence de coupure de la partie extracellulaire
d’une partie des récepteurs. Cette fraction extracellulaire
devenue libre et circulante dans le sang est capable de
piéger le TNF. La diminution du nombre de récepteurs
fonctionnels à la surface des cellules et la présence dans
le sang de molécules capables de piéger le TNF, condui-
sent à une rétro-régulation de l’effet du TNF lors de la
réaction in ammatoire.
Le gène responsable de la dernière fièvre héréditaire
connue à l’époque, le syndrome de Muckle et Wells,
fut plus long à découvrir. Il s’agit du gène CIAS1 [6] qui
code une protéine qui a été appelée cryopyrine. C’est
avec cette découverte que le domaine des syndromes
auto-in ammatoires s’est progressivement et fortement
élargi. Il a ainsi été montré que ce gène est à l’origine de
3maladies différentes suivant le site de la mutation : (1)le
syndrome de Muckle et Wells ; (2) l’urticaire au froid ou FCU
(familial cold-induced urticaria) ; (3) et le syndrome CINCA
(chronic infantile neurological cutaneous articular) encore
appelé NOMID (neonatal onset multisystemic in ammatory
disease). Il a aussi été montré que d’autres gènes doi-
vent intervenir puisqu’une même mutation peut conduire
chez certains à un syndrome de Muckle et Wells et chez
d’autres à une urticaire au froid. C‘est surtout l’analyse
de la structure des protéines qui a été particulièrement
féconde en enrichissant la famille des syndromes auto-
in ammatoires de nombreuses entités. Depuis le clonage
du gène MEFV en 1997 les banques de données s’étaient
fortement enrichies. Leur utilisation a permis de montrer
que ce gène possède près de son extrémité NH2 termi-
nale une séquence codant un domaine protéique qui a
été appelée PYRIN et qui est retrouvé dans des dizaines
d’autres protéines dont la plupart sont impliquées dans
des phénomènes in ammatoires [7]. Le domaine PYRIN
d’une protéine est capable de s’associer à un domaine
identique, ou très proche, d’une protéine d’un autre type
possédant aussi un tel domaine. Il s’agit donc d’un domaine
d’interaction entre protéines. Il a été ensuite été montré
que la marenostrine/pyrin peut s’associer au domaine
PYRIN d’une protéine appelée ASC (apoptotic speck-like
protein with caspase recruitmment domain) au cours de la
réaction in ammatoire. Cette protéine ASC est de petite
taille et est simplement constituée de deux domaines :
un domaine PYRIN et un domaine de recrutement des
caspases appelé CARD (susceptible d’interagir avec un
domaine CARD d’une caspase). À la lumière de ces donnés,
le rôle de la marenostrine/pyrin dans le déclenchement de
la réaction in ammatoire devient évident. En effet la mare-
nostrine/pyrin forme un complexe avec la protéine ASC
qui par son autre extrémité interagit avec la caspase-1,
qui possède aussi un domaine CARD, ce qui a pour effet
d’activer cette dernière. Cette caspase-1 est impliquée
dans la réaction in ammatoire et dans l’apoptose. Une
fois active elle transforme la pro-interleukine 1β (IL-1b)
en interleukine 1b dont le rôle majeur dans la réaction
in ammatoire est bien connu. Le complexe marenos-
trine/pyrin, ASC, caspase-1, auquel peuvent s’associer
d’autres protéines a été appelé in ammasome. Il existe
d’autres types d’in ammasomes, impliquant toujours une
caspase, ASC et une série d’autres protéines, dont une
protéine de la famille des protéines à domaine PYRIN et
qui sont spéci ques chacune d’un phénomène in am-
matoire particulier. Le problème non encore résolu est
qu’aucune des mutations du gène MEFV responsables
de FMF ne se trouve dans le domaine PYRIN. L’immense
majorité d’entre elles se trouvent à l’autre extrémité de la
protéine au niveau du 10e et dernier exon qui code pour
un domaine B30-2, lui aussi retrouvé dans des dizaines de
protéines, dont la fonction n’est pas encore connue. Un
nouvel élément a cependant renforcé le modèle. En effet,
le gène CIAS1, dont les mutations sont responsables du
syndrome de Muckle-Wells/FCU/CINCA, comme indiqué
plus haut, contient à son extrémité 5’ une séquence qui
code pour un domaine PYRIN situé à une position à peu
près identique à celui de la marenostrin/pyrin. Il est donc
vraisemblable que cette protéine induit une in ammation
suivant le même mécanisme. Mais là encore l’ensemble
des mutations sont situées largement en dehors de cette
région. On pense donc aujourd’hui que l’in ammation
observée résulte de l’activation de la pro-IL-1β en IL-
1b par la caspase-1 qui interagit avec la protéine ASC
associée soit à la marenostrin/pyrin soit à la cryopyrine. Il
reste à expliquer pourquoi les mutations des deux gènes
conduisent à une activation périodique du complexe.
L’analyse de la structure de la cryopyrine codée par le
gène CIAS1 a montré qu’elle contient deux domaines,
appelés NBD (nucleotide binding domain) et LRR (leucine
rich repeat) retrouvés aussi dans les protéines NOD1 et
NOD2. Cette dernière est aussi appelée CARD15 et elle a
été impliquée dans deux syndromes ayant une forte com-
posante in ammatoire : le syndrome de BLAU (polyarth-
rite granulomateuse de l’enfant), et la maladie de Crohn.
Ces maladies s’ajoutent donc à la liste des syndromes
auto-in ammatoires, tout comme plus récemment le syn-
drome PFAPA ( èvre périodique, aphtose, pharyngite et
adénite). Il est vraisemblable que d’autres maladies ayant
des caractéristiques cliniques proches : la maladie de
Behçet, la maladie de Majed, la maladie de STILL et les
abcès aseptiques, rejoindront la liste lorsque les gènes
impliqués seront découverts. Tout récemment s’est ajoutée
la goutte puisqu’il a été montré que les cristaux d’acide
urique sont capables, par un mécanisme non connu, d’in-
duire un in ammasome en activant la cryopyrine. Dans les